Communiqué
Séance du 6 mars 2012

Publicité pour l’alcool : pour un retour à l’esprit de la loi Evin

MOTS-CLÉS : alcool. publicité
Alcohol : for a return to the spirit of Evin’s law
KEY-WORDS : advertising astopic. alcohols

Gérard Dubois * et Roger NORDMANN *, Roger Nordmann *

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en relation avec le contenu de cet article

Gérard DUBOIS * et Roger NORDMANN *

Depuis le vote de la loi du 10 janvier 1991, dite loi Evin, de nombreux reculs législatifs et réglementaires ont conduit à la situation défavorable constatée dans le rapport 2011 de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) du Ministère de la santé sur l’état de santé de la population en France [1] : ralentissement de la baisse de consommation, augmentation des usages à risque et des ivresses répétées chez les jeunes.

Ce rapport estime à 12,4 litres d’alcool pur par habitant de quinze ans et plus la consommation des Français en 2009, soit plus de 40 g par jour pour les hommes et un peu moins de 20 g pour les femmes. Malgré une diminution de 14 % entre 1999 et 2009 (2 litres), l’objectif de la loi de santé publique d’une baisse de 20 % entre 1999 et 2008 n’a pas été atteint. Pire, « depuis 2005 le rythme s’est nettement ralenti ».

Le même rapport « observe chez les plus jeunes un accroissement des usages à risques, chez les hommes comme chez les femmes, en particulier chez les femmes jeunes entre 18 et 24 ans ». Il faut ajouter à ce constat le bond des ivresses répétées (au moins 3 dans l’année) à l’âge de 17 ans entre 2003 et 2005, de 26 à 33 % pour les garçons, de 12 à 18 % pour les filles. Ces niveaux élevés sont encore observés en 2008 et subissent une nouvelle augmentation en 2011 [2], ainsi que les ivresses régulières (au moins dix dans l’année), et même les usages réguliers progressent de 18 %. Déjà en 2007, l’Académie avait fait part de son inquiétude sur l’évolution de l’alcoolisation des jeunes [3].

La loi du 10 janvier 1991 avait pour principes originels d’interdire la publicité sur les supports qui s’imposent à tous et d’en limiter la forme sur les supports autorisés. On peut noter que la proposition d’une exception pour les enseignes dans les zones de production a conduit à remplacer « enseignes » par « affiches », puis à décider que toute la France était zone de production, rétablissant ainsi l’affichage, une des formes les plus visibles de publicité. Les « buvettes » en milieu sportif ont été progressivement rétablies, puis totalement libéralisées. Enfin, la publicité pour l’alcool a été autorisée en 2009 sur Internet, bien que ce soit un support médiatique particulièrement affectionné des jeunes.

Ces nombreux reculs législatifs et réglementaires ont dorénavant des consé- quences visibles.

Considérant que :

— les objectifs de la loi de santé publique de 2004 ne sont pas atteints en ce qui concerne l’alcoolisation des Français, — la consommation baisse plus lentement et reste à un niveau élevé, — les ivresses répétées ont augmenté chez les jeunes depuis 2003 et que cette situation s’aggrave.

l’Académie nationale de médecine recommande — d’interdire la publicité des boissons alcooliques sur les supports qui s’imposent à tous (l’affichage sur la voie publique et les transports en commun, la télévision, la radio, le cinéma et l’internet), — de limiter les messages publicitaires à la seule description du produit (nature, contenu en alcool), — de rendre plus évident par sa taille, son contraste et sa visibilité le logo ou l’avertissement recommandant de s’abstenir de toute consommation d’alcool pendant la grossesse.

BIBLIOGRAPHIE [1] L’état de santé de la population en France. Suivi des objectifs annexés à la loi de santé publique. Rapport 2011 , Paris : Ministère de la Santé, 2011/11, 340p.

http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Etat_sante-population_2011.pdf [2] Estimations 2011 des consommations de produits psychoactifs à 17 ans. OFDT. Note confidentielle à l’attention du Président de la MILDT. 25 novembre 2011, 8p.

http://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxstra.pdf [3] Nordmann R. (au nom de la Commission VI) — Évolution des conduites d’alcoolisation des jeunes : motifs d’inquiétude et inquiétude et propositions d’action. Bull. Acad. Natle Méd.., 2007, 191 , no 6, 1175-1184.

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L’Académie saisie dans sa séance du mardi 6 mars 2012 a adopté le texte de ce communiqué

* Membre de l’Académie nationale de médecine ; e-mail : pr.g.dubois@wanadoo.fr

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 3, 743-745, séance du 6 mars 2012