Résumé
Depuis la transmission expérimentale de la tremblante du mouton par J Cuillé et PL Chelle en 1936 et, dans un second temps, celle du kuru et de la maladie de Creutzfeldt-Jakob par DC Gajdusek, en 1966 et 1968, la nature des agents de ces « infections virales lentes » est longtemps restée mystérieuse. En 1982, S Prusiner les appela « PRIONs » (« PRoteinaceous Infectious particles ») car ils paraissaient dépourvus d’acides nucléiques qui auraient permis de les classer parmi les virus. Les maladies à Prions humaines sont très rares, le plus souvent sporadiques, parfois infectieuses ou génétiques. Leurs caractères cliniques et neuropathologiques (évolution lente, atteinte exclusive du système nerveux, dépôts amyloïdes, faible réaction immunopathologique), étaient voisins de ceux des affections neurodégénératives bien plus fréquentes, considérées non infectieuses dans la majorité des cas. En 1991, HBraak décrivit, dans la maladie d’Alzheimer, le développement progressif le long de voies neuroanatomiques, longtemps avant l’apparition des signes cliniques, de lésions associées à la protéine tau anormalement phosphorylée. Les protéines mal conformées caractéristiques de nombreuses maladies neurodégénératives s’agrègent après un ensemencement initial (« seeding ») dont l’origine infectieuse ou non est inconnue, et sont capables de se propager d’un neurone à l’autre (« spreading »). La transconformation protéique est donc au coeur de la physiopathologie des maladies neurodégénératives. La propagation de ce phénomène agrégatif dans le système nerveux central constitue un nouveau paradigme pour la compréhension de leur histoire naturelle et de leur diversité phénotypique. Il a déjà permis de tester les thérapeutiques.
Summary
Since J. Cuillé and P.L. Chelle successfully transmitted scrapie between sheep by experimental inoculation in 1936 and D.C. Gajdusek kuru and Creutzfeldt-Jakob disease to chimpanzee in 1966 and 1968, respectively, the nature of the agents causing these ‘‘ slow virus diseases ’’ remains a mystery. In 1982, S. Prusiner called them ‘‘ PRIONs ’’ (for ‘‘ PROteinaceous INfectious particles ’’) because they appeared lacking the nucleic acids that would classify them viruses. Although infectious or genetic mechanisms were seldom found, most of the rare human PRION diseases appeared ‘‘ sporadic ’’. They shared many clinical and neuropathological properties with human neurodegenerative diseases (slow development, prominent nervous system involvement, amyloid deposits, paucity of immune response) the mechanism of which was not considered usually infectious. In 1991, H. Braak showed, in Alzheimer’s disease brain, the low spreading of neuropathological tau associated lesions along anatomic pathways. They appear long before the clinical signs. The abnormally misfolded proteins characteristics of many neurodegenerative diseases are thought to aggregate after an initial seeding. This leads to their cell-cell transmission and dissemination through neuronal and extra-neuronal pathways,which unexpected extent is under study. Whether the seeding is infectious or not remains debated. This new paradigm for understanding their natural history and phenotypic diversity, which has already led to assess the diagnostic value of skin biopsy, should open the door to new therapeutic approach.
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*** APHP, Cellule nationale de référence des maladies de Creutzfeldt-Jakob,GHPitié-Salpêtrière ; Inserm, U1127, CNRS UMR 7225 ; UPMC-Sorbonne Universités, Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), équipe « Maladie d’Alzheimer-maladie à prions ».
Bull. Acad. Natle Méd., 2015, 199, no 6, 787-796, séance du 9 juin 2015