Communiquéadolescence., athérosclérose, prévention et contrôle, dépistage systématique, hyperlipidémiesFor a systematic screening of blood lipid disorders in girls and boys before age of twenty yearsadolescence., atherosclerosis, prevention and control, hyperlipidemia, massscreeningJ-L. de Gennes
COMMUNIQUÉ
Pour un dépistage systématique des anomalies des lipides sanguins avant l’âge de 20 ans For a systematic screening of blood lipid disorders in girls and boys before age of twenty years
Jean-Luc de GENNES Faits et arguments
Durant la vingtaine d’années écoulées, les preuves liant les dyslipidémies et l’athérosclérose, principalement coronaire, se sont accumulées. Les taux sanguins du cholestérol total, puis plus précisément du LDL cholestérol (LDL-C) et du HDL-cholestérol (HDL-C), en relation respectivement positive et inverse avec le risque coronaire, y occupent une place dominante. Le rôle des triglycérides est plus discuté en tant que facteur indépendant de risque, mais leur dosage est indispensable pour l’identification diagnostique d’une dyslipidémie. Malgré la démonstration de l’efficacité d’une correction quasi-totale des anomalies lipidiques sur l’incidence et/ou la progression de l’athérosclérose coronaire, leur dépistage est en défaut, notamment pour les sujets en fin d’adolescence, c’est-à-dire avant 20 ans, alors que l’athérome anatomique, aortique et même coronaire, peut être parfois déjà présent [1-4].
Le nombre des sujets exposés dès cet âge indique le progrès indispensable au titre de la prévention cardiovasculaire primaire. D’après l’ANAES [5] une cholestérolémie totale, déjà trop forte, supérieure ou égale à 2,40 g/l, est trouvée chez 22 % des jeunes adultes de notre pays et bien plus une cholestérolémie dépassant 3 g/l affecte 1,3 million d’individus de notre population. La fréquence des excès lipidiques juvéniles, en particulier pour le cholestérol total, peut être estimée à 4 %, comme nous l’avions montré devant l’Académie dès 1972 [6], comme l’a retrouvé M. Louis Auquier chez les étudiants en médecine du PCEM 1 de la Faculté de Necker-Enfants Malades [7] ; telle qu’elle fut retrouvée dans les bilans de santé effectués par Pierre Boulard lors de l’enquête présentée à l’Académie en 1992, etc. [8, 9]. L’objectif du dépistage à ces âges doit tenir compte du consensus international et retenir comme anormales les valeurs suivantes : CT > 2 g/l (5, 2 mmol/l) LDC (calculé) >1,30 g/l (3,4 mmol/l), HDLC < 0,35 g/l (0,9 mmol/l), TG > 1,50 g/l (1, 7 mmol/l).
Sur les 4 % d’hypercholestérolémies constatées, certaines causes sont dûment identifiées. Les moins fréquentes mais certainement les plus graves et les plus importantes à dépister répondent à l’hypercholestérolémie familiale HF : maladie des récepteurs LDL à transmission autosomique dominante à pénétrance complète, qui est très facile à dépister sur des taux de cholestérol total très élevés dès les premières années de la vie entre 3 et 4 g/l, parfois plus.
L’extrême diversité des mutations du gène LDL-récepteur situé sur le bras court du chromosome 19 (plus de 700 actuellement connues), qui se partagent en allèle nul ou allèle défectif, joue relativement peu sur le doublement très régulier du LDL-cholestérol et partant du cholestérol total. Sa fréquence dans notre pays, serait de l’ordre de 1 sur 500 naissances. Elle aboutit à l’athérosclérose coronaire la plus grave et la plus précoce, à haut pourcentage d’infarctus myocardiques, dès l’âge de 30 à 40 ans ou pire, de morts subites aux mêmes âges (1/5). Les données récentes (1999) du registre anglais de « Simon Broome » [10] montrent que, chez les femmes âgées de 20 à 39 ans, le risque relatif d’un événement coronaire mortel est augmenté de 125 fois vis-à-vis de la normale, avec une mortalité coronaire annuelle de 2, 17 %, tandis que chez les hommes âgés de 20 à 39 ans, le risque relatif est augmenté de 48 fois, avec une mortalité coronaire annuelle de 0, 46 % et une diminution du risque relatif dans les deux sexes (moins chez la femme que chez l’homme) en fonction de l’âge mais maintien d’un risque absolu augmenté. À elle seule, pour le raccourcissement dramatique de l’espérance de vie qu’elle conditionne quand elle reste ignorée et non énergiquement traitée, elle justifierait le dépistage systématique avant 20 ans. Il est d’ailleurs souhaitable d’avancer ce dépistage à la première décennie sous une forme ciblée en réalisant une enquête génétique descendante au sein de familles marquées par une morbidité et une mortalité cardiovasculaires précoces et répétitives de génération en génération. Néanmoins le dépistage, dès la première décennie d’une H.F hétérozygote (si l’autre parent direct a bien été contrôlé normolipidémique) n’a pas de justification avant l’âge de 2 ans. D’une part, parce qu’il ne sied pas psychologiquement de le faire vis-à-vis des parents à l’accueil de l’enfant dans la vie.
D’autre part, parce qu’une abstention thérapeutique totale, y compris diététique, doit être observée à cet âge où le cerveau n’a pas terminé sa complète maturation.
Outre l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote, les 4 % de dépistages lipidiques positifs avant l’âge de 20 ans répondent à d’autres dyslipidémies à risque coronaire accru et sérieusement anticipé. Sans s’attarder sur les rarissimes formes homozygotes de la H.F. (1 sur un million de naissances), d’autres hypercholestérolémies familiales n’impliquant pas un défaut des LDL récepteurs, sont connues et identifiées. Telles celles qui sont dues à une mutation ponctuelle de l’apoprotéine B en position 3 500 à transmission monogénique dominante (le gène étant situé sur le chromosome 2) à peine moins fréquente que les H.F. hétérozygotes et légèrement moins sévères (rx7) que celles-ci ; telles encore celles identifiées récemment (1992) par Catherine Boileau, et attribuées à un gène localisé, sinon caractérisé sur le chromosome 1, qui pourraient représenter 35 % des hypercholestérolémies familiales [11].
Dans ce cadre d’autres déterminations géniques à transmission autosomique dominante sont suspectées par Catherine Boileau. On aboutit, en regroupant toutes les hypercholestérolémies monogéniques sévères, présentes dès la naissance à 0,4 %, soit globalement à 10 % de la totalité des dyslipidémies ainsi dépistées.
Ainsi, à côté des entités précédentes, une grande place revient aux hyperlipidémies mixtes ou combinées qui, chez les jeunes, s’expriment longtemps par une hypercholestérolémie pure avant que n’émerge, plus tardivement, l’hypertriglycéridémie. Celles-ci seraient présentes chez près de 2 % de la population.
La plupart seraient génétiquement transmises selon un mode autosomique dominant [12]. Bien que le gène reste inconnu, elles constitueraient dès la deuxième décennie, près de 2 % des 4 % d’hypercholestérolémies des jeunes.
Elles sont très fréquemment à l’origine des accidents coronaires juvéniles sous forme d’infarctus myocardique surprise ou de mort subite entre les âges de 30 à 50 ans, d’où la nécessité de leur repérage et de leur prise en charge avant 20 ans. Pour les infarctus myocardiques avant 55 ans, 35 % relèvent d’une hyperlipidémie mixte contre seulement 15 % d’une hypercholestérolémie pure [12-13].
Les 1,6 % d’hypercholestérolémies restantes répondent au domaine encore bien incertain et bien flou des hypercholestérolémies dites polygéniques, faute de pouvoir mieux les qualifier sans que cela exclue un potentiel athérogène juvénile pour certaines.
La prévention cardiovasculaire primaire ayant pour objectif d’éviter ou au moins de reculer substantiellement ces accidents coronariens tragiquement prématurés, il apparaît que le dépistage des anomalies lipidiques est une priorité absolue. L’idéal serait qu’il se situe 20 ans avant l’avènement des premières alertes cardiovasculaires dont 20 % sont mortelles d’emblée [5]. Il est donc réaliste de fixer le créneau d’âge du dépistage avant la fin de la deuxième décennie. Or, très opportunément, ce dépistage quasi-systématique est déjà effectif chez la fille entre les âges de 16 et 18 ans lors de l’institution d’une contraception par pilule. Il faut trouver chez le garçon, voire pour les deux sexes, une occasion de dépistage dans le créneau d’âge idéal entre 16 et 19 ans.
Ayant œuvré et plaidé ici-même [14] pour l’introduction de ce dépistage lors de la visite d’incorporation au Service National, l’abandon de celle-ci rend caduque cette suggestion. Mais une alternative intéressante mériterait d’être explorée et proposée aux instances compétentes. Lors de la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD), qui concerne dorénavant tous les jeunes garçons et filles entre leur 18e et 19e année, un dossier médical succinct élaboré au préalable par le médecin de famille comporterait un contrôle sanguin où seraient inclus, avec le contrôle de la NFS, VS, celui de la glycémie et du cholestérol total et des triglycérides. L’information ainsi recueillie aurait le double intérêt immédiat :
— d’avertir l’intéressé (ainsi qu’éventuellement sa famille) et le service médical de l’armée sur l’adéquation à respecter entre son insertion possible et future dans telle ou telle branche armée, et la découverte d’anomalies lipidiques jusque-là ignorées ;
— d’éviter ainsi son exposition à un risque jusque-là méconnu, éventuellement dès le stade de la préparation militaire.
Le coût d’un tel dépistage, en laboratoire accrédité disposant de techniques bien standardisées répondant au dosage conjoint du cholestérol total (CT), des triglycérides (TG) et du HDLC, est de moins de 100 F, soit inférieur au prix moyen d’une coupe de cheveux. Remboursé par la Sécurité Sociale, il équivaudrait pour 200 000 appelés, à une dépense annuelle de 20 millions de francs. Le dosage associé de la glycémie serait éminemment souhaitable.
L’avantage pour la prévention cardiovasculaire primaire serait largement payant :
— en premier lieu, ce dosage permettrait d’obtenir pour la première fois dans cette tranche d’âge critique, un recensement de la fréquence des anomalies lipidiques plasmatiques, évalué seulement de façon approximative à 4 %.
Cet ordre de grandeur, toujours admis dans les études antérieures, indique que ce sont, de très loin, les anomalies métaboliques les plus répandues à des âges aussi jeunes. Il est établi en outre qu’elles ont la plus forte signification prédictive sur la longévité de l’individu et sur sa vulnérabilité aux autres facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension, diabète, tabagisme, etc.) suivant qu’elles sont ignorées et négligées ou intelligemment prises en charge : soit le plus souvent sous forme de simples conseils diététiques ; éventuellement renforcées par l’initiation d’une thérapeutique médicamenteuse : de toute façon par une mise en garde contre le cumul des facteurs de risque (tabagisme, hypertension artérielle, excès pondéral, …) ;
— le deuxième avantage du dépistage est d’inciter les médecins de famille à une enquête biologique auprès des apparentés directs (parents, frères et sœurs) dont chacun a une chance sur deux de présenter une anomalie analogue ;
— un troisième avantage immédiat cette fois pour l’individu dépisté dans ce créneau d’âge idéal, réside dans le fait que ces jeunes sont, pour beaucoup d’entre eux, encore proches de leur milieu familial. Ainsi, ils peuvent acquérir plus facilement et conserver de bonnes pratiques alimentaires qui peuvent suffire pour les anomalies modérées et qui, en tout cas, constitueront pour l’avenir une orientation diététique d’autant mieux respectée qu’elle aura été enregistrée plut tôt dans leur mémoire et qu’elle sera passée dans leurs automatismes de vie ;
— enfin l’inscription des données chiffrées sur le carnet de santé ou sa prochaine variante informatisée (incommunicable sauf aux médecins en charge directe de l’intéressé) conservera la trace indélébile d’une information aussi éminemment précieuse. En cas d’oubli et de « redécouverte » différée à un stade plus tardif et chez un sujet déjà largement adulte, combien d’interprétations trop faciles, et d’imputations abusives aux seuls excès de la vie quotidienne, seront évitées au profit d’une meilleure estimation de la part génétique de leur anomalie. Si le dépistage a été négligé pour une raison quelconque, hélas facilement prévisible, il peut et doit faire l’objet, bien évidemment, d’un « rattrapage », qui sera d’autant plus fructueux qu’il sera moins retardé par rapport au créneau proposé, notamment dans le cas des dyslipidémies les plus rapidement sévères et meurtrières : telles l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote et les hyperlipidémies mixtes ou combinées. La moindre occasion, telle qu’une prise de sang pour toute autre raison (sauf dans le contexte d’une affection fébrile, d’une hyperthyroïdie ou d’une dénutrition évidente) est toujours bonne à saisir pour un dépistage différé. Celui-ci peut être encore utile, voire salvateur, aux âges de trente à quarante ans dans les hyperlipidémies les plus sérieuses….. et aussi celles qui sont rassemblées, sous le vocable d’hypercholestérolémies polygéniques. Certes nombre d’accidents d’athé- rosclérose, coronariens et autres, surviennent après la soixantaine et au-delà. Mais même dans ce cadre, figurent encore beaucoup de dyslipidémies génétiques qui auraient pu être repérées et vigoureusement traitées bien avant l’accident.
L’efficacité dûment prouvée dans ces dix dernières années, en particulier des statines en cas de composante dominante d’hypercholestérolémie (simvastatine, pravastatine, atorvastatine, fluvastatine, la cerivastatine étant définitivement exclue) et en deuxième ligne des fibrates en cas de composante dominante d’hypertriglycéridémie ou d’hypoHDLémie nous contraint à être de plus en plus exigeants pour prévenir l’installation et la progression silencieuses de l’athérosclérose : par le biais du dépistage précoce et systématique des dyslipidémies athérogènes, institué aux âges idéaux de 16 à 18 ans.
Tant il demeure vrai que 50 % de celles-ci sont méconnues avant la première alerte cardiovasculaire et que les progrès des thérapeutiques, désormais garanties d’une très bonne tolérance à long terme par plus de 10 ans d’expérience clinique et biologique autorisent, en cas de nécessité, à les introduire plutôt en fin d’adolescence : avec la conviction déduite des résultats déjà obtenus d’éviter des tragédies et de transformer l’espérance et par ailleurs la qualité de vie des cas dépistés les plus graves. Cet objectif à portée de main, vaut le prix à mettre dans une bonne évaluation de la relation bénéfices/coût, en cas de recours précoce obligé aux résines, aux statines ou encore aux fibrates, dans l’objectif d’une correction totale et au long cours des anomalies lipidiques.
BIBLIOGRAPHIE [1] DE GENNES J.L., DAIROU F., GARDETTE J., LUC G., TRUFFERT., TURPIN G. — Dépistage dès l’enfance des hyperlipoprotéinémies athérogènes. Étape clé de la prévention de l’athérosclérose prématurée. Étude de 752 enfants issus de 312 familles. Bull. Acad. Natle Méd ., 1986, 170 , 2, 231-238.
[2] BERENSON G.S., SRINIVASAN S.R. — Prevention of artherosclerosis in childhoud.
Lancet , 1999, 354 , 1223-24.
[3] WEBER L.S., SRINIVASAN S.R., WATTIGNRY W.A., BERENSON G.S. — Tracking of serum lipids and lipoproteins forms childhood to adulthood. The Bogalusa Heart Study. Am. J.
Epidemiol., 1991, 133, 884-99.
[4] NEWMAN W.P., FREEDMAN D.S., VOORS A.W., GARD P.G., SRINIVASAN S.R., CRESANTA J.L., WILLIAMSON G.D., WEBER L.S., BERENSON G.S. — Relation of serum lipoprotein levels ans systolic blood pressure to early artherosclerosis. The Bogalusa Heart Study. N. Engl. J.
Med., 1986, 314 , 138-44.
[5] ANAES, service des recommandations et références professionnelles. — Modalités de dépistage et de diagnostic biologique des dyslipidémies en prévention primaire, octobre 2000.
[6] DE GENNES J.L., TURPIN G., SALMON D., TRUFFER J. — L’importance médico-sociale du dépistage préventif des hyperlipidémies pathiques. Bull. Acad. Natle Méd ., 1972, 156 , 1, 26-27.
[7] AUQUIER L. et coll. — Dépistage des dépassements sanguins anormaux du cholestérol et des triglycérides chez les jeunes étudiants en Médecine (PCEM 1) de l’Université de Paris V (com. personnelle).
[8] BOULARD P. — Défense et illustration d’un examen de santé des adolescents jeunes en cycles d’observation en collège. Bull. Acad. Natle Méd ., 1990, 174 , 4, 613-626.
[9] DE GENNES J.L. — Justification et impératifs de la lutte contre les excès de cholestérol en prévention de l’artériosclérose. Bull. Acad. Natle Méd. , 1993, 177 , 4, 597-611.
[10] Scientific Steering Committee on behalf of the Simon Broome Register Group. — Mortality in treated heterozygous familial hypercholesterolemia : implications for clinical management. Artherosclerosi s, 1999, 142 , 105-111.
[11] BOILEAU C. et coll. — Étude de l’hétérogénéité génétique et métabolique des hypercholestérolémies familiales monogéniques.
Courrier de l’Arcol et de la Société Française d’Athérosclérose, 2000, 2 , 4, 191-192.
[12] GOLDSTEIN J.L., SCHROTT H.G., HAZZARD W.R., BIERMAN L., MOTULSKY A.G. — Hyperlipidemia in coronary heart disease II. Genetic analysis of lipid levels in 176 families and delineation of a new inherited disorder, combined hyperlipidemia. 1973, 52 , 1544-68.
[13] SHEPERD J., COBBE S.M., FORD I., ISLES C., LORIMER A.R., MAC FARLANE P.W. — Prevention of coronary heart disease in men witch hypercholesterolemia. New Engl. J. Med ., 1995, 333 , 1301-7.
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RECOMMANDATIONS
Une fois sur deux, les patients qui sont victimes d’un infarctus du myocarde avant l’âge de cinquante ans, a fortiori dès l’âge de trente à trente-cinq ans, sont porteurs, à leur insu, d’anomalies caractérisées des lipides sériques, présentes dès l’adolescence chez les garçons comme chez les filles et qui sont à l’origine du développement prématuré de lésions d’athérosclérose responsables de la diminution de l’espérance de vie. Nous disposons depuis près de dix ans de traitements éprouvés dont la mise en œuvre devrait protéger les sujets jeunes de cette redoutable menace qui pèse sur près de 4 % d’entre eux. Pour ces motifs, l’Académie nationale de médecine propose :
1 – le dépistage systématique des anomalies lipidiques sériques entre la 17e et la 19e année afin d’identifier les maladies héréditaires les plus graves (hypercholestérolémies familiales et hyperlipidémies mixtes de haut niveau) permettant ainsi la mise en route d’un traitement rapide et efficace.
Les anomalies de moindre sévérité seraient en même temps dépistées et pourraient bénéficier de conseils diététiques appropriés et d’une surveillance régulière ;
2 – L’intervention de la Caisse d’Assurance Maladie qui, avec la coopération des médecins généralistes, pourrait organiser des campagnes annuelles de dépistage ou de la médecine scolaire et universitaire dont les moyens devraient être accrus. Le dépistage devrait associer un examen médical avec mesure de la pression artérielle et un prélèvement sanguin à jeun en vue du dosage du cholestérol total, des triglycérides, du HDL cholestérol et de la glycémie, le tout revenant à un coût modique de l’ordre de 30 Euros (examen et dosages inclus) ;
3 – la transcription de ces données chiffrées et datées sur le carnet de santé ou son équivalent informatisé pour conserver un élément d’appréciation irremplaçable pour l’interprétation des explorations ultérieures ;
4 – la présentation exigée d’un certificat médical comportant les résultats de ces dosages et datant de moins de six mois à la Journée de Préparation d’Appel à la Défense (JAPD) à laquelle sont convoqués tous les jeunes.
Une telle mesure impliquerait une intervention a minima du Service de
Santé des Armées pour enregistrer ces paramètres et en assurer la centralisation. Les données fragmentaires dont nous disposons actuellement font prévoir que sur 200 000 garçons et filles appelés chaque année à la JAPD, 4 000 sont porteurs d’anomalies des lipides sanguins et pourraient être dépistés et protégés à temps ;
5 – L’analyse statistique des données recueillies au plan national ou régional afin d’en tirer tous les renseignements sur l’épidémiologie des maladies en cause.
L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 2 octobre 2001, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 7, 1337-1344, séance du 2 octobre 2001