Communication scientifique
Séance du 26 février 2002

Notions récentes sur la cancérogenèse intestinale, leurs implications dans le dépistage du risque génétique et l’action préventive des anti-inflammatoires non stéroïdiens

MOTS-CLÉS : cancérogenèse. polyadénomatose familiale essentielle. prévention.. tumeur côlon
Colorectal carcinogenesis, an overview : its implication in genetic risk diagnosis and primary prevention by non steroidal anti-inflammatory drugs
KEY-WORDS : adenomatous polyposis coli.. colonic neoplasms

D. Couturier

Résumé

Pour l’ensemble de la population française, le cancer colorectal est la tumeur maligne la plus fréquente. Deux mécanismes de cancérogenèse doivent être distingués. Les tumeurs par instabilité chromosomique sont la conséquence d’une suite de réarrangements qui provoquent le passage par étapes de la muqueuse normale à l’adénome, puis au cancer. Les cancers colorectaux relèvent de ce mécanisme dans 85 % des cas, ils sont localisés de préférence sur le côlon gauche. Les tumeurs par instabilité génique ou nucléotidique sont provoquées par une défaillance des systèmes de réparation de l’ADN et ses conséquences sur les oncogènes et les gènes suppresseurs. L’instabilité génique explique 15 % des cancers, localisés de préférence sur le côlon droit. Le gène APC (adenomatous polyposis coli) intervient au stade initial sur les deux voies de la cancérogenèse. Il joue un rôle suppresseur en évitant l’accumulation de β -caténine dans le noyau cellulaire où elle entraîne la prolifé- ration. Environ 5 % des cancers colorectaux se développent dans des familles à très haut risque par Polypose Adénomateuse Familiale (PAF) ou par syndrome du cancer du côlon familial sans polypose (HNPCC). La PAF est caractérisée par une mutation constitutionnelle d’un des allèles du gène APC. Une mutation acquise sur l’allèle sauvage déclenche le processus. Le phénotype de la maladie dépend de la localisation de la mutation. Le dépistage de la mutation dans une famille permet de ne soumettre que les porteurs à une surveillance astreignante. La localisation de la mutation apporte des arguments dans le choix du traitement. Le syndrome HNPCC est suspecté sur des critères généalogiques. Ces tumeurs relèvent de l’instabilité nucléotidique, un test biologique permet de la déceler. Les mutations sur les gènes de réparation de l’ADN en sont responsables, deux d’entre eux (MSH2, MLH1) sont principalement en cause. D’autres tumeurs malignes (endomètre, appareil urinaire) sont souvent associées chez un même individu et dans la famille. Les sujets porteurs de mutation ou suspects doivent être soumis à un programme de surveillance. Les anti — inflammatoires non stéroïdiens (AINS) possèdent une action antitumorale. D’abord reconnue sur des modèles animaux, l’action sur les tumeurs intestinales a été démontrée pour la première fois chez l’homme dans la Polypose Adénomateuse Familiale. Des études épidémiologiques montrent que les propriétés suppressives et/ou préventives sur les tumeurs de l’intestin concernent aussi les formes communes. Le mécanisme de l’action antitumorale fait intervenir l’inhibition de la cyclo-oxygénase (COX) et aussi des mécanismes indépendants. Les inhibiteurs spécifiques de COX 2 ont des propriétés antitumorales analogues à celles des AINS sans entraîner d’effet indésirable sur la muqueuse gastrique.

Summary

Colorectal cancer is the most common malignant tumor in the french population. This tumor represents 45 % of the cancers of the digestive tract in female and 60 % in male. It is one of the main problem in the field of Public Health but recent progress for research, prophylaxis and treatment have been performed. There are two different pathogenic pathways for colorectal cancer. In chromosomal instability a sequence of rearrangements leads step by step from normal to adenoma and to carcinoma. It is the common pathway observed in 85 % of colorectal cancers, mainly localized in left colon. In genic nucleotidic instability loss of tumor— suppresor genes and activation of cellular oncogenes are the consequence of DNA mismath repair system, which is controled by several genes. The defect of DNA mismatch repair leads to a hypermutable state in wich simple repetitive DNA sequences are specially instable. This is the basis for a test to demonstrate nucleotidic instability. This pathway is found in the remaining 15 % of colorectal cancers which are mainly localized on right colon. A mutational inactivation of both alleles of APC gene is considered as an initial gatekeeper event although some cancers begin with a mutation in β -catenin gene which has the same functional impact. APC expression plays central role in regulating the rate of β -catenin degradation. Destruction of β —catenin prevents its translocation into the nucleus where it promotes cellular proliferation. About 5 % of colorectal cancer are developped in a high risk population, Familial Adenomatous Polyposis coli (FAP) or Hereditary Non Polyposis Colon Cancer (HNPCC). FAP is caused by a germline mutation in APC gene. Every cell harbors a mutation of an APC allele wich insures that a large number of adenomas will occur once an inactivating event occurs on the other wild-type APC allele. The demonstration of a constitutional mutation in a family allows to limit the survey only to the carriers. The phenotypic expression (attenuated, profuse, associated with extra-intestinal lesions) is correlated with the site of the APC mutation. Thus the determination of this site occurs in the choice of the treatment. HNPCC is suggested on clinical and genealogical criterions (young age of onset of cancer, multiple family members affected with cancer in multiple generations, the association of certain tumors in an individual of family, multiple tumors). A biological test may be useful to demonstrate the nucleotidic instability (MSI : microsatellite instability). Constitutional mutations on the mismatch repair genes, mainly MSH2 and MLH1, cause HNPCC syndrome. Endometrial and urethelial malignant tumors are frequent in an individual or in the family. The proven or suspected carriers of mutations undergo colonoscopic surveillance every 1 to 2 years, starting at age 25. An anti-tumoral action of the non steroidal antiinflammatory drugs (NSAID) is now recognized. Firstly observed in animal models of colon cancer the suppressive action was demonstrated in patient with Familial Adenomatous Polyposis. From the results of several epidemiological studies the suppressive action can be generalized to common intestinal tumors. This effect is in relation with the cyclooxygenase 2 inhibition. Other independent pathways intervene : NSAID interfere with β — catenin, decreasing its action on cellular division. The indication of NSAID and more specifically of COX 2 inhibitors in the prophylaxis of colo rectal cancer are yet questionned. The results of trials in progress are expected.

Notions récentes sur la cancérogenèse intestinale, leurs implications dans le dépistage du risque génétique et l’action préventive des anti-inflammatoires non stéroïdiens

Colorectal carcinogenesis, an overview :

its implication in genetic risk diagnosis and primary prevention by non steroidal anti-inflammatory drugs

Daniel COUTURIER *

Carcinogenesis. Primary prevention.

INTRODUCTION

Les cancers digestifs sont parmi les tumeurs malignes les plus fréquentes. Dans une enquête épidémiologique menée en France de 1983 à 1987 le cancer colorectal était le cancer le plus fréquent pour l’ensemble de la population [1]. Il représentait 47,2 % des cancers digestifs chez l’homme et 61 % chez la femme. Les taux standardisés pour 100 000 habitants chez l’homme et la femme étaient de 37,3 et 23 % et les taux cumulés jusqu’à 74 ans de 4,5 et 2,7 pour 100 habitants. Il s’agit d’un vaste problème de santé qu’il faut s’efforcer d’aborder sous l’angle des traitements curatifs mais aussi en tirant le meilleur parti des moyens préventifs et prédictifs.

La cancérogenèse intestinale est le résultat de l’action sur l’ADN et d’autres constituants de l’entérocyte de facteurs environnementaux, principalement alimentaires. Les caractéristiques constitutionnelles des entérocytes peuvent comporter des particularités qui favorisent la cancérogenèse. Ainsi se trouvent désignées les principales voies d’actions. En modifiant la nature de l’alimentation, la flore bacté- rienne, les sécrétions intestinales, on peut agir sur les facteurs environnementaux et proposer des mesures de prévention. Pour un même milieu ambiant tous les individus n’ont pas le même risque vis-à-vis des cancers intestinaux. Établir le niveau de prédisposition pour mettre en œuvre la surveillance et le traitement adaptés relève d’une démarche prédictive.

Les connaissances acquises depuis ces 20 dernières années font de la cancérogenèse intestinale une des mieux connues chez l’homme. On est maintenant en mesure de les mettre à profit pour identifier les facteurs d’environnement influençant le développement des tumeurs colorectales et pour réunir les critères voire les tests spécifiques permettant de reconnaître une prédisposition constitutionnelle à la maladie [2].

Dans un rappel sur les principaux mécanismes de la cancérogenèse intestinale nous nous limiterons aux données essentielles qui éclairent les deux aspects de la prévention que nous développerons ensuite : les très hauts risques familiaux et les perspectives de prévention par les anti-inflammatoires non stéroïdiens. On trouvera dans la
mise au point de Roger Monier [3] une revue synthétique des mécanismes de la cancérogenèse intestinale.

LA CANCÉROGENÈSE INTESTINALE, QUELQUES DONNÉES RÉ- CENTES

La cancérogenèse intestinale résulte d’étapes successives entraînant la transformation de l’épithélium normal en tumeur invasive, le délai entre la première modification de la cellule épithéliale et la transformation cancéreuse peut être mis à profit dans un objectif de prévention. Elle réalise un des exemples les plus démonstratifs de l’évolution clonale des tumeurs. A chaque étape est associé un événement génétique ou épigénétique.

Le nombre élevé d’événements nécessaires pour entraîner la transformation maligne de l’entérocyte laisse prévoir que les seules mutations spontanées ne sont pas suffisantes, la survenue d’un événement entraînant l’instabilité intrinsèque du génome est nécessaire. Les adénocarcinomes rectocoliques résultent de deux types d’instabilité génomique : l’instabilité génique ou nucléotidique, et l’instabilité chromosomique ou instabilité du caryotype [3] (Fig. 1).

L’instabilité chromosomique ou instabilité du caryotype (phénotype CIN)

L’instabilité chromosomique se traduit par la polyploïdie des cellules tumorales. Le développement de la tumeur résulte d’une suite de remaniements entraînant un caryotype de plus en plus complexe avec endomitose [4]. Les remaniements chromosomiques se produisent dans un ordre privilégié, chaque altération chromosomique intervenant à une étape de la tumorogenèse, une liaison est observée entre les anomalies génétiques et la transformation cancéreuse de la muqueuse intestinale. La délétion ou mutation du gène de la Polypose Adénomateuse Familiale (APC :

Adenomatous Polyposis Coli ) initie le processus en déclenchant le développement de l’adénome. Sa croissance est favorisée par l’inactivation des gènes portés par le chromosome 18 [5]. Les mutations de Ki-ras, et la transformation carcinomateuse interviennent ensuite sous l’effet de l’altération de l’expression de la protéine p53 (Fig. 2).

Environ 85 % des cancers du côlon relèvent de cette voie de développement. Ils sont le plus souvent localisés sur le côlon gauche.

L’instabilité génique ou nucléotidique (Phénotype MIN)

La voie de l’instabilité génique est la conséquence d’une perte de l’activité d’un des gènes impliqués dans le mécanisme de réparation des mésappariements, de l’ADN :

gènes MMR (mismatch repair) [3]. La défaillance de l’un d’entre eux entraîne la multiplication d’erreurs dans la longueur des séquences répétées, les microsatellites

Fig. 1. — Les deux voies de la cancérogenèse intestinale. Elles font suite à l’initiation commune par défaut d’expression du gène APC.

Fig. 2. — Représentation schématique des évènements intervenant dans les étapes de la cancérogenèse intestinale par instabilité chromosomique.

[6]. Ainsi au niveau de ces zones sensibles du génome se révèle l’instabilité caracté- ristique du phénotype MIN. Quatre gènes contrôlant le système de réparation ont été identifiés MLH1 (chromosome 3p), MSH2 (chromosome 2p), MSH6 (chromosome 2p), MSH3.

Environ 15 % des cancers colorectaux ont un phénotype MIN. Il caractérise tous les cancers familiaux sans polypose, mais il s’agit beaucoup plus souvent de forme sporadique.

Le rôle du gène APC dans la cancérogenèse intestinale (voie wnt) 1

La protéine APC intervient dans la régulation de la prolifération des entérocytes par ses interactions avec d’autres protéines, notamment la β caténine et l’axine [3]. La β caténine intracytoplasmique participe à un complexe qui comporte, entre autres, la protéine APC et l’axine qui la rend phosphorylable par la glycogénase synthase 3 β [GSK3 β]. Elle est dégradée dans le cytoplasme [7, 8]. Une dérégulation de la phosphorylation de la β caténine entraîne son accumulation intracytoplasmique puis son passage dans le noyau : la β caténine intranucléaire liée au facteur de transcription cellulaire [TCF4] stimule puissamment la division cellulaire en faisant intervenir les gènes c myc, cycline D1, PPARδ 2 [9].

L’inactivation du gène suppresseur de tumeur APC, plus rarement celui de l’axine, ou l’inactivation de l’oncogène β caténine (Fig. 3) intervient au stade initial du développement tumoral. Une image de ce rôle d’initiation est fournie par le qualificatif de « gardien » (gate-keeper) proposé pour illustrer la fonction du gène APC.

Cette voie d’entrée dans la cancérogenèse (voie Wnt) intervient de façon plus fréquente dans le développement des tumeurs à phénotype CIN que dans les tumeurs à phénotype MIN. Elle est toujours impliquée dans la PAF et dans 80 % des formes sporadiques [10, 11].

La voie de signalisation antiproliférative TGF β

La voie de signalisation impliquant le facteur de croissance TGF β1, son récepteur membranaire TGF β-R et les protéines cytoplasmiques de la famille SMAD intervient dans la différenciation des entérocytes au cours de leur migration des cryptes vers le sommet des villosités. Elle contribue au contrôle de la différenciation et de la prolifération cellulaire, sa défaillance est un facteur décisif de la progression tumorale. Dans les tumeurs de phénotype MIN la perte d’activité de la sous-unité RII est responsable de la défaillance de cette voie [12]. Dans les cancers de phénotype CIN, ce sont les altérations des gènes codant pour les protéines de la famille SMAD qui sont le plus souvent responsables de la perte de la signalisation TGF β.

L’identification de proto-oncogènes et de gènes suppresseurs de tumeurs et les connaissances sur leur fonction permettent de comprendre les étapes successives de la transformation d’une cellule normale en une cellule tumorale. On entrevoit dans l’identification des événements génétiques conduisant par étape au cancer invasif la possibilité d’agir pour reconnaître ou interrompre le processus dans les premiers stades de son développement.

1. Voie Wnt = abréviation de wingless par allusion au mécanisme génétique observé sur la drosophile.

2. PPARδ : peroxisome proliferative activated receptor.

Fig. 3. — Les différents mécanismes d’initiation de la cancérogenèse intestinale impliquant APC (voie Wnt).

RER + = MSI : instabilité des microsatellites (phénotype MIN) LOH + = perte d’hétérozygotie : instabilité chromosomique (phénotype CIN) [10, 11, 12].

LES PRÉDISPOSITIONS FAMILIALES À TRÈS HAUT RISQUE

Comme l’a souligné la conférence française de consensus « Prévention, Dépistage et Prise en Charge des Cancers du Côlon « (janvier 1998) deux syndromes familiaux sont responsables du très haut risque de cancer de l’intestin : la Polypose Adé- nomateuse Familiale (PAF) et le syndrome du cancer du côlon familial sans polypose, syndrome de Lynch, ou HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colon Cancer).

La Polypose Adénomateuse Familiale (PAF)

La PAF est caractérisée par le développement de plus de 100 et souvent de milliers d’adénomes sur le côlon et le rectum. Il s’agit d’une maladie autosomique dominante monogénique secondaire à une mutation ou une délétion du gène APC localisé sur le bras long du chromosome 5 (5q21). Chez les sujets présentant de façon constitutionnelle une défaillance d’un des allèles se produit une facilitation de la prolifération cellulaire, il suffit qu’une cellule acquière une seconde mutation APC pour que le processus s’engage.

Le gène APC

La découverte du gène de la PAF a rendu possible le diagnostic génétique direct de la maladie. Elle a ensuite ouvert la voie au développement des connaissances sur la cancérogenèse intestinale.

Dans 7 cas sur 10 la mutation est située dans l’exon 15 du gène. La mutation entraîne le plus souvent la synthèse d’une protéine APC tronquée. La mise en évidence de la protéine tronquée permet de démontrer l’existence et le siège de la mutation pathogène [13]. Le siège de la mutation sur le gène APC influence le phénotype de la maladie (Fig. 4). Les formes profuses de la PAF, caractérisées par une densité de plus de 10 adénomes par cm2, sont la conséquence de mutations localisées entre les codons 1 250 et 1 330. Cette relation est observée chez tous les membres atteints d’une même famille [14]. Le codon 1 309 est fréquemment concerné dans les formes graves de la PAF [15]. Depuis quelques années les formes atténuées de la maladie ont été individualisées, elles sont caractérisées par un petit nombre d’adénomes, un âge plus avancé au moment de leur développement et l’absence d’anomalie extradigestive. Les PAF atténuées sont la conséquence de mutations localisées à l’extré- mité 5’ du gène entre l’exon 3 et le codon 157 de l’exon 4 [16, 17]. Les mutations localisées entre les codons 1 444 et 1 578 sont responsables de formes associées à des signes extra-intestinaux : kystes dermoïdes, ostéomes, tumeurs desmoïdes, polypes gastriques et duodénaux, ensemble désigné sous l’éponyme de syndrome de Gardner [18].

Une mutation qui affecte un codon postérieur au codon 1 444 est spécifiquement responsable des tumeurs desmoïdes développées précocement en dehors de toute intervention chirurgicale [19]. Certaines formes de PAF sont associées à une hypertrophie de l’épithélium pigmentaire de la rétine, lésion caractéristique qui a été proposée comme signe complémentaire de diagnostic clinique, les mutations correspondantes sont localisées entre les codons 78 et 413 [20].

Les apports de la génétique à la prise en charge médicale

On doit maintenant tirer partie de l’identification du gène APC, et de la mise en évidence des mutations en tenant compte de la relation entre leur localisation et les signes cliniques de la maladie. L’identification de la mutation chez un sujet atteint permet de limiter la surveillance endoscopique aux sujets qui en sont porteurs dans sa famille. La conférence française de consensus (janvier 1998) recommande la recherche d’une mutation chez le sujet index et chez les apparentés. Cette démarche spécifique doit être confiée à une consultation de génétique oncologique. Alors qu’une endoscopie recto-colique annuelle doit être proposée à partir de la puberté aux sujets porteurs de la mutation, les autres membres de la famille peuvent être rassurés et traités comme la population générale.

Le site de la mutation peut contribuer au choix thérapeutique. Le principal objectif du traitement est l’exérèse de l’organe cible. Le choix entre la résection rectocolique

Fig. 4. — Gène APC. Relations entre l’expression clinique de la Polypose Adénomateuse Familiale et le site de la mutation responsable sur le gène.

avec anastomose iléo-anale dont on attend une sécurité carcinologique optimale au prix de séquelles fonctionnelles plus fréquentes et la colectomie avec conservation du rectum et anastomose iléo-rectale reste une décision délicate. Une étude très documentée de l’équipe de R. Parc, sur le suivi de 171 patients opérés pour une PAF entre 1983 et 1993, a conclu que la coloproctectomie avec anastomose iléo-anale sur réservoir était l’intervention de choix. Elle apporte une sécurité carcinologique optimale sans entraîner de graves conséquences sur la continence anale et la qualité de vie en général [21]. Les précisions apportées par la génétique nuanceront peut être cette recommandation. Le suivi d’une importante cohorte de sujets traités par colectomie montre qu’une intervention conservant le rectum ne fait pas courir de risque excessif lorsqu’il s’agit de formes secondaires à des mutations sur les codons 0 — 200 ou supérieurs à 1 500, alors que dans les cas ou la mutation siège sur les codons 1 250 à 1 500, la fréquence élevée des cancers sur le rectum laissé en place oblige à préconiser d’emblée la coloproctectomie [22, 23] Comme on le verra plus loin, l’action d’agents antitumoraux, les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) surtout, est en cours d’évaluation. Le diagnostic génétique, quand il localise la mutation au voisinage de l’extrémité 5’ du gène, apporte un argument précis et convaincant en faveur des formes atténuées de la maladie. Ces formes sont les premières candidates à bénéficier d’une protection par les AINS et notamment par les inhibiteurs spécifiques de la cyclooxygénase 2 (COX 2).

Les cancers du côlon familiaux sans polypose Syndrome de Lynch ou HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colon Cancer)

Il s’agit d’un syndrome héréditaire à transmission dominante caractérisé par un risque très élevé de tumeurs malignes du côlon et du rectum mais aussi de l’endomètre de l’appareil urinaire, des ovaires, et du système nerveux central [24].

Les critères généalogiques

En l’absence d’un phénotype caractéristique, le diagnostic ne peut être envisagé que sur des arguments généalogiques. C’est sur leur base qu’ont été engagées les études génétiques. De façon à optimiser les chances d’aboutir, les exigences ont été initialement très contraignantes. Le groupe expert international (ICG HNPCC) proposa de restreindre la dénomination HNPCC aux sujets réunissant les critères suivants :

— trois membres de la famille atteints de cancers colorectaux, l’un d’entre eux étant parent au premier degré des deux autres ;

— deux générations successives concernées ;

— l’un des sujets atteints avant l’âge de 50 ans [25].

Rapidement il est apparu nécessaire d’élargir les critères cliniques en tenant compte des autres localisations tumorales fréquemment observées. De nouveaux critères ont été proposés [26] (Tableau 1).

Dans une préoccupation prédictive et préventive, il est souhaitable de retenir quelques arguments généraux. Le diagnostic de syndrome HNPCC doit être envisagé chez les sujets atteints de cancer ou d’adénomes du côlon avant l’âge de 50 ans, quand plusieurs membres de la famille appartenant à différentes générations sont atteints, quand, chez un individu ou dans une famille, les tumeurs intestinales sont associées à des tumeurs d’autres localisations, quand surviennent chez un même individu plusieurs cancers successifs. Si l’une de ces particularités est mise en évidence et que le cancer du côlon a été reconnu avant l’âge de 60 ans, le diagnostic de syndrome HNPCC doit être pris en considération.

Épidémiologie, caractéristiques phénotypiques

La variabilité des définitions cliniques du syndrome HNPCC explique les imprécisions concernant la fréquence des cancers recto-coliques HNPCC. Une étude prospective conclut à une incidence de 2 % de l’ensemble des cancers colorectaux [27]. Le syndrome HNPCC est plus fréquent que la PAF.

Les cancers colorectaux HNPCC comportent certaines particularités. La séquence adénome-cancer se produit dans des délais plus courts que les formes sporadiques.

Au stade initial de leur développement, il s’agit fréquemment d’adénomes plans difficiles à visualiser en endoscopie [28].

Tableau 1 — Critères cliniques en faveur du Syndrome de Lynch, HNPCC.

Désignations successives

Critères

Premiers critères Au moins trois membres d’une famille atteints de cancer d’Amsterdam colorectal.

— l’un est parent au premier degré des deux autres, — au moins 2 générations successives sont concernées, — au moins 1 cancer colorectal a été diagnostiqué avant l’âge de 50 ans.

Il ne s’agit pas d’une polypose adénomateuse familiale.

Seconds critères Au moins trois membres d’une famille sont atteints de cancers d’Amsterdam appartenant aux localisations associées à HNPCC (cancers colorectal, de l’endomètre, de l’intestin grêle, de l’uretère, du rein) — l’un est parent au premier degré des deux autres, — au moins deux générations successives sont concernées, — au moins un cancer colorectal a été diagnostiqué avant l’âge de 50 ans, Il ne s’agit pas d’une polypose adénomateuse familiale.

Critères de Sujets remplissant les critères d’Amsterdam.

Bethesda Sujets avec deux cancers, synchrones ou métachrones, appartenant aux localisations associées à HNPCC.

Sujets avec un cancer colorectal et un parent au premier degré ayant eu un cancer associé à HNPCC ou un adénome. Une des localisations cancéreuses étant diagnostiquée avant l’âge de 45 ans.

Sujets avec un cancer colorectal ou de l’endomètre diagnostiqués avant l’âge de 45 ans.

Sujets avec un cancer du côlon droit d’histologie indifférenciée avant l’âge de 45 ans.

Sujets avec un cancer colorectal comportant des cellules en bague à chaton diagnostiqué avant 45 ans.

Sujets avec des adénomes colorectaux diagnostiqués avant l’âge de 40 ans.

Les cancers sont plus souvent localisés sur le côlon proximal, il s’agit de formes mucineuses constituées de cellules en bague à chaton. La tumeur induit une forte réaction immunitaire avec réaction lymphocytaire péritumorale intense [29]. Les cellules tumorales sont diploïdes. Dans certains cas le syndrome HNPCC s’accompagne de tumeurs sébacées, c’est le syndrome de Muir-Torre [30].

L’instabilité des microsatellites

Le syndrome HNPCC est en relation avec des mutations constitutionnelles localisées sur un ou plusieurs des gènes qui interviennent dans la réparation de l’ADN.

L’instabilité des microsatellites (MSI) est une caractéristique phénotypique de ces tumeurs. La comparaison chez un individu de l’ADN normal à celui de la tumeur permet d’objectiver le caractère MSI, c’est le principe du test RER (replication error). Ce test biologique est disponible dans des laboratoires spécialisés.

Le test RER est un moyen complémentaire de rapporter une tumeur à une origine génétique. Cependant sa place dans la démarche diagnostique des tumeurs intestinales familiales est encore imprécise et diversement reconnue [31]. En effet, 15 % seulement des tumeurs MSI sont d’origine génétique par mutations constitutionnelles des gènes de réparation, la majorité des tumeurs MSI sont sporadiques par hyperméthylation acquise des mêmes gènes. Même si la valeur d’orientation du test RER doit être considérée avec prudence, sa contribution à l’identification d’une origine génétique semble acquise. Dans un groupe de sujets considérés comme possibles HNPCC sur des critères cliniques larges, le tissu tumoral s’est avéré MSI dans 88 % des cas alors que dans un groupe de sujets jeunes mais n’ayant pas de critères généalogiques les tumeurs étaient MSS dans tous les cas [32]. Dans l’étude de 109 familles à haut risque pour le cancer colorectal, la valeur prédictive de la caractéristique MSI était de 66 % [33].

La cancérogenèse par instabilité nucléotidique est assortie de particularités évolutives. Plusieurs études ont montré que les cancers colorectaux du syndrome HNPCC avaient un meilleur pronostic que les cancers sporadiques. En comparant le suivi de sujets atteints de cancer selon qu’ils sont HNPCC ou sporadiques et après avoir vérifié que dans les deux groupes les extensions locales et ganglionnaires étaient comparables, les métastastes viscérales étaient moins fréquentes et le pronostic meilleur dans le groupe HNPCC [34]. Chez les sujets atteints de cancers colorectaux avant l’âge de 50 ans, le statut MSI s’avère un facteur pronostique indépendant [35].

L’avantage pronostique apporté par le statut MSI est clairement illustré dans un travail groupant des sujets atteints de cancers avec extension ganglionnaire et traités par exérèse chirurgicale suivie d’une chimiothérapie adjuvante : le taux de survie à 3 ans était de 90 % dans les formes MSI contre 43 % dans les formes MSS [36].

Les gènes de réparation de l’ADN et le syndrome HNPCC

Des mutations germinales des gènes responsables de la réparation des erreurs de replication de l’ADN sont responsables du syndrome HNPCC. Parmi les gènes qui sont impliqués dans la réparation de l’ADN, MLH1 et MSH2 sont les plus souvent inactivés [37, 38]. Le rôle des gènes MSH6 [39] et PMS2 a été démontré dans quelques familles. Dans 20 à 70 % des familles HNPCC aucune mutation n’est observée sur les quatre gènes déjà cités, d’autres gènes restent à identifier. Le rôle de variants du gène exonucléase 1 [EXO 1] vient d’être signalé [40]. La prédisposition s’explique par l’existence d’une mutation constitutionnelle d’un des allèles, un second événement acquis intervient sur l’allèle sauvage au niveau de l’organe cible déclenchant le défaut de réparation de l’ADN [41].

Le site et la nature de la mutation influencent la présentation clinique du syndrome HNPCC. En cas de mutations MSH2, les cancers urothéliaux, gastriques et ovariens sont plus fréquents. Lorsque MSH6 est impliqué, on constate davantage de cancers de l’endomètre et de l’ovaire que de cancers colorectaux. D’ailleurs la nature même de la mutation, stop ou faux-sens, par ses conséquences sur la protéine, absente ou tronquée, influence l’expression clinique du syndrome [42].

La suspicion de syndrome HNPCC conduit à engager la recherche de mutations constitutionnelles. En pratique, pour des raisons de fréquence, la recherche d’une mutation pathogène ne concernera que les gènes MSH2 et MLH1. Son identification dans une famille permet de prévoir avec une fiabilité de 100 % les sujets atteints.

Elle permet de limiter la surveillance aux porteurs. Les sujets porteurs ou suspects de l’être, doivent être soumis à une coloscopie totale tous les 1 à 2 ans, en débutant la surveillance à l’âge de 25 ans, ou 5 ans avant l’âge où le diagnostic le plus précoce a été fait dans la famille. Le bien-fondé d’un tel programme semble acquis. Une surveillance programmée avec exérèse endoscopique des adénomes diminue de plus de 50 % le risque et de 65 % la surmortalité par cancer [43].

La recherche systématique des autres localisations tumorales du HNPCC ne fait pas l’objet de programme de surveillance consensuellement établi. Chez la femme, le cancer de l’endomètre, du fait de sa fréquence cinq fois supérieure à la moyenne générale et de la précocité de sa survenue, oblige à prévoir une surveillance systématique dès l’âge de 30-35 ans renouvelée ensuite tous les 2 ou 3 ans [44]. Les risques cumulés de cancers gastriques, cutanés, et urothéliaux justifieraient aussi une surveillance systématique dans les familles où de telles localisations ont été diagnostiquées.

Les modalités du traitement chirurgical des cancers colorectaux doivent tenir compte du contexte HNPCC établi par l’identification de la mutation, ou fortement suspecté du fait d’un contexte généalogique. L’âge jeune du sujet, le risque de développement ultérieur d’autres localisations, les incertitudes sur l’efficacité de la chimioprévention conduisent à proposer la colectomie totale [45, 46].

On est désormais en mesure d’identifier dans les familles concernées les sujets qui développeront des tumeurs dans le contexte d’une PAF ou d’un syndrome HNPCC.

On peut prévoir qu’au-delà de ces états à très haut risque, l’oncogénétique contribuera à identifier une population à haut risque où la participation génétique est présente bien que moins évidente. Cette approche prédictive en cancérologie justifie des précautions d’ordre social et éthique. Les décrets d’application des lois de bioéthique de 1994 les ont récemment formulées. Le « diagnostic anticipé » implique le consentement libre et éclairé par une information faisant état de la portée du résultat attendu. Les analyses biologiques doivent être réalisées par un biologiste qualifié exerçant son activité dans une structure autorisée à pratiquer de telles investigations. Le résultat doit être adressé en priorité au médecin prescripteur qui se chargera d’informer la personne concernée. Ainsi apparaît dans ces textes législatifs la nécessité de concevoir une organisation nouvelle de prise en charge impliquant les
interventions complémentaires d’un gastroentérologue compétent en génétique et celle d’un laboratoire de génétique moléculaire.

ACTION DES ANTI-INFLAMMATOIRES NON STÉROÏDIENS (AINS) SUR LA CANCÉROGENÈSE INTESTINALE : VERS UNE INDICATION DANS LA PRÉVENTION PRIMAIRE DES CANCERS COLORECTAUX

L’implication des AINS dans la cancérogenèse intestinale a été suggérée dès 1975 lorsqu’il a été constaté une forte concentration de prostaglandines dans les tumeurs intestinales humaines [47, 48]. Ces premières constatations ont suscité le début des recherches sur l’action des AINS dans la cancérogenèse intestinale en raison de leurs propriétés anti-prostaglandines. Expérimentalement il a été observé sur des tumeurs humaines implantées chez l’animal [49] et sur des tumeurs chimio-induites du rat et de la souris une diminution du volume et du nombre des tumeurs, sous l’effet du Piroxicam, de l’Indométhacine, du Sulindac et de l’aspirine [50]. L’action suppressive sur les tumeurs expérimentales s’exerce au moment de l’initiation du développement tumoral.

Sur la base de ces résultats expérimentaux, des travaux cliniques ont été engagés. En 1983, Waddelle et Loughry ont signalé sous l’effet d’un traitement par le Sulindac (Arthrocine R) la régression d’adénomes chez des sujets atteints de PAF [51]. Trois patients après une colectomie subtotale et un patient atteint de syndrome de Gardner avant l’intervention ont été traités pendant un an par le Sulindac : leurs adénomes ont presque totalement disparu. Ces résultats ont été confirmés par les mêmes auteurs dans un travail suivi pendant 5 ans chez 11 patients atteints de PAF [52]. L’effet du traitement varie d’un cas à l’autre et s’avère toujours suspensif. Les études contrôlées ont permis de démontrer l’action antitumorale du Sulindac dans la PAF, qu’il s’agisse d’étude en cross over sur des sujets déjà traités par colectomie subtotale [53] ou d’étude menée sur des sujets n’ayant pas fait l’objet de résection [54].

Résultats des principales études sur l’action des AINS dans le développement des tumeurs intestinales

Les premiers résultats obtenus dans une pathologie particulière et rare faisaient envisager la généralisation de l’action antitumorale des AINS aux tumeurs intestinales : les effets du plus courant d’entre eux, l’aspirine, ont été le plus souvent évalués.

Les études cas/témoins

Sur sept études cas/témoins réunissant 16 000 sujets utilisant de façon régulière et prolongée de l’aspirine, six ont conclu à une diminution du risque de cancer du côlon chez les consommateurs chroniques. Cet effet protecteur concernait aussi le déve-
loppement des adénomes. Pour les cancers, comme pour les adénomes, la diminution du risque se situait entre 0,7 et 0,3 [55].

Les études de cohortes

Les premières études de cohortes entreprises ont concerné des sujets traités de façon prolongée par les AINS en raison d’une affection rhumatologique. Ainsi a été suggérée une réduction du risque de tumeur intestinale de 40 % chez les sujets traités. Sur six études réalisées dans une population générale, cinq suggèrent un rôle protecteur significatif de l’aspirine, encore faut-il qu’une consommation régulière ait été constatée sur une période d’au moins 20 ans. Cet effet antitumoral concernerait les cancers et les adénomes [56]. Dans les études qui ont pu le détailler une relation est apparue entre l’effet antitumoral, les doses et la durée du traitement.

Une durée de traitement de l’ordre de 10 à 15 ans est nécessaire pour qu’un effet antitumoral soit constaté. L’acétaminophène, un analgésique qui n’intervient pas sur l’expression de la cyclooxygénase, n’a pas d’effet protecteur vis-à-vis des tumeurs intestinales. Dans une étude, l’effet protecteur s’étend aux tumeurs de l’œsophage et de l’estomac. Les résultats concernant l’action des AINS sur l’incidence des adénomes colorectaux ont été regroupés. On constate ainsi un risque relatif de 0,6 dans le groupe qui en fait un usage courant et prolongé [57].

Les essais d’intervention

Les essais d’intervention concernant la prévention des tumeurs intestinales sporadiques sont jusqu’à présent négatifs. Même si les premières études sont critiquables par la sélection des sujets inclus, la durée insuffisante de la période d’étude et les faibles doses d’aspirine, leurs résultats incitent à la prudence et ne permettent pas de recommander dès maintenant, dans cette indication, un usage préventif dans la population générale.

Les mécanismes d’action

Un contrôle de l’apoptose est un facteur important dans la progression tumorale, c’est aussi ce que l’on constate sur la muqueuse rectale des sujets atteints de PAF. De nombreux AINS, le sulfide de Sulindac, l’aspirine, le piroxicam, inhibent la prolifé- ration cellulaire des entérocytes en culture, induisent l’apoptose et auraient ainsi des propriétés antitumorales.

Chez la souris nude un inhibiteur de la cyclooxygénase (COX) supprime la croissance de tumeurs par greffe de cellules HCA-7, qui surexpriment fortement l’Isoforme COX 2, alors qu’il est sans action sur la croissance de tumeurs par greffe de cellules HT116 qui n’expriment pas COX 2. Ainsi est soulignée la relation entre l’expression de COX 2 et la croissance tumorale et le fait que l’expression de COX 2 inhibe le développement tumoral [58]. On considère que l’action des AINS sur les tumeurs intestinales dépendrait du rôle de COX 2 sur l’élaboration des prostaglandines et de propriétés indépendantes des cyclooxygénases.

Les mécanismes dépendants de la cyclooxygénase (COX)

C’est vers le système COX que l’on a cherché d’abord une explication à l’action antitumorale des AINS. La COX, qui contrôle l’élaboration des prostaglandines et du thromboxane à partir de l’acide arachidonique possède deux isoformes, COX 1, enzyme constitutive qui assure la trophicité des muqueuses gastriques et intestinales, COX 2, induite par les agents mutagènes et les facteurs de croissance. Cette isoforme induite est responsable de l’action inflammatoire, elle intervient aussi dans le développement tumoral. De la caractérisation des prostaglandines (PG) puis de la COX dans le tissu tumoral ont été déduits les premiers arguments en faveur du rôle de COX dans le contrôle du développement tumoral. La PGE 2 et la 6 Keto PGF1 ont des taux élevés dans les cancers colorectaux. Le taux de COX 2 est augmenté dans 90 % des cancers et dans 40 % des adénomes [59-62] alors que COX 1 n’est pas présente. Chez la souris Min, modèle animal de la PAF, les tumeurs intestinales expriment COX 2 alors que la muqueuse normale en est dépourvue. Le Sulindac ou le Peroxicam entraînent une diminution du nombre de tumeurs associée à une baisse de l’expression de COX 2 [63]. Suggéré par ces études, le rôle de COX 2 dans le développement des tumeurs intestinales a été très élégamment démontré. Chez la souris Min, le développement de la polypose est supprimé lorsque ces animaux sont croisés avec des souris dont le gène COX 2 est invalidé [64]. C’est probablement la prééminence du mécanisme de COX 2 dans le cadre des polyposes qui explique le résultat spectaculaire de ce travail expérimental. Il n’en est pas ainsi de toutes les tumeurs intestinales : on remarque que l’expression de COX 2 n’est constatée que dans 35 % des adénomes sporadiques alors qu’elle est toujours présente dans les adénomes de la PAF. COX 2 intervient dans la résistance des cellules tumorales à l’apoptose. La PGE2 produite par COX 2 augmente l’expression de la protéine antiapoptotique Bcl2, à l’opposé les inhibiteurs de COX 2 induisent l’apoptose.

L’inactivation du facteur de transcription NF-KB impliqué dans la résistance à l’apoptose pourrait contribuer à renforcer l’action apoptotique des AINS [65].

La voie d’initiation à la cancérogenèse intestinale faisant intervenir le système β caténine /APC (voie Wnt) décrite dans la première partie de ce travail apporte aussi une explication à l’action antitumorale des AINS [66].

L’angiogenèse indispensable à la croissance tumorale est favorisée par les prostaglandines et, à l’inverse, freinée par les inhibiteurs de COX 2 [67].

Les mécanismes indépendants de COX

Sur des lignées cellulaires issues de tumeurs intestinales qui n’expriment pas COX 2, il a été observé que le ralentissement de la prolifération cellulaire par les AINS subsistait. D’un autre côté, le sulfone de sulindac qui n’a pas de propriété inhibitrice de COX 2 s’est avéré doué de propriété inhibitrice sur la prolifération de cellules en culture. Ainsi il apparaît que l’aspirine et les autres AINS peuvent agir sur le développement tumoral par un mécanisme indépendant de COX. L’inhibition de
l’activation du facteur nucléaire Kappa B (NF-KB) semble impliquée [68]. Enfin, sur les cellules de cancer du côlon en culture sous l’action de l’aspirine et du Sulindac une diminution de l’instabilité génétique a été observée [69].

On ignore la part des mécanismes dépendants et indépendants de COX dans l’effet antitumoral des AINS, mais dans les deux cas, on conçoit que leurs activités puissent s’additionner et intervenir dès l’initiation du processus tumoral.

Les perspectives

La régression tumorale sous traitement chronique par les AINS faisait envisager une large extension de leurs indications dans la prévention des tumeurs intestinales.

Le caractère suspensif de l’action antitumorale, les résultats incomplets dans la PAF, l’observation de carcinomes développés en cours de traitements et la critique des méthodologies des études dont les résultats sont disponibles interrogent sur le bénéfice qu’on peut en attendre. On ne pourra envisager l’indication des AINS dans la prévention primaire des cancers de l’intestin qu’après avoir surmonté deux préalables :

— confirmer l’action antitumorale par des essais d’intervention ;

— s’assurer que les effets indésirables d’un traitement prolongé aux doses efficaces ne compromettent pas le bénéfice espéré.

Les résultats de plusieurs études d’intervention sont attendus. L’essai coordonné par J. Baron aux États-Unis, débuté il y a 4 ans, devrait s’achever dans moins d’un an. Il évalue le bénéfice apporté par une dose quotidienne de 300 mg d’aspirine. En France, un essai a été mis en œuvre par notre groupe. Il s’efforce de démontrer le rôle de l’aspirine dans la prévention des récidives des adénomes en évaluant le taux de récidives à 4 ans. Les doses de 160 et 300 mg par jour sont évaluées sur une période de 4 ans. On en attend la confirmation d’une diminution utile des récidives par l’aspirine, sachant que, dans les études antérieures, un délai d’une quinzaine d’années a été nécessairepourquelebénéficeapparaisseetqueladiminutiondunombred’adénomes n’implique par forcèment un bénéfice quant au risque de cancer.

Si les espoirs de disposer d’un moyen efficace et économiquement acceptable de diminuer le risque de cancers de l’intestin peuvent être envisagés, il serait prématuré d’engager de larges recommandations dans cette indication. Une des principales objections est la gastrotoxicité de ces produits. Il est établi que 15 à 40 % des sujets soumis à un traitement chronique par l’aspirine développent des ulcérations gastrointestinales, elles donnent lieu dans un cas sur 10 à 20 à une complication [70].

L’action antitumorale des inhibiteurs spécifiques de la cyclooxygénase

Les AINS disponibles jusqu’à présent inhibent les 2 coenzymes COX 1 et COX 2 expliquant que les propriétés anti-inflammatoires et antitumorales utilisées en thérapeutique soient assorties d’effets indésirables gastro-intestinaux. La mise à
disposition de produits inhibiteurs spécifiques de COX 2 doit permettre de diminuer voire de supprimer les effets indésirables sur la muqueuse gastrique. Il a été montré que ces nouvelles molécules étaient dépourvues de gastrotoxicité tout en conservant leur propriété anti-inflammatoire [71]. Ainsi, au-delà des AINS, des résultats étaient attendus sur l’effet antitumoral des inhibiteurs spécifiques de COX 2. Dans une étude faite sur 75 sujets atteints de PAF sur une période de 6 mois, le célecoxib à 800 mg par jour a entraîné une diminution de 30 % du volume tumoral. Le groupe traité n’a pas présenté davantage d’effets indésirables que le groupe témoin [72].

Pour certains les résultats de ce travail sont suffisamment convaincants pour que soit retenue dans la PAF cette indication.

Si l’on peut considérer dès maintenant que les inhibiteurs spécifiques de COX 2 sont doués d’une action antitumorale analogue à celle des AINS sans comporter d’effets indésirables gastro-intestinaux, la recommandation d’étendre l’usage de ces nouvelles molécules à l’ensemble des groupes à risque, voire à la population générale, ne pourra pas être faite avant que des essais de longue durée aient été réalisés. On gardera à l’esprit la réserve sur le caractère imprécis de la liaison entre la diminution du volume de l’adénome et son potentiel de transformation carcinomateuse.

On peut envisager que l’action préventive des AINS et plus spécifiquement des inhibiteurs de COX 2 soit renforcée par l’action additionnelle d’autres agents pharmacologiques. Dans cette perspective l’association à des modulateurs de la composition des sels biliaires ou à des agents agissant sur la prolifération cellulaire en modifiant le métabolisme des polyamines a été proposée. Des résultats expérimentaux et des essais chez l’homme sont en cours.

CONCLUSION

La somme des connaissances acquises récemment sur la cancérogenèse intestinale permet la description d’une organisation pathogénique cohérente. Il apparaît que si le phénotype tumoral est commun, deux processus distincts peuvent y conduire.

Cette distinction n’a pas seulement un intérêt d’ordre biologique, elle présente des conséquences pratiques d’ordre pronostique et bientôt thérapeutique. La connaissance des mécanismes initiateurs du processus tumoral et le développement par étapes successives vers la tumeur maligne incitent à agir de façon précoce. C’est ce que l’on doit s’efforcer de promouvoir en précisant le risque individuel et en mettant en jeu une surveillance adaptée. On peut aussi espérer pouvoir mettre en œuvre une prévention primaire par les agents susceptibles d’arrêter ou de diminuer le développement du processus.

REMERCIEMENTS

L’auteur adresse ses remerciements à Christine Perret, directeur de recherche INSERM, pour ses remarques et suggestions, au professeur Stanislas Chaussade
et au docteur Sophie Grandjouan pour leur aide dans la documentation de ce travail, et à Marjorie Debaye pour la préparation du manuscrit.

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DISCUSSION

M. Pierre GODEAU

Les accidents thrombo-emboliques au cours des traitements par anti cox2 semblent se multiplier. N’y a-t-il pas un risque d’utilisation de ces médicaments dans une prévention de masse, notamment si on s’adresse à des cancers évolués dont la thrombose peut être un moyen de dissémination ?

Effectivement on a récemment été impressionné par une méta-analyse comparant les effets indésirables des AINS non spécifiques à ceux des anti-cox2. Si la toxicité gastrointestinale était moins marquée, les groupes recevant l’inhibiteur spécifique de cox2 avaient présenté davantage de thromboses coronaires, sans que la mortalité par atteinte cardiaque en soit affectée. Des explications d’ordre méthodologique ont été avancées. Il faut savoir que les coxib n’ont pas d’effet anti-agrégant plaquettaire contrairement aux AINS. Cette particularité doit être prise en considération pour interpréter la fréquence des accidents thrombo-emboliques. Il faut rester vigilant et finalement on ne peut imaginer s’engager dans des prescriptions à très long terme dans une large population,
dans un but préventif, sans disposer d’un recul plus important concernant les effets indésirables des anti-cox2. Pour les formes évoluées, le risque de dissémination sous l’effet éventuellement thrombotique des anti-cox 2 n’est pas documenté jusqu’à présent.

M. Paul GIROUD

Les dérivés de l’acide aminosalicylique (mezalazine, olsalazine) utilisés dans la rectocolite hémorragique diminuent-ils les risques de cancers colorectaux ?

Plusieurs études suggèrent que les salicylés, salazosulfapyridine et 5 aminosalicylate, ont un effet préventif sur la survenue des cancers du côlon chez les malades atteints de rectocolite hémorragique. Ces résultats sont très importants puisque le risque néoplasique est une préoccupation majeure lors de la surveillance de ces malades. La fréquence très élevée des cancers dans les formes touchant la totalité du côlon et évoluant depuis plus de 20 ans apporte un argument important pour décider d’une colectomie, voire d’une coloproctectomie. La prévention par les salicylés pourrait conduire à revoir cette attitude. Malgré la similitude entre aspirine et dérivés de l’acide aminosalicylique, ces agents font intervenir des mécanismes différents dans la protection relative vis-à-vis du risque néoplasique.

M. Raymond ARDAILLOU

L’utilisation des inhibiteurs de la cyclooxygénase supprime la synthèse des prostaglandines dont les effets sur la multiplication cellulaire sont différents. Ne faudrait-il pas, pour aller plus loin dans la connaissance du mécanisme, utiliser des médicaments plus spécifiques bloquant soit les effets cellulaires (antagonistes des récepteurs) soit la synthèse (inhibiteurs enzymatiques) de chacune des prostaglandines en cause ?

En thérapeutique la recherche d’une action sélective est une préoccupation constante.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que les anti-cox 2 ont été développés. Parmi les nombreuses prostaglandines élaborées par le système cox, la PGE2 a un rôle particulier dans la croissance tumorale. Le développement d’agent ayant des propriétés plus spécifiques vis-à-vis des prostaglandines stimulant la prolifération cellulaire est un objectif séduisant.

M. Gabriel BLANCHER

Si les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont un jour utilisés en prévention primaire, à quelles catégories devront-ils être réservés ?

L’action préventive des AINS aura d’autant plus d’intérêt médical qu’elle s’adressera à des populations à risque élevé. C’est dans ces populations que le rapport entre les avantages et les risques sera bénéfique. Les sujets à haut risque familial sont les premiers auxquels une telle action préventive pourrait s’adresser. On a déjà cité l’indication du celecoxib dans la polypose familiale après colectomie avec conservation du rectum. On peut envisager l’indication des AINS ou des anti-cox 2 dans les formes atténuées de la polypose. Le développement des indications dépendra de la maîtrise des effets indésirables.

M. Louis AUQUIER

Est-ce qu’il existe des exemples de l’action préventive et/ou suspensive des antiinflammatoires sur d’autres cancers que les cancers intestinaux ?

Chez l’animal, une action antitumorale a été constatée dans de nombreuses variétés de tumeurs épithéliales ou de sarcomes. Chez l’homme, dans le suivi de cohortes, on a signalé la diminution de fréquence de certains cancers : cancer du sein, cancer de l’œsophage et de l’estomac.

M. Maurice TUBIANA

Des cohortes importantes ont reçu de l’aspirine à titre préventif pour affection cardiovasculaire. En est-il sorti des indications intéressantes ? Par ailleurs a-t-on tenu compte des facteurs de risque, notamment la sédentarité et le surpoids ?

On a cherché à documenter l’action des AINS par des essais d’intervention ou le critère principal était la survenue de cancers colorectaux dans une importante population de sujets sous traitement par l’aspirine pour une cause cardio-vasculaire. Les résultats ont été négatifs avec seulement une tendance à la diminution des adénomes. Mais il est apparu que des caractéristiques de l’étude pouvaient l’expliquer : faible dose d’aspirine, surtout population de sujets ayant une activité physique supérieure à la population témoin. Il apparaissait aussi que des facteurs nutritionnels pouvaient être en cause. Dans tout essai d’intervention il est capital de vérifier que la prise d’AINS est indépendante de facteurs associés au risque néoplasique tels l’obésité, la sédentarité et le tabagisme. Le travail développé dans notre groupe montre que la récidive des adénomes est significativement abaissée par la prise quotidienne de 300 mg d’aspirine pendant 1 an.


* Service d’Hépato-Gastro-Entérologie, groupe hospitalier Cochin — Saint-Vincent-de-Paul — La Roche Guyon — 27 rue du Fbg Saint-Jacques — 75679 Paris cedex 14. Tirés-à-part : Professeur Daniel Couturier, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 25 juin 2001, accepté le 14 janvier 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 2, 421-445, séance du 26 février 2002