Communication scientifique
Séance du 18 juin 2013

Modèles spontanés de maladies humaines chez le chien : exemple des ichtyoses

Spontaneous models of human diseases in dogs: ichthyoses’ example

Catherine ANDRÉ *, Anaïs GRALL *, Éric GUAGUERE **, Anne THOMAS ***, Francis GALIBERT *

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec le contenu de cet article.

Résumé

Les ichtyoses sont des troubles génétiques de la cornéogenèse caractérisés par la présence de
squames sur la totalité du corps et par la précocité de leur apparition. Pour ce groupe
hétérogène de maladies de la différenciation des kératinocytes, une quarantaine de gènes a
déjà été identifiée, mais ne rendent pas compte de toutes les formes cliniques d’ichtyose.
Cette maladie est observée chez l’Homme et le Chien. Certaines formes, comme l’ichtyose
vulgaire, sont fréquentes chez l’Homme alors que d’autres sont rares ; toutes ces formes
présentent des causes génétiques variées, difficiles à mettre en évidence chez l’Homme. En
revanche, chez le chien, chaque forme atteint de façon quasi-spécifique, une race canine, et
présente des caractéristiques cliniques et histologiques spécifiques. Nous nous sommes
intéressés à l’ichtyose du Golden retriever, forme caractérisée récemment sur les plans
clinique et histopathologique. Après avoir déterminé le mode de transmission de la maladie,
et réalisé une analyse génétique d’association, par comparaison des génomes de 20 chiens
atteints et de 20 chiens indemnes, grâce à l’utilisation de puces de génotypage 49.000 SNPs
(Affymetrix v2), nous avons pu mettre en évidence une mutation dans un nouveau gène
codant une lipase PNPLA1.Après nous être assurés de la causalité de l’altération de ce gène
dans l’ichtyose du Golden retriever, nous avons démontré que ce nouveau gène était 

également muté dans l’ichtyose lamellaire humaine (de type ARCI—Ichtyose Autosomique
Congénitale Récessive), par la mise en évidence de mutations de PNPLA1 dans deux
familles humaines atteintes d’ARCI, sur les 10 familles analysées. La collaboration entre
généticiens, médecins, histopathologistes humains et vétérinaires biochimistes et structuralistes
a ensuite permis de décrypter la fonction de PNPLA1 dans les kératinocytes de
l’épiderme. L’étude de la maladie spontanée chez le Chien, a permis, non seulement de
découvrir un huitième gène d’ichtyose de type ARCI chez l’Homme, mais aussi de dévoiler
le rôle d’une enzyme spécifique de la barrière cutanée, inconnue à ce jour. Pour la médecine
vétérinaire et l’élevage, cette découverte a également permis le développement d’un test
génétique pour le diagnostic et le dépistage de cette affection chez le Golden retriever.
Ces travaux montrent donc que l’altération d’un même gène peut provoquer des maladies
identiques chez l’Homme et le Chien, dont l’identification est plus aisée chez le Chien, car les
races canines représentent de véritables isolats génétiques. Ces travaux démontrent la
pertinence de la pathologie comparée pour décrypter les causes génétiques et les mécanismes
physiopathologiques de maladies dermatologiques rares ou complexes chez l’Homme
mais qui peuvent être fréquentes chez le Chien.

Summary

Ichthyoses encompass a heterogeneous group of genodermatoses characterized by abnormal
desquamation over the entire body due to defects of the terminal differentiation of keratinocytes
and desquamation, which occur in the upper layer of the epidermis. Even though in
humans more than 40 genes have already been identified, the genetic causes of several forms
remain unknown and are difficult to identify in Humans. Strikingly, several purebred dogs
are also affected by specific forms of ichthyoses. In the Golden retriever dog breed, an
autosomal recessive form of ichthyosis, resembling human autosomal recessive congenital
ichthyoses, has recently been diagnosed with a high incidence. We first characterized the
disease occurring in the golden retriever breed and collected cases and controls. A genomewide
association study on 40 unrelated Golden retriever dogs, using the canine 49.000 SNPs
(single nucleotide polymorphisms) array (Affymetrix v2), followed by statistical analyses
and candidate gene sequencing, allowed to identify the causal mutation in the lipase coding
PNPLA1 gene (patatin-like phospholipase domain-containing protein). Screening for
alterations in the human ortholog gene in 10 autosomal recessive congenital ichthyoses
families, for which no genetic cause has been identified thus far, allowed to identify two
recessive mutations in the PNPLA1 protein in two families. This collaborative work
between « human » and « canine » geneticists, practicians, histopathologists, biochemists
and electron microscopy experts not only allowed to identify, in humans, an eighth gene for
autosomal recessive congenital ichthyoses, but also allowed to highlight the function of this
as-yet-unknown skin specific lipase in the lipid metabolism of the skin barrier. For veterinary
medicine and breeding practices, a genetic test has been developed. These findings
illustrate the importance of the discovery of relevant human orthologous canine genetic
diseases, whose causes can be tracked in dog breeds more easily than in humans. Indeed, due
to the selection and breeding practices applied to purebred dogs, the dog constitutes a unique
species for unravelling phenotype/genotype relationships and providing new insights into
human genetic diseases. This work paves the way for the identification of rare gene variants
in humans that may be responsible for other keratinisation and epidermal barrier defects.

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* CNRS, UMR 6061, Institut de Génétique et Développement de Rennes ; Université Rennes 1,UEB, IFR 140, Faculté de Médecine, Rennes.** Clinique vétérinaire Saint Bernard, Lomme, France.*** Antagene, Animal Genetics Laboratory, La Tour de Salvagny, France.

Bull. Acad. Natle Méd., 2013, 197, no 6, 1225-1230, séance du 18 juin 2013