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MÉLANOME CUTANÉ : UN PRONOSTIC TRANSFORMÉ PAR L’IMMUNOTHÉRAPIE[1]
Communiqué de l’Académie nationale de médecine
12 octobre 2023
L’organisme européen de lutte contre le cancer place le mélanome au sixième rang des cancers les plus fréquents en 2023. En France, selon l’Institut National du Cancer, le nombre de nouveaux cas (incidence) augmente de 2 % par an, malgré les campagnes de prévention. La prévalence du cancer est actuellement en France de 28/100 000 chez l’homme et de 22/100 000 pour la femme. Parallèlement, les progrès thérapeutiques avec, notamment, l’arrivée de l’immunothérapie ont permis d’améliorer la survie des personnes atteintes de nombreux cancers, dont le mélanome, avec une évolution pouvant être qualifiée de fulgurante entre 2010 et 2015 pour ce dernier.
L’histoire de l’immunothérapie et du mélanome débute en 2010 avec la première étude démontrant qu’un anticorps monoclonal, l’anti-CTLA-4, permettait d’augmenter les chances de survie d’un patient au stade métastatique, ce qu’aucun traitement n’avait jamais permis auparavant (1). En 2014, un deuxième anticorps monoclonal, l’anti PD-1, permettait d’obtenir des taux de réponses de 30 à 40 % dans les formes métastatiques avec des réponses complètes durables rendant possible l’arrêt du traitement (2).
L’espoir offert par l’immunothérapie était toutefois contrebalancé par la découverte des effets secondaires auto-immuns. En lien avec l’activation des lymphocytes T cytotoxiques, ces effets secondaires peuvent toucher tous les organes. Ils sont sévères dans 15 % des cas et surtout, certains, comme les effets secondaires endocriniens, peuvent persister à l’arrêt de l’immunothérapie.
Dans la course thérapeutique ainsi engagée, l’idée de combiner deux anticorps monoclonaux se fit rapidement jour. Avec un recul de 7 ans, la bithérapie associant « anti-PD-1 et anti-CTLA4 » au stade métastatique, démontre une efficacité supérieure à l’anti-PD-1 seul, mais avec une toxicité plus importante. Le fait le plus remarquable avec l’immunothérapie est la longue durée des réponses cliniques avec des courbes de survie globale dites « en plateau » et la possibilité d’arrêt de traitement ouvrant la porte, au-delà de la rémission prolongée, à de possibles guérisons. Ainsi, l’étude Checkmate 067 (3) montre que 77 % des patients vivants traités par les deux anticorps, et 69 % des patients traités par anti-PD-1 seul, sont sans traitement après un suivi de plus de 6,5 ans.
Aujourd’hui, d’autres anticorps monoclonaux, comme l’anti-LAG-3 d’emblée associé avec l’anti-PD-1, sont testés avec une toxicité faible (4). Des marges de progrès sont aussi attendues des trithérapies et de l’association immunothérapie et vaccin mRNA.
Les succès thérapeutiques, observés au stade métastatique, ont eu des conséquences dans la prise en charge du mélanome à un stade moins avancé :
– Pour la prévention des métastases : en 2019 la Haute Autorité de Santé (HAS) a autorisé le traitement par l’anti-PD-1 en adjuvant après le geste chirurgical pendant un an chez les patients de stade III ganglionnaire incluant le ganglion sentinelle, et de stade IV après exérèse chirurgicale complète des métastases ;
– Pour faciliter le traitement chirurgical : dans une stratégie néoadjuvante, ces mêmes traitements par immunothérapie ont été administrés avant exérèse des ganglions ou des métastases, afin de rendre plus facile le traitement chirurgical, voire d’éviter certaines exérèses. Il ressort des premières études qu’il y aurait effectivement un bénéfice à réaliser ce traitement médical avant la chirurgie, avec une supériorité de la combinaison anti-PD1 et anti-CTLA 4 sur la monothérapie par anti-PD1 (5). La substitution progressive de la chirurgie ganglionnaire par les traitements médicaux est ainsi envisageable.
– Pour prévenir la récidive dans le mélanome primitif à risque élevé de rechute : l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a récemment autorisé l’accès précoce à un anti-PD-1, le pembrolizumab, « En monothérapie dans le traitement adjuvant des patients (adultes et) adolescents âgés de 12 ans et plus atteints d’un mélanome de stade IIB, IIC, ayant eu une résection complète».
Face à l’évolution très rapide de la place de l’immunothérapie dans le traitement du mélanome, qui a considérablement amélioré le pronostic de ce cancer cutané, l’Académie nationale de médecine souligne que :
– le développement et la promotion des actions de prévention du mélanome de la peau auprès du plus large public reste une action de santé publique de grande importance ;
– le rapport bénéfice / risque est à évaluer avant toute décision d’immunothérapie, en particulier à un stade précoce de la maladie, en raison du caractère possiblement permanent des effets secondaires auto-immuns ;
– deux enjeux importants pour les années à venir sont :
– D’une part, la recherche de marqueurs prédictifs de risque d’évolution grave du mélanome, pour identifier les indications d’un traitement adjuvant ;
– D’autre part, la recherche des marqueurs prédictifs de réponse ou de résistance à l’immunothérapie et l’identification du profil des patients les plus à risque d’effets secondaires sévères ;
– certains types de mélanomes, comme les mélanomes oculaires, muqueux, ou des extrémités, sont peu sensibles à l’immunothérapie actuelle ;
– il est essentiel de mettre en place des cohortes permettant le suivi à long terme des patients en situation de traitement adjuvant, afin notamment d’en apprécier le bénéfice sur la survie globale ;
– les progrès considérables observés, ces dernières années, dans le traitement de mélanomes ont aussi été rendus possibles par la prise en charge de traitements à coût très élevé (6).
Références
– Hodi F.S. et al., N Engl J Med. 2010 ; 363 :711‑ 723.
– Robert C. et al., N Engl J Med. 2015 ;372(26) :2521‑2532.
– Wolchok J.D. et al., J Clin Oncol 2022 ; 40 :127-137.
– Tawbi H.A. et al., N Engl J Med 2022 ; 386 :24-34
– Long G.V. et al., J Clin Oncol 2023 Jun 10 ; 41(17) :3236-3248.
– Médicaments anticancer onéreux : disponibilité et soutenabilité économique. Rapport du groupe de travail sur les molécules onéreuses en Cancérologie de l’Académie nationale de médecine (présenté en séance plénière le 10 octobre 2023).
[1] Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie.