Communication scientifique
Session of 11 mai 2004

Maladies orphelines pulmonaires. De la curiosité à la sollicitude

MOTS-CLÉS : lymphangiomyomatose. maladies rares. poumon eosinophile.. poumon, maladies
Orphan lung diseases : from curiosity to solicitude
KEY-WORDS : lung diseases. lymphangiomyomatosis. pulmonary eosinophilia.. rare diseases

Jean-François Cordier *

Résumé

Les maladies orphelines sont des maladies rares et délaissées, privant les patients qui en sont atteints d’un accès équitable au diagnostic et aux soins. Pour étudier un ensemble de maladies orphelines pulmonaires, nous avons structuré un réseau de spécialistes qui a permis de recueillir et d’étudier plusieurs séries de maladies rares. A partir de deux exemples (lymphangioléiomyomatose et pneumopathies idiopathiques à éosinophiles), nous soulignons l’intérêt d’une approche globale des maladies orphelines au sein d’une spécialité médicale.

Summary

As their name implies, orphan diseases are rare, often poorly studied diseases. Patients with orphan diseases are often deprived of adequate diagnosis and treatment. To promote a comprehensive study of orphan pulmonary diseases, we established a network of pulmonologists, allowing us to collect and study several series of patients. Based on the examples of lymphangioleiomyomatosis and idiopathic eosinophilic pneumonia, we emphasize the value of a global approach to orphan diseases within the context of a medical specialty.

On désigne sous le nom de maladies ‘‘ orphelines ’’ des maladies qui ne bénéficient pas d’une attention suffisante de la part de la société, privant les malades qui en sont atteints de la sollicitude à laquelle tout malade a droit. L’accès au diagnostic et aux soins est pour eux souvent difficile et inéquitable. Ils éprouvent le sentiment pénible
d’une ‘‘ exclusion silencieuse ’’ [1], et d’être finalement des orphelins dans le monde de la santé.

Certaines de ces maladies sont fréquentes, mais affectent des populations pauvres et non solvables (par exemple la trypanosomiase). La recherche thérapeutique dans ce domaine est pratiquement inexistante, car la découverte et la production de médicaments ne sont pas profitables pour l’industrie en raison de la pauvreté des populations atteintes [2].

Dans les pays développés, les maladies orphelines sont surtout des maladies rares, dont un grand nombre sont d’origine génétique [3]. Certaines maladies rares ont toutefois cessé d’être orphelines grâce à l’attention des médias et des pouvoirs publics, le plus souvent stimulés par les associations de patients.

CARACTÉRISTIQUES ET DIVERSITÉ DES MALADIES ORPHELINES

C’est une prévalence inférieure à 1/2000 qui définit en Europe une maladie rare, ce qui représente moins de 30 000 malades atteints à un moment donné en France.

On considère qu’il y a 3 à 8 000 maladies rares. Certaines touchent plusieurs milliers de personnes (par exemple la mucoviscidose), alors que d’autres en touchent quelques centaines ou quelques dizaines seulement.

Une des caractéristiques des maladies orphelines est l’errance diagnostique des patients avant d’aboutir à une prise en charge par des équipes compétentes. Le retard au diagnostic et au traitement est évidemment très mal accepté par les patients et leurs proches.

Certaines des maladies orphelines, et en particulier celles qui sont d’origine génétique, touchent des enfants, et c’est alors naturellement dans le cadre de la pédiatrie que le diagnostic et la prise en charge s’effectuent. Chez l’adulte, toutes les spécialités médicales sont concernées par les maladies orphelines. Pourtant, même si les cas rares et curieux ont retenu de tout temps l’attention des médecins, la recherche sur les maladies orphelines est restée généralement aléatoire et peu structurée.

MALADIES ORPHELINES PULMONAIRES : STRUCTURATION DE LA RECHERCHE CLINIQUE

La pneumologie, comme toutes les spécialités médicales, concerne une part de maladies orphelines. Ces maladies ont été relativement délaissées au profit des dizaines de milliers de patients atteints de cancer bronchique, d’asthme, de bronchopneumopathie chronique obstructive, ou d’infections respiratoires.

La structuration de la recherche clinique sur les maladies orphelines pulmonaires est la conséquence d’une démarche originale.

Après l’initiative de deux études anatomocliniques, concernant chacune plusieurs dizaines de cas de maladie de Wegener et de lymphomes pulmonaires primitifs, et ayant abouti à des publications internationales [4, 5], nous avons fondé il y a une dizaine d’années le Groupe d’Études et de Recherche sur les Maladies ‘‘ Orphelines ’’ Pulmonaires (GERM ’’O ’’P), avec l’objectif de fédérer la recherche clinique pneumologique sur un ensemble de ces maladies. Ce projet, financé par deux Programmes hospitaliers de recherche clinique successifs, a été géré par un centre de coordination sous la responsabilité directe de l’auteur. Un registre a recueilli les déclarations de 1700 cas de maladies pulmonaires orphelines, observés par 207 médecins des centres hospitaliers universitaires (102), des centres hospitaliers géné- raux (70), et libéraux (35). Une réunion annuelle des représentants (une vingtaine) des principales équipes impliquées permet de cibler les études cliniques à réaliser et leurs objectifs. Une lettre d’information annuelle informe les membres du Groupe des études en cours. Les travaux ont été réalisés à partir de formulaires détaillés de recueil de données complétés par les médecins ayant déclaré des cas de la pathologie à l’étude (avec, selon les études, analyse complémentaire des documents d’imagerie ou histopathologiques originaux). Les études réalisées ont porté sur plusieurs maladies orphelines pulmonaires [6-17]. Des documents d’information sur ces maladies, destinés aux médecins, mais aussi aux patients ont été produits. La collaboration avec des associations de patients est venu relayer cette démarche.

L’exemplarité de cette recherche a fait l’objet d’une reconnaissance internationale [18].

Deux exemples illustreront nos travaux : la lymphangioléiomyomatose, et les maladies hyperéosinophiliques pulmonaires idiopathiques.

LYMPHANGIOLÉIOMYOMATOSE PULMONAIRE

La lymphangioléiomyomatose (LAM) se caractérise par une prolifération de cellules musculaires lisses anormales qui infiltrent les axes lymphatiques thoracoabdominaux. Il s’ensuit une destruction kystique du parenchyme pulmonaire, qui conduit à l’insuffisance respiratoire. Au niveau rénal se développent des angiomyolipomes, dont la découverte peut précéder celle de la LAM. La LAM atteint presqu’exclusivement les femmes, généralement en âge d’activité génitale. Elle peut survenir de manière isolée (LAM sporadique), ou dans le contexte de la sclérose tubéreuse de Bourneville.

Nous avons étudié dans le cadre du GERM ’’O ’’P une série de 69 patientes [6], qui a permis de mieux définir les caractéristiques cliniques de cette entité.

La prévalence minimale de la maladie en France a été estimée à 2,6 cas/million dans la population à risque (femmes de 20 à 69 ans) [7]. L’âge moyen de survenue était de 39,3 ans au moment du diagnostic. Le délai moyen entre les premiers symptômes et le diagnostic était de 3 ans, mais 20 % des cas n’avaient pas été diagnostiqués plus de 5 ans après le début des symptômes.

Les deux principales manifestations présentes au moment du diagnostic étaient la dyspnée (71 %), et un antécédent de pneumothorax (52 %) ; 20 % des patientes avaient un antécédent de chylothorax. Des angiomyolipomes rénaux étaient pré- sents dans 31 % des cas, et une ascite chyleuse dans 9 % des cas.

La radiographie thoracique au contraire était considérée comme normale dans 9 % des cas, et dans les autres cas comportait des images réticulo-nodulaires, des images kystiques, et une distension. La tomodensitométrie thoracique était anormale dans tous les cas, montrant un aspect de kystes bilatéraux diffus à parois fines. Cet aspect est pratiquement spécifique de la LAM, le principal diagnostic différentiel étant représenté par la granulomatose à cellules de Langerhans pulmonaires au stade kystique (qui toutefois épargne généralement les bases pulmonaires).

L’exploration fonctionnelle respiratoire au moment du diagnostic montrait une spirométrie normale dans 42 % des cas, mais un trouble ventilatoire obstructif était présent dans 35 % des cas. L’abaissement du transfert du CO était présent dans 82 % des cas, et une autre étude a montré une corrélation entre l’abaissement initial du transfert du CO et le déclin rapide du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) [16].

Le diagnostic a été obtenu par biopsie pulmonaire dans 83 % des cas, mettant en évidence la prolifération caractéristique de deux types de cellules musculaires lisses :

de type épithélioïde, et de type fusiforme. Ces biopsies ont été réalisées dans la majorité des cas lors de pleurodèse à l’occasion d’une manifestation pleurale de la maladie. Nous fondant sur cette série, nous considérons que le diagnostic de LAM peut-être retenu en l’absence de biopsie pulmonaire chez les patientes présentant d’une part des images kystiques caractéristiques en tomodensitométrie pulmonaire, et d’autre part soit un angiomyolipome rénal typique à l’imagerie, soit une ascite chyleuse chronique avec des ganglions abdominaux à l’imagerie.

Du fait que la LAM sporadique survient essentiellement chez des femmes en âge d’activité génitale, un rôle des hormones sexuelles féminines a été suspecté, conduisant à des tentatives de traitement à visée hormonale, en particulier par hormones progestatives. Aucun bénéfice significatif de ce type de traitement n’a toutefois été établi. En raison des manifestations pleurales de la maladie (pneumothorax et chylothorax), une pleurodèse a été nécessaire dans 58 % des cas. L’insuffisance respiratoire a conduit à une transplantation pulmonaire dans 19 % des cas (ces patientes au moment de la transplantation avaient un VEMS moyen de 0,57 L).

Après un suivi moyen de 2,3 ans, 9/13 patientes transplantées étaient en vie.

Alors que des séries antérieures [19, 20] indiquaient un mauvais pronostic de la LAM (décès dans les 10 ans suivant le diagnostic), dans notre série, la probabilité de survie à 10 ans était de 79 % (avec une survie réelle de 73 % à 8,5 ans). Il est possible qu’un diagnostic plus précoce, grâce à la tomodensitométrie, explique pour une part cette amélioration du pronostic.

Des travaux récents [21, 22] ont permis de caractériser au cours de la LAM des anomalies génétiques portant sur les gènes TSC1 et TSC2, gènes impliqués dans la
sclérose tubéreuse de Bourneville. Alors que dans cette dernière maladie les mutations sont de type germinal, au cours de la LAM sporadique ont été observées des mutations somatiques du gène TSC2 (au niveau des cellules musculaires lisses pulmonaires et des angiomyolipomes). L’hamartine et la tubérine, protéines dont la synthèse est contrôlée respectivement par les gènes TSC1 et TSC2, sont impliquées dans un réseau de signalisation qui réprime la progression du cycle cellulaire, principalement en agissant comme inhibiteur de mTOR ( mammalian target of rapamycin ). Cela suscite l’espoir que la rapamycine pourrait pallier la carence en hamartine et/ou tubérine induite par les mutations géniques, et bloquer ainsi le cycle cellulaire prolifératif des cellules musculaires lisses.

MALADIES PULMONAIRES HYPERÉOSINOPHILIQUES IDIOPATHIQUES

Pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles

Il existe de nombreuses causes de pneumopathie à éosinophiles, telles que les parasitoses, les causes médicamenteuses ou immuno-allergiques. Mais certaines pneumopathies à éosinophiles sont de cause indéterminée, qu’elles surviennent isolément (pneumopathie chronique ou aiguë idiopathique à éosinophiles), ou au cours de maladies systémiques (syndrome de Churg et Strauss, syndrome hyperéosinophilique idiopathique) [23].

La pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles (PCIE) a été décrite par Carrington et al [24]. Nous avons étudié une série de 62 cas recueillis dans le cadre du GERM ’’O ’’P [17]. Dans cette étude, il y avait deux fois plus de femmes atteintes que d’hommes, et l’âge moyen au moment du diagnostic était de 45,4 ans. La grande majorité des patients (93,5 %) étaient non fumeurs, et environ les 2/3 (62,9 %) avaient une maladie atopique pré-existante.

La durée moyenne entre le début des symptômes et le diagnostic était de 19,7 semaines. Tous les patients présentaient des symptômes respiratoires (dyspnée, toux), une asthénie, de la fièvre, et un amaigrissement (de 10 kg ou plus) dans 13 % des cas. A l’auscultation pulmonaire, il existait des sibilances, des râles crépitants, ou les deux. Sur le plan de l’imagerie, la radiographie et le scanner ont mis en évidence des opacités de type alvéolaire bilatérales (75,8 % des cas), de densité variable (du verre dépoli à la condensation). Ces opacités étaient migratrices dans 25 % des cas.

Un épanchement pleural associé n’était que rarement présent (6 % des cas).

Sur le plan biologique, l’éosinophilie sanguine était en moyenne de 5,5 G/L. La vitesse de sédimentation érythrocytaire et la protéine C réactive étaient augmentées.

L’exploration fonctionnelle respiratoire a montré un trouble ventilatoire dans environ 2/3 des cas, de type obstructif dans la moitié de ceux-ci.

Le lavage alvéolaire a mis en évidence une hyperéosinophilie dépassant généralement 40 % de la formule cellulaire (moyenne de 58 %).

Tous les patients ont été traités par corticoïdes, avec une réponse spectaculaire :

amélioration des manifestations cliniques et nettoyage radiologique en quelques jours. Des rechutes sont survenues dans environ la moitié des cas, et des rechutes multiples dans environ 20 % des cas, la plupart après l’arrêt des corticoïdes (en moyenne 72 semaines). Dans 1/3 des cas, les rechutes sont survenues lors de la décroissance des corticoïdes, à une dose moyenne de 10,7 mg/jour. Aucun patient n’est décédé de la pneumopathie à éosinophiles. La durée moyenne du traitement corticoïde avant le sevrage était de 82 semaines. La durée totale de traitement n’avait pas d’influence sur la survenue ou non de rechutes.

A partir de patients de la même cohorte et de cas nouveaux, nous avons étudié plus en détail les rapports réciproques de la PCIE et de l’asthme [8]. Sur 53 cas de PCIE, 41 avaient un asthme associé (77 %) qui avait précédé le diagnostic de PCIE chez 26 patients, en était contemporain chez 8 patients, et s’était développé après la PCIE chez 7 patients.

La présentation de la PCIE était identique chez les patients asthmatiques et les patients non asthmatiques, à l’exception d’un taux plus élevé d’immunoglobulines E dans le premier groupe. Les patients ayant de l’asthme au moment du diagnostic de PCIE avaient plus de chances de ne pas faire de rechute de la PCIE (56 vs 23 %), et avaient un nombre de rechutes par an plus faible par année de suivi (médiane de 0 vs 0,24). En outre, ils étaient plus fréquemment traités par un traitement corticoïde inhalé (88 vs 31 %) à la dernière visite de suivi. L’asthme s’est aggravé après la PCIE, nécessitant fréquemment une corticothérapie orale au long cours. Cette étude suggère que chez les patients avec PCIE les asthmatiques ont une moindre fréquence de rechute que les non asthmatiques (peut être du fait d’une utilisation plus importante des corticoïdes inhalés) et que la survenue d’une PCIE chez les patients asthmatiques s’associe fréquemment au développement d’un asthme sévère.

Pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles après radiothérapie pour cancer du sein

Nous avons rapporté récemment une série de 5 cas de pneumopathie chronique à éosinophiles survenus chez des patientes ayant reçu une radiothérapie pour cancer du sein [9]. Toutes ces patientes avaient un antécédent d’asthme et/ou d’allergie.

L’imagerie a montré des opacités pulmonaires, unilatérales et limitées au poumon irradié chez 4 patientes, et bilatérales chez 2 patientes (opacités migratrices chez une patiente). Toutes les patientes avaient une hyperéosinophilie, sanguine ou au lavage alvéolaire. L’intervalle médian entre la fin de la radiothérapie et le début de la pneumopathie à éosinophiles était de 3,5 mois. Toutes les patientes ont rapidement guéri sans séquelles sous corticothérapie orale, avec une rechute chez 2 patientes après arrêt du traitement corticoïde. Ce syndrome apparaît très proche de celui de la
bronchiolite oblitérante avec pneumopathie organisée amorcée par radiothérapie pour cancer du sein que nous avons décrit [10]. La différence entre les deux syndromes est que dans la pneumopathie chronique à éosinophiles après radiothé- rapie, les patientes ont toutes un antécédent d’asthme ou de maladie allergique. Cela suggère que, sur l’alvéolite lymphocytaire amorcée par la radiothérapie du sein [25], un stimulus pourrait induire une réponse lymphocytaire de type Th2 entraînant une pneumopathie à éosinophiles chez les sujets asthmatiques et/ou atopiques.

Pneumopathie aiguë idiopathique à éosinophiles

La pneumopathie aiguë idiopathique à éosinophiles (PAIE) est une entité de description récente, dont les critères diagnostiques ont été proposés par Pope-Harman et al [26] : début aigu (début des symptômes ≤ 7 jours) ; fièvre ; infiltrats pulmonaires bilatéraux sur la radiographie ; hypoxémie sévère (PaO2 en air ≤ 60 mm Hg, saturation en oxygène en air < 90 %, ou gradient alvéolo-artériel > 40 mm Hg) ;

éosinophilie pulmonaire (éosinophiles ≥ 25 % au lavage alvéolaire, ou prédominance d’éosinophiles sur une biopsie pulmonaire chirurgicale) ; absence d’arguments pour une hypersensibilité aux médicaments ; absence de cause connue.

Nous avons étudié une série de PAIE [11] qui a porté sur 22 patients (13 hommes et 9 femmes, d’âge moyen 29 ans) qui ont présenté une pneumopathie infiltrante diffuse avec hypoxémie sévère nécessitant une ventilation mécanique dans 14 cas. Le lavage alvéolaire a montré un pourcentage moyen d’éosinophiles de 54,4 %, et aucun patient n’a nécessité de biopsie pulmonaire chirurgicale. Nous n’avons pas observé de différence clinique entre les patients dont la maladie avait une durée de moins de 7 jours par rapport à ceux pour lesquels la maladie s’était développée dans un délai de 7 à 31 jours. Huit des patients remplissaient les critères du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Tous les patients ont guéri, soit spontanément (6 cas), soit sous traitement corticoïde (16 cas). Il n’est survenu aucune rechute.

Le taux moyen d’éosinophiles sanguins était de 0,98 G/L (mais 5 patients avaient un taux d’éosinophiles sanguins < 1 G/L, contrastant avec l’éosinophilie alvéolaire qui témoignait d’une compartimentalisation des éosinophiles). La fréquence d’un épanchement pleural bilatéral associé (71 % des cas), et l’absence de rechute après guérison distinguent également la PAIE de la PCIE.

Cette étude montre que la PAIE est compatible avec une durée de début des symptômes allant jusqu’à un mois, que la réponse au traitement corticoïde n’est pas un critère de diagnostic comme cela avait été proposé précédemment [26] dans la mesure où une guérison spontanée est possible ; que la PAIE doit être considérée dans le diagnostic différentiel du syndrome de détresse respiratoire aiguë ; que l’éosinophilie au lavage alvéolaire permet d’éviter la biopsie pulmonaire.

CONCLUSION

La structuration de la recherche clinique a permis d’apporter une contribution au meilleur niveau international sur plusieurs maladies orphelines pulmonaires : lymphangioléiomyomatose, pneumopathies idiopathiques à éosinophiles chroniques ou aiguës, mais aussi sur les pneumopathies interstitielles au cours de la dermatomyosite amyopathique, de la dermatomyosite et des polymyosites [12] ; sur la trachéopathie chondro-ostéoplastique [13] ; sur la pneumopathie organisée cryptogénique [14] ; et sur la polyangéite microscopique avec hémorragie alvéolaire [15].

Ce type de recherche clinique pourrait être mis en œuvre dans la plupart des spécialités médicales, en vue d’améliorer l’accès au diagnostic et aux soins. Structurer au niveau de l’ensemble de la Médecine cette recherche clinique et ses applications témoignerait ainsi du passage de la curiosité intellectuelle pour les cas rares à la sollicitude pour les personnes atteintes de maladie orpheline.

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DISCUSSION

M. François-Bernard MICHEL

Dans la lymphangioleïomyomatose, observe-t-on des modifications associées de la paroi artérielle pulmonaire ? A-t-on exploré la toile de fond immunologique des pneumopathies idiopathiques à éosinophiles, je veux dire les cytokines de stimulation de la sécrétion d’IgE ou des éosinophiles ? Les formes de passage de ces pneumopathies vers l’éosinophilie maligne ?

La paroi artérielle pulmonaire n’a pas fait l’objet d’études spécifiques au cours de la lymphangioléiomyomatose. L’atteinte des petits vaisseaux pulmonaires s’associe à un épaississement de leur paroi, avec des zones d’occlusion veineuse pouvant conduire à des hémorragies avec hémosidérose. Dans les pneumopathies à éosinophiles, et probablement du fait de leur rareté, il y a eu relativement peu d’études concernant les anomalies biopathologiques. Des travaux ont montré que certaines cytokines sont impliquées dans cette pathologie (en particulier interleukine 5 et éotaxine). Les pneumopathies chroniques idiopathiques à éosinophiles représentent un cadre nosologique assez spécifique, et il n’y a généralement pas de passage vers la pathologie éosinophilique de type malin.

M. Michel BOUREL

Quelles causes professionnelles peuvent être trouvées dans la PCIE ? Quels liens éventuels avec des maladies néoplasiques (type mésothéliome par exemple) ?

Les causes professionnelles de pneumopathies à éosinophiles sont très rares. Une pneumopathie à éosinophiles a été rapportée après exposition professionnelle aux sulfites, et après exposition professionnelle importante à l’oxyde d’aluminium. Au cours de certaines maladies néoplasiques, il a été rapporté exceptionnellement une pneumopathie à éosinophiles : ainsi, un patient atteint de cancer gastrique avec production d’interleukine 5 a développé une pneumopathie à éosinophiles. Les pneumopathies à éosinophiles au cours des cancers semblent résulter de la production de cytokines liée à la tumeur. On sait par ailleurs qu’il existe au cours du syndrome hyperéosinophilique idiopathique, qui peut comporter (relativement rarement) une atteinte pulmonaire, un syndrome lymphoprolifératif ou myéloprolifératif clonal qui est responsable de l’hyperéosinophilie. Les pneumopathies à éosinophiles n’ont pas été rapportées en association significative avec le mésothéliome.

M. Jean-Daniel SRAER

Avez-vous observé des complications néoplasiques après transplantation pulmonaire, sous traitement immunosuppresseur, dans la lymphangioleïomyomatose pulmonaire ?

Nous n’avons pas observé, et il n’a pas été rapporté de complications néoplasiques particulières après transplantation pulmonaire pour lymphangioléiomyomatose.

M. Pierre GODEAU

Comme vous l’avez observé, il y a des récepteurs hormonaux dans les lésions anatomiques de la lymphangioleïomyomatose. Ceci a donné lieu à des essais de manipulations hormonales notamment par les progestatifs mais sans résultat positif. Y-a-t-il eu des essais récents dans ce domaine ?

Effectivement, compte tenu de la survenue de la lymphangioléiomyomatose chez les femmes en âge d’activité génitale, et de la présence de récepteurs pour la progestérone sur les cellules musculaires lisses responsables de la maladie, des tentatives de traitement progestatif ont été effectuées à de nombreuses reprises, à titre individuel, sans résultat très probant. Occasionnellement, des améliorations ont été signalées, portant principalement sur le volume des épanchements chyleux. Il n’y a pas eu d’essai contrôlé des progestatifs, et les résultats individuels rapportés jusqu’alors n’ont pas conduit à la mise en place d’un essai thérapeutique randomisé.

M. Jacques ROCHEMAURE

La lymphangioleïomyomatose étant une affection sous la dépendance des hormones sexuelles, a-t-on observé, après transplantation pulmonaire effectuée dans les formes sévères, une récidive de la maladie dans le poumon greffé ?

Oui, il a été observé des récidives de lymphangioléiomyomatose sur poumon greffé. Dans un cas, on a pu montrer que les lésions lymphangioléiomyomateuses du poumon greffé comportaient les mêmes mutations somatiques que celles mises en évidence auparavant chez la patiente. Cela est en faveur d’une théorie ‘‘ métastatique ’’ de la lymphangioléiomyomatose : on a ainsi supposé que la maladie pulmonaire pourrait dériver d’une évolution métastatique des angiomyolipomes rénaux. Toutefois, toutes les patientes ayant une lymphangioléiomyomatose n’ont pas d’angiomyolipomes rénaux.

M. Christian NEZELOF

Quelle est la place de l’étude du lavage broncho-alvéolaire et de la biopsie pulmonaire dans le diagnostic de ces affections exceptionnelles ?

Dans la lymphangioléiomyomatose, le lavage alvéolaire n’apporte pas d’information intéressante, et le diagnostic définitif de l’atteinte pulmonaire se fonde sur la biopsie (éventuellement transbronchique, mais plus souvent vidéothoracoscopique réalisée en particulier lors d’une pleurodèse pour pneumothorax récidivant). Pour les pneumopathies à éosinophiles, le lavage alvéolaire est très précieux car il permet d’éviter la biopsie pulmonaire, aussi bien pour les formes chroniques que les formes aiguës de pneumopathie idiopathique à éosinophiles. Un pourcentage supérieur à 25 %, et surtout supérieur à 40 % d’éosinophiles permet de se passer avec une bonne sécurité de la biopsie pulmonaire pour porter le diagnostic de pneumopathie à éosinophiles.


* Service de Pneumologie — Centre des Maladies Orphelines Pulmonaires — Hôpital Cardiovasculaire et Pneumologique Louis Pradel. — 28 avenue du Doyen Lépine, 69677 Lyon (Bron) Cedex. Tirés-à-part : Monsieur le Professeur CORDIER à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 25 novembre 2003, accepté le 29 mars 2004

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 5, 755-765, séance du 11 mai 2004