Communication scientifique
Session of 11 mai 2004

Complications artérielles après transplantation rénale

MOTS-CLÉS : imagerie par resonance magnétique. prolapsus utérin. rectocele.. vessie, maladies
Arterial complications after renal transplantation
KEY-WORDS : aneurysm, infected. iliac aneurysm. kidney transplantation. renal artery. renal artery obstruction.

Michel Lacombe *

Résumé

Le but de cette étude rétrospective était de rapporter notre expérience du traitement chirurgical des complications artérielles après transplantation rénale. Cette série a comporté 154 patients opérés entre 1970 et 2003. La découverte de la lésion artérielle a été faite soit lors d’un bilan périodique de surveillance du patient transplanté, soit en raison de symptômes apparus après la transplantation (hypertension artérielle, altération de la fonction du greffon, troubles artériels des membres inférieurs), soit après une complication infectieuse. Les lésions opérées ont été : des anévrysmes mycotiques (N = 5), des lésions d’athérome aorto-iliaque anévrysmales (N = 13), sténosantes ou obstructives (N = 11), des sténoses de l’artère du rein greffé (N = 125). Le traitement chirurgical, variable selon la nature de la complication rencontrée, a comporté la reconstruction de la lésion artérielle. Il n’y a eu aucune mortalité postopératoire dans cette série. Trois thromboses post-opératoires après réparation de sténose de l’artère du rein transplanté ont été observées (3/125 : 2,4 %). A distance, deux patients ont été réopérés en raison de l’aggravation de lésions iliaques au-dessous d’une prothèse aortique et trois autres ont été réopérés pour une récidive de sténose de l’artère du greffon (N = 2) et pour un anévrysme sur autogreffe veineuse ilio-rénale (N = 1). A longue échéance, ces opérés partagent le devenir des autres transplantés : chez les patients athéromateux, la mortalité tardive est en majorité d’origine cardiaque, chez tous, le risque de rejet vient obérer la fonction du rein greffé et l’avenir du patient. L’I.R.M. du pelvis a été appliquée aux prolapsus en utilisant une méthode dynamique qui permet d’observer les variations de ptôse sous l’effet de la pression abdominale. Dans le cadre d’une étude prospective portant sur une série continue de 43 prolapsus examinés avant et après une intervention pratiquée sans la connaissance des résultats, l’I.R.M. s’est avérée plus performante que l’examen clinique pour l’évaluation du segment postérieur (élytrocèle, entérocèle, rectocèle) alors que le degré de cystocèle ou d’hystérocèle est très correctement apprécié par la seule clinique. En post-opératoire, elle révèle l’existence de ptôses résiduelles permettant d’expliquer les concepts actuels de la chirurgie du prolapsus mais aussi de déceler des facteurs de récidive. Elle s’impose comme l’exploration de référence dans le bilan pré-opératoire des prolapsus complexes, des récidives, des prolapsus après hystérectomie mais en l’état actuel des moyens disponibles elle ne se justifie pas dans les prolapsus de première main. Les auteurs estiment que l’I.R.M. dynamique peut se substituer avantageusement au colpocystodéfécogramme en raison de son innocuité, de sa bonne tolérance, de sa rapidité d’exécution et des perspectives que laissent entrevoir de possibles perfectionnements techniques s’ils permettent l’exploration plus fine de tous les éléments anatomiques de la statique pelvienne dont les désordres sont tout autant liés à une pathologie de fascias qu’à des altérations musculo-ligamentaires.

Summary

We report our experience of surgical treatment of arterial complications after renal transplantation, in 154 patients operated on between 1970 and 2003. The arterial complication was discovered during a routine post-transplant check-up, or when the patient developed clinical manifestations (arterial hypertension, impaired renal function, arterial symptoms in the lower limbs), or following a septic complication. The following lesions were surgically managed : mycotic aneurysms (N = 5), atherosclerotic aneurysms (N = 13) or obstructions (N = 11) of the aorta and iliac arteries, and stenoses of the artery supplying the grafted kidney (N = 125). The type of arterial repair depended on the complication. There were no postoperative deaths. Three thromboses occurred after reconstruction of a stenotic transplant artery (3/125, 2.4 %), leading to graft loss. During long-term follow-up, atherosclerotic lesions of the iliac arteries worsened below an aortic prosthesis in three patients who required repeated surgery. In two other patients, stenosis recurred on a transplant artery and required re-operation. In one patient, an aneurysm developed in a vein graft and was successfully replaced by an arterial autograft. Late deaths among atherosclerotic patients in this setting are usually due to cardiac causes. In all patients, late chronic rejection may lead to kidney loss and hemodialysis.

INTRODUCTION

L’amélioration au fil des années des résultats de la transplantation rénale a permis, d’une part, la survie prolongée de patients dont certains ont atteint un âge avancé, d’autre part, entraîné un élargissement progressif des indications de cette intervention qui a conduit, au cours des dernières décennies, à transplanter des sujets relativement âgés. Certains transplantés sont ainsi porteurs de lésions d’athérome artériel susceptibles d’évoluer ou de se compliquer. En outre, l’apparition de lésions artérielles chez un transplanté rénal est possible même lorsque ses artères sont saines au départ. L’indication d’interventions artérielles réparatrices est donc relativement fréquente après transplantation.

Ce travail a pour but de rapporter notre expérience du traitement des lésions artérielles chez le transplanté et plus particulièrement de celles qui retentissent sur la fonction du rein greffé ou risquent de la compromettre gravement, notamment les lésions aorto-iliaques. Les lésions à distance (carotidiennes, coronariennes, artères périphériques des membres inférieurs) qui ne comportent pas d’aspects thérapeutiques particuliers chez le transplanté ne sont pas prises en compte dans ce travail.

MALADES ET MÉTHODES.

Nous avons retenu tous les dossiers de patients transplantés qui nous ont été confiés depuis 1970 par différents centres de transplantation rénale français ou étrangers.

Ces patients étaient au nombre de 154.

Le bilan pré-transplantation a comporté systématiquement, chez les patients âgés de plus de 50 ans, une exploration complète du système artériel par échoDoppler (aorto-iliaque, carotidien, artères des membres inférieurs), radiographies abdominales sans préparation (à la recherche de calcifications), scanner abdominal et éventuellement angiographie.

Après la transplantation , la surveillance périodique des patients a comporté d’une part les examens biologiques destinés à apprécier la fonction du rein transplanté (créatininémie, clairance de la créatinine, recherche d’une protéinurie), d’autre part des investigations Doppler périodiques et le cas échéant les investigations morpho-
logiques mentionnées ci-dessus auxquelles se sont ajoutées plus récemment l’imagerie par résonance magnétique nucléaire et la tomodensitométrie 3 D.

Le diagnostic des lésions artérielles a été affirmé tantôt en raison de l’aggravation de lésions artérielles connues avant la transplantation ou de l’apparition de symptômes artériels chez un patient auparavant asymptomatique, tantôt en raison d’une hypertension artérielle, d’une altération de la fonction du rein greffé ou de la survenue d’une complication infectieuse générale, tantôt enfin le diagnostic a été fortuit lors d’un examen périodique de surveillance des transplantés.

Les lésions opérées ont été diverses :

— Les anévrysmes mycotiques sont la complication la plus redoutable de la transplantation puisqu’ils font courir un risque vital par rupture de l’anévrysme et fonctionnel par perte du greffon. Notre expérience porte sur cinq patients porteurs d’anévrysmes infectieux siégeant au niveau de l’anastomose réno-iliaque du greffon.

— Les lésions d’athérome aorto-iliaque peuvent également obérer le pronostic vital et fonctionnel des transplantés. Notre expérience comprend 24 patients porteurs de lésions aorto-iliaques, soit 13 anévrysmes et 11 lésions sténosantes ou obstructives.

— Les sténoses isolées de l’artère du rein transplanté sont une complication très fréquente de la transplantation. Elles peuvent compromettre gravement la fonction du greffon. Notre série comporte 125 patients opérés pendant la période de réfé- rence.

Le traitement chirurgical dépend des lésions opérées. Les interventions réalisées sont très diverses. Depuis la décennie 80, l’indication opératoire a été réservée aux cas où l’angioplastie transluminale était contre-indiquée ou avait échoué.

Le suivi après la reconstruction artérielle a comporté les bilans périodiques effectués en routine chez tout transplanté ainsi que des investigations morphologiques arté- rielles : examens Doppler réguliers et, en l’absence de rejet avec dégradation de la fonction rénale, angiographie digitalisée de contrôle.

RÉSULTATS.

Anévrysmes mycotiques.

Cinq patients âgés de 33,4 fi 19,5 ans (extrêmes : 13 à 59), transplantés 4 mois à 16 ans auparavant ont présenté un anévrysme infectieux au niveau de l’anastomose de l’artère du greffon avec l’axe iliaque (fig. 1).

Cet anévrysme est apparu en l’absence de toute infection post-opératoire, au décours d’une septicémie dont le point de départ a été : une infection urinaire (deux fois), une staphylococcie cutanée (deux fois), une lésion cutanée à pseudomonas (une fois), une fistule artério-veineuse infectée (une fois).

FIG. 1.

A. Anévrysme mycotique sur une anastomose artérielle réno-iliaque après transplantation rénale.

B. Contrôle angiographique après remplacement par prothèse de l’artère iliaque primitive et réimplantation de l’artère du rein greffé par une autogreffe veineuse saphène.

FIG. 2.

A. Anévrysme aortique abdominal chez un transplanté avec athérome important et thrombose de l’artère iliaque externe droite.

B. Contrôle angiographique après réparation par prothèse aorto-bifémorale et réimplantation de l’artère du rein greffé dans la prothèse.

Tous ces anévrysmes étaient asymptomatiques et ont été découverts fortuitement lors d’un examen échographique systématique.

Le traitement chirurgical a permis la réparation avec conservation du rein chez tous ces patients. Dans tous les cas, l’artère du rein greffé a été réimplantée dans l’axe artériel iliaque à distance de la première anastomose. Une autogreffe artérielle a été utilisée deux fois, une autogreffe veineuse une fois, une prothèse une fois, une transposition artérielle iliaque une fois.

Il n’y a eu aucune mortalité post-opératoire précoce et tous ces patients ont conservé un greffon rénal fonctionnel. Chez deux, un rejet chronique a nécessité la reprise du traitement par hémodialyse un an après le traitement de l’anévrysme. Les autres patients ont gardé une fonction rénale satisfaisante mais l’un est décédé à quatre ans d’un lymphome malin, complication classique du traitement immuno-dépresseur.

Lésions aorto-iliaques

Vingt quatre patients âgés de 47 fi 9,6 ans (extrêmes : 27 à 63) ont présenté une atteinte athéromateuse aorto-iliaque (fig. 2) soit anévrysmale (N = 13), soit sténosante ou obstructive (N = 11). Ces lésions ont été traitées entre 3 mois et 25 ans (moyenne : 6 ans) après la transplantation.

Les circonstances de découverte ont été diverses : chez cinq patients l’athérome artériel, reconnu lors du bilan pré-transplantation, s’est aggravé après la transplantation ; chez 12 patients, l’apparition d’une claudication intermittente des membres inférieurs a justifié un bilan artériel qui a permis le diagnostic de la lésion artérielle ;

chez les sept autres patients, les lésions, asymptomatiques, ont été découvertes lors des examens Doppler effectués périodiquement chez tous les transplantés rénaux.

Le traitement chirurgical a comporté la reconstruction de l’aorte et des artères iliaques soit par endartériectomie aorto-iliaque étendue (N = 2), soit par prothèse synthétique (N = 22). Les techniques réparatrices utilisées sont indiquées sur le tableau 1. La réimplantation de l’artère du greffon dans l’axe iliaque reconstruit a été effectuée 11 fois. Une protection du rein transplanté contre les lésions ischémiques liées à l’arrêt circulatoire au cours de la chirurgie aortique a été utilisée trois fois, une fois par hypothermie générale et deux fois par hypothermie rénale sélective par perfusion par gravité d’un soluté de Ringer froid. Aucune protection particulière n’a été réalisée dans les autres cas.

TABLEAU 1. — Techniques des réparations aorto-iliaques Type de réparation Nombre Réimplantation A.R.*

Endartériectomie aorto-iliaque étendue 2 2 Prothèse synthétique :

Tube aortique 3 Aorto — iliaque primitive 12 2 Aorto — iliaque externe 4 4 Aorto — fémorale 3 3 * A.R. : Artère rénale Il n’y a pas eu de mortalité post-opératoire précoce chez ces patients. En ce qui concerne la fonction rénale, une augmentation modérée de la créatininémie a été notée après l’intervention avec retour au niveau antérieur en moins de 10 jours dans tous les cas.

A distance, deux patients ont dû être réopérés en raison d’une aggravation des lésions iliaques sous-jacentes à une prothèse aorto — aortique ou aorto — bi-iliaque
primitive : la reconstruction a été étendue jusqu’en zone saine (artères iliaques ou fémorales). A longue échéance (recul : 4 à 30 ans), neuf patients (37,5 %) sont décédés, un par cancer de vessie et huit par infarctus du myocarde dont un après intervention coronarienne en urgence. Quatre patients (16,6 %) ont dû être remis en hémodialyse en raison d’un rejet chronique de leur greffon. Onze patients (46 %) sont vivants et conservent un rein toujours fonctionnel.

Sténoses de l’artère du greffon

Cent vingt-cinq patients âgés de 34,7 fi 11,5 ans (extrêmes : 12 à 64) ont été opérés d’une sténose artérielle de leur rein transplanté. Quatre avaient eu une transplantation de rein de donneur vivant, 121 une transplantation de rein de cadavre. L’anastomose artérielle avait été une anastomose bout à bout réno-hypogastrique chez 51 patients et une anastomose latérale dans l’axe iliaque chez 74 patients. La sténose a été découverte et traitée entre trois mois et cinq ans après la transplantation et dans 80 % des cas au cours de l’année suivant la transplantation.

La fréquence réelle de ces sténoses est difficile à préciser car leur dépistage n’a pas été systématique dans le temps et n’a pas fait l’objet d’un protocole commun à toutes les équipes de transplantation. Dans la littérature, l’incidence des sténoses, selon les équipes, varie entre 0,2 et 14 % [1], témoignant d’une politique différente de dépistage. Dans le groupe de Necker [2], l’incidence globale d’anomalies artérielles est de 11,7 %. Parmi celles-ci, un nombre réduit, au maximum 20 %, s’avère significatif et justiciable d’un traitement chirurgical.

Ces sténoses ont été découvertes, chez tous les patients, lors d’un bilan d’hypertension artérielle. L’hypertension était présente avant la transplantation chez 70 % d’entre eux. Sa persistance, sa résistance au traitement, sa réapparition après une amélioration dans les suites de la transplantation ou sa survenue chez les sujets anté- rieurement normotendus ont été observées dans tous les cas et majoritairement entre trois et douze mois après l’intervention. Une altération concomitante de la fonction rénale était présente chez 30 % des patients. Cette altération est parfois difficile à interpréter en raison de l’intrication possible de phénomènes de rejet : elle ne peut être attribuée avec certitude à la seule sténose que si la fonction rénale se normalise complètement après la réparation de l’artère. L’apparition d’un souffle artériel dans l’aire du greffon rénal n’a été observée que chez deux tiers des patients. Enfin, dans 1 % des cas, c’est la non réponse au traitement corticoïde d’un tableau clinique évoquant un rejet qui a conduit au diagnostic, éventualité déjà signalée par Simmons et coll . [3].

Le diagnostic a été affirmé sur les données du Doppler et, dans tous les cas, sur l’opacification vasculaire (artériographie classique ou angiographie numérisée).

L’angio I.R.M. n’a été utilisée que depuis une dizaine d’années et n’a concerné que cinq patients de cette série. La sévérité de la sténose a été appréciée sur les données des examens morphologiques artériels et sur la survenue d’une altération de la fonction rénale après administration d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion. La
constatation d’une altération et sa réversibilité après arrêt du traitement sont un bon témoin du caractère serré de la sténose.

Sur le plan anatomique, ces sténoses sont représentées dans 5 % des cas par un rétrécissement au niveau de l’anastomose et dans 95 % des cas par un rétrécissement de l’artère même du greffon. Les sténoses de l’anastomose relèvent d’une malfaçon technique ou d’une cicatrisation fibreuse hypertrophique. La cause des sténoses de l’artère du greffon n’est pas univoque. Un traumatisme artériel (par traction ou par clamp) est possible lors du prélèvement ou de l’implantation du rein, une lésion par la canule peut survenir lors de la perfusion du greffon. Morris et coll . [4] ont incriminé les perturbations hémodynamiques avec turbulences dans les anastomoses formant un angle aigu très fermé. Des phénomènes immunologiques avec un rejet local ont été incriminés par Porter et coll . [5] et par Kincaïd-Smith et coll . [6].

Les indications au traitement chirurgical ont été : la sévérité de l’hypertension artérielle et sa résistance au traitement médical, le caractère très serré de la sténose sur les données de l’imagerie, l’absence de signes histologiques de rejet sévère sur la biopsie du transplant en cas d’altération de la fonction du rein greffé, la positivité du test aux I.E.C., enfin depuis la décennie 80, l’échec de l’angioplastie transluminale.

Les techniques de réparation sont répertoriées sur le tableau 2. Il convient de privilégier, chaque fois que possible les techniques qui n’entraînent qu’un arrêt circulatoire minimum du rein (résection — anastomose, réimplantation directe, anastomose avec l’hypogastrique).

TABLEAU 2. — Techniques de réparation des sténoses artérielles des reins transplantés.

Résection segmentaire + anastomose (fi greffe interposée) 28 Réimplantation dans l’axe iliaque :

— directe 15 — par autogreffe artérielle 25 — par autogreffe veineuse 19 Anastomose avec l’artère hypogastrique 33 Transposition des artères iliaques 3 Élargissement par patch 2 TOTAL 125 Trois thromboses post-opératoires (2,4 %) ont été observées. Elles se sont soldées par la perte du greffon et la reprise du traitement par hémodialyse.

L’hypertension artérielle a été améliorée chez 55 % des opérés ce qui a permis un allègement important du traitement anti-hypertenseur. La persistance d’une ten-
dance hypertensive est fréquente malgré la reconstruction artérielle et s’explique par les lésions des reins propres, la coexistence éventuelle de phénomènes de rejet chronique, d’un athérome vasculaire associé avec rigidité du lit vasculaire enfin parfois par les effets secondaires du traitement immuno-dépresseur, notamment les corticoïdes.

La fonction rénale était normale avant l’intervention chez 55 % des patients et l’est restée après l’intervention. Chez les autres, la fonction était altérée ; elle a été améliorée chez 45 % des opérés mais ne s’est normalisée que chez 20 % d’entre eux, ce qui s’explique par l’association chez nombre de ces patients de phénomènes de rejet.

Six récidives de sténose ont été observées (4,8 %) dont deux ont été réopérées avec succès et quatre traitées par angioplastie. Un anévrysme sur greffon veineux a été réparé au moyen d’une autogreffe artérielle.

A longue échéance, ces sujets partagent l’évolution générale des transplantés rénaux avec les risques de rejet menant à la perte de leur greffon.

DISCUSSION

Les facteurs de risque vasculaire sont multiples chez le transplanté rénal.

D’une part, on retrouve les facteurs habituels d’athérome artériel : tabagisme, hypertension artérielle (très fréquente au cours de l’évolution des néphropathies), dyslipidémies, diabète.

D’autre part, l’insuffisance rénale et le traitement par hémodialyse avant la transplantation ajoutent des facteurs de risque spécifiques [7]. La persistance des troubles métaboliques liés à l’insuffisance rénale et imparfaitement corrigés par l’hémodialyse entraîne à la longue des lésions vasculaires : l’hyperuricémie [8], l’hyperparathyroïdie secondaire avec les troubles du métabolisme phospho-calcique [9] peuvent être responsables de calcifications artérielles diffuses. L’élévation des taux d’homocystéine plasmatique favorise les complications athéroscléreuses [10]. La rétention hydrosodée provoque ou aggrave les effets délétères de l’hypertension artérielle. Les lésions de l’endothélium vasculaire ont une importance considérable. L’endothé- lium des vaisseaux marquant la frontière entre le donneur et le receveur, ses lésions sont la première manifestation du conflit immunologique hôte-greffon [5, 6]. Il existe d’ailleurs une similitude d’aspect histologique entre les sténoses de l’artère du greffon et les lésions vasculaires du rejet et des observations font état de lésions de rejet d’aspect histologique univoque frappant tout l’arbre artériel du rein depuis le tronc principal jusqu’aux capillaires [5]. L’adhérence de cellules de différents types, le dépôt de fibrine et de plaquettes sur l’endothélium du greffon sont suivis du gonflement et de l’hyperplasie des cellules endothéliales puis d’une fibrose intimale.

Le rôle des dépôts fibrineux sur l’endothélium a été souligné par Kincaïd-Smith et coll . [11]. Ceux-ci peuvent être favorisés par les troubles de l’hémostase dont ces patients sont fréquemment porteurs [12].

L’addition de l’ensemble de ces facteurs de risque et parfois leur potentialisation réciproque est donc susceptible d’entraîner une accélération de l’athérosclérose chez l’hémodialysé chronique [13] surtout si le traitement par hémodialyse est de longue durée avant la transplantation.

La transplantation, même si elle améliore l’équilibre biologique des opérés, ne fait pas régresser les lésions artérielles existantes. De plus, le traitement immunodépresseur et, notamment, les corticoïdes peuvent avoir un retentissement trophique sur l’état des parois artérielles.

La nature de la néphropathie responsable de l’insuffisance rénale ne semble pas influer de manière significative sur la fréquence des complications artérielles après transplantation.

Le diagnostic de ces complications est basé sur les investigations artérielles habituelles. Il faut insister sur le fait que nombre de ces complications peuvent être latentes et découvertes seulement lors de bilans périodiques ce qui souligne la nécessité de bilans réguliers de l’état artériel des transplantés.

L’angioplastie transluminale a une place très limitée dans le traitement des complications artérielles après transplantation. A l’étage aorto-iliaque, l’extension habituelle des lésions et, parfois, l’importance des calcifications rendent souvent ce geste inopérant. Dans les sténoses de l’artère du greffon, la fibrose péri-artérielle est toujours importante et ne peut laisser espérer un résultat durable. Benoit et coll . [14] ont bien démontré, dans une étude prospective comparative entre angioplastie et chirurgie, une efficacité moindre de l’angioplastie, une morbidité quatre fois supé- rieure à celle de la chirurgie et un taux de récidive de 40,8 % des patients dilatés. Les indications de l’angioplastie sont essentiellement les sténoses des branches très distales dont l’abord chirurgical est difficile et les récidives de sténose après chirurgie en raison des difficultés opératoires et du risque pour le rein.

Le traitement chirurgical garde une place prééminente dans le traitement de ces complications. En cas d’athérome aorto-iliaque, une reconstruction aorto-iliaque préventive peut être indiquée avant la transplantation : nous l’avons réalisée 38 fois [15] mais sept patients seulement ont pu ensuite bénéficier d’une transplantation.

La protection du rein contre les lésions ischémiques provoquées par l’arrêt circulatoire est le souci constant de l’opérateur pour les reconstructions artérielles intéressant l’artère du greffon.

Au cours des reconstructions aorto-iliaques, différentes méthodes de protection ont été décrites : la perfusion hypothermique du rein à partir des vaisseaux fémoraux par un circuit pompe — oxygénateur [16, 17] ou à partir de l’artère iliaque par gravité après clampage [18], le shunt temporaire entre l’aorte et l’iliaque externe ou la fémorale homolatérales au rein [19-21], le shunt temporaire axillo-fémoral [22-24].

Nous avons démontré [25] qu’une telle protection est facultative moyennant certaines précautions techniques visant à diminuer au maximum la durée de l’arrêt circulatoire du rein : la technique que nous avons décrite [26] comporte la section
première de l’aorte en zone saine et son anastomose avec la prothèse, le rein restant irrigué, pendant ce temps, par la circulation artérielle de retour ; le rein est ensuite revascularisé par réimplantation de son artère dans la prothèse ou par l’anastomose celle-ci avec l’iliaque sus-jacente. Seules les lésions complexes nécessitant un arrêt circulatoire prolongé nécessitent une protection qui, dans notre expérience, a préfé- rentiellement été une hypothermie sélective par perfusion, après clampage iliaque et par gravité, d’un soluté de Ringer froid dans l’iliaque donnant naissance à l’artère du greffon.

Dans les sténoses artérielles des reins transplantés, la protection du rein est habituellement inutile, la durée de l’arrêt circulatoire du rein étant généralement courte, ne dépassant pas le temps nécessaire à la confection d’une anastomose artérielle soit 15 à 20 minutes ce qui reste dans les limites de la tolérance de l’organe.

CONCLUSIONS

Les complications artérielles sont fréquentes après transplantation rénale et peuvent obérer gravement et parfois à court terme le pronostic vital du patient et la fonction du rein greffé. Le traitement chirurgical a des indications fréquentes. Il permet de restaurer ou de sauvegarder la fonction du rein greffé et préserve le système artériel de ces patients. Le pronostic est alors celui de l’évolution du rein transplanté avec l’aléa toujours possible d’un rejet.

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[22] NUSSAUME O., COUFFINHAL J.C., MOULONGUET-DOLERIS L., SRAER J.D., ANDREASSIAN B. — Cure d’un anévrysme de l’aorte abdominale en amont d’un rein transplanté : protection rénale par un shunt inerte sous-clavio-fémoral. Presse méd , 1983, 12 , 1537-1539.

[23] SCHWARTZ R.A., CARACCI B.F., PETERSON G.I. — Rupture d’anévrysme de l’aorte abdominale traitée avec succès chez un transplanté rénal. Ann Chir Vasc , 1988, 2 , 189-192.

[24] LACOMBE M. — Aortoiliac surgery in renal transplant patients.

J Vasc Surg , 1991, 13 , 712-718.

[25] LACOMBE M. — Traitement chirurgical des anévrysmes de l’aorte abdominale après transplantation rénale. Presse méd, 1987, 16, 1369-1371.

DISCUSSION

M. Jean NATALI

Je voudrais demander à Michel Lacombe quelle est la nature du matériau utilisé dans le traitement des complications artérielles après transplantation rénale : Autogreffe artérielle ou veineuse ? Prothèse ? Allogreffe ?

Dans cette chirurgie, il faut privilégier les autogreffes car il s’agit souvent de sujets jeunes dont l’espérance de vie est longue. Le diamètre des vaisseaux à réparer est compatible
avec l’utilisation de ce matériau de réparation. Suivant l’indication et l’état des axes artériels du sujet transplanté, on pourra utiliser soit une autogreffe artérielle (artère hypogastrique, fragment d’artère fémorale) soit une autogreffe veineuse. En cas d’ané- vrysme infectieux, l’emploi d’une autogreffe est impératif mais j’ai été contraint d’utiliser une fois une prothèse car il existait des lésions iliaques étendues ; grâce à un traitement antibiotique adapté et prolongé, celle-ci a évolué sans complication.

M. Jean-Daniel SRAER

La série rapportée par Michel Lacombe témoigne de l’excellence de sa technique chirurgicale. Faut-il être systématiquement chirurgical ou peut-on avoir certaines indications de dilatation, plus ou moins complétée par un Stent ?

L’indication de l’angioplastie dépend de deux éléments : la rapidité d’apparition de la sténose après la transplantation et le siège de celle-ci. En cas sténose apparue précocement et de siège proximal, les constatations chirurgicales objectivent constamment une fibrose péri-artérielle considérable sur laquelle l’angioplastie ne peut espérer agir ni être efficace à long terme : l’indication chirurgicale est donc préférable. Au-delà de un an, le remaniement des tissus péri-artériels, notamment grâce aux corticoïdes, laisse espérer une plus grande efficacité de l’angioplastie et son indication devient plus licite. Elle est aussi indiquée dans les sténoses distales dont l’abord et le traitement chirurgical risquent d’être très difficiles et comporter des risques importants pour le rein greffé.

M. Yves CHAPUIS

Avec quelle fréquence préconiser la surveillance de l’artère rénale du rein transplanté ? Quel est le meilleur examen complémentaire susceptible de la réaliser ? Comme un travail récent vient de le montrer pour la transplantation hépatique, la poursuite du tabagisme a-t-elle un effet nocif démontré sur la survenue des lésions artérielles rénales ?

L’exploration par écho-Doppler est l’examen le plus simple, le moins onéreux et le plus efficace pour le dépistage des lésions artérielles des reins transplantés. Il peut être effectué au lit du malade et répété aussi souvent que nécessaire. Dans l’équipe de Necker, les transplantés ont un ou plusieurs écho-Doppler dans les suites opératoires immédiates.

Ultérieurement, cet examen est répété systématiquement lors de chaque bilan effectué au cours du suivi régulier des opérés. La poursuite du tabagisme est un élément pronostic très péjoratif. Tous les patients décédés à long terme après chirurgie aorto-iliaque sont morts des conséquences d’un tabagisme persistant.

M. Pierre GODEAU

Avez-vous observé des embolies de cholestérol notamment dans les cas d’athéromatose aorto-iliaque et éventuellement après opacification artériographique ou après angioplastie ?

Les embolies de cholestérol sont peut-être à l’origine d’aggravations de la fonction du rein greffé après chirurgie artérielle. Elles n’ont pas eu de traduction clinique, cutanée notamment. Bien entendu, il n’a pas été fait de biopsie rénale pour avoir la preuve de leur existence.

Place de l’IRM dynamique dans la prise en charge chirurgicale des prolapsus génitaux.

Résultats d’une enquête prospective.

Dynamic MRI in the preoperative management of genital prolapse. A prospective study.

Gilles CREPIN*, **, Yann ROBERT**, Philippe MESTDAGH**, Michel COSSON**

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine — 16, rue Bonaparte — 75272 PARIS CEDEX 06 ** Hôpital Jeanne de Flandre — CHRU Lille — 59037 LILLE CEDEX Tirés-à-part : Professeur G. CREPIN à l’adresse ci-dessus.

Article reçu le 17 décembre 2003, accepté le 22 mars 2004


* Consultation de chirurgie, Hôpital Beaujon, 92118 Clichy cedex. Tirés-à-part : Pr M. LACOMBE, 49, rue Guersant, 75017 Paris. Article reçu le 10 décembre 2003, accepté le 23 février 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 5, 767-779, séance du 11 mai 2004