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Séance du 9 octobre 2018

Présentation de la séance de l’Académie nationale de médecine avec l’Association française d’urologie (AFU)

François RICHARD*

Dans la seconde partie du XIXème siècle, plusieurs innovations telles la poursuite du développement de la méthode anatomo-clinique, la multiplication d’instrumentations nouvelles notamment endocavitaires, la découverte de l’anesthésie (1847) puis de l’antisepsie (1867) et de l’asepsie (1878) vont favoriser de multiples progrès en chirurgie et l’apparition de spécialités chirurgicales aux dépens de la classique chirurgie dite encyclopédique. La notoriété de Civiale et le succès de la lithotripsie endovésicale, la création d’un service spécifique à Necker, puis les travaux cliniques et pédagogiques de l’école de Guyon vont permettre de définir une nouvelle spécialité chirurgicale  l’Urologie, reconnue 10 ans après l’Ophtalmologie par la création d’une  chaire de spécialité  des maladies urinaires crée en 1890. L’Urologie dès  l’origine s’intéressa à la fois aux méthodes thérapeutiques chirurgicales mais aussi endoscopiques et médicales.

Cette triple activité et cet intérêt pour les technologies nouvelles est restée au XXIe siècle une caractéristique de cette spécialité  comme vont vous l’illustrer les sauts qualitatifs observés dans les 4 pathologies  suivantes :

 

Le traitement de la lithiase urétérale et rénale symptomatique était, jusque dans les années 1975-80 quasi exclusivement chirurgical par laparotomie, à l’exception des exérèses par sonde « panier » pour les petits calculs de l’uretère terminal, comme l’avaient synthétisé deux rapports présentés aux congrès de l’AFU en 1980 sur la lithiase calicielle par A Jardin  et en 1982 sur la lithiase coralliforme par G Faure et JP Sarramon. En moins de cinq ans la chirurgie ouverte va être remplacée par trois nouvelles techniques extracorporelles ou endourologiques dont deux avaient vu leur développement lié à l’aviation : la lithotripsie extracorporelle conçue par la firme aéronautique allemande Dornier à la suite des recherches sur les effets du bang supersonique, et l’urétéroscopie rigide puis souple développée pour prévenir les interdictions de vol des pilotes porteurs de lithiase urétérale. La troisième technique était la néphrolithotomie per cutanée (NLPC)  qui remplaçait l’incision de la lombotomie par un simple tunnel pariétal et parenchymateux rénal d’environ 1cm de diamètre  à travers lequel on introduisait un endoscope opérateur pour broyer le calcul. En France la communauté urologique va s’adapter rapidement en créant des organisations originales pour permettre un apprentissage efficace et une évaluation sur le terrain de ces nouvelles techniques :

– création en 1983 d’un Centre Inter Établissements de Lithotripsie (CIEL) à Necker ouvert à tous les services mais indépendant de ceux ci, puis création d’une base de données avec l’Association Claude Bernard pour l’évaluation des résultats,

– création en 1986 d ‘un GIE de Lithotripsie mobile, facilité par l’arrivée sur le marché de machines plus compactes, pouvant être transportées par camion dans les divers établissements de santé, publics ou privés

– organisations régionales et nationales de séances de formation continue pour la formation technique à l’ureteroscopie et à la NLPC.

Le Pr Eric Lechevallier, de Marseille,   l’un des coauteurs d’un nouveau rapport AFU de 2007 sur la lithiase, va vous présenter les indications et résultats actuels de ces techniques

Le traitement chirurgical du cancer du rein  a été longtemps représenté par la néphrectomie élargie à la suite de la publication de Robson dans les années 60. Pourtant dès les années 70   R Küss proposait en cas de rein fonctionnellement unique une chirurgie conservatrice par néphrectomie partielle voire tumorectomie. Dans les années 90, à la suite  de la publication de résultats carcinologiques comparables, obtenus à stade identique, plusieurs équipes ont proposé cette chirurgie conservatrice même en cas de rein controlatéral sain, pour les tumeurs de moins de 4 cm. L’apparition des techniques laparoscopiques mini invasives  confirma cette tendance malgré certaines difficultés techniques. Actuellement, grâce à l’utilisation de la télémanipulation robotisée, des tumeurs plus volumineuses peuvent être traitées de façon conservatrice, les complications sont devenues exceptionnelles au point que cette chirurgie s’envisage maintenant en ambulatoire pour les cas les plus simples comme vous le présente l’un des promoteurs le Dr Ch Vaessen de la Pitié à Paris

 

Les troubles de la miction et de la continence ont longtemps été considérés comme des conséquences soit d’anomalies anatomiques de la vessie et de la filière uréthrale notamment chez l’homme, soit de troubles de la statique pelvienne principalement chez la femme. Mais ces explications purement morphologiques n’expliquaient pas tous les troubles cliniques et ce n’est que dans les années 80 que le développement de l’urodynamique et de la neuropharmacologie (effet secondaire tardif mais bénéfique de la prise en charge des blessés médullaires de la seconde guerre mondiale) ont permis le démembrement de ces troubles et la mise au point de nouveaux traitements pharmacologiques, endoscopiques ou chirurgicaux notamment prothétiques. La rapidité de diffusion de ces innovations technologiques prothétiques a d’ailleurs montré les limites de nos procédures d ‘évaluation trop lentes et trop complexes pour être véritablement efficaces. Le Pr X Game de Toulouse va  détailler l’apport des méthodes nouvelles d’exploration et les nouveaux traitements des troubles complexes de la miction et de la continence.

 

Le traitement chirurgical de l’hypertrophie bénigne de la prostate depuis la seconde guerre mondiale se partageait entre l’adénomectomie chirurgicale  et la résection endoscopique qui se développa rapidement à la suite des progrès techniques des optiques et des fibres de lumière froide pour représenter 80% des interventions. Dans les années 90 plusieurs nouvelles technologies apparurent déclenchant des évaluations de l’AFU : ainsi un centre d’évaluation de l’Hyperthermie fut ouvert à Corentin Celton avec le CEDIT de l’APHP concluant à l’inefficacité de la méthode et entrainant la faillite des 2 industriels,  ainsi une étude multicentrique nationale sur l’utilisation de fibres lasers fut lancée ; elle conclura à une insuffisance de puissance des générateurs mais soulignera  la nécessité de suivre cette technique qui semblait avoir un certain intérêt pour diminuer le saignement per opératoire. Les améliorations des fibres, l’augmentation de puissance des générateurs, ont remis cette technique en concurrence avec la résection endoscopique et elle fut réévaluée par la HAS en 2013. Le Dr R Mallet de Brive la Gaillarde vous présentera les modes d’actions et les résultats de ce traitement qui est aussi un bon exemple de la difficulté d’organiser des évaluations lorsque la technologie progresse de façon continue et rapide.

* Membre de l’Académie nationale de médecine

Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, no 7, 1457-1459, séance du 9 octobre 2018