Information
Séance du 28 octobre 2014

Numerus clausus et démographie médicale en France

MOTS-CLÉS : DÉMOGRAPHIE. ENSEIGNEMENT MÉDICAL PREMIER CYCLE
Numerus clausus and medical demographics in France
KEY-WORDS : DEMOGRAPHY. EDUCATION, MEDICAL, UNDERGRADUATE

Michel HUGUIER* Patrick ROMESTAING**

Résumé

En France, le nombre d’étudiants en médecine admis en deuxième année d’études (numerus clausus) a été limité par des lois : de 1971 en fonction des possibilités de formation pratique hospitalière et depuis 1979, en tenant compte des évolutions démographiques. L’objectif de 250 médecins pour 100 000 habitants paraissait alors raisonnable et impliquait de former chaque année 6 000 nouveaux médecins. Un nombre moindre avait été prévu, transitoirement, pour compenser une bosse démographique prévisible un peu après l’année 2 000. Ces mesures ont été progressives pour ne pas défavoriser brutalement une génération par rapport aux autres. Elles ont encore été modulées par région afin d’atténuer les disparités régionales existantes, la quasi-totalité des étudiants s’installant dans la région où ils ont fait leurs études. La logique aurait voulu de faire une pré-sélection à l’entrée des études. L’opposition absolue des étudiants a amené à faire cette sélection en fin de première année, ce qui a encore plus de contreparties. À la fin des années 80, le numerus clausus aurait dû être ré-augmenté, ce qui n’a été le cas que dix ans plus tard.

Les estimations sur la démographie médicale sont compliquées car le système est loin d’être étanche. Il convient d’intégrer dans la réflexion les médecins de l’Union Européenne (EU) qui viennent travailler en France, mais aussi le nombre croissant d’étudiants français qui, après avoir échoué au passage en seconde année, vont se former à l’étranger avant de revenir passer l’examen classant national en fin de deuxième cycle. Des décisions communautaires sont souhaitables pour faire évoluer le numerus clausus des études médicales des pays de l’UE vers une certaine harmonisation quantitative. Enfin, en France, la réglementation hospitalière doit beaucoup mieux contrôler le dévoiement indirect du numerus clausus par l’embauche de médecins hors UE sur des postes laissés vacants.

Summary

In France, the number of students admitted to the second year of medical studies is limited (numerus clausus) by law. In 1971 this limit was set according to hospital training capacity, while since 1979 it has been based on demographic trends. An objective of 250 physicians per 100 000 inhabitants seemed reasonable and required 6000 students to be trained each year. In 1979, it was decided to restrict the number of students temporarily because of a likely demographic slump after the year 2000. These steps were introduced progressively, in order not to unfairly treat a particular student class. The numerus clausus is also modulated geographically to take into account differences in medical density, as most students set up in the region where they did their medical studies. It is logical to practice preselection for admission to medical school, yet in France every baccalaureat holder can join any medical school, and students are totally opposed to preselection. This is why selection takes place at the end of the first year. In the late 1980s, the numerus clausus should have been increased by the health and education ministries, but this was in fact done only ten years later.

Estimates of medical demography are complicated by three factors. First, many physicians from European Union member states (mainly Belgium and Romania) set up in France. Second, some students not admitted to the second year of medical studies go to learn medicine in a foreign country before returning to sit the French national examination at the end of the sixth year. Third, public hospitals hire foreign physicians from outside the EU (mainly Algeria and Morocco), who then stay in France permanently. Thus, EU-level decisions are needed to harmonize the medical numerus clausus across member states. The hiring of physicians from non EU countries by French hospitals should be more tightly controlled.

Télécharger l’article (PDF)

* Membre de l’Académie nationale de médecine. Ancien conseiller technique de madame S. Veil, (1977-1979) ministre de la Santé.** Vice-Président du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM). Ancien président de Section Santé Publique et Démographie du CNOM. Représentant le CNOM à l’Observatoire National des Professions de Santé. Responsable de l’Observatoire européen de démographie médicale.

Bull. Acad. Natle Méd., 2014, 198, no 7, 1367-1378, séance du 28 octobre 2014