Marie-Christine MOUREN *
Je suis particulièrement honorée de présenter, aujourd’hui, cette séance dédiée aux nouvelles addictions, devant cette prestigieuses assemblée, celle de l’Académie nationale de médecine, en présence de chercheurs de renom comme Pier Vincenzo Piazza (avec lequel j’ai eu, autrefois, l’occasion de collaborer dans le cadre de l’intercommission no 2 de psychiatrie et santé mentale à l’Inserm) et en compagnie de mes collègues Professeurs de psychiatrie adultes, Michel Lejoyeux, addictologue et Jean-Pierre Olié.
Les pédopsychiatres, par leur spécificité même (l’enfant, l’adolescent, le développement) sont des « candides » (vous me le pardonnerez) mais ont une position privilégiée par rapport aux troubles : ils les voient naître, s’installer, se développer, parfois s’atténuer et disparaître. C’est, me semble-t-il, cette approche que propose la séance d‘aujourd’hui : une trajectoire et des questions. Vous ne vous étonnerez donc pas des nombreuses interrogations soulevées et des inconnues, surtout dans le jeune âge.
La multiplication des travaux, depuis vingt ans, n’a pas encore éclairci tous les déterminants du comportement pathologique complexe qu’est l’addiction. La définition la plus précise de ce terme revient au psychiatre Goodman qui en propose les deux critères cliniques essentiels : la perte de contrôle et la poursuite du comportement malgré ses conséquences négatives. Cette définition très large de l’addiction a l’avantage de regrouper les consommations pathologiques de substances psycho- actives (drogues, tabac, alcool) et les addictions dites comportementales (« addictions sans drogues » : jeux pathologiques, achats compulsifs, addictions aux nouvelles technologies…) où le comportement à visée hédonique vient à la place du produit.
Il faut souligner que le terme d’addiction n’apparaît pas dans les classifications internationales de psychiatrie (DSM-IV, CIM10) en tant que tel, pour les substances psycho-actives. Le DSM-IV-R par exemple, a choisi un regroupement en deux rubriques : « Troubles liés à l’utilisation d’une substance » (dépendance et abus) et « Troubles induits par une substance » (intoxication et sevrage), ceci décliné ensuite par catégories de substances.
Quant au terme « d’addiction comportementale », il ne figure pas davantage dans les classifications. Sa situation nosographique est discutée : tantôt prenant place au sein « du trouble du contrôle des impulsions » (DSM-IV), tantôt intégrée dans le spectre du trouble obsessionnel-compulsif.
La prochaine version de la classification américaine dite DSM-V, en cours de rédaction, ne devrait pas davantage, à ma connaissance, introduire le terme d’addiction.
En définitive, cette session sur les « nouvelles addictions » peut s’envisager comme illustrant ces troubles à différentes étapes de la vie (il sera, en effet, question d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes) mais aussi comme un spectre (l’addiction comportementale sous différentes formes cliniques, à des degrés inégaux de connaissances scientifiques).
Les « nouvelles addictions » méritent-elles vraiment cette appellation ? Ce terme n’est-il pas excessif, prématuré pour certains comportements encore insuffisamment étudiés ? L’intérêt d’en débattre dans une telle assemblée est de faire sortir de l’ombre, de destigmatiser les nombreux patients potentiels, en souffrance du fait d’une dépendance comportementale et de dynamiser les recherches dans ce domaine.
Quant à la conférence de Pier Vincenzo Piazza : « Que nous apprennent les modèles animaux de l’addiction ? », voilà sans doute une approche scientifique réunificatrice des addictions, dont il nous exposera les forces et les limites. Je lui passe la parole avec intérêt.
Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 1, 13-14, séance du 10 janvier 2012