Communication scientifique
Séance du 25 novembre 2003

Nouveau vaccin antipneumococcique

MOTS-CLÉS : enfant. streptococcus pneumoniae, infection. vaccins antipneumococciques. vaccins conjugués
New pneumococcal vaccine
KEY-WORDS : child.. pneumococcal infections. pneumococcal vaccines. vaccines, conjugate

Joël Gaudelus *

Résumé

Le pneumocoque est la principale bactérie responsable des infections invasives (bactériémie, méningite) chez l’enfant de moins de 2 ans. La mise au point d’un vaccin heptavalent conjugué (7 polysaccharides des sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F, conjugués à une protéine dérivée de l’anatoxine diphtérique CRM 197) constitue un réel progrès. Ce vaccin est bien toléré, immunogène et efficace chez le petit nourrisson. Son efficacité dans les infections invasives est supérieure à 95 %. La réduction du nombre de pneumonies (avec opacité radiologique d’au moins 2.5 cm) a été de 32.2 % dans la première année et de 23.4 % dans les deux premières années dans le groupe vacciné. L’efficacité dans les otites moyennes aiguës est dans l’immédiat médiocre. Les indications de ce vaccin qui concernent des enfants de moins de 2 ans ayant un facteur de risque surajouté devraient pouvoir être étendues à tous les enfants de moins de 2 ans.

Summary

Streptococcus Pneumoniae is the main pathogen bacteria responsible for invasive diseases (bacteremia, meningitis) in children less than 2 years of age. The new conjugate heptavalent pneumococcal vaccine (7 polysaccharide serotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F conjugated with the CRP 197 protein derived from diphteria anatoxin) is a great advance. This vaccine is well tolerated, immunogenic and efficient in infant. His efficacy in invasive pneumococcal diseases is more than 95 %. The reduction of pneumonia (with 2.5 cm X-Ray opacity) was 32.2 % in the first year of age and 23.4 % in the two first years in the vaccinated group. The efficacy in acute otitis media is poor French indications of this vaccine, limited to infants under 2 years of age with further risk factor, might be extended to all the infants under 2 years of age.

Le pneumocoque est l’une des bactéries les plus importantes chez le nourrisson et l’enfant du fait d’une part de la fréquence des infections dont il est responsable et d’autre part de la gravité que ces infections sont susceptibles de présenter. Enfin le nombre de souches ayant une sensibilité diminuée à la pénicilline ne cesse d’augmenter dans notre pays.

ÉPIDÉMIOLOGIE DES INFECTIONS A PNEUMOCOQUE

On estimait aux États-Unis en 1997 que le pneumocoque était responsable chaque année de 7 000 000 d’otites, 500 000 pneumonies, 50 000 bactériémies et 3 000 méningites [1]. En France, faute d’un système de surveillance aussi performant, les données sont moins précises [2].

Otites

On évalue entre 3 et 4 millions le nombre de prescriptions pour otite chaque année, le pneumocoque étant responsable de 30 à 40 % des otites bactériologiquement prouvées. Les pneumocoques isolés de pus d’oreille ont dans plus de 70 % des cas une sensibilité diminuée à la pénicilline. Ceux-ci sont responsables de plus de 50 % des échecs de traitement des otites bactériologiquement prouvées [3].

Pneumopathies

Les données concernant les pneumonies sont difficiles à obtenir car la plupart des cas ne sont pas confirmés bactériologiquement. Moins de 10 % des hémocultures sont positives au cours des pneumonies [4]. Un tiers des souches de pneumocoque qui y sont retrouvées ont une sensibilité diminuée à la pénicilline. On estime à environ 10 000 le nombre de pneumonie à pneumocoque chez les 0 à 9 ans [5].

Bactériémies

Le pneumocoque est la bactérie prédominante des bactériémies communautaires de l’enfant avec un pic de fréquence entre 6 et 24 mois [6]. Chez les enfants vaccinés par le vaccin conjugué antiHaemophilus b, le pneumocoque est responsable de la grande majorité des bactériémies avant l’âge de 3 ans [7].

Méningites

On estime entre 150 et 200 le nombre de méningites à pneumocoque de l’enfant, dont les 2/3 surviennent avant l’âge de 2 ans [8]. Le taux de létalité est de 10 % et le taux de séquelles de l’ordre de 30 %. Le nombre de souches de sensibilité diminuée à la pénicilline et aux céphalosporines de 3e génération (Cefotaxime ou Ceftriaxone)
isolées du liquide céphalorachidien s’est accru de 1993 à 1995 : de 27 à 32 % pour la pénicilline dont 50 % des souches sont intermédiaires (CMI entre 0.12 et 1 mg/l) et 50 % sont résistantes (CMI entre 1 et 2 mg/l) de 14 à 23 % pour les céphalosporines de 3e génération. Les chiffres ont encore augmenté depuis pour atteindre 50 % pour la pénicilline et 35 % pour les céphalosporines de 3e génération.

Il faut rappeler que les souches de sensibilité diminuée à la pénicilline sont le plus souvent multi-résistantes.

Infections invasives

En 1997, l’incidence des infections invasives à pneumocoque (isolement dans le sang ou dans le LCR) était de 45 pour 100 000 chez les nourrissons de moins d’un an et de 12 pour 100 000 chez les 1-4 ans [10]. Ces chiffres semblent stables depuis.

Deux enquêtes nationales ont confirmé récemment l’ampleur des infections invasives à pneumocoque en France. La première, menée par le groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) et incluant 32 services de réanimation pédiatrique avait pour but d’évaluer rétrospectivement les décès par infection bactérienne communautaire chez les enfants âgés de 10 jours à 18 ans au cours des années 1999 et 2000 [11]. Sur 100 dossiers retenus, l’étude révèle que le pneumocoque est responsable de trois-quarts des méningites mortelles (26 cas) et de près de 4 décès sur 10, toutes pathologies bactériennes communautaires confondues, chez les enfants âgés de plus de 2 mois. La seconde réalisée par l’observatoire national des méningites bactériennes de l’enfant mis en place par le GPIP et qui réunit 259 services hospitaliers pédiatriques et 169 laboratoires de microbiologie français. Celui-ci a enregistré 449 cas de méningites bactériennes en 2001, lesquels représentent environ deux tiers du nombre total de cas annuels estimé. Ces données confirment que le pneumocoque est le premier germe en cause chez l’enfant de moins de 2 ans juste devant le méningocoque qui prédomine chez l’enfant plus grand. Sur les 126 cas de méningites bactériennes à pneumocoque observés, il s’agissait 7 fois sur 10 d’enfants de moins de 2 ans.

Portage

Le portage rhinopharyngé du pneumocoque est fréquent et varie en fonction de l’âge. De 10 % avant 3 mois, le pourcentage des nourrissons porteurs passe à 30 % entre 4 et 12 mois et peut atteindre 50 % entre 1 et 2 ans [12].

Facteurs de risque d’une pathologie invasive

Des facteurs de risque d’une pathologie invasive à pneumocoque ont été mis en évidence. Ce sont :

Les enfants à risque très élevé (risque multiplié par un facteur de 20 à 300 fois) :

drépanocytaires, aspléniques, splénectomisés, infections à VIH, hypogammaglobulinémiques.

Les populations à risque : les enfants de moins de 2 ans chez qui les infections invasives sont 5 à 10 fois plus fréquentes que chez les 2-14 ans. Chez ces nourrissons, certains facteurs augmentent encore ce risque [13].

— Le mode de garde en crèche collective (risque relatif de l’ordre de 3 entre 2 et 23 mois).

— Des antécédents d’otite moyenne aiguë (risque relatif de l’ordre de 2.2 lorsqu’il y a eu otite dans les 3 mois précédents entre 3 et 23 mois).

— Un traitement antibiotique récent (risque relatif de l’ordre de 3.5 entre 3 et 23 mois).

— La taille de la fratrie : frères et sœurs de moins de 7 ans.

— L’absence d’allaitement suffisamment prolongé : le fait d’allaiter réduit le risque avec un risque relatif de 0.21 de 2 à 11 mois et de 0.75 de 12 à 23 mois.

LE VACCIN ANTIPNEUMOCOCCIQUE CONJUGUÉ HEPTAVALENT

Le pneumocoque tire sa virulence de sa capsule qui lui permet, entre autre, de résister à la phagocytose. Celle-ci contient des polysaccharides dont l’analyse permet de dénombrer 90 sérotypes capsulaires différents regroupés en 45 sérogroupes.

L’immunisation est spécifique à chaque sérotype. Un vaccin polysaccharidique 23 valents est disponible depuis 1983, mais comme tout vaccin polysaccharidique, il est très peu immunogène chez le petit enfant. En effet, les antigènes polysaccharidiques déclenchent une réponse immunitaire de type thymo-indépendant c’est-à-dire chez l’enfant de moins de 2 ans : d’intensité faible ou nulle, de courte durée, sans effet rappel lors d’une réinfection et sans effet sur le portage. Tous ces éléments expliquent que ce vaccin n’était proposé que chez les enfants à très haut risque à partir de l’âge de 2 ans.

L’efficacité du vaccin conjugué anti Haemophilus b comportant le polysaccharide polyribosyl-ribitol-phosphate (PRP) conjugué à une protéine sur les infections invasives et tout particulièrement sur les méningites à Haemophilus b [14] a stimulé les recherches pour mettre au point d’autres vaccins conjugués vis à vis de bactéries responsables de méningites ou d’autres infections graves. Le couplage d’un polysaccharide à une protéine porteuse permet en effet de rendre l’antigène thymodépendant c’est à dire d’induire une réponse immune forte chez le petit nourrisson, dès l’âge de 2 mois, et de déterminer un effet rappel lors de la réexposition à l’antigène, témoin de la mise en place d’une mémoire immunitaire. Ce type d’immunisation est par ailleurs efficace sur le portage.

Le vaccin antipneumococcique heptavalent conjugué (Prevenar®) contient 7 polysaccharides purifiés de la capsule de Streptococus Pneumoniæ , chacun couplé avec
une protéine porteuse, protéine dérivée de l’anatoxine diphtérique : le CRM : 2 197 µg de polysaccharides des sérotypes 4, 9V, 14, 19F, 23F et d’oligosaccharides de 18C, 4 µg de polysaccharides du sérotype 6B, 20 µg de protéine porteuse CRM . Ces 197 sérotypes ont été choisis du fait de la fréquence de leur responsabilité dans les infections invasives de l’enfant qui est de l’ordre de 80 %. Ce vaccin recouvre par ailleurs près de 90 % des souches de sensibilité diminuée à la pénicilline.

Tolérance, immunogénicité

La tolérance et l’immunogénicité ont été évaluées dans un premier temps chez plus de 1 000 nourrissons recrutés dans 9 études réalisées aux États-Unis et en Europe (Allemagne, Finlande, France, Grande Bretagne). Dans chacune de ces études le protocole de vaccination a toujours comporté 3 doses injectées à 1 ou 2 mois d’intervalle selon le calendrier vaccinal recommandé dans chaque pays pour le nourrisson. L’administration du vaccin conjugué heptavalent était simultanée avec les autres vaccins recommandés. Ces études ont montré que le pourcentage de répondeurs variait entre 90 et 100 % suivant le sérotype. La cinétique de la réponse sérologique est variable d’un sérotype à l’autre. Une augmentation significative de la concentration moyenne d’anticorps est obtenue dès la 2ème dose pour les sérotypes 4, 14 et 19F mais seulement après la 3ème dose pour les sérotypes 6B et 23F. Ces données justifient que le schéma de primo-vaccination comporte 3 doses. Dans les essais l’ayant évalué, l’administration d’une 4eme dose (vaccination de rappel) entraîne une forte réponse en anticorps dont l’amplitude est très supérieure à celle suivant la primovaccination. Ceci témoigne de la mise en place d’une mémoire immunitaire. Cet effet rappel existe non seulement avec le vaccin conjugué mais aussi avec le vaccin polysaccharidique 23 valents lorsque la primovaccination s’est faite avec un vaccin conjugué.

Les réactions locales (érythème, induration, douleur) au site d’injection sont moins fréquentes qu’avec un vaccin contenant un vaccin coquelucheux à germe entier.

L’évaluation des réactions générales doit tenir compte de la nature du vaccin administré simultanément. Il existe une fréquence plus élevée de réactions fébriles dans le groupe recevant le vaccin conjugué heptavalent que dans le groupe témoin.

L’évaluation de l’immunogénicité des autres vaccins administrés simultanément ne montre pas de différence par rapport à un groupe ne recevant pas le vaccin pneumoconjugué à l’exception d’une diminution de la réponse sérologique vis à vis de la pertactine.

Tolérance et efficacité

L’évaluation de la tolérance et de l’efficacité de ce vaccin a été effectuée au cours d’un essai ayant inclus 37 868 nourrissons [15]. Il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle : 50 % des enfants recevant le vaccin heptavalent conjugué, 50 % recevant un vaccin anti-méningocoque C conjugué (même protéine CRM ). Les 197
vaccins sont administrés à 2, 4, 6 mois et à 12-15 mois en même temps que les vaccins du calendrier vaccinal habituel. La tolérance du vaccin est bonne, qu’il s’agisse des réactions locales ou générales. Il n’a pas été noté d’effet secondaire grave en rapport avec la vaccination lors de cet essai. Ceci a été confirmé après maintenant plus de 30 millions de doses délivrées.

L’efficacité a été évaluée dans les différentes pathologies :

Dans les infections invasives à pneumocoque : bactériémies et/ou méningites et/ou pneumonies bactériémiques, l’efficacité est de 97.4 % (IC 95 % = 82.7 — 99.9). Il n’a pas été mis en évidence dans cet essai d’augmentation d’infections invasives par des pneumocoques dont les sérotypes ne sont pas contenus dans le vaccin. L’impact de la vaccination sur les infections invasives à pneumocoque quel que soit le sérotype met en évidence une réduction de 89.1 % (IC 95 % = 73.7 — 95.9) par rapport au groupe contrôle.

L’efficacité de ce vaccin a été confirmée en étude de population — d’une part en Californie du Nord (lieu de l’essai vaccinal) puisqu’un an après les recommandations et la mise à disposition du vaccin une réduction de 58.1 % des infections invasives était observée chez les moins de 2 ans [16].

— d’autre part au niveau de 7 états comptabilisant 16 millions de personnes dont plus de 400 000 enfants de moins de 2 ans ou le taux d’infections invasives à pneumocoques dont le sérotype appartient au vaccin chute de 80 % en 2 ans [17].

Cette dernière étude montre par ailleurs une diminution de l’incidence des infections invasives de 32 % chez les adultes de 20 à 39 ans et de 18 % chez les sujets de plus de 65 ans alors que ces populations ne sont pas vaccinées. Ceci peut être expliqué par l’action du vaccin sur le portage. Dans ces études, il n’y a pas eu d’émergence de souche non contenue dans le vaccin et responsable d’infection invasive.

Dans les pneumonies

Les résultats sur les pneumonies ont été repris récemment [18]. Lorsque le diagnostic de pneumonie est uniquement clinique, il n’y a pas de différence significative entre le groupe vacciné et le groupe contrôle. Dans les pneumonies avec anomalie radiologique (quelle que soit l’anomalie), l’efficacité est de 8.9 % (IC 95 % : 0.9-16.3, p. = 0.03) et lorsque l’anomalie radiologique est une opacité mesurant au moins 2.5 cm, l’efficacité est de 17.7 % (IC 95 % : 4.8-28.9, p. = 0.01).

Au total pour les pneumonies avec radiologie évocatrice de pneumocoque, la réduction de ce type de pneumonie est de 32.2 % la première année et de 23.4 % dans les 2 premières années [18].

Dans les otites moyennes aiguës (16) définies cliniquement :

— Toutes otites confondues, l’efficacité est de 7 % (IC 95 % 4.1 — 9.7) — Dans les otites récidivantes définies par 3 épisodes ou plus d’otites en 6 mois ou 4 épisodes ou plus en un an, l’efficacité est de 9.5 % (IC 95 % : 3.2-15.3)
— Dans les otites justifiant la pose d’aérateurs trans-tympaniques, l’efficacité est de 20.3 % (IC 95 % : 1.8-35.4).

Un autre essai s’est intéressé spécifiquement aux otites, mais avec analyse bactériologique [19]. Il s’agit là encore d’un essai randomisé en double aveugle. Les enfants sont vaccinés soit par le vaccin anti-pneumococcique conjugué, soit par le vaccin anti-hépatite B à 2, 4, 6 mois avec rappel à 12 mois. Les vaccins du calendrier vaccinal sont administrés simultanément.

— Toutes otites confondues, la réduction du nombre d’otites est de 6 % (IC 95 % — 4-16) ; le chiffre négatif indique une possible augmentation du nombre d’otites dans le groupe vacciné.

— La réduction du nombre d’otites à pneumocoques confirmées par la culture est de 34 % (IC 95 % : 21-45).

— La réduction du nombre d’otites à pneumocoques dont les sérotypes sont contenus dans le vaccin est de 57 % (IC 95 % : 44-67).

— La réduction du nombre d’otites à pneumocoque dont le sérotype a une immunité croisée avec ceux contenus dans le vaccin est de 51 %.

Au total, le vaccin anti-pneumococcique conjugué heptavalent est modérément efficace dans la prévention des otites moyennes aiguës à pneumocoques dont les sérotypes sont contenus dans le vaccin. Ce vaccin est efficace sur le portage nasopharyngé des souches dont le sérotype est contenu dans le vaccin [20] mais ces souches sont remplacées par des pneumocoques de sérotypes différents dont le potentiel pathogène n’est pas négligeable puisqu’il y a finalement davantage d’otites dues à ces sérotypes dans le groupe vacciné.

Compte tenu de ces résultats, le vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent a reçu une autorisation de mise sur le marché pour la prévention des infections invasives à pneumocoque de l’enfant de moins de 2 ans.

Les modalités d’administration du vaccin sont les suivantes : 3 injections respectivement à 2, 3, 4 mois et un rappel un an plus tard.

Si l’enfant est vu après 6 mois : 2 injections à 1 mois d’intervalle et un rappel un an plus tard si l’enfant est âgé de 7 à 11 mois.

Si l’enfant est vu après un an : 2 injections à 2 mois d’intervalle.

Les recommandations du conseil supérieur d’hygiène publique de France sont les suivantes [21] :

Enfants de 2 mois à 2 ans présentant une pathologie les exposant à un risque élevé d’infection invasive à pneumocoque : vaccination fortement recommandée.

— Asplénie fonctionnelle ou splénectomie, drépanocytose homozygote.

— Infections par le VIH.

— Déficits immunitaires congénitaux ou secondaires à une insuffisance rénale chronique ou un syndrome néphrotique et/ou à un traitement immunosuppresseur ou une radiothérapie pour néoplasie, lymphome ou maladie de Hodgkin, leucémie, transplantation d’organe.

— Cardiopathie congénitale cyanogène, insuffisance cardiaque.

— Pneumopathie chronique (à l’exception de l’asthme, sauf les asthmes sous corticothérapie prolongée).

— Brèche cérébroméningée.

— Diabète.

Enfants de 2 mois à 2 ans exposés à un ou des facteurs de risque liés au mode de vie identifiés dans la littérature : vaccination recommandée.

— Enfants gardés plus de quatre heures par semaine en compagnie de plus de deux enfants en dehors de la fratrie.

— Enfants ayant reçu moins de 2 mois d’allaitement maternel.

— Enfants appartenant à une fratrie d’au moins trois enfants (d’âge préscolaire).

Ces recommandations sont compliquées et difficiles à retenir. Ne serait-ce que sur l’argument concernant l’allaitement maternel, cette vaccination s’adresse à 70-80 % des enfants de moins de 2 ans. Il faut rappeler que le facteur de risque principal de faire une infection invasive à pneumocoque est d’avoir moins de 2 ans. Ce seul facteur devrait suffire et la recommandation de vacciner devrait pouvoir être étendue à tous les enfants de moins de 2 ans comme le recommande l’académie américaine de pédiatrie [22].

Quoi qu’il en soit, la généralisation de ce vaccin nécessite la mise en place d’une surveillance des infections invasives à pneumocoque non seulement pour évaluer son efficacité mais aussi pour appréhender l’émergence éventuelle d’une souche de sérotype non contenu dans le vaccin et responsable d’infection invasive. Si on vaccine tous les enfants de moins de 2 ans, ce vaccin peut laisser espérer une diminution de 80 % des méningites à pneumocoque dans cette tranche d’âge. Par ailleurs, le portage des souches et leur sensibilité aux antibiotiques doivent également être évalués. À condition que la prescription antibiotique diminue dans le même temps, on devrait pouvoir assister à une diminution des souches de sensibilité diminuée à la pénicilline. L’augmentation du nombre de sérotypes dans de futurs vaccins permettraient vraisemblablement une meilleure efficacité dans les pneumopathies en rajoutant les sérotypes 1 et 5, peut être dans les otites, et d’une façon générale un vaccin plus adapté à l’ensemble de la planète [23].

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[22] American Academy of Pediatrics. Committee on Infectious Diseases. Policy Statement :

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[23] COHEN R., OVETCHKINE P., REINERT P., GAUDELUS J. — Les vaccins antipneumococciques :

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DISCUSSION

M. Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

En médecine vétérinaire, nous observons aussi des infections dues à Streptococcus pneumoniae, en particulier chez les ruminants, avec une septicémie rapidement mortelle chez les jeunes et des troubles respiratoires pour les animaux plus âgés. On ne connaît pas l’importance de ces infections dans les troupeaux, ce germe n’étant pas systématiquement recherché. Une contamination d’origine animale ne pourrait être exclue dans le cas des infections humaines. Ce facteur de risque est-il connu ?

Je ne connais pas d’étude ayant cherché à mettre en évidence un risque de contamination des humains, et en particulier des enfants, à partir du monde animal. Le portage du Pneumocoque, pharyngé, est parfaitement documenté chez les enfants de moins de deux ans. Il peut aller jusqu’à 50 % des enfants d’une crèche à un moment donné. La transmissibilité inter-humaine est démontrée. Il serait peut-être intéressant d’étudier l’éventualité d’une transmission à partir du monde animal.

M. Géraud LASFARGUES

Peut-on envisager une amélioration de l’efficacité du vaccin contre les otites à Pneumocoque ?

Comme je l’ai dit dans l’exposé, le vaccin anti-pneumococcique conjugué heptavalent n’a pas donné les résultats escomptés dans l’otite moyenne aiguë du nourrisson. En effet, deux études, l’une effectuée en Californie du nord et l’autre en Finlande, montrent une réduction globale du nombre d’otites moyennes aiguës dans la population vaccinée de 6 à 8 %. L’étude finlandaise, qui était à la fois clinique et bactériologique, montre une réduction de 35 % des otites à Pneumocoque, et de 57 % des otites à Pneumocoque dont les sérotypes sont contenus dans le vaccin. Il semble que ces résultats médiocres soient dus en particulier au sérotype 19. Il est vraisemblable d’autre part que le vaccin n’induit pas une immunité muqueuse suffisante. Dans l’étude effectuée en Californie, qui n’est que clinique, on note une réduction des otites à répétition de 10 % et une réduction des otites ayant conduit à la pose de drains trans-tympaniques de l’ordre de 20 %. Enfin, il faut rappeler que ce vaccin a montré son efficacité sur le portage des Pneumocoques, et que les Pneumocoques dont le sérotype est contenu dans le vaccin sont remplacés par d’autres Pneumocoques dont le sérotype n’est pas contenu dans le vaccin. Ces sérotypes sont responsables eux-mêmes d’otites.

M. Roger NORDMANN

Vous nous avez excellemment exposé l’intérêt d’une vaccination systématique des enfants de moins de deux ans. Dès à présent, une prise en charge partielle par la sécurité sociale est réalisée dans certaines indications précises (durée courte de l’allaitement, mise au contact d’autres enfants fréquente, etc.). Malgré l’intérêt qu’aurait l’extension de cette prise en charge à tous les enfants, estimez-vous qu’elle s’impose en cette période de déficit de l’assurance-maladie, compte tenu du prix très élevé du vaccin ? Le rapport coût/bénéfice justifie-t-il ce choix ? Il le serait à coup sûr si la résistance à la pénicilline des pneumocoques incriminés s’étend aux autres antibiotiques dont on dispose. Est-ce le cas ?

Le rapport coût/bénéfice de ce vaccin n’a pas été établi de façon précise en France, en tenant compte de son épidémiologie. Ce rapport est de toute façon difficile à établir. En effet, si le diagnostic des infections invasives, c’est-à-dire bactériémie, septicémie, méningite et pneumonie bactériémique, est relativement facile du fait de la mise en évidence de la bactérie dans un milieu normalement stérile, il n’en est pas de même des pneumonies à Pneumocoque pour lesquelles l’hémoculture n’est positive que dans moins de 10 % des cas, et des otites à Pneumocoque dans la mesure où le prélèvement bactériologique n’est indiqué qu’en cas d’échec d’un premier traitement antibiotique. Il faut rappeler cependant qu’on peut estimer le nombre de méningites à Pneumocoque de l’enfant entre 150 et 200 par an. Dix à 12 % de ces enfants meurent ; 30 % ont des séquelles, sachant qu’il s’agit d’un chiffre minimum dans la mesure où les trois études permettant d’évaluer quantitativement les séquelles ont eu un suivi de courte durée. Il n’est pas possible actuellement de chiffrer de façon précise avec les outils dont on dispose le nombre de bactériémies chez l’enfant, et le nombre d’otites moyennes aiguës dues au Pneumocoque.

Si l’on en juge par l’efficacité rapportée dans les études de population aux États-Unis, et compte tenu des données fournies en France par le Centre National de Référence du Pneumocoque, on peut espérer réduire de 80 % les infections invasives, et de 85 % les méningites à Pneumocoque. Le pourcentage de diminution des pneumopathies dans la première année de vie est aux États-Unis de 33 %, et dans la deuxième année de vie de plus de 20 %. Enfin, l’étude finlandaise montre une réduction des otites à Pneumocoque de 30 %. Il faudrait ajouter à ceci l’évaluation du coût indirect. Il est vraisemblable que le rapport coût/bénéfice obtenu en faisant la somme des bénéfices attendus justifie la vaccination de tous les nourrissons de moins de deux ans.

La deuxième partie de la question concerne la sensibilité des Pneumocoques aux antibiotiques. Malheureusement, les Pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline sont multi-résistants et sont par exemple de sensibilité diminuée aux macrolides dans 70 % des cas. Pour ne parler que des Pneumocoques isolés du liquide céphalo-rachidien des enfants, 55 % sont de sensibilité diminuée à la pénicilline, mais 35 % sont de sensibilité diminuée aux céphalosporines de troisième génération injectables de type Céfotaxime ou Ceftriaxone. Il faut rappeler que les 7 sérotypes contenus dans le vaccin recouvrent 90 % des sérotypes responsables de sensibilité diminuée à la pénicilline.

M. Pierre GODEAU

Chez les splénectomisés ou en cas d’asplénie fonctionnelle, la vaccination antipneumococcique s’impose, mais qu’en est-il de l’intérêt d’une antibioprévention ultérieure systématique
et pendant combien de temps ? 5 ans ? 10 ans ? pour les pédiatres et quid en médecine d’adulte.

Les pédiatres comme les adultes associent à la vaccination anti-pneumococcique une antibioprophylaxie essentiellement avec de la pénicilline V chez les sujets splénectomisés ou ayant une asplénie fonctionnelle. La durée pendant laquelle cette antibioprophylaxie est nécessaire n’est pas connue. D’une façon générale, les pédiatres la poursuivent jusqu’à l’âge adulte, âge auquel ils confient leurs malades aux adultes. Il semble que le rôle de filtre de la rate soit peu à peu remplacé chez les splénectomisés par les ganglions. Ceci met plusieurs années pour être efficace, mais je ne pense pas que quelqu’un puisse dire s’il s’agit de 5 ans ou 10 ans à l’heure actuelle.

M. Christian NEZELOF

Vous nous avez montré que les germes, en particulier les sérotypes, impliqués dans les infections pneumococciques sévères étaient ceux présents dans le rhinopharynx des enfants.

Ne pensez-vous pas que le pic de fréquence trouvé dans les deux premières années de la vie soit lié avant tout à un déficit immunitaire local transitoire ?

Les données dont nous disposons concernant la colonisation du pharynx des enfants par le Pneumocoque ne semblent pas aller dans votre sens. C’est surtout dans les infections systémiques, c’est-à-dire après passage de la barrière de la muqueuse, que les enfants de moins de 2 ans ont un déficit de leur moyen de défense, puisqu’ils ne savent pas faire des anticorps efficaces vis-à-vis des antigènes polysaccharidiques. C’est le fait de conjuguer le polysaccharide à une protéine qui transforme cet antigène en antigène T dépendant vis-à-vis duquel l’enfant est susceptible de fabriquer des anticorps efficaces dès l’âge de 2 mois. Ces antigènes T dépendant induisent par ailleurs une mémoire immunitaire et sont efficaces sur le portage, comme ceci a pu être parfaitement démontré pour l’Hæmophilus influenzæ b.


* Service de Pédiatrie — CHU Jean Verdier — 93140 Bondy. Tirés-à-part : Professeur Joël GAUDELUS, même adresse. Article reçu le 08 octobre 2003, accepté le 20 octobre 2003

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1477-1488, séance du 25 novembre 2003