PRÉSENTATION
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt avec le contenu de cet article
Jean-Louis CHAUSSAIN *
Le traitement des enfants de petite taille par l’hormone de croissance mis au point aux USA par Raben en 1972, a débuté en France autour de 1975 par une hormone extractive ayant conduit à l’épidémie de maladie de Creutzfeldt Jacob sur laquelle nous ne reviendrons par ici. Depuis 1985, n’est plus utilisée que l’hormone biosynthétique et ce recul d’un quart de siècle permet aujourd’hui d’établir un premier bilan de ce traitement.
Trois phases peuvent être distinguées dans notre approche — La première, celle de la découverte, a été celle de l’euphorie. Chez des enfants déficitaires en hormone de croissance, l’utilisation de doses relativement modestes, permettait pratiquement de doubler la vitesse de croissance au cours de la première année. De plus des résultats identiques étaient observés dans d’autres catégories de petites tailles non déficitaires en hormone de croissance : syndrome de Turner, petites tailles secondaires à un retard de croissance intra-utérine, petites tailles dites idiopathiques.
De plus, l’utilisation de doses plus fortes permettait d’obtenir des résultats encore plus spectaculaires, avec un retour de la taille dans la zone normale en deux ans et un bénéfice psychologique considérable chez l’enfant lui-même et dans sa famille.
Les conséquences de ces résultats ont été l’extension des indications au-delà des déficits vrais en hormone de croissance : création des déficits dits partiels dont la définition s’est élargie en fonction du temps, syndrome de Turner, insuffisance rénale, retard de croissance intra-utérine, syndrome de Willi-Procter.
* Membre de l’Académie nationale de médecine — La seconde phase a été celle où un recul suffisant a permis d’apprécier les résultats à long terme, c’est-à-dire les tailles définitives. Un point extrêmement positif a été celui de la disparition du nanisme hypophysaire, rançon des déficits complets en hormone de croissance. L’étude de Frédéric Huet est, à ce égard exemplaire, montrant une renormalisation de la taille adulte dans une série importante de déficits complets reconnus avant l’âge de six mois.
Dans les autres catégories d’enfants traités, déficits dits partiels compris… les résultats sont beaucoup plus discrets, voire discutables. Ceci d’autant que les AMM ont été accordées dans ces indications, euphorie initiale oblige, sans aucune étude randomisée conduite jusqu’à la taille finale.
— La troisième phase est celle de l’interrogation d’effets possibles à long terme de ces traitements chez des enfants non déficitaires. En effet l’hormone de croissance agit par l’intermédiaire de l’IGF1, facteur de croissance cellulaire, et pouvait de ce fait être un facteur cancérigène, éventuellement dose-dépendant.
L’analyse de cette possibilité est faite par Yves Le Bouc dans les pages suivantes.
— Enfin Jean-Claude Carel a repris les dossiers des enfants traités par l’hormone biosynthétique dans le cadre de l’association France-hypophyse et a pu obtenir une série post-thérapeutique dans une série relativement importante. Ses premières constatations, sans être alarmantes, invitent à la prudence dans la prescription d’hormone de croissance chez des enfants non déficitaires.
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 1, 115-116, séance du 31 janvier 2012