Publié le 11 février 2015

SÉANCE THÉMATIQUE :

« La douleur »

Organisateurs : Patrice QUENEAU et Alain SERRIE

 

Communications

 

Aux confins de la neurologie et de la rhumatologie par Richard TRÈVES (Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine)

Le clinicien, le rhumatologue en particulier, sont confrontés aux douleurs neuropathiques au cours des affections rhumatologiques. Ses dernières sont légions, et non seulement les névralgies d’origine discale ou post-opératoire, les syndromes tunnellaires ou le syndrome douloureux régional complexe de type II ou les fausses sciatiques par syndrome cordonal postérieur. Il existe même une question nouvelle : la lombalgie d’origine neuropathique. C’est dire s’il faut franchir les limites de l’interrogatoire classique et rechercher par exemple, à l’aide du questionnaire « douleurs neuropathiques » appelé DN4, la composante neuropathique, surtout lorsqu’elle avance masquée chez un patient atteint d’une affection rhumatologique. Il va de soi que les conséquences thérapeutiques en sont modifiées.

La douleur comme un modèle de désordre émotionnel et cognitif par Bernard LAURENT (Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine)

La douleur aiguë est le meilleur exemple d’émotion : l’imagerie cérébrale montre que la matrice d’intégration responsable de la souffrance physique n’est pas celle de l’entrée du stimulus mais des régions insulaires et fronto-cingulaires communes au système émotionnel qui répondent aussi bien à la thermode qu’à la souffrance d’exclusion sociale. La douleur chronique succède souvent à un stress post-traumatique de l’enfance et les travaux d’imagerie révèle alors des modifications anatomiques des systèmes frontaux de contrôle de la douleur alors que le conditionnement douloureux et émotionnel, réflexe dépendant de l’amygdale, est libéré. Le lien avec la cognition est aussi fort et de nombreux travaux mettent en avant le déficit des stratégies adoptées par le « douloureux chronique » (catastrophisme, kinésiophobie, représentations erronée, etc.). Mais la douleur et le stress modifient la cognition, l’anticipation, la résolution de problèmes, et le patient est ainsi dans un cercle vicieux mal compris des soignants et il mérite une prise en charge émotionnelle et cognitive en parallèle des antalgiques trop souvent distribués sans retenue.

La prise en charge de la douleur chronique : un problème de société par Alain SERRIE (Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine)

La douleur est un véritable enjeu de santé publique, critère de qualité et d’évolution d’un système de santé : c’est un problème majeur de société. Sa prise en charge répond à un objectif humaniste, éthique et de dignité de l’homme en raison des retentissements physiques et psychiques. Elle induit un handicap qui exclut progressivement ou brutalement le patient de la société. La douleur physique et la souffrance morale ressentie à tous les âges de la vie rendent plus vulnérables les personnes fragilisées par la maladie. Les douleurs chroniques rebelles sont sources d’incapacités, de handicaps, d’invalidité et d’altérations majeures de la qualité de vie. Les résultats de l’enquête STOPNET  réalisée en 2004 montrent que 31,7 % [IC95 : 31,1-32,3] des 24 497 personnes de plus de 18 ans interrogées ont des douleurs chroniques quotidiennes. 6,9 % [IC95 : 6,6-7,2] ont une douleur chronique associée à des signes neuropathiques, 65 % d’entre eux ont moins de 60 ans, la majorité sont en arrêt maladie prolongée (> 6 mois), voire en invalidité de première et deuxième catégorie.

Les progrès de la médecine ont permis la guérison de certaines maladies graves, mais aussi la transformation de maladies aiguës en maladies chroniques. Le résultat est une augmentation de l’espérance de vie parfois sans maladie, mais cette survie peut être aussi accompagnée de maladie ou de handicap.

Les progrès, la douleur et la souffrance, la fin de vie, l’éthique seront les axes des réflexions fondamentales de demain.