Communication scientifique
Session of 22 mai 2012

Néphropathies chroniques et dialyse en Chine

MOTS-CLÉS : chine. dialyse rénale. insuffisance rénale chronique
Chronic renal disease and dialysis in China
KEY-WORDS : china. renal insufficiency, chronic. renal, dialysis

Nan Chen *

Résumé

En Chine, la prévalence des néphropathies chroniques (NC) est estimée à 10 %. Avec leurs complications cardio-vasculaires, elles sont devenues un problème majeur de santé publique. L’incidence des insuffisances rénales chroniques terminales est de l’ordre de 36 par million d’habitants. Le registre national de dialyse faisait état, en 2010, de 310 000 malades dialysés dont 11 000 pour la seule ville de Shanghai. L’âge moyen de ces malades y est de 56 ans et le sexe ratio H/F de 1,82. Une politique gouvernementale de prévention et de dépistage des NC se met en place.

Summary

In China, the prevalence of chronic kidney disease (CKD) prevalence is about 10 %. Together with cardio-vascular disorders, CKD is now a major public health challenge. The annual Chinese incidence of end-stage kidney diseases in China is 36 cases per million inhabiants.. In year 2010, the national dialysis registry, includede 310 000 patients ; 11 000 of them were living in Shanghai mean age 56 years M/F sex ratio 1.82. A governement program is underway to prevent and to detect CKD in China.

Les néphropathies chroniques (NC) sont un problème majeur de santé publique en Chine, ainsi que dans de nombreux autres pays [1]. L’augmentation de leur incidence et de leur prévalence, la morbidité et la mortalité par accidents cardiovascu- laires qu’elles entraînent, ainsi que le coût élevé de leur traitement, constituent un important défit socio-économique. Ils justifient le dépistage et le traitement aussi précoce que possible de ces NC.

Les études épidémiologiques sur les NC en Chine

Des études épidémiologiques sur les NC en Chine étaient d’autant plus nécessaires qu’elles sont favorisées par un vieillissement rapide de la population et qu’elles entraî- nent un nombre croissant d’insuffisances rénales chroniques terminales (IRCT) nécessitant un traitement par dialyse. L’augmentation importante de l’incidence et de la prévalence des néphropathies diabétiques et hypertensives résulte du nombre élevé de Chinois ayant des facteurs de risque de ces néphropathies : 240 millions d’hypertendus, 150 millions de prédiabétiques et 92 millions de diabétiques [2].

Des études dans trois grandes villes de Chine, dont la population totalise près de 65 millions d’habitants, ont montré une prévalence des NC, aux stades 1 à 5 de la classification nord-américaine de la kidney disease outcome quality initiative (K/DOQI), de 10 % à 12 % (tableau 1) [3-6]. Une étude épidémiologique multicentrique nationale plus récente, incluant 47.204 habitants de 13 provinces de Chine, confirme une prévalence des NC du même ordre de grandeur, 10,8 % (IC : [10,4 ; 11,2]) [7].

Tableau 1. — La prévalence des néphropathies chroniques dans trois villes chinoises.

Une autre étude, réalisée de 2004 à 2007, incluant 5 207 patients hospitalisés dans les services de néphrologie de quinze hôpitaux de Shanghai, a montré que la cause la plus habituelle (55 %) de NC était les glomérulopathies primitives [8]. Parmi cellesci, les néphropathies à dépôts d’IgA sont les plus fréquentes avec une prévalence de 45 % sur les biopsies rénales alors que le pourcentage de lésions non IgA mésangiales prolifératives est de l’ordre de 26 % [9]. Parmi les glomérulopathies secondaires, la néphropathie lupique est la plus fréquente avec une prévalence de 54 %, suivie du purpura de Henoch-Schölein dans 20 % des cas [9].

Morbidité de MRC

Des associations statistiquement significatives existent entre des NC et certaines comorbidités, notamment l’hypertension artérielle et le diabète. Dans l’évaluation

Fig. 1. — D’après [14]. Incidence des insuffisances rénales terminales par million d’habitants. La France venait au 23e rang avec une incidence estimée à un peu moins de 150 par million d’habitants.

ESRD : end-stage renal diseases. Les barres verticales représentent des échelles de 150, 300 et 450 par million d’habitants.

de la morbi-mortalité cardiovasculaire des NC, une étude multicentrique a montré une prévalence des complications cardiovasculaires de 40 % sur un échantillon de 1 806 NC [10]. Une autre étude sur 1 239 cas de NC, réalisée dans sept hôpitaux de cinq provinces chinoises, a montré que l’incidence des complications cardiovasculaires augmentait avec la progression de la fréquence des NC [11].

Dans une analyse en régression multiple, les covariables indépendantes liées à une insuffisance rénale étaient l’âge, le diabète sucré, l’hypertension artérielle, l’obésité, l’hyperuricémie et la lithiase rénale (tableau 2) [3]. Ainsi, une hypertension artérielle a été trouvée dans 53 % de 5 080 cas de NC. Une NC a été observée dans 29,6 % des cas chez 3 714 patients qui avaient un diabète sucré. Parmi eux, 6,7 % étaient aux stades 3 à 5 de la classification NC(K/DOQI) [2].

 

Registre de dialyse en Chine

La Chine est au premier rang des pays en développement pour le nombre de malades atteints d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) nécessitant un traitement par dialyse. Selon le registre national du rein en Chine, l’incidence de l’IRCT était de trente-six personnes par million d’habitants (mph) et la prévalence de 116 personnes par million d’habitants (mph) en 2008. Ces chiffres étaient sous-estimés à cause de la difficulté d’enregistrement dans cet immense pays et des disparités de développement entre les différentes régions rendant hétérogènes le recueil des données.

L’accroissement de l’incidence et de la prévalence de l’IRCT nécessitant un traitement par épuration extrarénale augmente d’année en année. Jusqu’en 2010, le registre national de dialyse faisait état de près de 312 000 malades traités par dialyse, dont 280 000 en hémodialyse(HD) et 32 000 en dialyse péritonéale(DP), entraînant un coût de traitement atteignant à 12 milliards RMB par an, soit environ 1,2 milliard d’euros.

À Shanghai, le nombre de malades en IRCT traités par dialyse itérative atteignait 10 508, fin 2010, dont 8 473 (80.6 %) en HD et 2 035 (19.4 %) en DP. La prévalence de traitement en HD est de 599,93 par million d’habitants (mph), celle en DP est de 144,03 par million d’habitants (mph). Le sexe ratio homme/femme est de 1,2/1 et l’âge moyen de 57 ans. A l’hôpital Ruijin de l’Université Jiao Tong de Shanghai, il y a 274 malades en dialyse itérative. Leur sexe ratio H/F est de 1,82/1 et l’âge moyen de 56 ans fi 15 (extrêmes 20-87). Dans les cinq ans qui viennent, on peut estimer que le nombre de malades dialysés atteindra un million de malades pour l’ensemble de la Chine, dans l’hypothèse d’une prévalence stable de l’IRCT. Signalons enfin, que le registre d’incidence d’HD à Shanghai a été pris en compte par le renal data system nord-américain (USRDS) depuis 2008.

Pour satisfaire le besoin des malades en dialyse, le ministère de la Santé publique dispose de 3.345 centres d’hémodialyse dotées de 3 500 appareils d’hémodialyse et de 780 centres de dialyse péritonéale qui sont tous gérés par le gouvernement [12].

Dans la seule ville de Shanghai, il y a 63 centres d’hémodialyse disposant de 2.000 appareils d’hémodialyse et 38 centres de dialyse péritonéale [13].

Prise de conscience de la question des NC et remboursement de dialyse

Les NC ont été longtemps négligées et sous-estimées à la fois par le gouvernement et la population. La prise de conscience par la population des risques de NC et de leurs complications est actuellement très médiocre. Mais, devant l’augmentation du nombre de NC qui risquent d’évoluer vers une insuffisance rénale terminale qui nécessite un traitement de suppléance, alourdissant la charge socio-économique, le gouvernement attache heureusement de plus en plus d’importance à la prévention et à la détection précoce des NC, notamment chez les malades qui ont une hypertension artérielle ou un diabète sucré. Aujourd’hui en Chine, la plupart des frais de dialyse sont payés par la Sécurité sociale, mais avec des taux qui s’échelonnent de 50 % à 100 % selon les différentes régions. Récemment, une nouvelle forme d’assu- rance médicale, appelée New Cooperative Medical System (NCMS), a été créée pour la prise en charge des hémodialyses dans les régions les moins développées, surtout en zone rurale.

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[13] Society of nephrology, Shanghai medical association. Shanghai hemodialysis quality control center. Shanghai dialysis registration website. Shanghai registry annual report 2011.

[14] United States renal data system. Exerpts from the USRDS 2008 annual data reports : Atlas od end-stage renal disease in the United States. Am. J. Kidney Dis., 2009 , 53, suppl. 1 , S1-284.

 

<p>* Vice-présidente de la société chinoise de néphrologie. Chef du département de néphrologie de l’hôpital Ruijin. Professeur de néphrologie, université Jiao Ton, Shanghai ; e-mai : chen-nan@medmail.com.cn Tirés à part : Professeur Nan Chen, hôpital Ruijin, 197 Ruijin Er Road, Shanghai 200025, Shanghai, République Populaire de Chine.</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, nos 4-5, 977-981, séance du 22 mai 2012