L’obésité de l’enfance
Childhood, obesity
Sir Peter LACHMAN La part de l’Indice de Masse Corporelle (IMC) attribuée à la génétique peut varier de 40 % à 70 % d’un sujet à l’autre.
La récente et importante augmentation de l’IMC, qu’il s’agisse de surpoids ou d’obésité, est dûe à un changement global de la courbe vers le haut, plutôt qu’à des modifications de la forme de la courbe et dans la distribution des centiles.
Pour cette raison, il serait préférable de tenter d’y porter remède non seulement en s’adressant à ceux qui sont déjà en surpoids, qui sont des sujets à risques pour des raisons familiales ou génétiques, mais surtout à la totalité d’une population dans le but de renverser la tendance générale des dernières années.
Les changements environnementaux qui sont à l’origine de « l’épidémie » de l’obésité concernent le contrôle de l’appétit mais ne produisent pas de changements métaboliques. On comprend de mieux en mieux les mécanismes hormonaux et nerveux qui régulent l’appétit. La leptine, hormone produite par les adipocytes supprime l’appétit. Son absence, d’origine génétique, aboutit à une obésité sévère et à une hyperphagie incontrôlable. Cependant les taux de leptine ne sont pas diminués dans l’obésité commune et la leptine ne peut être considérée comme un agent de régulation de l’obésité conventionnelle. L’hormone d’origine gastrique Ghrelin agit sur le noyau caudé et stimule l’appétit quand elle est administrée in vivo . Les chutes du taux de Ghrelin réduisent l’appétit. Une autre hormone produite par l’intestin, le Peptide YY (PYY), supprime l’appétit en agissant sur le noyau caudé. L’introduction d’un fragment actif de cette hormone PYY3-36 chez l’homme a pour effet de réduire l’absorption de nourriture d’un tiers chez les sujets obèses ou même maigres, et ce sans effet secondaire majeur. Ceci permet d’envisager la mise au point d’un médicament supprimant l’appétit. Cependant, le développement d’un médicament actif par voie orale et d’usage général demandera encore quelques années.
Les conséquences de l’obésité de l’enfant sont bien connues. La plus importante est l’incidence de plus en plus grande du diabète de type 2. On a montré qu’un IMC de 30 (la zone frontière qui sépare le surpoids l’obésité) à l’âge de 18 ans, augmente de 18 fois le risque de diabète de type 2, par rapport à un IMC de 21. Le diabète de type 2 chez le jeune est associé à une incidence élevée de rétinite aboutissant à la cécité. L’obésité chez les enfants est un problème dans toute l’Europe, mais actuellement son incidence est, de façon surprenante, plus élevée dans l’Europe du Sud.
Il est urgent de prendre les mesures appropriées pour prévenir l’obésité chez l’enfant ou pour la réduire quand elle existe. C’est un impératif de santé publique.
PROPOSITIONS — Reconnaître que l’excès de poids des enfants en Europe augmente rapidement et constitue déjà un problème majeur de santé, avec des conséquences sérieuses pour les enfants qui en sont atteints et pour la société.
— Reconnaître que, même s’il y a une participation polygénétique à un excès de poids chez un enfant à titre individuel, l’augmentation du poids dans la population est le reflet de modifications environnementales majeures.
— Admettre qu’à la fois une activité physique réduite et une nourriture inappropriée expliquent l’épidémie actuelle. Combattre les contraintes actuelles sur l’activité et modifier l’environnement physique, c’est-à-dire mettre en place des zones de sécurité autour des habitations, avec un accès limité à l’automobile. Des objectifs plus importants à long terme devraient inclure des zones de sécurité pour la marche ou la bicyclette pour se rendre à l’école et aux lieux de loisirs. Ces considérations de protection de la santé devraient devenir l’élément crucial dans les projets d’urbanisme et dans les règles de circulation, comme cela à été réalisé aux Pays-Bas, à Copenhague et à Barcelone.
— Les facilités offertes par l’école et l’éducation physique représentent un nouvel objectif pour les enfants qui doivent apprendre les variétés d’activités sportives plutôt que des sports de compétition, en insistant particuliè- rement sur les demandes des filles jeunes et des adolescentes.
— Admettre que les aliments pour enfants sont nettement inappropriés ou mal adaptés dans la plupart des pays d’Europe, avec une consommation trop élevée en graisses, en graisses saturées, en sucres d’assimilation rapide, lesquels sont tous liés à des risques pour la santé.
— Reconnaître que les enfants développent leur capacité à décider ce qui leur est approprié, comme les adolescents. Aussi les gouvernements, les écoles avec les médecins scolaires et les autres organismes publics doivent agir in
loco parentis afin d’aider les parents dans l’éducation nutritionnelle de leurs enfants.
— Le marketing commercial des aliments est inapproprié :
Il ne devrait pas exister à l’école un accès aux boissons sucrées et aux produits de l’industrie alimentaire. Chez l’enfant, l’eau pure est la meilleure des boissons. Des fontaines d’eau fraîche devraient être installées dans les écoles.
La publicité commerciale à l’adresse des enfants dans les médias devrait être réduite ou interdite comme en Suède.
La fourniture des aliments dans les crèches, les maternelles et les écoles devrait être mise en conformité avec les régimes recommandés comme cela est fait en Finlande.
— Les écoles devraient contribuer à faire comprendre ce qu’est une bonne alimentation et permettre aux enfants d’apprendre les manières de l’obtenir, et même de les faire connaître à leurs parents. Le rôle des enseignants est essentiel dans ce domaine.
— Les compagnies fournissant alimentation et boissons sucrées devraient être incitées à limiter les portions destinées aux enfants aussi bien qu’aux adultes. Certaines boissons dites parfumées contiennent du sucre à l’insu des parents.
— Un nouveau et compréhensible étiquetage des produits alimentaires en Europe est nécessaire pour aider les parents à faire des choix appropriés.
— En raison de la distorsion actuelle des prix des aliments, en faveur des graisses bon marché et des sucres, l’Europe devrait revoir la politique des prix, à l’exemple de certains états américains qui appliquent une taxe en faveur de la santé aux aliments riches en graisses et en sucres.
— Il faut enfin encourager l’allaitement au sein pendant au moins les 4 premiers mois, car ceci réduit l’incidence d’une obésité ultérieure.
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Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 7, 1411-1413, séance du 21 octobre 2003