Résumé
La dystrophie thoracique asphyxiante (DTA) est une ostéochondrodysplasie autosomique récessive rare caractérisée en particulier par une brièveté des côtes. L’atteinte respiratoire est variable, déterminée par l’immobilité et la rigidité du thorax avec un faible volume thoracique. La prise en charge de cette atteinte est peu décrite ; certaines équipes proposent une chirurgie d’expansion thoracique dont les résultats sont peu probants. Nous rapportons neuf cas d’enfants atteints de cette maladie, que nous avons pris en charge sur le plan respiratoire par hyperinsufflations périodiques. L’analyse de leur évolution clinique, en fonction de la sévérité de l’atteinte respiratoire et de la précocité de leur prise en charge ventilatoire, nous permet plusieurs commentaires. Cette technique peut être mise en route dès les premiers jours de vie et évite ainsi l’évolution vers l’insuffisance respiratoire chronique ; elle peut aussi être utilisée plus tardivement chez des enfants qui ont développé une insuffisance respiratoire sévère nécessitant une trachéotomie et une ventilation endotrachéale permanente au cours des deux premières années. Elle favorise ainsi la croissance thoracique et pulmonaire et permet l’autonomisation respiratoire. Nous retrouvons pour quatre cas une atteinte hépatique régressant sous traitement par acide ursodésoxycholique et trois fois une atteinte musculaire lentement régressive, dont la physiopathologie n’est pas claire et pour laquelle de plus amples explorations notamment histologiques sont à réaliser.
Summary
Asphyxiating thoracic dystrophy (ATD) is a rare autosomal recessive form of chondrodysplasia characterized by short ribs. Respiratory failure is due to the reduced volume and complete immobility of the thoracic cage. There is no consensus on the treatment of this restrictive pulmonary disease. Surgical attempts to enlarge the thoracic cage are disappointing. We report the cases of nine children with ATD treated by periodic respiratory hyperinsufflation. Their clinical outcome was related to the severity of their respiratory distress and their age at the beginning of this treatment. It is possible to use periodic hyperinsufflation very early after birth to prevent secondary respiratory failure. Periodic insufflation can also be used to treat older children with severe restrictive respiratory insufficiency requiring tracheostomy and endotracheal management. This treatment promotes alveolar multiplication and thoracic growth. Four children had laboratory and/or clinical evidence of hepatic dysfunction that improved on ursodeoxycholic acid therapy. Three children who had muscle weakness at birth improved during childhood.
INTRODUCTION
La dystrophie thoracique asphyxiante (DTA) est une ostéochondrodysplasie autosomique récessive classée dans la catégorie des syndromes côtes courtespolydactylie [1]. Il s’agit d’une maladie rare dont la fréquence est estimée autour de 1/100 000 naissances vivantes [2]. Elle a été décrite initialement par Jeune en 1954 et 1955 [3, 4]. La morphologie est caractéristique avec un thorax étroit, cylindrique, allongé avec protrusion sternale et rétrécissement bilatéral sous mammaire. Actuellement, le diagnostic est radiologique avec des côtes courtes horizontalisées, des anomalies osseuses pelviennes et des extrémités sans atteinte du crâne ni des vertèbres (Figure 1) [5]. Il peut être suspecté en prénatal par l’échographie dans bien des cas [6]. Récemment un locus génétique a été proposé sur le chromosome 15, mais des études préliminaires sur d’autres familles porteuses de cette pathologie suggè- rent qu’elles ne sont pas toutes liées à ce chromosome et indiqueraient donc une hétérogénéité génétique [7].
L’atteinte respiratoire est à l’origine de la description initiale de la maladie de Jeune [3]. Elle était responsable de la moitié des décès avant l’arrivée de la ventilation assistée [2]. Cependant, la gravité est extrêmement variable allant de la détresse respiratoire néonatale létale avec décès précoce aux formes latentes découvertes dans la fratrie d’un enfant atteint [8]. Ce qui frappe chez ces enfants, outre l’étroitesse thoracique caractéristique, c’est une immobilité thoracique, la ventilation pulmonaire n’étant assurée que par le jeu diaphragmatique.
FIG. 1. — Radiographie d’un nouveau-né de 4 jours.
Côtes courtes horizontalisées, clavicules surélevées, noyaux épiphysaires huméraux, acétabulum en trident.
L’hyperinsufflation périodique à domicile est une technique recommandée pour la prise en charge des insuffisances respiratoires paralytiques des maladies neuromusculaires [9]. En effet cette ventilation permet une dilatation de l’ensemble du thorax associée à une bonne mobilisation des côtes et donc une croissance thoracique et pulmonaire [10]. Par conséquent, lorsque ce type de ventilation est réalisé de façon précoce, il favorise la maturation pulmonaire et notamment la multiplication alvéolaire ainsi que la croissance thoracique et pulmonaire [11]. La première indication de cette technique dans notre service a été la poliomyélite antérieure aiguë. Par la suite devant des résultats encourageants, nous l’avons étendue à toutes les insuffisances respiratoires paralytiques (neuromusculaires et médullaires) ainsi qu’aux atteintes restrictives liées à une atteinte pariétale ou pleurale, dont fait partie la dystrophie thoracique asphyxiante [12, 13].
Nous rapportons donc ici neuf cas de dystrophie thoracique asphyxiante que nous avons suivis ou que nous suivons encore dans notre service. Ils ont tous bénéficié d’hyperinsufflations périodiques. Leur atteinte respiratoire est variable et leur prise en charge ventilatoire est plus ou moins précoce.
TECHNIQUE
L’hyperinsufflation périodique est une technique de ventilation non invasive qui consiste à insuffler de l’air jusqu’à obtenir une mobilisation passive du thorax, supérieure à la mobilisation spontanée. Les ventilateurs utilisés sont des appareils relaxateurs de pression de type Inhalog® ou Alpha 200®. L’appareil est utilisé par l’intermédiaire d’un masque bucco-nasal pour les nourrissons, d’un embout buccal à partir de deux-trois ans ou d’une canule de trachéotomie.
Nous réglons plusieurs paramètres :
— Le seuil de déclenchement est réglé à -1 cmH O car il ne faut ni un effort 2 inspiratoire important, ni un déclenchement automatique qui entraînerait un rythme trop rapide. Cependant, le déclenchement automatique est indispensable en période néonatale ; il faut alors utiliser préférentiellement l’Inhalog®.
— Le débit d’air doit être le plus faible possible pour permettre une bonne ampliation thoracique car, trop fort, il crée des turbulences qui augmentent trop vite la pression sans permettre une bonne dilatation alvéolaire mais s’il est trop faible, l’enfant manque d’air.
— La pression d’insufflation dépend de la compliance thoracique et pulmonaire.
Elle est choisie pour que l’ampliation thoracique soit correcte à l’inspection et à l’auscultation. Pour rendre la ventilation plus efficace, on peut faire porter à l’enfant une gaine abdominale en coutil baleiné.
— L’expiration est complètement passive.
— La durée et la fréquence des insufflations sont variables, d’une séance horaire de cinq minutes à deux séances quotidiennes d’une demi heure ou plus.
Cette ventilation peut se faire à domicile ou en milieu hospitalier. À domicile, la technique doit être expliquée aux parents ainsi que le mode d’entretien du matériel.
Ce dernier doit être ramené à chaque consultation pour vérifier son bon fonctionnement et les réglages.
MALADES ÉTUDIÉS
Le premier cas traité par hyperinsufflations périodiques
Cas 1
Ce garçon né en 1969 est le premier à avoir été pris en charge par hyperinsufflations périodiques. Il présente des anomalies morphologiques et radiologiques typiques de la maladie de Jeune. Il nous est adressé à l’âge de six ans par le Professeur J.-C.
Pouliquen pour prise en charge ventilatoire car il ne voit aucune utilité à une intervention chirurgicale thoracique à visée respiratoire. La ventilation par hyperin-
sufflations périodiques est donc réalisée à domicile. À quinze ans le traitement est interrompu ; ses épreuves fonctionnelles respiratoires ne retrouvent plus de syndrome restrictif (capacité vitale de 3 380ml soit 97 % de la théorique), sa gazométrie est normale. Il est traité pour une cyphose par immobilisation plâtrée puis par corset pendant deux ans. À vingt-et-un ans, il est noté un excellent résultat obtenu par la rééducation respiratoire précoce au niveau du thorax avec une absence de troubles respiratoires.
Deux cas sévères pris en charge précocément
Cas 2
Cette fille est la première enfant d’un couple non consanguin, en bonne santé. Le nouveau né, à terme, présente une détresse respiratoire avec polypnée, hypoxémie (pO =6,35kPa). Le thorax est étroit avec un périmètre thoracique de 32 cm. Le 2 diagnostic est confirmé radiologiquement avec des côtes brèves horizontalisées, des clavicules surélevées,un aspect caractéristique du bassin avec acétabulum en trident et des épiphyses en cônes notamment aux deuxièmes phalanges. Une oxygénothé- rapie par Hood est nécessaire jusqu’au sixième jour. L’enfant est hospitalisée dans le service à douze jours de vie. Le périmètre thoracique a perdu deux centimètres. La prise en charge par hyperinsufflations périodiques est initiée avec une pression inspiratoire de 13 cmH O, dix minutes par heure, avec apprentissage par la maman 2 de la technique de ventilation. L’enfant retourne au domicile à trois semaines de vie avec un appareil portatif. La durée des séances quotidiennes de ventilation ainsi que la pression d’insufflation sont augmentées progressivement, jusqu’à deux heures quotidiennes et 25 cmH O. L’évolution sera émaillée par une hospitalisation pour 2 une bronchiolite à l’âge de six mois (sans intubation). Les courbes de croissance du périmètre thoracique et de la capacité vitale sont satisfaisantes. Lorsque la ventilation par relaxateur de pression est mal faite, on note une cassure de ces courbes de croissance. La morphologie thoracique s’améliore progressivement. La radiographie pulmonaire montre une croissance pulmonaire avec du parenchyme pulmonaire au niveau abdominal via les culs-de-sac diaphragmatiques. Par ailleurs, la patiente reçoit de l’acide ursodésoxycholique, 200mg/j depuis l’âge de quinze mois, pour une atteinte hépatique (ASAT=45UI/L, gamma-glutamyltransférase= 70UI/L, ALAT et phosphatase alcaline normales) qui reste stable. En outre, elle présente une insuffisance musculaire prédominant aux racines et au tronc, responsable d’un retard des acquisitions motrices et posturales, d’amélioration très progressive. Sur le plan général, la croissance staturo-pondérale est normale avec un poids au 75ème percentile et une taille à +1DS. La scolarité est normale. À l’âge de dix ans, l’atteinte musculaire prédomine aux fessiers et au tronc avec retentissement rachidien (lordose lombaire, scoliose en serpentin, rachis cervical un peu raide). Elle continue à faire deux séances quotidiennes de ventilation de trente minutes chacune.
Elle ne présente pas de symptomatologie respiratoire, sa capacité vitale est de 860mL soit 50 % de la théorique pour l’âge, le périmètre thoracique croit progressivement. Le bilan hépatique est stable.
Cas 3
Ce garçon est le troisième enfant d’un couple non consanguin. On note dans les antécédents familiaux un grand-père maternel de petite taille (153cm). Deux sœurs aînées, jumelles, sont en bonne santé. La grossesse est marquée par un diagnostic échographique anténatal de fémurs et côtes courts. À la naissance, à terme, l’examen retrouve un thorax étroit et tubulaire, une micromélie et une hexadactylie postaxiale. Une détresse respiratoire est présente avec hypercapnie et hypoxie. Des tentatives de ventilation nasale et d’hyperinsufflations périodiques sont réalisées en milieu hospitalier à partir de l’âge de deux mois. Devant des difficultés techniques avec persistance d’une insuffisance respiratoire hypercapnique l’enfant est transféré dans notre service à l’âge de trois mois et demi. La ventilation nasale par Bi-Pap n’est pas bien tolérée ; les hyperinsufflations par voie bucco-nasale permettent d’obtenir une capnie normale juste après la séance. La capnie est aux alentours de 6 kPa entre les séances, et se majore jusqu’à 9-10kPa lors d’épisodes infectieux intercurrents broncho-pulmonaires ou de mauvaise observance du traitement.
L’enfant n’a jamais été intubé. L’amélioration clinique et gazométrique survient durant la deuxième année de vie, le passage en hôpital de jour se fera à dix-huit mois, la sortie du service à trois ans et demi. La croissance pulmonaire est bonne ainsi que FIG. 2. — Cas 3 âgé de 3 mois et FIG. 3. — Cas 3 âgé de 5 ans et demi.
demi.
l’évolution de la capacité vitale. Sur le plan hépatique, à quatre mois, l’enfant est mis sous acide ursodésoxycholique devant une élévation des gamma-glutamyltransférases (119UI/L) et des phosphatases alcalines (584UI/L). L’évolution est favorable sous traitement. Le développement psychomoteur est normal. La croissance staturo-pondérale, après une cassure initiale, a vu un rattrapage avec un poids et une taille sur la moyenne. Actuellement âgé de cinq ans et demi, l’enfant suit une scolarité normale, sans symptomatologie respiratoire, avec une gazométrie normale.
Sa capacité vitale est de 640mL soit 52 % de la théorique. Il poursuit à domicile la ventilation par voie buccale (Figures 2 et 3).
Trois cas sévères pris en charge tardivement
Cas 4
Ce garçon est issu d’un couple non consanguin. Dans la famille de la mère, on retrouve des cas de dystrophie thoracique peu sévère avec petite taille. Après deux grossesses extra-utérines et deux fausse-couche spontanées, on diagnostique à l’échographie, durant cette nouvelle grossesse, des fémurs courts avec une biométrie fœtale au 5ème percentile. Le caryotype est normal. A la naissance, à terme, le thorax est étroit avec des membres modérément courts. Une oxygénothérapie est nécessaire d’emblée associée à des difficultés alimentaires majeures. Le diagnostic de DTA est confirmé radiologiquement. Une atteinte hépatique de type cholestatique marque la période néonatale avec une résolution progressive en trois semaines. L’enfant rentre à domicile à trois semaines de vie avec une oxygénothérapie nasale associée à une nutrition entérale discontinue. Les trois premiers mois de vie sont marqués par d’intenses crises douloureuses abdominales pour lesquelles il est hospitalisé à deux reprises avec un diagnostic de pseudo-occlusion intestinale chronique. Sur le plan respiratoire, la première consultation dans le service a lieu à l’âge de dix mois.
L’enfant est alors en insuffisance respiratoire restrictive avec hypercapnie (pCO2 = 7,05kPa). Une indication de ventilation par hyperinsufflations périodiques est portée mais elle n’a pas pu être réalisée par la famille. À treize mois, l’enfant est intubé devant un accès de cyanose avec acidose respiratoire (pH = 7,33 ; pCO2 = 8,02kPa). Une trachéotomie est faite dans les suites. Des complications trachéales à type de granulomes obstructifs rendront la ventilation extrêmement difficile pendant la première année d’hospitalisation. Un avis chirurgical demandé au professeur J.-C. Pouliquen par les parents confirmera l’absence d’indication de thoracoplastie dans cette pathologie. À partir de l’âge de deux ans, après ablation des granulomes, la ventilation est progressivement diminuée. À quatre ans l’enfant n’est plus ventilé que pendant les périodes de sommeil. Les hyperinsufflations périodiques débutent alors sur sonde de trachéotomie puis par voie buccale. Elles permettent une amé- lioration rapide du périmètre thoracique et de la capacité vitale. Le sevrage de la ventilation invasive se fait progressivement avec une décanulation à l’âge de huit ans (Figures 4 à 6). Une nutrition entérale discontinue est poursuivie, puis très progressivement l’enfant acquiert une autonomie alimentaire. Par ailleurs, une atteinte
FIG. 4. — Radiographie thoracique du cas 4.
FIG. 5. — Cas 4 âgé de trois ans.
FIG. 6. — Cas 4 âgé de dix ans.
hépatique biologique est notée dès l’arrivée et persiste à l’âge de trois ans (ASAT = 111UI/L, ALAT = 144UI/L, phosphatase alcaline = 525UI/L, gammaglutamyl transférase = 420UI/L). La biopsie hépatique, réalisée à l’âge de trois ans, quand l’état respiratoire de l’enfant le permet, retrouve une fibrose portale extensive de type biliaire. Un traitement par acide ursodésoxycholique permet de normaliser le bilan hépatique biologique. Sur le plan général, cet enfant a présenté un retard staturo-pondéral initial lié aux troubles alimentaires majeurs initiaux avec à l’âge de quatre ans une taille et un poids à —4DS. Un rattrapage se fera ensuite avec à la dernière consultation ces paramètres à —2DS. L’enfant est resté hospitalisé en réanimation jusqu’à l’âge de quatre ans, puis il a pu bénéficier d’une scolarité dans le cadre de l’hospitalisation de jour. Le retour à domicile a eu lieu à l’âge de six ans et neuf mois avec intégration scolaire en école de quartier. Actuellement âgé de onze ans, il est scolarisé en 6ème, ne présente pas d’infections respiratoires répétées, sa gazométrie ainsi que son bilan hépatique sont normaux, sa capacité vitale est de 1 080ml soit 50 % de la théorique. Les hyperinsufflations périodiques ainsi que le traitement à visée hépatique sont poursuivis.
Cas 5
Ce garçon est né à 36 semaines d’aménorrhée pour retard de croissance intra-utérin.
À la naissance le diagnostic est porté devant une morphologie thoracique caracté- ristique associée à une détresse respiratoire et à un bilan radiologique retrouvant des anomalies costales, claviculaires et du bassin. Le bilan initial montre des signes musculaires avec hyper-extension de la nuque et rétraction des trapèzes et une atteinte rénale avec trois kystes corticaux polaires supérieurs gauches en échographie. L’enfant sort à un mois de vie en hospitalisation à domicile. À l’âge de quatre mois, il fait une première bronchiolite qui ne nécessitera pas d’assistance ventilatoire ni d’oxygénothérapie. L’enfant présente une cassure de sa courbe de croissance avec des difficultés alimentaires, c’est pourquoi on débute une assistance nutritionnelle discontinue. À l’âge de cinq mois et demi, devant la persistance de ces troubles associés à un reflux gastro-oesophagien massif, une fundoplicature de Nissen et une gastrostomie sont réalisées. Cette intervention améliore la prise pondérale, cependant, à sept mois et demi l’enfant est hospitalisé pour décompensation de son insuffisance respiratoire restrictive chronique. Une ventilation non invasive par Bi PAP est mise en route. Malgré cela, l’enfant présente plusieurs épisodes de désaturations profondes associés à une hypercapnie à 11kPa. Il est transféré dans notre service à l’âge de huit mois et demi pour optimiser sa ventilation. Des tentatives de ventilation nasale par Bi PAP puis de ventilation par hyperinsufflations périodiques permettront une amélioration partielle des capnies (7-7,5kPa) et une diminution des besoins en oxygène. Cependant l’enfant sera trachéotomisé à neuf mois et demi devant un échec de normalisation des capnies et de nombreux bronchospasmes.
L’évolution immédiate sera marquée par une surinfection bactérienne avec état de mal asthmatique associée à une trachéomalacie. Le bilan hépatique ainsi que la
fonction rénale sont normaux, l’échographie rénale retrouve un kyste rénal gauche.
L’enfant est transféré vers son hôpital d’origine à l’âge de dix mois et demi. À l’âge de trois ans, il est pris en charge dans un centre de rééducation proche de son domicile, en hospitalisation de semaine. Il est toujours ventilé sur sa trachéotomie avec une absence complète d’autonomie car il persiste une trachéomalacie. Il a acquis la marche. Les hyperinsufflations sur canule ne sont pas réalisables compte tenu de l’impossibilité de sevrer l’enfant de son ventilateur volumétrique.
Cas 6
Cette fille est la quatrième enfant d’un couple sans antécédent particulier. Ses aînés sont en bonne santé. Le diagnostic de DTA a été porté en anténatal. Elle n’a pas eu de prise en charge respiratoire immédiate bien qu’elle ait été hospitalisée une à deux fois par an pour pneumopathies avec décompensations respiratoires ayant nécessité une oxygénothérapie. Lors de la première consultation dans le service, elle a cinq ans et présente une insuffisance respiratoire restrictive hypercapnique (pH = 7,39 ;
pCO2 = 6,64kPa, capacité vitale 150mL soit 20 % de la théorique). Elle bénéficie immédiatement d’une prise en charge respiratoire par hyperinsufflations périodiques à domicile. À l’âge de sept ans, le périmètre thoracique a gagné 3,5cm mais la capacité vitale est de 190 mL soit 18 % de la théorique et la capnie est de 5,74kPa.
Elle ne présente pas d’autres atteintes de la maladie de Jeune. On note un retard de croissance staturo-pondérale à -3DS.
Trois cas peu sévères pris en charge précocement
Cas 7
Cette fille est la deuxième enfant d’un couple non consanguin. Les antécédents familiaux sont marqués par une interruption médicale de grossesse en 1997 pour membres courts à l’échographie anténatale. Le diagnostic de DTA a été réalisé par le Docteur Le Merrer sur l’aspect clinique du thorax fœtal. Une sœur aînée est en bonne santé. La grossesse est marquée par un diagnostic anténatal de dystrophie thoracique asphyxiante avec à l’échographie : côtes, fémurs et humérus courts, petit périmètre thoracique. L’accouchement se fait à terme. À la naissance, les radiographies retrouvent des côtes courtes avec des anomalies du bassin. Le nouveau né présente une polypnée isolée (60-70/min), ses prises alimentaire et pondérale sont satisfaisantes ainsi que sa gazométrie artérielle. Elle sort de maternité au quatrième jour de vie puis est suivie en consultation dans notre service. La ventilation par hyperinsufflations périodiques est débutée à huit mois de vie devant la faiblesse des intercostaux inférieurs et la mauvaise croissance du périmètre thoracique. Elle ne sera jamais hospitalisée pour infection respiratoire. Les courbes de croissance du périmètre thoracique et de la capacité vitale sont satisfaisantes. Par ailleurs, elle présente une atteinte hépatique biologique (phosphatase alcaline = 823UI/L, transaminases et gamma glutamyltransferase normales) apparue à l’âge de deux ans, résolutive sous acide ursodésoxycholique. En outre, elle présente une insuffisance
musculaire prédominant aux racines et au tronc, sans retard des acquisitions motrices ni posturales. Sur le plan général, la croissance staturo-pondérale est normale avec un poids sur la moyenne et une taille sur —1DS, la scolarité est normale. À l’âge de quatre ans, l’atteinte musculaire persiste avec retentissement squelettique (bascule du bassin et scoliose dorsale supérieure droite) et marche sur la pointe des pieds du fait d’une faiblesse des muscles fessiers. Le bilan hépatique est normal. La ventilation par hyperinsufflations périodiques est interrompue car la capacité vitale est normale (600mL soit 97 % de la théorique), le périmètre thoracique est dans la moyenne.
Cas 8
Le diagnostic est réalisé en anténatal devant une étroitesse thoracique et une incurvation fémorale. À la naissance, la morphologie thoracique est caractéristique.
Ce garçon est asymptomatique sur le plan respiratoire avec notamment une activité physique normale. Il est adressé dans le service à l’âge de deux ans et demi. L’examen clinique retrouve une dysmorphie thoracique sans détresse respiratoire, la capacité vitale est de 620 mL (normale). La ventilation par hyperinsufflations périodiques est débutée à ce moment. Les bilans hépatique, rénal et ophtalmologique sont normaux. La croissance staturo-pondérale est satisfaisante. Le périmètre thoracique dépasse le 50e percentile après une année de prise en charge. À l’âge de quatre ans, l’enfant poursuit les hyperinsufflations périodiques et bénéficie donc d’une surveillance régulière.
Cas 9
Ce garçon est issu d’un couple sans antécédent particulier. Le diagnostic est porté sur les échographies prénatales et confirmé par l’aspect du thorax et du bassin sur les radiographies postnatales. À la naissance, à terme, l’enfant présente une détresse respiratoire pour laquelle il est intubé et ventilé pendant vingt-quatre heures. Il sort avec une oxygénothérapie nasale nocturne dont il sera sevré à deux mois. Une antibioprophylaxie est mise en place le premier hiver. La première consultation dans le service a lieu à l’âge d’un an. Il présente alors une polypnée sans détresse respiratoire ni anomalie de l’hématose. Sa capacité vitale est de 149 mL soit 37 % de la théorique. Les hyperinsufflations périodiques sont alors débutées. Il est suivi par la suite annuellement. Son évolution est favorable avec une absence de symptomatologie respiratoire, une amélioration de la capacité vitale et des mensurations thoraciques, une croissance staturo-pondérale sur la moyenne. Un bilan hépatique réalisé à l’âge de cinq ans retrouve des transaminases normales (ASAT = 29UI/L ;
ALAT = 21UI/L), une bilirubinémie normale (5 µmol/L), des gamma-glutamyltransférases normales (11UI/L) et des phosphatases alcalines augmentées (305UI/L), aucun traitement n’est mis en place. Lors de la dernière consultation dans le service, à l’âge de sept ans, le périmètre thoracique est de 53,5cm (10ème percentile) et la capacité vitale couchée de 940mL (73 % de la théorique). Il a arrêté les hyperinsufflations périodiques à l’âge de dix ans. Il est revu à Nantes à 14 ans :
taille 1,46 mètre (-2DS), poids 40,600 Kg (-1DS). Le thorax est discrètement étroit avec un pectus excavatum modéré. La fonction respiratoire est satisfaisante avec un syndrome restrictif modéré (80 % de la capacité vitale théorique).
RÉSULTATS
L’atteinte respiratoire des patients que nous présentons est variable, néanmoins nous les avons tous ventilés par hyperinsufflations périodiques. Leur évolution clinique (Figure 7 et 8, Tableau 1), [14] nous permet plusieurs commentaires :
Les cas sévères pris en charge quasiment dès la naissance (cas 2 et 3) n’ont jamais été ventilés de façon invasive et ils ne présentent aujourd’hui ni symptomatologie respiratoire ni altération de l’hématose. Ils ont une capacité vitale correcte à 50 % de la théorique. Leur périmètre thoracique est autour du troisième percentile. Ils ont été ventilés au maximum deux heures par jour.
Les cas qui ont présenté une décompensation respiratoire aiguë avant un an ont dû être ventilés de façon invasive (cas 4 et 5). Leur prise en charge respiratoire initiale s’était bornée à une oxygénothérapie. L’un des cas a été ventilé par hyperinsufflations périodiques à partir de l’âge de quatre ans sur sa canule de trachéotomie ce qui a permis un rebond de sa croissance thoracique. Il a pu être décanulé à l’âge de huit ans et aujourd’hui ne présente pas de symptomatologie respiratoire. Son périmètre thoracique est au troisième percentile, sa capacité vitale à 50 % de la théorique.
L’autre cas a eu des complications liées à la ventilation invasive qui empêchent aujourd’hui tout sevrage ventilatoire et toute hyper insufflation. Cependant il n’est âgé que de trois ans, nous n’avons donc pas de recul suffisant.
Un des cas (cas 6) s’est présenté à l’âge de cinq ans avec une insuffisance respiratoire restrictive chronique hypercapnique et limitation fonctionnelle. La mise en route des hyperinsufflations périodiques a été immédiate. Cependant la multiplication alvéolaire étant pratiquement achevée à cet âge, l’efficacité ne sera que partielle. Nous n’avons que deux ans de recul, son périmètre thoracique et sa capacité vitale se sont améliorés initialement mais restent bien en dessous des valeurs normales pour l’âge (périmètre thoracique<3ème percentile, capacité vitale à 25 % de la théorique).
L’enfant reste hypercapnique.
Les trois derniers cas (cas 7 à 9) ont une forme peu sévère de la maladie, sans insuffisance respiratoire chronique (comme le cas 1). La ventilation est importante pour améliorer la croissance pulmonaire et la capacité vitale. Le périmètre thoracique de deux de ces enfants est aujourd’hui normal pour l’âge. La durée quotidienne de traitement est cependant moins longue (néanmoins supérieure à trente minutes).
FIG. 7. — Croissance du périmètre thoracique FIG. 8. — Croissance de la capacité vitale
TABLEAU 1.
* Cas pour lesquels le traitement par hyperinsuffisance est toujours en cours DISCUSSION
Ces enfants présentent tous la morphologie thoracique caractéristique ainsi que les signes radiologiques de la dystrophie thoracique asphyxiante [5, 15]. Les autres diagnostics envisageables peuvent être écartés :
— la maladie d’Ellis-Van Creveld car si les enfants présentent un tableau radiologique initial superposable, ils ne présentent ni atteinte cutanée ou des phanères ni atteinte cardiaque, ni fusion des os du carpe pour les plus grands ;
— la dysplasie thoraco-laryngo-pelvienne est de transmission autosomique dominante et nos cas ne présentent pas d’atteinte laryngée ;
— les autres syndromes côtes courtes-polydactylie sont létaux en période périnatale ;
— les autres ostéochondrodysplasies s’accompagnent d’une atteinte vertébrale ou du crâne que nous ne retrouvons pas chez nos patients.
Nous pensons au vu de l’évolution clinique de ces enfants que la ventilation par hyperinsufflations périodiques prévient l’évolution vers l’insuffisance respiratoire chronique et par ce biais évite les épisodes de décompensation respiratoire aiguë surtout fréquents dans les deux premières années de vie. Il est d’ailleurs possible de débuter les hyperinsufflations très précocement, dès les premières semaines de vie en milieu hospitalier puis à domicile si l’environnement le permet. En cas de trachéotomie, cette technique doit être utilisée dès que l’enfant le supporte, ce qui favorise le sevrage.
Nous ne retrouvons que deux articles où la prise en charge ventilatoire est le sujet principal. Dans un cas, l’enfant est ventilée sur sonde nasotrachéale de la période néonatale jusqu’à l’âge de trois ans ; mais il faut signaler qu’elle a eu quatre thoracoplasties avant six mois de vie puis qu’elle s’est améliorée progressivement [16]. Dans l’autre cas, l’enfant est trachéotomisé à deux semaines de vie. Il présente dans les suites une trachéobronchomalacie. La chirurgie est récusée car l’enfant a un syndrome de Shwachman associé. Il est sevré progressivement mais à quatre ans est toujours ventilé en pression positive continue nocturne sur trachéotomie [17]. Ces deux prises en charge ventilatoires sont différentes des nôtres puisque il n’y a pas eu de dilatation barométrique du poumon afin de favoriser la croissance alvéolaire.
Les autres descriptions de prise en charge ventilatoire sont extrêmement succinctes dans des articles dont le sujet principal est la chirurgie. En effet, des techniques chirurgicales d’élargissement thoracique ont été proposées par plusieurs équipes.
L’objectif est de permettre au poumon sous jacent de s’expandre afin d’améliorer la fonction respiratoire de ces patients. La première description date de 1965, il s’agit alors de résections costales en deux temps à l’âge de quatre puis cinq mois. Malgré l’impression clinique et radiologique d’amélioration de la dynamique respiratoire, l’enfant décède à l’âge de sept mois d’une décompensation respiratoire aigue probablement d’origine infectieuse [18, 19]. En 1986, Todd décrivit une technique de sternoplastie d’élargissement avec interposition d’une prothèse en méthylmétacrylate pour maintenir le sternum écarté [20, 21]. D’autres équipes utilisèrent cette méthode en interposant parfois un greffon osseux, parfois un distracteur [22- 27]. En 1995, Davis proposa une technique d’expansion latérale [28-30]. La chirurgie est réalisée, le plus souvent, dans les deux premières années de vie lorsque l’enfant n’est pas sevrable de la ventilation assistée. Les chirurgiens eux mêmes restent réservés quant au bien fondé de cette technique qui reste invasive. Plusieurs expliquent que la chirurgie est une solution d’expansion « statique », qui ne mobilise pas la cage thoracique. Elle ne s’adapte donc pas à la croissance de l’enfant et ne permet une croissance ni thoracique ni pulmonaire. Beaucoup d’auteurs insistent sur la nécessité d’études à plus long terme. Nous pensons que la chirurgie d’expansion thoracique ne devrait être qu’une solution complémentaire de la ventilation assistée lorsque celle-ci ne suffit plus en raison d’une rigidité thoracique trop importante.
La moitié des cas présentent également une atteinte hépatique. Cette atteinte est souvent décrite dans la maladie de Jeune [31]. Labrune et al. en 1999, publiait trois observations (dont le cas 4 ci-dessus) [32] dont l’atteinte était résolutive sous acide
ursodésoxycholique. Nos observations confirment le bénéfice de ce traitement en cas d’anomalies du bilan biologique hépatique.
Nous observons chez plusieurs de nos patients, une atteinte musculaire prédominant aux racines et au tronc, accompagnée d’une musculature des membres peu galbée et d’un retard de développement moteur notamment postural, s’améliorant de manière progressive. Cette atteinte a été décrite par Jeune sur son deuxième cas sous la forme d’une absence de tenue de tête avec atrophie des muscles du cou [4]. Du fait de l’immobilité thoracique, authentifiée par un examen radio-cinématographique, Durand et coll . en 1965 se sont posés la question d’une atteinte neuromusculaire avec faiblesse des muscles intercostaux [18]. Ils décrivent une hypotrophie des muscles pectoraux, l’aspect des autres muscles et l’examen neurologique étant normaux. Les examens électromyographiques (deltoïde, droit fémoral, biceps brachial, muscle intercostal) ne retrouvent ni signe myogène, ni signe en faveur d’une lésion neurogène périphérique. Biologiquement, la créatinémie, la créatinurie et la créatine phosphokinase sont élevées. L’autopsie révèle une atrophie des muscles intercostaux et une dépopulation neuronale de la corne antérieure de la moelle dans sa partie dorsale. Leur conclusion insiste sur le fait qu’il est peu probable que ces anomalies soient à l’origine de l’ensemble du tableau de la maladie de Jeune, qu’il peut s’agir d’anomalies secondaires à une faible activité musculaire et surtout que la physiopathologie est obscure [19]. Sporadiquement d’autres auteurs ont rapporté des signes d’atteinte musculaire. Cliniquement, sont décrits : une hypotonie généralisée avec parfois abolition des réflexes ostéo-tendineux [33, 34], des retards de développement moteur isolés [35] et des dysplasies musculaires abdominales [33, 36]. Les examens électromyographiques réalisés par d’autres auteurs n’ont pas montré d’atteinte neurogène ni myogène [37, 38]. Les études radio-cinématographiques révèlent une course diaphragmatique importante associée soit à une immobilité costale, soit à une course costale minime mais totalement inefficace compte tenu de la position horizontale des côtes [37-39]. En 1989, Knisely, examine l’os basi-occipital, les vertèbres et la moelle épinière d’un enfant prématuré décédé au sixième jour de vie d’une détresse respiratoire sur dystrophie thoracique asphyxiante [40]. Il retrouve une malformation basi-occipitale avec sténose du foramen magnum et du canal médullaire. L’atteinte de la corne antérieure se résume à de rares pétéchies en regard de la première vertèbre cervicale, sans dépopulation neuronale. Cette sténose pourrait selon lui expliquer l’atteinte des motoneurones de la corne antérieure constatée par Razzi. Cependant, en l’absence d’études anatomopathologiques ultérieures, il est difficile de conclure. L’atteinte musculaire ne peut pas, à elle seule, être à l’origine du tableau de dystrophie thoracique asphyxiante. On peut se poser la question d’une atteinte neuro-musculaire associée à l’atteinte osseuse, ou bien d’une atteinte neuro-musculaire induite par la mauvaise croissance costale et la non-sollicitation de la musculature inter-costale. De plus amples explorations notamment anatomopathologiques musculaires et médullaires semblent nécessaires pour mieux comprendre la physiopathologie de cette atteinte.
CONCLUSION
Nos observations montrent l’intérêt des hyperinsufflations périodiques précoces chez les enfants atteints de dystrophie thoracique asphyxiante, et ce, de la même manière que le préconise la conférence de consensus sur la prise en charge des enfants atteints de pathologies neuromusculaires. L’indication pourrait même être étendue aux autres atteintes respiratoires restricitives liées à une atteinte pariétale (syndrome de Freeman-Sheldon, syndrome de Poland, dysplasie spondylo-costale…).
Nos observations confirment la régression de l’atteinte hépatique avec un traitement par acide ursodésoxycholique.
L’atteinte musculaire telle que nous la décrivons n’apparaît pas dans la littérature.
La longue durée de suivi de nos patients par la même équipe permet de montrer que cette atteinte est régressive et n’empêche pas une activité normale dans la deuxième enfance. Cependant les travaux suscités jusqu’à présent par la recherche d’une pathologie neuromusculaire associée laissent de nombreuses questions en suspens.
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DISCUSSION
M. François-Bernard MICHEL
Vous nous apportez la démonstration que la prise en charge par ces séances d’insufflation permet de prévenir le handicap respiratoire. Depuis la publication du professeur Mathis Jeune, a-t-on établi un fichier national qui permettrait que tout enfant atteint de ce syndrome puisse bénéficier de votre stratégie thérapeutique ?
Il n’y a pas actuellement de fichier national pour le syndrome de Jeune, donc aucune possibilité de retrouver ces enfants si le médecin qui fait le diagnostic ne recherche pas lui-même les équipes médicales qui peuvent s’en occuper pour améliorer le pronostic.
M. Christian NEZELOF
En permettant aux malades de survivre, n’avez-vous pas observé des malformations cardiaques et rénales connues au travers des examens post-mortem effectués dans les premières années de l’individualisation de l’affection.
L’atteinte rénale est dépistée systématiquement dès que le diagnostic est fait, de même qu’une atteinte cardiaque recherchée par une échographie bi-dimensionnelle avec doppler pulsé. Dans nos cas, nous n’avons observé ni malformation cardiaque, ni atteinte rénale.
M. Claude-Henri CHOUARD
Pouvez-vous préciser la valeur des paramètres de la pression délivrée par votre appareillage actuel (pression, volume/temps délivrés, etc. ) en les comparant, par exemple, avec ceux des masques employés dans les SAS ? Ces séances ont-elles entraîné des réactions tabotympaniques ?
L’appareil utilisé pour les hyperinsufflations périodiques est déclenché par une « aspiration ». Le trigger est réglé le plus bas possible à 0,1 Bar. L’appareil débite alors de l’air (pour les petits à raison de 10 à 20 l/min) et l’appareil cesse de souffler de l’air quand la pression intra-thoracique atteint 10 à 15 cm d’eau. Je n’ai jamais observé de lésion tympanique avec ce type de ventilation.
M. Bernard SALLE
L’ insuffisance hépatique et rénale a été rapportée dans la littérature dans le suivi des enfants atteints de maladie de Jeune. Je suis étonné que vous n’ayez pas observé d’insuffisance rénale profonde. La symptomatologie est polymorphe, il y a des cas graves avec insuffisance respiratoire dès la naissance entraînant le décès du nouveau-né. Peut-on espérer, avec votre méthode, avoir un meilleur pronostic chez des nouveau-nés avec insuffisance grave dès la naissance ?
Une seule anomalie rénale a été observée (kystes cervicaux pour le cas 5). Dans les cas graves avec insuffisance respiratoire sévère dès la naissance, on doit avoir recours en néonatalogie à la ventilation endo-trachéale par intubation avec des appareils de ventilation conventionnels. Ce n’est qu’après l’amélioration de l’état respiratoire qu’il est possible d’avoir recours partiellement puis uniquement aux hyperinsufflations périodiques.
M. Jacques MILLIEZ
Que conseillez-vous en cas de diagnostic anténatal de la maladie de Jeune ?
En cas de diagnostic anténatal de la maladie de Jeune, il faut répondre aux parents pour leur expliquer ce qu’est cette maladie et le type de prise en charge qui pourrait être nécessaire. Le diagnostic échographique anténatal ne permet pas de préciser la gravité de
la maladie. Il faut donc voir plusieurs fois les parents, dans un espace de temps court, être très explicite sur les symptômes et les prises en charge nécessaires. Il est important de préciser qu’il n’y a pas d’atteinte intellectuelle et que si la prise en charge contraignante est bien suivie, l’enfant pourra avoir un avenir social et affectif à l’âge adulte. Ce n’est que lorsque les parents et les médecins auront eu toutes les précisions souhaitées que les parents pourront faire part de leur décision sur leur désir de garder l’enfant ou d’avoir recours à une IMG. Si les parents désirent garder l’enfant, il faut qu’ils aient la certitude d’une prise en charge médicale adaptée dès la naissance.
M. Denys PELLERIN
Vous avez évoqué la possibilité d’utiliser votre méthode d’hyperinsufflation périodique dans des situations de malformations, en dehors du syndrome de Jeune, telles que les séquelles d’omphalocèle, le syndrome de Poland, etc. Mais vous avez également déploré que seul le bouche à oreille en ait fait connaître l’intérêt. Je l’ignorais encore en effet, quand, en 1990, j’ai cessé mes fonctions aux Enfants Malades. Pouvez-vous me rassurer et me confirmer qu’aujourd’hui votre méthode est bien connue des chirurgiens pédiatres ?
Je pense que les chirurgiens orthopédistes pédiatres commencent à connaître les possibilités d’une prise en charge respiratoire précoce. Dans les cas où il y a des associations de famille pour ces pathologies, les médecins et les parents sont aidés pour mettre en route l’assistance respiratoire quand elle est nécessaire. Les kinésithérapeutes pédiatres ont aussi des documents sur ce sujet.
M. Jean-Louis DUFIER
Permettez-moi de revenir sur le cas de l’enfant qui vous avait été adressé par le professeur Jean-Louis Pouliquen. Il m’a semblé présenter une large tache café au lait lancéolée sur le flanc droit. Pensez-vous qu’il pourrait y avoir des relations entre le syndrome de Jeune et la maladie de von Recklinghausen où les dysplasies osseuses sont fréquentes, et font rentrer ce syndrome dans les neurocristopathies ?
Je n’ai pas trouvé dans la littérature de relation entre Syndrome de Jeune et Recklinghausen. L’enfant que nous avons vu (notre cas no 1) avait en effet, une tâche café au lait plane mais aucun autre symptôme de Recklinghausen.
M. Jacques BATTIN
En ce qui concerne l’évolutivité variable de cette dystrophie thoracique dont vous avez connu des formes rapidement mortelles : ne serait-on pas dans la même situation que dans les amyotrophies spinales dont vous avez une grande expérience, lesquelles connaissent parfois des formes prolongées ? Ce qui n’enlève rien à la prise en charge tout-à-fait utile et remarquable.
Dans les dystrophies thoraciques, il y a une diversité de forme avec des formes plus ou moins graves. Les formes graves d’emblée peuvent s’améliorer avec une bonne prise en
charge, elles ne sont pas évolutives par elles-mêmes. Dans les amyotrophies spinales au contraire, l’aggravation de toutes les formes graves ou pas graves est plus ou moins rapide mais inéluctable.Les formes dites prolongées sont celles où le début est moins précoce et la prise en charge correcte.
* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Professeur émérite. ** Service de Neuro-Pédiatrie, Hôpital Raymond Poincaré, 92380 Garches. Tirés-à-part : Madame le Professeur Annie BAROIS, même adresse. Article reçu le 23 mai 2007, accepté le 25 juin 2007.
Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 7, 1411-1432, séance du 2 octobre 2007