RAPPORT
Étude du projet de loi dit de modernisation du système de santé
A study of the bill to modernise the health system
Denys PELLERIN Le 5 juillet 2000, Mme la Directrice adjointe du Cabinet de Mme la Secrétaire d’état à la Santé et aux Handicapés, adressait à l’Académie un avant projet de texte concernant les titres I et II du projet de loi de modernisation du système de santé. La lettre circulaire qui l’accompagnait sollicitait un avis sur ce texte avant sa transmission au Conseil d’État et fixait au 15 juillet 2000, soit moins d’une semaine après sa réception, la date limite pour la formulation de nos remarques. Avec sagesse notre président d’alors, Claude Sureau, faisait valoir à la conseillère en charge du dossier que le délai était trop court pour en saisir officiellement l’Académie et sa commission ad hoc et que par les soins de M.
le Secrétaire perpétuel elle serait saisie du texte à la rentrée. L’urgence n’était sans doute que relative puisque le texte est venu seulement il y a quelques jours devant le Parlement, sous le titre nouveau de « loi de modernisation sanitaire ». L’Académie regrette que ne lui aient pas été communiquées les versions successives du document non plus que la version définitive soumise au vote de la représentation nationale. Elle regrette également que le titre III du projet de loi « l’aléa médical » ne lui ai pas été adressé pour avis, voire seulement pour information.
Seuls les titres I Démocratie Sanitaire et II Qualité du système de Santé — officiellement transmis pour avis à l’Académie — font l’objet de ce rapport de la Commission XV. L’importance du texte est bien réelle. Un nombre important de séances de travail lui ont été consacrées, souvent très laborieuses, en raison de la grande hétérogénéité des sujets abordés mais aussi d’une rédaction complexe voire obtuse et souvent difficilement déchiffrable.
Il est de ce fait illusoire de vouloir faire une synthèse d’un ensemble aussi disparate. Le présent rapport se propose d’indiquer clairement les orientations qui semblent avoir présidé à la rédaction de chacun des chapitres. Chemin faisant il souhaite faire apparaître les remarques ou les réserves exprimées par l’Académie nationale de médecine.
TITRE PREMIER — DÉMOCRATIE SANITAIRE
Il comporte six chapitres numérotés de A à F.
Dans la chapitre A (I-A-1, I-A-2, I-A-3) figure le rappel des droits fondamentaux : respect de la dignité, protection de l’intégrité du corps, principe de non-discrimination, notamment en raison de son handicap ou de son patrimoine génétique, respect de la vie privée… Le problème du secret professionnel appelé ici « secret médical » est abordé, secret partagé avec l’équipe soignante mais aussi avec les médecins conseils, les experts de l’ANAES, les membres de la commission de conciliation. La famille ou l’entourage direct du malade peut également recevoir des informations, sauf opposition de sa part.
Les instructions en cas de diagnostic et de pronostic graves y sont détaillées.
Les informations couvertes par le secret médical ne peuvent être communiquées à un tiers qu’à la demande ou avec l’accord de la personne concernée et pour faire valoir ses droits.
L’Académie nationale de médecine redoute que les informations couvertes par le secret « médical » soient demandées de manière extrêmement pressantes par les compagnies d’assurances, officiellement pour satisfaire aux droits de la personne concernée, mais en fait avec l’objectif de découvrir une situation médicale lui permettant de se soustraire à ses obligations contractuelles.
Après le décès les ayants droit peuvent également recevoir des informations « pour leur permettre de défendre la mémoire du défunt ». Dans ce même chapitre, sont formulés dans un même article (I-A-4) le droit pour toute personne de recevoir les soins les plus appropriés ( déjà exprimé dans le Code de déontologie ), la recherche du rapport bénéfice-risque, rappelé l’obligation de sécurité de laquelle est tenu tout fournisseur de produits, et le droit pour toute personne de recevoir des soins propres à soulager sa douleur.
Le chapitre B traite des responsabilités des usagers du système de santé.
On remarquera que cette terminologie est ici substituée à « patient » ou « malade » traditionnellement utilisée.
Un article (I-B-1) est consacré à l’information intelligible, loyale, adaptée et au consentement libre et éclairé sans lequel aucun traitement ne peut être décidé et pratiqué. La loi reprend ici l’état actuel de la jurisprudence en mentionnant l’information concernant les risques fréquents ou graves normalement prévisibles. La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave doit être respectée.
L’Académie nationale de médecine souhaiterait que la rédaction soit harmonisée avec celle de l’article 35 du Code de déontologie qui stipule très précisément : « Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience , un malade peut être tenu dans
l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, sauf dans le cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination… » L’Académie tient à faire observer qu’elle regrette que ne soit pas mentionné qu’en cas de refus des soins proposés le malade doit être informé des conséquences de son refus, que le médecin doit être autorisé à poursuivre ses soins pour assurer la sécurité sanitaire, et qu’en cas de refus du malade le médecin doit être dégagé de ses responsabilités.
Dans les articles (I-B-3 et 5) apparaît la notion de « personne de confiance » que toute personne majeure peut désigner par écrit afin qu’elle soit consultée au cas où elle-même est hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin, ainsi que lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé public ou privé.
Une personne désignée alors « personne référente » peut accompagner toute personne mineure de plus de seize ans en situation de détresse qui désire garder le secret sur son état de santé, notamment vis-à-vis de ses parents.
C’est dans ce chapitre que figure (article I-B-6) les modalités d’accès du malade à son dossier médical. Toute personne a le droit de prendre connaissance de l’ensemble des informations concernant sa santé détenue par des professionnels et établissements de santé. Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne. Après le décès les ayants droit peuvent connaître des éléments permettant de défendre la mémoire du défunt.
L’Académie souhaite que puissent ne pas être communiquées les notes personnelles du praticien relatives au patient, notamment dans le domaine de la pratique psychiatrique, mais aussi les correspondances entre professionnels de santé comportant l’expression de notes personnelles et commentaires. Elle observe également que le texte ne comporte aucune référence à un dossier médical informatisé, à sa protection, à sa transmission. L’Académie s’était antérieurement exprimée sur ce point.
L’article suivant (I-B-8) en apparence anodin, modifie l’article L-395 du Code de la santé publique qui concerne les plaintes portées devant le Conseil département de l’Ordre des médecins, notamment la chambre disciplinaire de l’instance.
L’Académie observe également avec étonnement que cet article ne comporte aucun titre particulier permettant d’en identifier l’objet. Pourtant il s’agit là d’une modification notable dans les procédures ordinales.
L’article suivant de ce véritable patchwork modifie la composition de la
Commission départementale de psychiatrie, et substitue à la formule bien connue « personne dont l’état pourrait compromettre l’ordre public » la formule plus novatrice « personne nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ».
Le chapitre C — Participation des usagers au fonctionnement du système de santé , consacre les associations de malades et d’usagers du système de santé « reconnues d’utilité sanitaire ». Il officialise la participation des usagers dans le système de santé et plus directement dans les établissements, les conseils régionaux de la santé et la conférence nationale de la santé, avec, en particulier, transformation de la commission de conciliation créée par l’ordonnance de 1996. Elle devient « commission de la qualité de la prise en charge et des relations avec les usagers ». Les représentants des usagers dans les diverses instances mentionnées ont droit à une formation leur facilitant l’exercice de ce mandat ainsi qu’à une rémunération.
Le dernier article (I-C-7) de ce chapitre stipule que les établissements de santé publics ou privés facilitent l’intervention des associations de bénévoles. Les établissements doivent conclure avec elles une convention qui détermine les modalités de leur intervention auprès des personnes accueillies dans l’établissement.
L’Académie a particulièrement apprécié cette disposition législative de nature à faciliter l’action des bénévoles dans le cadre de l’accompagnement des fins de vie. Elle confirmera les termes du décret déjà publié en ce sens.
Le chapitre D traite des responsabilités des professionnels et institutions de santé. Il s’agit du rappel des grands principes « soins consciencieux, attentifs et fondés sur les connaissances médicales avérées » ; « obligation d’entretenir et perfectionner ses connaissances, participation à des actions d’évaluations »…. « obligation de veiller à ce que la continuité des soins soit assurée ».
L’Académie s’étonne qu’on ait cru nécessaire d’inclure dans une loi ce qui est déjà inscrit dans le code de déontologie.
Il est fait obligation aux professionnels de santé de déclarer la survenue de tout accident médical, d’une affection iatrogène, notamment d’une infection nosocomiale (Article 1-D-2).
L’Académie regrette qu’aucune indication ne soit apportée sur la définition même des infections nosocomiales, et que ne soit faite aucune référence aux conditions d’hygiène des locaux dans lesquels le médecin est amené à exercer.
Un décret en conseil d’État devra préciser les modalités selon lesquelles les informations seront recueillies et les règles garantissant le respect du secret médical.
Le chapitre E est intitulé Orientations de la politique de santé . On sait que jusqu’à présent il n’y a pas de véritable débat parlementaire sur la politique de santé. Depuis l’ordonnance de 1996, le Parlement vote chaque année en octobre la loi de financement de la sécurité sociale. Le projet de loi prévoit que désormais un débat parlementaire sera consacré à la politique de santé, chaque année en juin, sur la base d’un document établi avec l’aide du Haut
Comité de Santé Publique et des Conférences de Santé. La composition et les missions de la Conférence nationale de santé font l’objet de l’article (I-E-2).
Le chapitre F fait refonte des conférences régionales de santé dont la dénomination devient Conseil régional de Santé. Ses missions sont élargies, sa composition modifiée. Il siège en formation plénière pour l’étude des données relatives à la situation sanitaire et sociale de la population propres à la région.
Siégeant en formations spécialisées, il est compétent en matière de projet de carte sanitaire et de schéma régional d’organisation sanitaire et sociale (SROSS).
L’Académie y voit avec grand intérêt une orientation qui pourrait être décisive vers la régionalisation de la santé. Elle apprécie également qu’apparaisse la notion de programmes pluriannuels de santé.
Un article (I-F-5) traite des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale et prévoit qu’ils peuvent siéger conjointement avec les sections de l’organisation sanitaire des conseils régionaux de santé.
L’Académie souligne que cet article, qui pourrait passer inaperçu, est d’une importance capitale puisqu’il vise à corriger la séparation qui existait depuis la loi de décentralisation de 1981 entre le sanitaire, demeuré centralisé, régi par la loi de 1975, et le social décentralisé placé sous la responsabilité des collectivités territoriales.
Un article (I-F-6), apparemment de pure forme et risquant bien de passer lui aussi inaperçu, officialise en fait une réforme notable du Conseil de l’Ordre des médecins en créant un conseil régional de l’ordre des médecins qui assure les fonctions de coordination des conseils départementaux et des représentants de l’ordre dans la région.
LE TITRE II — QUALITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ traite, en 5 chapitres fort disparates, des sujets dont l’objet et l’importance n’apparaissent souvent pas dans l’intitulé des chapitres notés de A à E. Sous le titre « compétence professionnelle » l’article (II-A-1) modifie les modalités de la suspension du droit d’exercer telles qu’elles figuraient à l’article L.460 du Code de la Santé publique. Désormais « lorsque la poursuite par un membre d’une profession médicale de son exercice professionnel expose ses patients à un danger grave, le préfet peut prononcer la suspension immédiate du droit d’exercer pour une durée maximale de trois mois »… « Il informe sans délai de sa décision le Conseil départemental compétent qui statue dans les délais de deux mois à compter de la saisine du Préfet ».
L’Académie approuve cette disposition qui conduit à ce que soient prises sans délai les mesures adéquates. Il faut peut-être regretter que ne soient pas précisés sur quels arguments le préfet est saisi et peut décider de la suspension immédiate d’exercer.
L’article (II-A-2) n’a que deux lignes. Il ajoute les mots « de compétence » après les mots « de probité » à l’article L.382 du Code de la santé publique.
L’Académie a bien observé que se trouve ici introduit un changement capital pour le Conseil de l’Ordre des médecins, qui voit sa mission étendue au-delà de sa veille en matière de moralité et de probité des médecins à celle portant sur leur compétence.
Tout aussi « discrètement » sont précisées dans l’article (II-A-3) les missions de l’ANAES, Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation des soins et des pratiques professionnelles qui devient désormais « évaluation des stratégies et des actes à visée préventive, diagnostique et thérapeutique ». Si l’Académie ne saurait contester qu’il revient à l’ANAES de « participer à l’évaluation de la qualité de la prise en charge sanitaire de la population par le système de santé et de contribuer à son développement » il ne doit pas échapper que le projet de loi prévoit , qu’à ce titre, l’Agence « participe à la mise en œuvre d’actions d’évaluations des pratiques professionnelles » (II-A-3 § IV), et est chargée d’évaluer « les informations sur les accidents médicaux et les affections iatrogènes » … « la qualité et l’efficacité des actions ou programmes de prévention » … « en liaison notamment avec l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de santé et les autres organismes de veille… ou de recherche dans le domaine de la santé ».
Les § 6 et 7 du même article sont relatifs à la participation des usagers du système de santé qui, selon ce texte, siégeront désormais dans toutes les instances de l’ANAES, y compris son conseil scientifique et le collège d’accré- ditation.
Ici encore l’Académie souhaiterait que soit clarifiée la définition de ces « représentants des usagers » et que ne soient pas marginalisées les associations de malades existantes .
Sans qu’apparaisse clairement la logique du document, l’article qui suit (II-A-4) concerne l’exercice de la chirurgie esthétique : les structures et les conditions techniques de fonctionnement, les autorisations et accréditations, l’exigence de l’information des personnes sur les conditions de l’intervention, des risques et éventuelles conséquences et complications accompagnées de la remise d’un devis détaillé. Le manquement à ces exigences est puni d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 100 000 francs d’amende. Bien que le texte prévoit, jusqu’au 1er janvier 2003, l’inscription possible au tableau de l’Ordre comme spécialistes en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, des médecins qui ont obtenu le diplôme de Docteur en médecine sous le régime des études, antérieurement à 1982.
L’Académie s’étonne de la sévérité de cette mesure disciplinaire particulière appliquée à cette spécialité. La référence à la notion de manquement répété pourrait en atténuer la rigueur ou l’arbitraire. De même elle fait observer qu’il
conviendrait que figure dans le texte le fait que l’intervention de chirurgie esthétique est sollicitée par la personne.
Le chapitre B du titre II traite de la formation. La formation médicale continue constitue une obligation pour tout médecin.
Le Code de déontologie l’indiquait déjà. L’ordonnance de 1996 en avait fait une obligation légale. Au passage est fait obligation à tout médecin de s’inscrire au Conseil de l’Ordre des médecins.
Il ne semble pas que ce nouveau texte soit de nature à simplifier et accélérer la mise en place si longtemps retardée d’une authentique formation médicale continue. La procédure apparaît particulièrement lourde et complexe.
Le texte prévoit la création — de trois conseils nationaux : un pour les médecins libéraux, un second pour les praticiens des établissements de santé, un troisième pour les médecins salariés non hospitaliers, dont les présidents sont nommés par le ministre en charge de la santé parmi les membres de ces conseils ;
— d’un comité de coordination de la FMC composé à part égale de représentants désignés par les conseils nationaux et de représentants du ministre chargé de la santé ;
— mais aussi d’autant de conseils régionaux pour les trois catégories de médecins. Le président est lui aussi nommé par le représentant de l’État dans la région, parmi les membres dudit conseil régional.
Un fond national de la FMC, doté de la personnalité morale, est créé auprès du ministre chargé de la santé. Les établissements d’hospitalisation publics consacrent à la FMC de leurs personnels des crédits qui ne peuvent être inférieurs à un pourcentage, fixé par décret, de la masse salariale de ces personnels.
L’Académie a relevé qu’en cas de manquement à cette obligation de formation continue, le texte prévoit de procéder à une « conciliation ». Cela lui semble contradictoire avec la nécessité de la formation. II est proposé, en revanche, qu’il y ait une « appréciation » des conditions et/ou des circonstances qui ont fait qu’il n’y a pas eu de formation. Par ailleurs, le problème des médecins libéraux travaillant comme salariés dans des cliniques donne lieu à une situation ambiguë. Il serait raisonnable qu’il y ait définition de seulement deux variétés de médecins : a) des médecins libéraux, b) des médecins hospitaliers y compris ceux qui travaillent dans des systèmes privés. En ce qui concerne ceux qui partagent deux modes d’exercice, ils devraient pouvoir exprimer leur préférence de rattachement. Le problème des spécialistes libéraux est aussi ambigu.
Chapitre C : déontologie et information
Rien ne laisse présumer que sous ce titre figure en son article (II-C-1) une profonde réforme des sections disciplinaires de l’Ordre des médecins. Au niveau régional une chambre disciplinaire est désormais présidée par un magistrat, comme cela était déjà au plan national. Par ailleurs, il est institué auprès du conseil national une chambre disciplinaire nationale qui connaît en appel les décisions rendues en matière disciplinaire.
L’article (II-C-2) concerne l’Ordre des pharmaciens désormais composé de huit sections, au lieu de sept. La nouvelle section concerne les pharmaciens exerçant dans des établissements de transfusion sanguine, des établissements médico-sociaux, pénitentiaires ou centres spécialisés de soins aux toxicomanes.
Sans que l’on puisse ici encore trouver au texte une logique apparente, l’article suivant (II-C-3) qui, de façon très anodine, semble apporter une simple modification à l’article L.162-1 du Code de la sécurité sociale est, en fait, de grande importance, en ce qu’il confie aux caisses d’assurance maladie une mission générale d’information des assurés sociaux en vue, notamment… de connaître les conditions dans lesquelles les actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’ils reçoivent sont pris en charge…Les caisses peuvent également mettre en œuvre des services de conseils administratifs ou d’orientation dans le système de santé. Ces services doivent permettre aux assurés de disposer des informations nécessaires pour accéder à la prévention et aux soins dans les meilleures conditions. Ils peuvent en particulier fournir tous les éléments d’information sur les services assurés par les établissements de santé et sur la situation des professionnels de santé au regard des dispositions conventionnelles ou réglementaires les régissant.
L’Académie souhaite souligner qu’il est nécessaire de veiller à ce que les informations délivrées par les caisses soient purement d’ordre administratif et ne comportent aucun jugement de « qualité » ou de « valeur » et qu’il ne puisse pas s’introduire de publicité pour certains organismes comme pourrait le faire craindre le terme « le bon usage des soins ».
Le chapitre D est consacré à la prévention. On ne peut qu’approuver que soient reconnues les actions de prévention dans les missions de la sécurité sociale. Les objectifs et programmes prioritaires de prévention sont fixés par l’État après consultation des caisses nationales d’assurance maladie et la conférence nationale de la santé. Il est créé un « comité technique national de prévention » présidé par le ministre de la santé qui réunit les représentants des ministères concernés et des établissements, agences et instituts de veille sanitaire ainsi que ceux de l’assurance maladie et des collectivités territoriales ainsi que des personnes qualifiées. Il sera créé un établissement public de l’État dénommé « Institut national d’information, de promotion de la santé et
d’éducation pour la santé » qui a pour mission de promouvoir des comportements et habitudes de vie favorables à la santé et de mettre en œuvre des actions de prévention visant à réduire la morbidité et la mortalité évitables et les inégalités sociales en matière de santé. L’institut est constitué, dans chaque région, d’une délégation à l’information et l’éducation pour la santé. Des représentants des usagers et des représentants du personnel siègent au conseil d’administration à côté des représentants de l’État, des représentants des organismes d’assurance maladie, d’organismes ou personnalités qualifiés.
Le dernier chapitre E – Réseaux .
Dans la continuité des ordonnances de 1996, ce chapitre officialise les réseaux qui trouvent place dans l’organisation de l’offre de soins. Des précisions sont apportées quant aux champs d’activité et aux objectifs. Les modifications nécessaires sont apportées au code de la sécurité sociale pour permettre le financement sous forme de règlement forfaitaire de tout ou partie des dépenses du réseau, l’organisation de la coordination et de la continuité des soins, les produits et prestations qu’ils délivrent.
CONCLUSION
Ce projet de loi dit de modernisation du système de santé est un vaste ensemble de mesures disparates telles qu’on les trouve habituellement pré- sentées au vote du parlement, en fin de session sous la forme de loi dite « DDOS » ou « DMOS » (loi portant diverses dispositions ou diverses mesures d’ordre social). Il contient néanmoins des dispositions importantes, notamment en ce qui concerne :
— la participation des usagers. Ils seront désormais présents à tous les niveaux d’administration, d’orientation et d’évaluation. On souhaiterait à ce sujet être assuré que les associations de malades y trouveront la place privilégiée qui doit être la leur ;
— l’accès direct du malade à son dossier médical.
Ce fait continue à susciter des réserves tenant au caractère inviolable du secret professionnel ;
— la place importante désormais donnée à la prévention et à l’éducation en matière de santé ;
— l’officialisation de la notion de réseaux de soins et les mesures spécifiques de leur financement ;
— les dispositions longtemps attendues concernant la formation médicale continue. Leur complexité laisse encore planer les incertitudes sur l’efficacité du système ;
— enfin un ensemble de modifications concernant l’Ordre des médecins, malheureusement diluées au fil du texte comme si l’on craignait de les faire clairement apparaître.
Les remarques ou les réserves formulées par l’Académie au fil de ce texte ne signifient pas une opposition globale aux mesures législatives envisagées. Elle craint cependant que l’architecture même du projet, sa rédaction sous une forme tellement administrative qu’elle en rend la lecture et la compréhension quasi impossibles pour les médecins peu familiers de ces textes, les conduisent à un a priori de méfiance ou de rejet.
De grands mots tels que « démocratie sanitaire », « droits fondamentaux de la personne », « responsabilité des usagers du système de santé » ne sauraient suffire à dissimuler l’inspiration de ce texte qui se veut le reflet de l’incontestable évolution qui marque en notre société la relation médecin-malade. Notre tradition humaniste est profondément ébranlée par l’évolution scientifique et technique de la médecine, qui conduit à des attitudes consuméristes vis-à-vis du médecin qui tend à devenir prestataire de service mais aussi par les récentes et nouvelles peurs qui conduisent à des revendications sécuritaires et indemnitaires.
En procédant à l’étude minutieuse de ce projet de loi, l’Académie nationale de médecine a souhaité en faciliter la lecture et appeler à la réflexion de chacun sur un texte qui suscite des réserves sur un certain nombre de points.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 9 octobre 2001, a adopté ce rapport à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 7, 1345-1354, séance du 9 octobre 2001