Communiqué
Séance du 29 octobre 2013

Médecine tropicale française et coopération internationale. Enjeux et perspectives

Jean-Etienne TOUZE *

La Médecine Tropicale française est à l’instar de notre politique de coopération sanitaire en perte d’identité. Son enseignement est éclaté dans toutes les universités et dilué dans des programmes souvent éloignés des priorités sanitaires des pays en développement. L’école du Pharo qui était le seul établissement  entièrement dédié à cette discipline vient de fermer.  Ce déclin est d’autant plus regrettable que nous assistons impuissants à l’effondrement d’un pan des plus prestigieux de la médecine française. Faute de volonté affichée de ses décideurs, la France risque à court terme de perdre la place privilégiée qu’elle occupait dans le domaine de la santé auprès des pays d’Afrique et d’Asie francophones et non francophones.  Pourtant cette discipline a été dans le passé un puissant vecteur international de son image.  Au-delà de ce constat, la connaissance de la Médecine Tropicale est importante pour nos acteurs de santé dès lors que notre pays se trouve confronté à des agents infectieux « sans frontières » et à la santé souvent altérée des populations migrantes.

 

Au regard de cette involution, l’Académie nationale de médecine,soucieuse de redonner à la Médecine Tropicale française la qualité et l’éclat qu’elle mérite formule les recommandations suivantes :

1.La réforme de la Médecine Tropicale française est indissociable d’une ré-orientation de notre politique de coopération sanitaire qui doit, à l’instar de nombre de nos partenaires du G 20 , privilégier à nouveau le cadre bi-latéral.

 

2.La Médecine Tropicale doit disposer d’un diplôme internationalement reconnu s’appuyant sur des enseignants ayant une expérience acquise et entretenue sur le terrain tropical. A cet effet, le recours à  des acteurs non universitaires (ONG) doit être initié ou renforcé et le qualificatif « tropical », résolument affiché dans toutes les formations quelles que soient leurs orientations (humanitaire, médecine des voyages, santé internationale, santé des migrants…). Cette discipline pourrait retrouver sa spécificité  en quittant son adossement à l’ensemble « maladies infectieuses et tropicales » tenant compte du développement des maladies chroniques cosmopolites dans les zones concernées.

 

3.La création d’une école doctorale de Médecine Tropicale, fédérant l’ensemble des acteurs de la formation, de la recherche et de la santé publique est le préalable à la reconnaissance de cette discipline. Le développement de la recherche sur les maladies tropicales implique une synergie renforcée du réseau des instituts de Recherche (instituts Pasteur d’outre-mer, IRD, CIRAD, INSERM, CNRS ….).L’octroi de crédits ECTS (“European credits transfer system”) créés par l’Union Européenne dans chaque diplôme en fonction du volume d’enseignement délivré faciliterait les passerelles inter universitaires et serait la première étape vers cette indispensable cohérence.

 

4.La formation doit être bilatéralisée en s’appuyant sur les compétences de nos partenaires du sud, dans le respect des spécificités de chacun et au bénéfice réciproque des deux parties : enseignement et recherche des étudiants du Sud au Nord avec un accompagnement ultérieur sur site; terrains de stage au Sud pour nos étudiants, en particulier sur les urgences vitales, l’obstétrique  et la pédiatrie.                                                                                                                                 

 

5.L’impérieuse nécessité d’une coopération entre les acteurs de l’enseignement et de la recherche au sein d’une structure supra universitaire reliée à l’Agence Française de Développement, chargée de limiter la dispersion des formations, de focaliser les moyens financiers et humains sur des objectifs précis, de  répondre aux appels d’offres internationaux et de prioriser notre soutien santé au sein de l’aide bilatérale.

 

6.La réussite dans ces objectifs passe par un engagement politique fort. Le projet de loi sur l’Enseignement et la Recherche (projet de loi ESR-28 mai 2013, mesure 16, article 18 ) ouvrant la coordination de l’ensemble de l’enseignement supérieur par le Ministère de l’Enseignement et de la Recherche doit permettre  de répondre à cet objectif.

 

 

 

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Les auteurs n’ont aucun lien d’intérêt avec le contenu de ce texte.

 

 

 

L’Académie saisie dans sa séance du mardi 29 octobre 2013,  a adopté le texte de ce communiqué avec 54 voix pour, 5 voix contre et 9 abstentions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                  Pour copie certifiée conforme,

                                                                                  Le Secrétaire perpétuel

 

 

 

 

 

                                                                                  Professeur Raymond ARDAILLOU