Publié le 18 janvier 2016

Séance thématique « Vaccinations »

du mardi 2 février 2016

à 14 heures

 

Organisateurs : François BRICAIRE et Yves BUISSON

Accueil et allocution de Madame Marisol TOURAINE, Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

 

Introduction par François BRICAIRE (Membre de l’Académie nationale de médecine)

 

Communications

 

Les Français face à la vaccination par Jocelyn RAUDE (EHESP – Département SHSCS Rennes et Montréal)

 

 

 

Et si on arrêtait de vacciner ? par François BRICAIRE (Membre de l’Académie nationale de médecine)

Sous divers prétextes la vaccination se voit contestée notamment en France, et ce de façon croissante. Ceci constitue un réel problème de santé publique. Le doute qui s’installe dans la population devient source de risque potentiel grave dans la lutte contre les maladies infectieuses. Or, plus on tente de combattre ce phénomène plus les anti-vaccinaux réagissent, aidés en cela par les moyens modernes de communication.

Aussi dans un pays où le plaisir de contester l’action publique est grand, pourquoi ne pas réagir de façon provocante sur le même registre et poser la question d’un arrêt de vacciner pour en montrer les conséquences et ainsi tenter de sensibiliser les citoyens pour les mettre en face de leurs responsabilités vis-à-vis de l’ensemble de la population quant aux vaccinations.

 

 

Estimation de l’impact épidémiologique des niveaux de couverture vaccinale insuffisants en France par Daniel LÉVY-BRUHL (Institut de Veille sanitaire, Saint-Maurice)

La couverture vaccinale est insuffisante pour de nombreux vaccins en France. Nous avons estimé, à partir des données épidémiologiques disponibles, le nombre de cas, de décès ou d’hospitalisations qui sont survenus alors qu’ils auraient pu être évités par l’atteinte des niveaux de couverture vaccinale escomptés. La mortalité non évitée est surtout importante pour la grippe. Cependant, des hépatites B fulminantes et des décès dus à la coqueluche ou à une infection invasive bactérienne surviennent également chaque année chez des sujets qui auraient dû être protégés par la vaccination. L’épidémie de rougeole qui a sévi en France entre 2008 et 2012 et qui a occasionné un nombre important de formes graves témoigne également des conséquences des niveaux insuffisants de couverture vaccinale.

 

 

Vaccinations des patients traités par immunosuppresseurs, biothérapie et/ou corticothérapie pour une maladie auto-immune ou inflammatoire chronique par Thomas HANSLIK (Médecine Interne, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt)

Les maladies auto-immunes ou inflammatoires chroniques ne constituent pas en soi une indication à un calendrier vaccinal spécifique, les vaccins recommandés sont ceux du Calendrier vaccinal en vigueur. De plus, sont spécifiquement recommandées, les vaccinations contre la grippe et les infections invasives à pneumocoque.

Il est proposé de mettre à jour les vaccinations le plus tôt possible au cours de la maladie auto-immune, avant la mise en route du traitement immuno-suppresseur si possible, en particulier pour les vaccins vivants atténués qui ne pourront plus être administrés ensuite.

Les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués chez les sujets recevant un traitement immunosuppresseur, une biothérapie et/ou une corticothérapie à dose immuno-suppressive. Le BCG est contre-indiqué dans tous les cas.

 

 

Pharmacovigilance des vaccins en France par Jean-Louis MONTASTRUC (Membre de l’Académie nationale de médecine)

Les vaccins sont des médicaments. Comme tous les médicaments, ils sont soumis à des tests précliniques puis à des essais cliniques. Ces essais cliniques, indispensables, restent malheureusement toujours insuffisants en raison, par exemple, d’un suivi obligatoirement trop court, d’un nombre insuffisant et d’une non représentativité obligatoire des sujets inclus. C’est, encore une fois, souligner l’intérêt, pour les malades et pour leurs médecins, d’un suivi après l’AMM de PharmacoVigilance.

La sécurité des vaccins nécessite donc une évaluation rigoureuse en vie réelle. La PharmacoVigilance des vaccins repose d’abord, comme pour tous les autres médicaments, sur la notification spontanée des effets indésirables médicaments aux Centres Régionaux de PharmacoVigilance. Leur analyse pharmacologique et médicale permet de préciser leurs caractéristiques cliniques, leur « gravité » et de discuter leur causalité (imputabilité). Il faut insister sur le fait que la notification spontanée reste, encore et toujours, la seule méthode permettant une alerte précoce avec la mise en évidence d’un signal. En matière de PharmacoVigilance des vaccins, on a aussi recours, à côté de la simple déclaration spontanée, au suivi intensif avec notifications encouragées et sollicitées, comme ce fut le cas pour le vaccin H1N1.

Les méthodes de Pharmacoépidémiologie s’utilisent secondairement pour confirmer ou infirmer un signal de PharmacoVigilance soulevé par la notification spontanée. Plus qu’ailleurs, ces études sont aussi indispensables pour quantifier le risque à l’échelon populationnel. Selon la question posée, il peut s’agir de suivis de cohortes, d’enquêtes cas-témoin ou d’analyses de type « data mining » (« fouillage de données » dans les bases de données). L’application de ces méthodes dans le champ des vaccins s’avère parfois délicate, notamment en ce qui concerne le choix des sujets témoins non vaccinés. On peut aussi utiliser les schémas autocontrôlés (études cas-propre témoins) qui sera présentée.

La question de la sécurité des vaccins reste primordiale : il s’agit de médicaments tout-à-fait particuliers car administrés à de grandes populations (et parfois à toute la population) de sujets sains, indemnes de toute plainte, symptôme ou maladie. Leur balance bénéfices risques doit donc s’envisager, non seulement à l’échelon individuel, mais aussi à l’étage populationnel. Leur efficacité sur ces deux plans ne fait plus de doute puisqu’ils ont permis, non seulement la régression, mais aussi la disparition définitive de plusieurs maladies. Ce point, trop souvent oublié, doit être largement rappelé.

Contrairement à une idée trop répandue, la PharmacoVigilance n’envisage pas les effets des médicaments avec un point de vue négatif. Elle confronte, dans le seul intérêt des patients et de leurs médecins, les risques des médicaments, démontrés en vie réelle, à leurs bénéfices validés dans les essais cliniques. Pour les vaccins, les bénéfices sont grands et les données de PharmacoVigilance montrent essentiellement des effets indésirables non « graves » et transitoires (réactions locales, fièvre, etc.), les effets « graves » établis des vaccins restant, dans tous les cas, plus qu’exceptionnels. Les craintes formulées par rapport à l’utilisation des adjuvants ne sont nullement étayées à ce jour.

Ainsi, l’analyse de ces données pharmacologiques sur les vaccins permet de rappeler l’excellente balance bénéfices risques de cette classe de médicaments, balance bien supérieure à celle de beaucoup d’autres classes médicamenteuses largement utilisées. Ces conclusions doivent être désormais rappelées sans relâche.

 

Conclusion par Yves BUISSON (Membre de l’Académie nationale de médecine)