Communication scientifique
Séance du 6 mars 2012

Prévention vaccinale de deux maladies émergentes à vecteur : la fièvre catarrhale du mouton et l’infection à virus West Nile

MOTS-CLÉS : épidémiologie. fièvre catarrhale du mouton. transmission de maladie infectieuse. vaccination. virus west nile
Vaccination against two vector-borne diseases : bluetongue and West Nile
KEY-WORDS : bluetongue. disease transmission, infectious. epidemiology. vaccination. west nile virus

Stéphan Zientara *, Damien Vitour, Sylvie Lecollinet *

Résumé

En 1999 et en 2006, deux maladies virales transmises par des insectes vecteurs (arboviroses) ont émergé de façon imprévue et massive respectivement aux États-Unis (fièvre du Nil occidental ou West Nile) et dans le nord de l’Europe (fièvre catarrhale ovine). La lutte contre les maladies infectieuses à transmission vectorielle repose sur différentes mesures (notamment sanitaires) mais surtout sur la vaccination. En effet, cette stratégie est plus efficace et moins onéreuse que la lutte contre les insectes vecteurs. La dynamique d’évolution et la situation épidémiologique de ces deux arboviroses seront décrites. La prévention vaccinale mise en œuvre ainsi que les types de vaccins utilisés contre ces deux infections seront présentés.

Summary

In 1999 and 2006, two viral diseases emerged massively and unexpectedly in the United States (West Nile disease) and northern Europe (bluetongue disease). Control of infectious diseases transmitted by insect vectors is based on a variety of approaches (including sanitary measures), but primarily on vaccination. Vaccination is more efficient and less expensive than monitoring of insect vectors. The dynamics and epidemiology of two arboviral diseases (West Nile and bluetongue) are described, together with the different vaccines and vaccination methods.

INTRODUCTION

Depuis ces dernières années, l’actualité sanitaire dans les domaines de la santé publique humaine ou vétérinaire a été dominée par l’apparition de maladies qualifiées d’émergentes ou la ré-apparition de maladies dites ré-émergentes. De façon inattendue, en 2006, la fièvre catarrhale ovine (FCO), de sérotype 8, une maladie strictement animale, a émergé au nord de l’Europe (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, France et Luxembourg). De même, l’émergence inattendue du virus West Nile (WN) en 1999 en pleine ville de New York, associant des cas d’encéphalites humaines mortelles et une mortalité aviaire importante, et sa diffusion rapide sur le Continent Nord américain mais aussi en Amérique centrale et du Sud ainsi que dans les Caraïbes, ont surpris la communauté scientifique. À la suite de ces épizooties, des mesures de lutte et de prévention, avec des campagnes de vaccination, ont été mises en œuvre pour empêcher la diffusion du virus et éradiquer la maladie dans les zones infectées.

Nous décrirons l’intérêt que la prévention vaccinale est susceptible de revêtir pour des maladies à transmission vectorielle : la fièvre catarrhale du mouton (une maladie animale) et l’infection à virus West Nile (une zoonose).

LA FIEVRE CATARRHALE DU MOUTON ET LA FIEVRE DU NIL OCCIDENTAL : DEUX ARBOVIROSES EMERGENTES

La fièvre catarrhale du mouton

La fièvre catarrhale du mouton est une arbovirose non contagieuse, transmise par des diptères du genre Culicoïdes . Elle est observée chez les moutons et, plus rarement, chez les chèvres et les bovins (à l’exception du sérotype 8, voir ci-après).

Elle se traduit dans la première espèce par une maladie généralisée, grave, caracté- risée par du jetage et un ptyalisme abondant significatif d’une affection buccale, par des œdèmes, des raideurs musculaires et des boiteries.Elle se termine par la mort dans 10 à 20 % des cas.

Le virus de la FCO et les différents sérotypes

Le virus responsable de la fièvre catarrhale ovine (ou Bluetongue) est un virus non enveloppé à ARN double brin segmenté appartenant à la famille des Reoviridae , genre Orbivirus . Les virus de la famille des Reoviridae sont dépourvus d’enveloppe virale et possèdent une capside à symétrie icosaédrique dont la taille varie entre 60 à 80 nm. Cette dernière est constituée d’une capside externe et d’une capside interne (ou core).

Parmi les Orbivirus , les virus de la fièvre catarrhale ovine, de la maladie hémorragique des cervidés (EHD) et de la peste équine constituent des risques sanitaires majeurs. Ces Orbivirus possèdent des caractères morphologiques, structuraux et biologiques communs. Le virus de la fièvre catarrhale ovine possède sept protéines structurales différentes (VP1 à VP7) réparties en deux capsides [1] (figure 1). La capside externe est composée de VP2 et VP5. La protéine VP2, constituant majeur de la capside externe, exposée à la surface de la particule virale, est l’antigène spécifique de type [1]. Cet antigène a permis d’identifier 24 sérotypes (bientôt 26) différents du virus de la FCO. Ces antigènes spécifiques de chaque sérotype sont associés à la capside externe (VP2) et induisent la production d’anticorps neutralisants qui ne neutralisent donc pas les autres sérotypes. En Suisse en 2008, un nouvel orbivirus (le virus Toggenburg) a été identifié et pourrait constituer un 25e sérotype viral [2]. Un virus, qui serait le 26e sérotype, a récemment été identifié au Koweit [3].

Fig. 1. — Représentation schématique de la structure des virus de la fièvre catarrhale ovine (FCO).

 

Les signes cliniques

Sous nos latitudes, et avant l’épizootie de 2006, elle provoquait une maladie géné- ralisée et grave seulement chez les moutons.

En 1998, cette maladie a fait son apparition dans les îles grecques et, à la faveur de l’arrivée et de la multiplication du vecteur dans des régions où il n’existait pas auparavant, la situation sanitaire des pays du bassin méditerranéen s’est fortement détériorée. Chez les ovins, la maladie revêt toute sa gravité. Cependant, pour diverses raisons (telles que des variations du pouvoir pathogène selon les sérotypes ou les souches, les vecteurs impliqués, ou encore la résistance particulière de certaines races ovines), l’infection n’entraîne pas toujours l’apparition de symptômes.

Ainsi, tous les intermédiaires entre la forme aiguë et les formes inapparentes sont observés. Les formes cliniques les plus graves ne sont observées que chez des ovins vivants dans des régions contaminées pour la première fois (cas de la Corse en 2000) ou sur des races améliorées (comme les races corse ou sarde) [4].

Chez les bovins et les caprins, l’infection, généralement inapparente, se limite à une simple hyperthermie transitoire. Toutefois, dans quelques cas, une forme aiguë peut se manifester. En Corse, chez les bovins et les caprins, aucune manifestation clinique n’a été rapportée suite aux épizooties impliquant successivement trois sérotypes différents (2, 4 et 16).

En revanche, le sérotype 8, sévissant dans les régions du nord de l’Europe, a provoqué la maladie chez des bovins et des caprins (en plus des ovins), avec cependant, un taux de mortalité très faible.

La situation épidémiologique

Jusqu’en 1998, la maladie était considérée comme exotique avec quelques incursions historiques en Espagne et au Portugal. Les premières émergences ont été attribuées au changement climatique avec la remontée du principal vecteur (C imicola ).

Depuis, huit sérotypes (1, 2, 4, 6, 8, 9, 11, 16) ont circulé en Europe venant de différentes origines géographiques. De façon inattendue, en 2006, le virus sérotype 8 de la fièvre catarrhale ovine (BTV8) a émergé au nord de l’Europe (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, France et Luxembourg).

En 2008, un virus de sérotype 6 fut isolé aux Pays Bas et un nouvel orbivirus très proche du BTV a été identifié en Suisse (le Toggenburg virus). Enfin, en 2009, un virus de sérotype 11 a été isolé en Belgique.

Les virus FCO 1 et 8 ont été responsables en France d’une épizootie majeure de 2007 à 2010. Il faut remonter aux derniers épisodes majeurs de la fièvre aphteuse dans les années 70 pour rencontrer pareil fléau. L’ampleur et la vitesse de propagation de la maladie ont surpris, laissant les différents pays touchés sans autre alternative que de limiter au mieux les déplacements des troupeaux tout en essayant d’utiliser les insecticides pour atténuer les contaminations à des animaux sains de grande valeur ou pour traiter les espèces non sensibles sortant de périmètres protégés.

 

Le virus FCO avait déjà fait de nombreuses incursions dans le sud de l’Europe depuis dix ans en France, la Corse a été infectée par le sérotype 2 en 2000 puis par le sérotype 4 en 2003 et par le sérotype 16 en 2004 [5]. Pourtant, l’arrivée par le Nord du BTV8 était inimaginable jusqu’en 2006 puisque le vecteur des « tropiques » (C.

imicola ) pour cette maladie du sud n’existait pas. D’autres culicoïdes (du groupe Obsoletus notamment) présents dans le nord de l’Europe se sont avérés être des vecteurs efficaces. Pire, le virus n’était pas supposé résister à la période hivernale en Europe du Nord. La ré-émergence de ce virus et sa propagation rapide sous forme épizootique en 2007 ont donc été la seconde surprise. La situation se complexifie encore depuis 2007 avec la remontée depuis le sud ouest de la France du sérotype 1 du BTV, phénomène préoccupant car pouvant favoriser l’émergence de nouveaux virus après recombinaison entre virus de sérotypes différents (BTV 1 et 8 en l’occurrence).

Le nombre annuel de foyers a explosé de 2006 à 2008 : 7 foyers furent rapportés en 2006, plus de 14 000 foyers en 2007, plus de 38 000 en 2008 [5]. Après une vaccination massive des ruminants contre les deux sérotypes 1 et 8, aucun cas n’a été rapporté en 2011.

La fièvre du Nil occidental

Le virus de la fièvre du Nil occidental ou West Nile (WN), arbovirus de la famille des Flaviviridae, transmis par des moustiques, est largement répandu en Afrique,

Europe du Sud, Russie, Moyen-Orient, Inde, Australie mais aussi depuis 1999 en Amérique du Nord. Il appartient au séro-complexe du virus de l’encéphalite japonaise avec lequel il partage des propriétés antigéniques et génétiques. Il est connu surtout depuis une dizaine d’années pour provoquer dans le bassin méditerranéen et en Europe du sud des épidémies de méningoencéphalites parfois mortelles chez l’homme ou des épizooties chez les chevaux. Sur le plan réglementaire, la fièvre du Nil Occidental, en tant que méningo-encéphalite virale des quatre Equidés, est inscrite sur la liste des maladies réputées contagieuses en France en application du Décret du 5 février 1976 [6].

Cycle biologique

Le cycle de transmission du virus fait intervenir des moustiques essentiellement du genre Culex comme vecteurs et des oiseaux comme hôtes amplificateurs (figure 2).

La présence d’anticorps spécifiques chez des vertébrés très variés incluant des mammifères, des amphibiens et des reptiles indique que ce virus a la faculté d’infecter de très nombreuses espèces. L’homme et le cheval représentent des culs de sac épidémiologiques car la réplication virale chez ces hôtes est de faible amplitude et ne permet pas d’infecter des moustiques vecteurs potentiels. Ils sont sensibles à l’infection avec une majorité de cas non symptomatiques [7].

L’émergence de cette infection aux Etats Unis (plus de mille décès chez l’homme depuis 1999 alors que ce virus était inconnu dans ce pays avant 1999) a contribué à

Fig. 2. — Représentation schématique du cycle de transmission du virus West Nile (le choix des espèces d’oiseaux représentées n’a pas de signification épidémiologique particulière) [6] mettre cette maladie sur le devant de la scène dans le domaine de la santé publique humaine et vétérinaire.

Epidémiologie

Le virus circule de façon enzootique et endémique en Afrique et en Asie. Dans le reste du monde, notamment en Europe et en Amérique, il provoque régulièrement des épidémies et des épizooties.

En Israël en 1951, puis en 1957, plusieurs épisodes épidémiques ont été rapportés avec des cas d’encéphalites parfois mortelles. Puis deux épidémies importantes ont été décrites en Afrique du Sud, en 1974 puis en 1983, avec des milliers de cas d’atteintes pseudo-grippales. En 1994, une épidémie est survenue dans une oasis en Algérie, atteignant principalement les enfants, avec quelques cas mortels. Deux épisodes importants en zone urbaine ont été observés en Roumanie, en 1996 à Bucarest, et en Russie (Volgograd), avec plus de 800 cas d’encéphalites survenus principalement chez des personnes âgées. D’autres flambées ont eu lieu en Tunisie en 1997 et 2003 [8].

Plusieurs flambées ne touchant que des chevaux ont été décrites : en Italie en 1998, au Maroc en 1996 et 2003, en France en 2000, 2004 et 2006. Les différents virus identifiés au cours de ces épisodes sont proches au niveau phylogénique et appartiennent au lignage 1 [9]. Les différentes flambées sont toutes observées en période estivale en liaison d directe avec l’abondance des vecteurs, généralement entre mi-juillet et octobre dans l’hémisphère nord.

En Israël, suite à l’apparition d’une mortalité aviaire anormale liée au virus WN chez des oiseaux migrateurs en 1997-1998 et des oies domestiques, un épisode a été rapporté en 2000 chez l’homme et les chevaux. L’émergence inattendue du virus WN dans le Nouveau Monde en 1999 s’est manifestée par l’apparition de plusieurs cas d’encéphalites humaines avec quelques décès à New York, qui furent considérés initialement comme des cas d’encéphalite de Saint-Louis. En parallèle, une mortalité importante de Corvidae , en particulier de geais bleus ( Cyanocitta cristata ) et de corbeaux américains (

Corvus brachyrhynchos ), a permis la mise en évidence du virus

WN. Rapidement le virus s’est répandu, avec des cas rapportés dans quatre états en 1999, puis 21 en 2001, 43 en 2002, pour atteindre l’ensemble du territoire (tableau 3).

Pour les années 2002-2003 correspondant au pic de transmission, 5 812 cas d’encéphalites ont été dénombrés, dont 548 avec décès. Le Canada a été touché en 2000, puis la Caraïbe (avec la Guadeloupe en 2002) et le Mexique, pour atteindre l’Amérique du Sud et l’Argentine 5 en particulier en 2006. La situation sur le continent américain est particulièrement contrastée,avec les Etats-Unis et le Canada ayant enregistré de nombreux cas humains et équins, alors que dans les pays d’Amérique centrale et du Sud, la transmission du virus WN a été mise en évidence seulement par l’enregistrement de séroconversions chez les chevaux ou les oiseaux, peu de cas neurologiques d’infection à virus WN ayant été enregistrés (sept cas au Mexique et cinq cas dans les Caraïbes) [10].

De même, en Europe, la situation n’a rien de comparable avec la spectaculaire épidémie/épizootie nord-américaine. Même en considérant les deux importants foyers urbains de Roumanie et de Russie à la fin des années 1990, moins de cent décès associés à une infection à virus WN chez l’homme et environ 200 cas équins ont été enregistrés et les foyers de transmission apparaissent limités dans le temps et l’espace. Il est cependant à noter que sur ces quatre dernières années, la circulation du virus WN s’est intensifiée en Europe avec des cas cliniques humains et/ou équins dans trois pays en 2008 et 2009, dans neuf en 2010 et dans huit en 2011. La flambée la plus spectaculaire a eu lieu en 2010, avec 261 cas humains confirmés en Grèce dont 34 décès, 57 cas en Roumanie et cinq décès et 480 cas en Russie et six décès.

LA PRÉVENTION VACCINALE CONTRE LA FIÈVRE CATARRHALE DU MOUTON ET LA FIÈVRE DU NIL OCCIDENTAL

Prévention vaccinale contre la fièvre catarrhale du mouton

Après l’introduction du virus de la FCO en 2000 en Corse, le ministère français en charge de l’Agriculture a décidé la vaccination de la population de moutons.

À ce moment-là, les seuls vaccins disponibles dans le commerce étaient ceux produits en République sud-africaine par le laboratoire d’Onderstepoort Biological Products (O.B.P.). Les vaccins étaient atténués.

En 2001, le vaccin importé était un vaccin monovalent contre le sérotype 2, issu de la souche Vryheid/5036 isolée en République sud-africaine en 1958 et atténuée par cinquante passages sur œufs embryonnés et deux passages sur culture de cellule BHK21 avant d’être conditionné.

Après une vaccination massive des moutons avec ce vaccin en 2001 et en 2002 en Corse, plus aucun foyer clinique de FCO sérotype 2 n’a été observé. Suite à l’introduction du virus FCO 4 en Corse en 2003, le vaccin atténué anti-FCO sérotype 4 monovalent d’O.B.P. a été importé. L’utilisation de ce vaccin en 2003 et en 2004 semble également avoir circonscrit la circulation du virus dans l’île.

En 2004, le vaccin FCO-16 atténué a été également commandé à la République sud-africaine et utilisé suite à l’isolement de FCO sérotype 16 en Corse.

Dans les premiers troupeaux vaccinés, quelques moutons ont montré de la fièvre et des signes cliniques évoquant la fièvre catarrhale ovine. Le virus isolé à partir de ces animaux malades était celui du vaccin FCO sérotype 16, lequel, à cause d’une mauvaise atténuation ou d’un retour à la virulence, a engendré une virémie, puis la maladie sur des moutons vaccinés. Ce vaccin était pourtant issu d’une souche pakistanaise/7766 passée 37 fois sur œufs et une fois sur cellules Vero (cellules de rein de singe).

La vaccination avec ce virus atténué a été arrêtée après ces résultats. Les données génétiques obtenues par notre laboratoire ont confirmé que les souches sauvages isolées en Corse et la souche vaccinale étaient identiques.

Les vaccins inactivés

En France continentale, une première campagne de vaccination a eu lieu dans le courant de l’année 2008, échelonnée dans le temps en fonction de la disponibilité des vaccins, avec un caractère facultatif, contre le sérotype 8, sauf pour les animaux destinés aux échanges pour lesquels cette vaccination était obligatoire. De plus, 20 départements ont été concernés par une vaccination contre le sérotype 1 qui avait un caractère obligatoire (figure 3).

Les premiers vaccins inactivés développés et utilisés sur le terrain en Europe ont été les vaccins produits par la société Mérial contre le sérotype 2, puis contre le sérotype 4. Ils ont été utilisés en Corse, en Espagne, au Portugal et en Italie.

Depuis l’arrivée du sérotype 8, de nombreuses compagnies ont développé des vaccins inactivés contre ce sérotype et /ou le sérotype 1. Ainsi, les compagnies Mérial, Intervet, Fort Dodge, Syva, CZ ont proposé des vaccins inactivés contre un ou plusieurs sérotypes.

Les vaccins inactivés (monovalents contre les virus 1 et 8 ou bivalents 1 et 8) furent utilisés à large échelle chez les bovins, les ovins et les caprins. La vaccination fut rendue obligatoire par le Ministère en charge de l’Agriculture de 2009 à 2010.

Depuis le 2 novembre 2010, cette vaccination est volontaire.

Ainsi, grâce à la vaccination, l’incidence de l’infection est passée de plus de 38 000 foyers en 2008 à l’absence de cas en 2011. Si aucun cas n’est rapporté en 2012, la France pourra être déclarée indemne par la Commission européenne.

La prévention vaccinale de l’infection à virus West Nile

Il n’existe pas de traitement spécifique de l’infection à virus WN. Chez la souris, l’immunisation hétérologue par d’autres flavivirus peut induire une protection clinique partielle (absence d’encéphalite mortelle en particulier). L’administration

Fig. 3. — Foyers deFCO enregistrés en France au 10 octobre 2008 (FCO sérotype 1 à gauche, FCO sérotype 8 à droite) (source : Direction Générale de l’Alimentation).

d’immunoglobulines spécifiques neutralisantes à but curatif est sans effet quand les signes d’atteinte neuroméningée sont présents. Le traitement reste essentiellement symptomatique et repose sur une fluidothérapie, l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (phénylbutazone, flunixine méglumine) et de DMSO.

L’utilisation des corticostéroïdes est controversée et l’intérêt d’administrer des interférons, en particulier de l’interféron α ayant démontré des propriétés antivirales contre le virus WN, n’a pas fait l’objet d’études contrôlées et est encore discuté.

En terme de prévention vaccinale, si aucun vaccin n’est disponible chez l’Homme actuellement, chez le cheval, deux vaccins sont commercialisés en Europe : un vaccin à virus inactivé (DUVAXIN ND WNV, Pfizer Animal Health) et un vaccin recombinant à vecteur canarypox exprimant le gène de la protéine d’enveloppe E (Recombitek ND equine WNV vaccine, Mérial).

Aux États Unis, l’outil vaccinal a permis de réduire de façon significative le nombre de cas cliniques chez les équidés (de plusieurs milliers en 2002 à quelques dizaines les années suivantes) [13, 14].

CONCLUSION

La prévention contre les deux maladies infectieuses à transmission vectorielle que sont la fièvre catarrhale du mouton et la fièvre du Nil occidental, repose essentiellement sur la vaccination qui a montré une réelle efficacité. En effet, la lutte contre les insectes vecteurs s’avérant, le plus souvent inefficace, il est indispensable que soient développés des vaccins dont la qualité, l’activité, l’innocuité et l’efficacité aient pu être évaluées. Des vaccins de nouvelle génération (vaccins recombinants, vaccins sous-unités) et notamment des vaccins capables de différencier les anticorps post-infectieux des anticorps post-vaccinaux, sont susceptibles d’être développés dans les prochaines années.

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DISCUSSION

Mme Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

Vous avez souligné l’émergence du virus de la FCO à partir de la région de Maastricht. Or nous venons d’observer, depuis novembre 2011, un nouveau virus émergent chez les ruminants, un orthobunyavirus dénommé Schmallenberg, également transmis par un vecteur et dans les mêmes régions. Il est surtout caractéristique pour son pouvoir tératogène. Et nous pouvons penser qu’au printemps, comme pour la FCO, il pourrait continuer à diffuser dans toute l’Europe. Ces virus ne sont-ils pas apportés par des vecteurs avec des fleurs puisque Maastricht est le carrefour aérien du commerce des fleurs pour le monde entier ?

Effectivement, l’hypothèse d’une introduction de larves ou d’insectes à partir de colis de fleurs importées est une hypothèse qui semble de plus en plus crédible.

M. Pierre GODEAU

Quel est le prix de revient d’une vaccination de masse des bovins et des ovins ?

Pour l’année 2010, le budget engagé par l’Etat a été de l’ordre de 98 millions d’euros.

 

M. André-Laurent PARODI

En constatant l’émergence de maladies vectorisées sous des latitudes où elles étaient reconnues, on ne peut s’empêcher de rapprocher ces observations, mettant en jeu des insectes vecteurs, du phénomène de réchauffement climatique. Qu’en est-il réellement ?

Les mouvements d’animaux ont un grand rôle dans l’introduction des virus à partir d’animaux infectés mais le climat (et donc l’augmentation de température) est susceptible de jouer un rôle dans l’amplification du cycle viral.

M. Daniel SRAER

Existe-t-il des mouvements politiques ou autres qui seraient hostiles aux vaccinations animales au prétexte de protéger l’homme ?

Oui, il y a des mouvements « anti-vaccination » comme en médecine humaine.

 

<p>* UMR 1161 — ANSES/INRA/, École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort — 94703 Maisons Alfort ; e-mail : stephan.zientara@anses.fr Tirés à part : Professeur Stéphan Zientara, même adresse Article reçu le 2 février 2012, accepté le 5 mars 2012</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 3, 591-602, séance du 6 mars 2012