Communication scientifique
Séance du 7 octobre 2003

Physiologie de l’axe somatotrope : intérêt des expériences d’invalidation génique

MOTS-CLÉS : croissance.. facteur croissance igf 1. recepteur igf type 1. transgene
Physiology of the somatotropic axis : interest of gene inactivation experiments
KEY-WORDS : growth.. insulin-like growth factor-1. receptor, igf type 1. transgenes

Y. Le Bouc

Résumé

La physiologie de l’axe somatotrope (hormone de croissance, insulin-like growth factors) a connu ces dernières années un second souffle grâce aux techniques de modifications géniques chez la souris : transgénèse classique et surtout invalidation de gènes par recombinaison homologue. Ces résultats, confrontés aux données phénotypiques et moléculaires de diffé- rentes affections, notamment de retards staturaux, ont permis d’améliorer encore la connaissance de la fonction des divers paramètres de l’axe somatotrope et notamment du système des insulin-like growth factors. Durant la vie fœtale, IGF-II (soumis à empreinte parentale différentielle) et IGF-I sont primordiaux pour la croissance staturo-pondérale et le développement de différents organes notamment le tissu adipeux. L’action des deux IGF est médiée par le récepteur des IGF de type 1. L’invalidation totale d’IGF-I, d’IGF-II ou du récepteur des IGF de type 1, entraîne un retard de croissance. Leur poids de naissance est respectivement de 60 %, 60 % et 45 % du poids normal. L’association de ces différentes altérations a permis de montrer qu’IGF-II agissait également via un autre récepteur non encore caractérisé. De plus, l’invalidation du gène d’IGF-I au niveau du foie, organe qui assure la concentration d’IGF-I dans la circulation sanguine, n’entraîne pas d’altération de la croissance démontrant l’importance de l’action para et autocrine d’IGF-I en périphérie sous l’action directe de la GH. L’IGF-I endocrine possède un rôle métabolique et mitotique important ; ce dernier pourrait favoriser le développement de cancers du sein, de la prostate, et du côlon. En période postnatale, les souris présentant une invalidation du récepteur des IGF de type 1 à l’état homozygote ne sont pas viables. Ce sont les invalidations partielles ou conditionnelles qui ont permis d’étudier plus avant la physiologie d’IGF-I et de son récepteur à l’âge adulte. Le récepteur des IGF de type 1 (comme IGF-I) est très impliqué dans la croissance staturo-pondérale postnatale et la croissance pubertaire, contrairement à IGF-II. Le récepteur activé agit de façon différente et de façon spécifique sur chaque tissu. Enfin, le récepteur des IGF de type 1 vient d’être impliqué dans le contrôle de la durée de vie : une diminution de l’expression de 50 % du récepteur augmente significativement la durée de vie de ces souris ; cette augmentation profitant davantage aux femelles. Les invalidations associant une spécificité en fonction d’un tissu, d’un stade du développement ou étant inductibles par un produit exogène, permettront dans l’avenir de disséquer encore plus finement le rôle des différents acteurs du système IGF. Environ 25 % des patients porteurs d’un syndrome de Zollinger-Ellison (SZE) ont une néoplasie endocrine multiple de type I (NEM I). A l’exception de la diarrhée qui est moins fréquente chez les patients porteurs d’un SZE-NEM I que dans les cas sporadiques et à l’exception de signes reliés spécifiquement à la NEM I , les caractéristiques cliniques des patients sont identiques dans les deux types de SZE. Le débit acide et le niveau de gastrinémie sont également semblables que ce soit à l’état basal ou après stimulation par la secrétine. Les SZE-NEM I dans leur presque totalité présentent un hyperparathyroïdisme primaire (HPTP), 30 % ont un adénome hypophysaire (prolactinome pour la moitié d’entre eux), 30 % ont une atteinte surrénale, 25 à 30 % développent des carcinoïdes fundiques ; les carcinoïdes bronchiques et thymiques ont été probablement sous-évalués en fréquence. Les gastrinomes sont multiples, localisés dans le mur du duodénum et dans le pancréas, en association avec d’autres variétés de tumeurs endocrines cliniquement silencieuses. L’extension de la maladie : métastases au niveau du foie (MH), du médiastin, des os est précisée au mieux par la scintigraphie des récepteurs à la Somatostatine (Octréoscan) ; l’échoendoscopie évalue le nombre, la taille et les caractéristiques anatomiques des gastrinomes. Les patients sans MH ont un excellent pronostic. La chirurgie ne guérit jamais le SZE dans cette condition mais est nécessaire dans le cas où il existe une maladie associée mettant en jeu le pronostic vital, tel l’insulinome, et a été également proposée pour prévenir

Summary

Research into the somatotropic axis (growth hormone, insulin-like growth factors) has received renewed attention in the last few years, owing to techniques for genetic modification in the mouse, essentially transgenesis, and gene inactivation. The results, compared with phenotypic and molecular data for various pathological conditions, e.g. short stature, have increased our understanding of the function of the various parameters of the somatotropic axis, especially those of the insulin-like growth factor (IGF) system. During fetal development, IGF-II (which is subject to imprinting) and IGF-I are essential for increases in height and weight and for development of the various organs, adipose tissue in particular. The action of these two IGF is mediated by the IGF type 1 receptor. Total inactivation of the IGF-I gene, the paternal allele of the IGF-II gene or the IGF type 1 receptor gene leads to growth retardation resulting in mouse fetuses weighing only 60 %, 60 % and 45 % of their wild-type controls. Combinations of these inactivations have shown that IGF-II also exerts its effects by interacting with another, as yet uncharacterized receptor. Moreover, inactivation of the IGF-I gene specifically in the liver, organ which normally maintains the high IGF-I concentrations in the blood (endocrine action), has no effect on growth, demonstrating that local IGF-I plays an auto/paracrine role in the periphery, under the direct influence of growth hormone (GH). However, endocrine IGF-I plays an important role in metabolism and cellular proliferation, and its function in mitosis may favor the development of cancer in the breast, colon and prostate. Mice with homozygous inactivation of the IGF type 1 receptor gene are not viable after birth. Partial and conditional inactivation have made it possible to study the physiology of these factors in adult animals. In contrast to IGF-II, the IGF type 1 receptor is, like IGF-I, involved in postnatal growth regulation. Lack of IGF type 1 receptor or of IGF-I affects both height and weight, and shows that this receptor is particularly involved in promoting pubertal growth. The activated receptor acts differently and specifically in each tissue. Finally, the IGF type 1 receptor has recently been implicated in the control of lifespan : a 50 % decrease in the number of receptors increased the lifespan of these mice by 26 %. This increase displayed sexual dimorphism, being greater for females (33 %) than for males (16 %). Invalidations combining different properties – specificities according to tissue, development stage or inducibility by an exogenous product – will facilitate fine dissection of the roles of the various ubiquitous actors in the IGF system.

* Médecin Honoraire des Hôpitaux de Paris — Service d’Hépato-gastroentérologie, Hôpital BichatClaude Bernard et INSERM (U 10 et U 410) — 46 rue Henri Huchard, 75877 Paris Cedex 18.

Professeur Emerite à l’Université Paris VII-Denis Diderot.

Tirés-à-part : Professeur Michel MIGNON, à l’adresse ci-dessus.

Article reçu le 17 mai 2003, accepté le 30 juin 2003.


* Explorations Fonctionnelles Endocriniennes, 26 Avenue du Docteur Arnold Netter, Hôpital d’Enfants Armand-Trousseau 75571 Paris cedex 12. Et INSERM Unité 515, Hôpital Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12. Tirés-à-part : Professeur Yves LE BOUC, à l’adresse de l’hôpital Armand-Trousseau ci-dessus. Article reçu le 10 mars 2003, accepté le 31 mars 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 7, 1225-1247, séance du 7 octobre 2003