Communication scientifique
Session of 17 juin 2003

Place de la chirurgie dans le traitement de l’hypertension réno-vasculaire de l’enfant

MOTS-CLÉS : anevrysme. artere renale. constriction. enfant.. hypertension renovasculaire
The role of surgery in the treatment of renovascular hypertension in children
KEY-WORDS : aneurysm. child.. constriction. hypertension renovascular. renal artery

Michel Lacombe*

Résumé

Le but de cette étude rétrospective était de rapporter notre expérience du traitement chirurgical de l’hypertension rénovasculaire de l’enfant et de définir la place de la chirurgie dans le traitement de cette forme d’hypertension. Cette série a comporté 83 patients (49 filles, 34 garçons) âgés de 28 mois à 18 ans (moyenne : 10,3) opérés de 1970 à 2001. Les lésions étaient bilatérales chez 28 patients. Compte tenu des procédures bilatérales et des réinterventions secondaires ou tardives, le nombre de gestes chirurgicaux a été de 114 (99 réparations et 15 néphrectomies). Les réparations ont été effectuées par chirurgie extracorporelle dans 25 cas et par chirurgie conventionnelle sur le rein in situ dans 74 cas. Lorsque l’emploi d’un substitut artériel était nécessaire, une autogreffe artérielle a été utilisée préférentiellement. Les lésions artérielles les plus fréquentes ont été les fibrodysplasies (70 %). Des lésions associées ont été observées chez 59 % des patients : coarctation de l’aorte abdominale (23 patients), sténoses, obstructions ou anévrismes des artères viscérales (23 lésions chez 17 patients), phéochromocytomes (2 patients), lésions à distance en cas de maladie de Takayasu (7 patients). Il n’y a eu aucune mortalité postopératoire dans cette série. Sept thromboses postopératoires de réparations ont été observées (7 %). À long terme, trois récidives de sténoses et deux anévrismes sur autogreffe veineuse ont fait l’objet d’une réparation itérative. Chez deux patients, une sténose de l’artère rénale controlatérale est survenue tardivement et a été réparée chirurgicalement. Chez deux patients, l’aggravation d’une sténose aortique a nécessité la réalisation d’un pontage aoto-aortique 3 ans et 12 ans après la réparation artérielle rénale. La guérison complète de l’hypertension artérielle a été observée chez 82 % des patients. Chez le jeune enfant, la croissance des réparations s’est effectuée normalement avec l’âge. La chirurgie garde une place importante dans le traitement de l’hypertension réno-vasculaire de l’enfant. Son pronostic est favorable en raison de l’absence habituelle d’athérome et de retentissement viscéral et rénal.

Summary

The aim of this retrospective study was to report our experience of the surgical treatment of renovascular hypertension in children and to define the role of surgery in the treatment of this form of hypertension. The author’s series included 83 patients (49 girls, 34 boys), 28 months to 18 years of age (mean : 10.3) operated on from 1970 to 2001. All patients had elevated blood pressure and underwent the investigations usually performed in patients with hypertension. Lesions were bilateral in 28 cases. The operation was decided after failure of percutaneous angioplasty in the patients treated since 1982. Due to bilateral procedures and to secondary or late re-operations, the number of surgical procedures was 114 (15 nephrectomies and 99 arterial repairs). The repairs were performed by extracorporeal surgery in 25 cases and by conventional in situ surgery in 74 cases. Whenever an arterial substitute was necessary, an arterial autograft was preferred since this material does not undergo late degenerative changes with time.Fibrodysplasia of the renal artery was the prevailing pathologic finding (70 %). Associated lesions were observed in 59 % of the patients : coarctation of the abdominal aorta (23 patients), stenoses, obstructions or aneurysms of splanchnic arteries (23 lesions in 17 patients), pheochromocytoma (2 patients), arterial lesions of distant arterial territories in patients with Takayasu’s aortitis (7 patients). There was no postoperative death in this series. Seven postoperative thromboses occurred (7 % of the repairs). In the long-term follow-up, three recurrent stenoses and two aneurysms of a venous autograft were repaired surgically. In two patients, a stenosis of the opposite artery occurred and was also repaired. In two patients, a stenosis of the abdominal aorta worsened and required an aortic by-pass 3 and 12 years after the renal artery repair. In patients with Takayasu’s disease, operations in other arterial territories (supra-aortic trunks, coronary arteries) were required in two patients. The complete cure of arterial hypertension was obtained in 82 % of the patients. In young children, growth of the repairs was normal when age increased. Surgery still keeps a major place in the treatment of renovascular hypertension in children. Its prognosis is favourable since atheroma, visceral or renal lesions are usually lacking.

Les lésions de l’artère rénale sont une cause majeure d’hypertension artérielle chez l’enfant. Selon les séries, leur fréquence va de 6 à 20 % de l’ensemble des enfants hypertendus [1, 2]. Leur diagnostic présente un intérêt particulier puisque le traitement chirurgical ou l’angioplastie transluminale permettent, dans la plupart des cas, la guérison de l’hypertension artérielle.

Les particularités de ces lésions justifient cette étude basée sur notre série d’opérés.

Les sténoses artérielles après homotransplantation rénale, qui posent des problèmes très différents, ont été exclues.

PATIENTS ET MÉTHODES

Sur l’ensemble des patients que nous avons opérés d’une lésion de l’artère rénale depuis 1970, nous avons retenu les sujets âgés de 18 ans au plus, âge de la majorité légale. Ceux-ci étaient au nombre de 83 sur une population totale de 85, deux enfants étant décédés brutalement avant leur prise en charge chirurgicale. Cette série comportait 49 filles et 34 garçons. Leur âge allait de 28 mois à 18 ans (moyenne :

10,3 ans).

Bilan préopératoire

Il a comporté trois étapes :

La recherche d’une lésion artérielle rénale .

Elle a fait appel aux investigations habituelles.

L’écho-Doppler des artères rénales a été l’examen de base du dépistage des lésions de l’artère rénale. Il a supplanté l’urographie intraveineuse, pratiquée au début de notre expérience et abandonnée actuellement.

L’opacification artérielle : l’artériographie classique a cédé la place, depuis 1982, à l’angiographie numérisée par voie artérielle qui a été le mode d’opacification effectué de première intention. Cet examen a fourni des renseignements sur l’état de l’aorte et des artères rénales, le retentissement hémodynamique de leurs lésions, l’état du parenchyme rénal au temps néphrographique, la présence de lésions associées.

L’étude du retentissement de l’hypertension artérielle .

Elle a été identique à celle effectuée chez l’adulte. La fonction rénale globale a été évaluée par les dosages habituels (créatininémie, clairance de la créatinine) et, éventuellement, la fonction séparée par scintigraphie rénale. Un retentissement cardiaque a été recherché par l’ECG., l’échocardiographie et un retentissement neuro-sensoriel par le F.O.

La pratique des tests d’imputabilité .

Elle a été plus récente et a comporté, dans les cas où ces tests ont été effectués, des dosages d’activité rénine dans les veines rénales, des tests aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion, éventuellement couplés aux dosages de rénine et à la scintigraphie rénale Traitement chirurgical

Compte tenu de 26 lésions bilatérales et de cinq réinterventions secondaires ou tardives, le traitement chirurgical a comporté 114 gestes chirurgicaux se répartissant

TABLEAU 1. — Techniques des réparations artérielles rénales.

Résection + anastomose (fi greffe interposée) 7 Réimplantation dans l’aorte :

— directe 17 — avec autogreffe 23 Anastomose splanchno-rénale :

— spléno-rénale 22 — hépato-rénale ou gastro-duodéno-rénale 5 Chirurgie ex situ + réimplantation ou auto-transplantation du rein 25 TOTAL 99 en 15 néphrectomies et 99 réparations vasculaires. Les techniques réparatrices utilisées sont énumérées dans le Tableau 1.

Des gestes particuliers ont été associés à la réparation de l’artère rénale : revascularisation mésentérique supérieure (7 cas), pontage aortique (6 cas), résection d’ané- vrismes digestifs (3 cas), ablation de phéochromocytome (2 patients avec 3 tumeurs), section de ligament arqué (1 cas).

Suivi postopératoire

Tous les opérés ont eu, avant leur sortie, un contrôle radiologique ou par échoDoppler postopératoire qui a constitué le document de référence pour la surveillance de l’évolution ultérieure. Le contrôle par angiographie numérisée par voie artérielle, utilisé depuis 1982, a été remplacé récemment par la tomodensitométrie 3 D. Les investigations radiologiques ont été répétées chez les patients très jeunes pour étudier le devenir des réparations vasculaires avec la croissance.

Le suivi des opérés allait de 1 à 18 ans avec une moyenne de 9,4 ans.

RÉSULTATS

Lésions anatomiques

L’ atteinte artérielle était une lésion sténosante chez tous les patients. Elle siégeait, le plus souvent, sur le tronc de l’artère rénale. Les branches terminales étaient rarement atteintes isolément ; leurs lésions s’associaient, en règle générale, à une sténose du tronc principal.

Les sténoses étaient étendues dans 27 cas et segmentaires courtes dans 87 cas. Un anévrisme de l’artère rénale était associé à la sténose chez 10 patients qui présentaient, au total, 11 anévrismes. Ceux-ci ont été traités simultanément à la sténose.

TABLEAU 2. — Nature des lésions de l’artère rénale opérées.

Nature de la lésion

Certaine

Probable (histologie) (pas d’histologie)

Fibrodysplasie :

— segmentaire 33 11 — étendue 14 — Maladie de Recklinghausen 3 — Dystrophie élastique 1 — Hypoplasie congénitale, atrésie — 7 Obstruction complète (fi thrombose) 5 — Artérite inflammatoire (Takayasu) 3 5 Fibrose post-traumatique 1 — TOTAL (nombre de patients) 60 23 L’ étiologie des lésions figure sur le Tableau 2 établi à partir des examens histologiques des artères prélevées. Le prélèvement de certaines lésions ayant été impossible ou trop exigu pour permettre l’interprétation, l’étiologie en a été considérée comme probable.

Les lésions de fibrodysplasie représentaient, de loin, l’étiologie la plus fréquente des sténoses artérielles rénales chez l’enfant. Elles s’accompagnaient parfois d’un aspect d’hypoplasie ou d’atrésie de l’artère rénale et souvent, d’atteintes de l’aorte et/ou des autres artères viscérales.

Les artérites inflammatoires type Takayasu ont été évoquées devant les aspects radiologiques de sténose étendue de l’artère rénale, l’association de lésions de l’aorte ou d’artères à distance (troncs supra-aortiques notamment), l’existence d’un syndrome inflammatoire, l’origine ethnique des patients.

Les autres causes (maladie de Recklinghausen, dystrophie élastique) étaient plus rares.

Les lésions rénales ont été étudiées sur les pièces de néphrectomie et sur un petit nombre de biopsies rénales effectuées dans un but pronostic, au début de notre expérience.

Les néphrectomies ont été effectuées d’emblée lorsque le rein était pathologique ou secondairement après thrombose postopératoire d’une revascularisation. Dans le premier cas, l’histologie a constamment montré des lésions sévères (sclérose glomérulaire, fibrose interstitielle avec atrophie des tubes, fibrose artériolaire, dépôts fibrinoïdes sous-intimaux, infarctus segmentaire). Dans le second, le rein présentait essentiellement des lésions ischémiques sans autre atteinte de ses constituants.


Les biopsies rénales ont étudié surtout le retentissement sur le rein de la maladie hypertensive. Dans la majorité des cas, l’histologie a montré un rein normal ou porteur de lésions discrètes dont la modicité était compatible avec le concept de « rein protégé » par la sténose. Chez cinq patients, le rein présentait des lésions plus importantes susceptibles d’expliquer la persistance de l’hypertension artérielle après l’intervention.

Les lésions associées ont été particulièrement fréquentes chez l’enfant.

Des lésions de l’aorte abdominale ont été observées 23 fois (27 %). Il s’agissait, chez un patient, d’un anévrisme de l’aorte, réparé par résection-anastomose, chez cinq patients de sténoses liées à une aortite inflammatoire, enfin, chez 17 patients, de coarctations malformatives intéressant le segment cœliaque ou inter-rénal de l’aorte.

Des lésions des troncs artériels digestifs ont été rencontrées chez 17 patients présentant, au total, 23 lésions : 12 sténoses ou obstructions de l’artère mésentérique supérieure, cinq obstructions du tronc cœliaque, deux anévrismes mésentériques supérieurs, un anévrisme pancréatico-duodénal, trois compressions du tronc cœliaque par ligament arqué.

Un phéochromocytome surrénalien était présent chez deux enfants avec un cas bilatéral.

Un anévrisme cérébral a été découvert chez deux enfants.

Des lésions à distance existaient chez cinq des huit enfants atteints d’aortite inflammatoire (thrombose sous-clavière, sténose des artères pulmonaires, valvulopathie aortique).

Enfin, quatre enfants présentaient une neurofibromatose de Recklinghausen. L’examen histologique des artères rénales a retrouvé deux fois les lésions propres à cette maladie ; dans les deux autres cas, l’histologie n’a objectivé qu’une fibrodysplasie médiale banale.

Circonstances de découverte

Dans la majorité des cas (85 %), l’hypertension artérielle était cliniquement muette et a été découverte fortuitement lors d’un examen médical systématique.

Les formes sévères ou décompensées ont représenté 15 % des cas. Comme mentionné précédemment, deux enfants sont décédés subitement avant leur prise en charge chirurgicale, un d’hémorragie cérébrale, l’autre de défaillance cardiaque aiguë. Quatre enfants ont présenté un tableau inaugural d’encéphalopathie hypertensive avec signes d’hypertension intracrânienne, voire coma, qui a régressé après traitement hypotenseur d’urgence. Cinq enfants présentaient une cardiopathie hypertensive majeure, avec ou sans valvulopathie associée et, éventuellement, troubles du rythme, imposant une préparation préopératoire de plusieurs jours. Enfin, deux enfants ont dû être opérés en urgence en raison d’une thrombose aiguë de l’artère rénale, déclenchée par le traitement anti-hypertenseur.

Mortalité, morbidité

Il n’y a eu aucune mortalité postopératoire dans cette série.

La morbidité générale a été de six cas (7 % des patients) : une oligurie transitoire après intervention complexe sur rein unique, trois hémorragies postopératoires (avec deux ré-interventions et un hématome lombaire résorbé spontanément), une fissuration d’anévrisme intracrânien ayant nécessité une intervention neurochirurgicale d’urgence couronnée de succès, enfin, une thrombose veineuse iliaque traitée par anticoagulants.

La morbidité vasculaire a comporté sept thromboses complètes de la revascularisation rénale (7 % des réparations artérielles) dont quatre ont nécessité une néphrectomie. Deux thromboses de branches secondaires ont été observées (2 %), entraî- nant une atrophie rénale segmentaire. Enfin, une des reconstructions mésentériques supérieures s’est compliquée de thrombose, sans traduction clinique du fait de la suppléance par une volumineuse arcade de Riolan.

Résultats anatomiques

Cinq sténoses itératives (5 % des réparations) sont survenues : trois ont été réopérées avec succès par chirurgie ex situ et une a été traitée par angioplastie endo-luminale : cette enfant a, actuellement, une tension artérielle normale. La dernière n’entraînant pas d’hypertension artérielle n’a eu aucun traitement.

Deux anévrismes sur autogreffe veineuse saphène ont été observés. Ils ont été réséqués et remplacés par une autogreffe artérielle.

Le pourcentage de bons résultats anatomiques atteint donc in fine 89 % des réparations.

Résultats sur l’équilibre tensionnel

Avec un recul allant de 1 à 18 ans, 68 enfants (82 %) sont normotendus (tension systolique inférieure à 120 mm Hg, diastolique inférieure à 70 mm Hg) et ne suivent ni régime ni traitement. Quinze enfants (18 %) restent hypertendus ; dix d’entre eux sont très améliorés (tension artérielle bien équilibrée avec un traitement médical allégé), cinq sont inchangés et nécessitent la continuation du traitement médical antérieur.

Après l’opération, les chiffres tensionnels se normalisent, le plus souvent, en quelques jours mais, parfois, la baisse tensionnelle n’est obtenue qu’après quelques semaines après l’opération. La raison du caractère tardif de ces baisses de pression artérielle est inconnue.

Évolution à longue échéance

Les contrôles angiographiques tardifs ont constamment montré une croissance normale des anastomoses vasculaires et des autogreffes artérielles.

Chez deux patients, une sténose de l’artère rénale opposée est survenue un et trois ans après l’intervention initiale. Celle-ci a été traitée chirurgicalement avec succès dans les deux cas.

L’aggravation d’une sténose aortique associée a été observée chez deux patients entraînant la réapparition d’une hypertension artérielle après auto-transplantation iliaque du rein, alors que la réparation de l’artère rénale était normalement perméable. Ces deux patients ont eu un pontage aorto-aortique par prothèse, trois et 12 ans après l’intervention initiale ; ce geste a permis de rétablir une tension artérielle normale.

Deux patients ont développé une sténose du tronc cœliaque par ligament arqué.

Enfin, parmi les enfants atteints d’aortite inflammatoire, une évolution de la maladie a été notée chez deux de nos patients : une atteinte coronaire traitée par pontage huit ans après l’intervention sur l’artère rénale (vérifiée perméable à cette occasion) et une atteinte carotidienne ayant nécessité deux interventions successives de revascularisation.

DISCUSSION

L’hypertension rénovasculaire n’est pas exceptionnelle chez l’enfant. Ses particularités cliniques et évolutives sont remarquables. Alors que la tolérance de l’hypertension peut rester longtemps bonne, la rapidité de sa décompensation est parfois extrême, ainsi que Broyer et coll . [3] l’avaient déjà observé. Celle-ci peut survenir en quelques jours voire en quelques heures, ainsi qu’en attestent, dans notre série, les deux décès survenus avant prise en charge chirurgicale et la fréquence des formes sévères et décompensées. À l’inverse, la régression de la cardiomégalie et des altérations du fond d’œil est très rapide après l’intervention.

Les lésions artérielles responsables sont essentiellement des fibrodysplasies. La fré- quence des lésions vasculaires associées y est remarquable et constitue un argument en faveur d’une origine congénitale malformative qui, dans les cas extrêmes, réalise une atteinte régionale complexe. L’association de phéochromocytomes chez deux opérés et l’existence d’une neurofibromatose de Recklinghausen chez quatre autres font envisager la possibilité d’une atteinte des dérivés de la crête neurale [4] et, de façon générale, posent le problème de l’origine génétique des fibrodysplasies de l’artère rénale [5].

L’aortite inflammatoire, plus rare, est une entité particulière par sa survenue chez des enfants originaires du bassin méditerranéen, par la fréquente association de
lésions vasculaires à distance et d’un syndrome inflammatoire, enfin, par la possibilité d’évolution de la maladie à longue échéance.

Les obstructions complètes de l’artère rénale n’entraînent pas nécessairement la destruction du rein en aval. Il existe en effet, de façon quasi-constante, une importante circulation collatérale qui maintient la viabilité de l’organe.

Le diagnostic de ces lésions est basé sur les investigations morphologiques artérielles.

L’écho-Doppler est l’examen de choix du dépistage en raison de son innocuité, de son faible coût et de sa sensibilité. L’imagerie artérielle a reposé, dans la majorité de nos cas, sur l’angiographie. Cet examen, en raison de son caractère invasif, tend à être remplacé par les procédés modernes d’imagerie, tomodensitométrie 3 D et angio IRM. Nos opérés les plus récents ont bénéficié de ce type d’examen.

Le traitement comporte trois volets : le traitement médical, l’angioplastie transluminale et le traitement chirurgical.

Le traitement médical est le premier institué chez tous les patients, notamment en cas d’hypertension artérielle sévère, mais il faut savoir que celle-ci est souvent incontrôlable par le traitement médical. Ce dernier fait appel aux différentes classes d’anti-hypertenseurs. Lorsque la sténose est très serrée, il expose au risque de thrombose aiguë de l’artère rénale si la baisse tensionnelle est rapide. À longue échéance, le traitement médical utilisé isolément peut être responsable d’une atrophie rénale définitive.

L’angioplastie endoluminale a pris, depuis 1980, une place croissante dans le traitement des lésions sténosantes de l’artère rénale. Elle est actuellement le traitement de première intention des fibrodysplasies mais son utilisation doit être nuancée. En effet, elle peut être inefficace ou impossible, en cas de sténose très serrée, tortueuse, excentrée. Elle peut être responsable de complications graves (dissection, thrombose) susceptibles d’entraîner la perte du rein. Ceci incite à une grande prudence lorsqu’il s’agit d’un rein unique, contre-indication, selon nous, à ce type de traitement. Elle est contre-indiquée en cas d’anévrisme juxta-sténotique, en raison du risque de rupture anévrismale. Elle expose au risque de rupture artérielle en cas d’hypoplasie congénitale de l’artère. Enfin, elle nécessite une surveillance prolongée des patients car les récidives ne sont pas rares. L’angioplastie a été utilisée 16 fois dans cette série. Ce sont les échecs immédiats, les résultats incomplets de la dilatation et les récidives de sténose qui ont conduit à l’intervention. La dilatation a, de plus, été récusée par les radiologues interventionnels chez quatre autres enfants.

Le traitement chirurgical, seul traitement possible au début de notre expérience, a vu ses indications limitées, depuis la moitié de la décennie 80, aux cas d’impossibilité technique, d’échec ou de complication de l’angioplastie trans-luminale, aux formes complexes avec lésions associées justiciables d’une réparation chirurgicale (anévrismes, atteintes artérielles digestives, sténose aortique serrée étendue), à certaines formes anatomiques (agénésie, obstruction complète) ou étiologies particulières (artérite inflammatoire, hypoplasies). Les séries chirurgicales se sont multipliées au
cours des deux dernières décennies [6-10], notre propre série étant, de loin, la plus importante publiée.

Le traitement chirurgical fait appel, comme chez l’adulte, soit à la néphrectomie, soit à la réparation vasculaire.

La néphrectomie a été nécessaire chez 18 % de nos patients. Son indication majeure est la suppression de reins pathologiques : lorsque tout le parenchyme anormal a été enlevé, la néphrectomie entraîne la guérison de l’hypertension artérielle. Quatre néphrectomies ont, de plus, été nécessitées par la thrombose de la réparation.

La réparation vasculaire est le traitement idéal. Elle fait appel à des techniques variées mais il convient de privilégier, chaque fois que possible, celles qui évitent l’emploi d’un matériau de remplacement. Si l’utilisation d’un substitut artériel est nécessaire, l’autogreffe artérielle est le matériau de choix. Il doit être utilisé à l’exclusion de tout autre chez le sujet jeune, en raison de l’absence de dégradation anatomique tardive, fréquente avec les autres matériels (greffe veineuse et prothèse).

L’étude à long terme de nos opérés montre que la croissance des anastomoses et des autogreffes s’effectue normalement lorsque l’enfant grandit [11].

Un pontage prothétique de l’aorte associé à la revascularisation rénale est apparu nécessaire en raison d’un rétrécissement aortique serré chez un petit nombre de nos patients ; chez les autres, aucun geste aortique n’a été réalisé, soit parce que la sténose aortique, peu serrée, n’avait aucun retentissement hémodynamique, soit parce qu’il s’agissait d’enfants très jeunes pour lesquels il a semblé souhaitable de différer le plus possible une reconstruction prothétique de l’aorte.

Le pronostic de l’hypertension rénovasculaire est très favorable chez l’enfant en raison de la souplesse du système artériel, de l’absence d’athérome, de la durée habituellement réduite d’évolution de la maladie hypertensive, de l’absence de retentissement viscéral. Le caractère favorable du pronostic a été noté aussi dans les autres séries chirurgicales [6-10] qui ont des taux de guérison voisins du nôtre.

Toutefois, 15 de nos opérés gardent à long terme une hypertension artérielle malgré la parfaite perméabilité de la réparation réalisée. Dans cinq cas, l’existence de lésions histologiques découvertes à la biopsie des reins revascularisés peut être incriminée.

Chez trois enfants très jeunes, le retentissement hémodynamique d’une sténose aortique abdominale non réparée est envisagé ; il en va de même chez deux autres enfants dont les artères rénales ont été revascularisées par anastomose splanchnorénale et qui ont une compression du tronc cœliaque par ligament arqué. Dans les autres cas, aucune explication claire n’a été trouvée à la persistance de l’hypertension.

Les indications des différentes méthodes thérapeutiques doivent être nuancées.

L’angioplastie endo-luminale peut être tentée en cas de sténose fibrodysplasique ou d’hyperplasie fibro-musculaire. En cas d’échec de l’angioplastie et/ou de récidive de sténose, il convient de recourir au traitement chirurgical et de ne pas répéter abusivement les tentatives de dilatation. Chez l’enfant très jeune, l’angioplastie peut
être une solution d’attente jusqu’à ce que les artères aient atteint, avec la croissance, une taille plus favorable pour un éventuel traitement chirurgical. Les lésions inflammatoires répondent mal à l’angioplastie et la dilatation des hypoplasies expose à un risque de rupture ou de dissection. Ces lésions sont donc essentiellement chirurgicales.

La chirurgie garde ainsi une place importante en raison de sa grande sécurité, de la qualité de ses résultats, souvent meilleure que celle de l’angioplastie, et du caractère durable des résultats obtenus. Dans les formes bilatérales, la chirurgie réparatrice bilatérale en un temps doit être réservée aux cas favorables sur le plan chirurgical.

Dans les lésions complexes, la pratique de deux temps opératoires séparés est la solution de sécurité. Dans les malformations régionales avec sténose aortique associée, la revascularisation rénale est le geste essentiel du traitement de l’hypertension artérielle. Le pontage aortique ne doit être envisagé que lorsque le retentissement hémodynamique de la lésion aortique est certain et, de préférence, au plus près de l’âge de fin de croissance. Chez l’enfant très jeune, sauf cas de force majeure, il faut retarder le plus possible l’indication de la reconstruction aortique pour éviter une réintervention tardive, qui risque d’être très difficile, sur une prothèse devenue trop petite avec la croissance.

CONCLUSION

La chirurgie garde une place éminente dans le traitement des lésions de l’artère rénale chez l’enfant et donne des résultats excellents sur le contrôle de la tension artérielle. La réparation artérielle est l’idéal à atteindre. Une surveillance prolongée des opérés est nécessaire à la fois pour étudier le devenir des réparations artérielles avec la croissance et en raison de l’évolution possible d’une éventuelle artériopathie inflammatoire.

REMERCIEMENTS

Nous remercions pour la confiance dont ils nous ont honoré, les néphro-pédiatres et plus particulièrement les professeurs M. Broyer, C. Loirat, P. Niaudet, M. Nivet (Tours), ainsi que les autres équipes françaises et étrangères, italiennes et allemandes qui ont bien voulu nous confier leurs patients.

BIBLIOGRAPHIE [1] GILL D.G., MENDES D.A., COSTA B., CAMERON J.S. — Analysis of 100 children with severe and persistent hypertension. Arch Dis Child , 1976, 51 , 951-5.

[2] RANCE C.P., ARBUS G.A., BALFE J.W. — Persistent systemic hypertension in infants and children. Pediatr Clin North Am , 1974, 24 , 801-24.

[3] BROYER M., LENOIR G., GUESPRY P., LÉVY-BENTOLILA D., GUBLER M.C. — Hypertension artérielle par anomalie de l’artère rénale ou de ses branches chez l’enfant. Arch Mal Cœur , 1979, 72, 35-43.

[4] TOURSEL F., DESMET P., DOUCHY P. — Les lésions vasculaires aorto-rénales au cours de la neurofibromatose. Ann Pédiatr , 1977, 24 , 147-51.

[5] CRADDOCK G.R Jr., CHALLA V.R., DEAN R.H. — Neurofibromatosis and renal artery stenosis :

a case of familial incidence. J Vasc Surg, 1988, 8 , 489-94.

[6] NOVICK A.C., STRAFFON R.A., STEWART B.H., BENJAMIN S. — Surgical treatment of renovascular hypertension in the pediatric patient. J Urol, 1978, 119 , 794-805.

[7] MAKKER S.P., MOORTHY B. — Fibromuscular dysplasia of renal arteries : an important cause of renovascular hypertension in children. J Pediatr , 1979, 95 , 940-5.

[8] STANLEY J.C. — Renal vascular disease and renovascular hypertension in children.

Urol Clin.

North Am , 1984, 11 , 451-3.

[9] STANLEY J.C., ZELENOCK G.B., MESSINA L.M., WAKEFIELD T.W. — Pediatric renovascular hypertension : a thirty-year experience of operative treatment. J Vasc Surg , 1995, 21 , 212-26.

[10] NEILL J.A Jr. — Long-term outcome with surgical treatment of renovascular hypertension.

J

Pediatr Surg , 1998, 33 , 106-11.

[11] LACOMBE M. — Traitement chirurgical des sténoses artérielles rénales chez l’enfant.

Chirurgie , 1991, 117 , 661-6.

DISCUSSION

M. Christian NÉZELOFF

J’aimerais faire état d’une expérience acquise auprès de l’équipe des Enfants-Malades (Mme Renée Habib, M. Broyer et M. Mathieu) et demander si un certain nombre de sténoses dysplasiques n’étaient pas associées à une neurofibromatose de von Recklinghausen, laquelle pourrait expliquer le caractère bilatéral de la sténose et la survenue de récidives ?

Dans cette série, les opérés porteurs d’une neurofibromatose de von Recklinghausen représentent 6 % des patients mais ce n’est que chez la moitié d’entre eux que l’examen histologique a montré, au niveau de l’artère rénale, les signes spécifiques de cette maladie.

Chez les autres patients, il s’agissait histologiquement d’une fibrodysplasie banale. Il ne semble pas y avoir eu une fréquence plus grande des récidives chez ces patients mais leur nombre est trop petit pour avoir valeur statistique.

M. Jean NATALI

Quel est le résultat à distance des interventions pour artérites inflammatoires ?

Dans les artérites inflammatoires, le résultat à distance est grevé par l’évolutivité propre de la maladie causale. On peut ainsi observer des récidives de sténose de l’artère rénale
(qui compromettent l’équilibre tensionnel), des atteintes des troncs supra-aortiques (avec un risque d’accident ischémique cérébral) ou des artères coronaires (un cas de syndrome de menace ayant nécessité un pontage coronarien a été observé huit ans après chirurgie de l’artère rénale dans cette série).

M. Pierre BÉGUÉ

Les sténoses « primitives » sont la première cause dans votre série. Quel est l’âge moyen de ces malades ?

L’âge moyen des opérés est de 10,3 ans. La répartition par âges montre l’existence de trois groupes de patients : les enfants très jeunes (2 à 7 ans), les enfants d’âge voisin de la puberté (10 à 14 ans), enfin les grands enfants (15 à 18 ans).

M. André VACHERON

Vous nous avez montré les excellents résultats du pontage chirurgical de l’artère rénale.

Qu’en est-il de ceux de l’angioplastie ? Y a-t-il des « resténoses » ? Quelle est leur fré- quence ?

Les resténoses après angioplastie sont fréquentes. Dans les meilleures mains, le pourcentage est de l’ordre de 20 à 30 % d’où la nécessité d’une surveillance prolongée après dilatation. C’est la fréquence des « resténoses » et des complications après angioplastie qui fait que, selon nous, la chirurgie garde une place prépondérante dans le traitement des lésions de l’artère rénale chez l’enfant.


* Consultation de chirurgie, hôpital Beaujon, 100 boulevard du Général Leclerc — 92118 Clichy cedex. Tiré-à-part : Professeur Michel LACOMBE, 49 rue Guersant — 75017 Paris. Article reçu le 22 mai 2002, accepté le 1er octobre 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 6, 1081-1094, séance du 17 juin 2003