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Session of 10 mai 2005

L’expert judiciaire face aux éléments médicaux de l’imputabilité et au lien de causalité en responsabilité chirurgicale

MOTS-CLÉS : chirurgie.. erreur médicale. responsabilité légale. témoignage expert
Surgical complications and the legal expert medical evidence of attributability and causality
KEY-WORDS : expert testimony. liability, legal. medical errors. surgery.

Pierre Vayre

Résumé

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un problème nouveau ni original, il nous paraît opportun de faire une mise au point dans ce domaine des confins médicaux et juridiques, pour éviter les erreurs sémantiques et pour faciliter le comportement réciproque des acteurs de la trilogie chirurgien-expert-juge. La notion juridique de causalité en matière de responsabilité médicale, (pénale, civile ou administrative) est déterminée par le juge après étude du rapport technique du médecin expert. C’est l’équivalent de la relation de cause à effet en appréciation du dommage corporel post-traumatique. Le rapport technique du médecin expert doit démontrer avec bon sens et impartialité de façon aussi méthodique et scientifique que possible, l’imputabilité du dommage subi. Le concept d’imputabilité est d’exprimer les mécanismes physiopathologiques qui ont permis aux conséquences d’un défaut technique d’acte ou d’organisation du service d’aboutir aux séquelles constatées, en respectant les séquences chronologiques. Entre les critères d’imputabilité et la causalité juridique, il y a le raisonnement de l’expert qui va permettre au juge d’établir le lien de causalité.

Summary

The cause-effect relationship is a cornerstone of legal decisions. In the medical sphere, the expert charged with determining the attributability of adverse effects must take into account both the likely pathophysiological mechanism and the chronology, based on common sense. When proven by the expert, attributability — a medical concept — allows the judge to determine the legal implications. The expert report should describe the incriminated actions and their observed adverse effects, distinguish what is clearly false from what is probably true, state only what is certain, and clearly identify any doubts.

La responsabilité civile ou administrative, qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, ne peut donner lieu à l’indemnisation que s’il existe un lien de cause à effet entre le préjudice et le fait dommageable. Sauf exception, le lien causal doit être établi par le demandeur et la Cour de Cassation, s’agissant d’une notion de droit, exerce un contrôle quant à son existence. Le juge ou l’assureur se voit dans l’obligation, pour indemniser équitablement le dommage, ni trop ni trop peu, de rechercher avec le plus de justesse possible la nature et l’étendue exacte du seul préjudice découlant de l’évènement générateur de responsabilité, en se basant sur le rapport du médecin expert. En responsabilité pénale, les atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité de la personne exigent une relation de cause à effet entre la faute et le dommage corporel. L’existence du lien de causalité est un élément constitutif de l’infraction.

Que cette causalité soit directe ou indirecte, l’essentiel reste qu’elle soit certaine, parce que ce principe ne peut connaître de dérogation : pas de condamnation possible sans démonstration d’un lien de causalité certain entre le comportement dommageable et le préjudice constaté.

OBSERVATIONS MÉDICO-JUDICIAIRES

Parmi 325 dossiers de responsabilité chirurgicale en trente ans, j’ai constaté que l’exercice le plus difficile en expertise est la démonstration raisonnée de l’existence ou de l’absence de lien de causalité entre un fait accusé et ses conséquences alléguées.

Dans la plupart des cas, la solution technique scientifiquement démontrée est le résultat de l’étude chronologique minutieuse des faits et la confrontation des élé- ments anatomo-pathologiques et physio-pathologiques. Mais dans 10 à 15 % des observations, la recherche de la ‘‘ vérité technique ’’ met à l’épreuve la sagacité de l’expert, qui pourtant doit répondre aussi précisément que possible aux questions du magistrat. Voici un échantillon de douze dossiers complexes :

Observation no 1

Un enfant de 13 ans est opéré d’appendicectomie par voie coelioscopique (non open laparoscopie). Une hémorragie intra-péritonéale survient dès le début de l’opération. Il y a un retard dans la décision de laparotomie. Il s’agit d’une plaie de l’aorte abdominale sous rénale entraînant le décès. Cette observation de 1995 a fait discuter l’aléa et risque des technologies nouvelles. Il s’agit d’un accident de ponction sans mesure sécuritaire initiale mais surtout prise en charge déficiente de la complication. Le lien de causalité de ce défaut technique avec le décès est certain.

Observation no 2

Un homme de 55 ans diabétique est opéré d’appendicectomie par voie coelioscopique. Au 4ème jour, il y a ballonnement, douleurs abdominales, fièvre à 38°. En l’absence du chirurgien, le remplaçant de week-end n’intervient pas. Au 6ème jour, il y a aggravation avec un ventre ‘‘ dur ’’, vomissements, température à 39°. De retour, le lundi matin, le chirurgien réintervient pour péritonite diffuse traitée par lavage, drainage et antibiothérapie mais 48 h plus tard (soit 8ème jour), survient le décès par choc septique et coma diabétique. Certes l’état antérieur de diabète a joué un rôle aggravant mais il y a lien d’imputabilité indiscutable entre le retard thérapeutique du 4ème jour au 6ème jour, qui n’a pas donné la meilleure chance.

Observation no 3

Une femme de 50 ans est opérée d’une hystérectomie totale pour fibromyome avec section vaginale sur suture mécanique. Au 6ème jour, il y a un écoulement vaginal qui se confirme au 7ème jour en fistule recto-vaginale. Au 10ème jour, est faite une colostomie iliaque gauche sur baguette. Au 60ème jour, la fistule vaginale n’est pas tarie. À 80 jours, il y a abord de la fistule par voie abdominale et guérison. L’imputabilité de la fistule à un défaut technique opératoire est démontrée par l’étude anatomo-pathologique des collerettes de suture mécanique comportant à la fois de la muqueuse vaginale et de la muqueuse intestinale.

Observation no 4

Un homme de 58 ans est opéré de thoracoplastie supérieure gauche type Maurer (4 côtes) pour une sévère tuberculose excavée du sommet pulmonaire. Dès le réveil, on constate une paralysie plexique dissociée du membre supérieur gauche, qui est prise en charge d’emblée avec information du patient. En recours administratif, l’expertise démontre la corrélation entre l’acte opératoire et la paralyse plexique. Il pourrait s’agir d’un aléa mais l’hôpital ne donne aucune preuve de gestion sécuritaire d’un risque connu et il n’y a aucune précision sur la position opératoire et son contrôle. Il est conclu en l’absence de preuve que la meilleure chance n’a pas été donnée à l’opéré. Il y a l’imputabilité entre ce fait et la séquelle de paralysie plexique.

Observation no 5

Une femme de 50 ans, poly-allergique, est opérée pour cancer avancé de la thyroïde par thyroïdectomie totale et curage ganglionnaire avec dissection des deux récurrents. En unité de soins intensifs de principe, au 2ème jour, survient un syndrome asphyxique aigu avec œdème cervical et laryngé. Il y a échec d’intubation laryngée immédiate par le réanimateur présent. Malgré la trachéotomie, le décès survient par broncho-spasme irréversible.

L’autopsie médico-légale ne trouve pas d’explication à cet œdème brutal avec bronchospasme et oblitération glottique. Les deux nerfs récurrents sont intacts et il n’y as pas d’hématome cervical. Il n’y a donc pas de malfaçon démontrée en rapport de causalité avec le décès. En l’absence d’infraction démontrée, le recours pénal est annulé.

Observation no 6

Pour cholécystite lithiasique non compliquée, une femme de 35 ans est opérée par voie laparoscopique sans incident opératoire avec une cholangiographie normale. Au 40ème jour, apparaît un ictère rétentionnel que la cholangiographie rétrograde endoscopique relie à une sténose annulaire de la jonction canal cystique et voie biliaire principale. La réintervention permet la résection de la sténose et la suture termino-terminale de la voie biliaire principale avec guérison. La corrélation entre la sténose et la cholécystectomie est évidente. C’est une
complication classique en chirurgie conventionnnelle, qui s’observe aussi par voie laparoscopique en rapport avec la ligature ou électro-coagulation de micro-vaisseaux des parois biliaires, les précautions sécuritaires ou coagulation bipolaire ayant été prises. Il s’agit d’un aléa sans faute technique démontrée donc pas d’imputabilité en responsabilité.

Observation no 7

Un homme de 45 ans, diabétique insulino-dépendant, est victime d’un accident de la circulation en Thaïlande par un tiers non identifié. En urgence, il y a résection de 20 cm de jéjunum et embaumement du pied droit après une discussion pour amputation. Au 12ème jour, il y a rapatriement en France où l’on constate une nécrose du pied droit avec ostéïte et abcès de paroi abdominale. Au 17ème jour est réalisé le parage du pied droit et cross-leg de couverture. Au 45ème jour, il y a amputation de la jambe droite survie de guérison. En recours administratif, l’imputabilité totale de l’amputation est admise car ‘‘ le cross-leg est à posteriori un choix malencontreux ’’. Une deuxième expertise évoque le partage de responsabilité entre l’accident initial (en fait causalité première), l’état pathologique et l’évolution nécrosante du pied. Il n’y a pas scientifiquement de lien de causalité déterminant avec l’opération de cross-leg. Le blessé n’a pas eu la meilleure chance. L’amputation de jambe droite relève d’une perte de chance de 30 %.

Observation no 8

Une femme de 35 ans subit une plaie de la base du pouce gauche avec perte immédiate de la sensibilité signalée au médecin traitant, qui fait néanmoins une suture primaire de la plaie.

En raison d’une anesthésie persistante du pouce, la blessée au 48ème jour, consulte un chirurgien spécialiste de la main qui fait une greffe nerveuse avec colle biologique, en avertissant du risque connu d’échec. Au 100ème jour, en raison de l’échec, la blessée consulte un autre chirurgien de la main, qui pratique une nouvelle greffe de la même façon et sans succès. L’expertise conclue à la faute des deux chirurgiens ‘‘ qui n’auraient pas dû opérer car les greffes nerveuses sont inefficaces ’’. Une deuxième expertise conclue à la faute du généraliste et des deux chirurgiens pour ‘‘ non immobilisation de la main ’’. En fait, il est évident que le défaut technique revient au médecin traitant qui n’a pas tenu compte de l’anesthésie évoquant la section nerveuse. Si la suture immédiate avait des chances de guérison, par la suite au contraire le pronostic était beaucoup plus réservé mais néanmoins, il était logique de tenter une greffe. On voit ainsi comment l’interprétation d’une causalité peut avoir une incidence déterminante sur la décision des juges.

Observation no 9

Un homme de 42 ans, tabagique et dyslipidémique consulte pour hernie inguinale gauche brusquement douloureuse. En fait, il s’agit d’une thrombose aiguë ilio-fémorale gauche traitée par pontage aorto-fémoral par un chirurgien vasculaire compétent. La guérison est obtenue simplement mais à un an, il y a recours judiciaire pour ‘‘ anéjaculation isolée ’’ avec parfait résultat vasculaire. L’expertise rejette l’imputabilité en l’absence de faute technique démontrée mais une réserve est faite pour ne pas avoir initialement prévenu l’opéré du risque de troubles sexuels ! Mais même dûment informé, l’opéré ne pouvait pas refuser l’opération, dont le risque était moindre que celui de l’évolution spontanée.

Observation no 10

Un homme de 45 ans est opéré en 1996 pour reflux gastro-oesophagien par hémifondoplicature de Toupet par voie coelioscopique. Il est très bien pendant quatre ans. En
2000, il subit une cholécystectomie simple par voie coelioscopique. En 2001, il invoque une récidive de reflux gastro-oesophagien. La réintervention trouve un ‘‘ montage lâche ’’.

L’expertise ne révèle aucun défaut technique lors des trois opérations par des chirurgiens compétents. Il n’y a aucun élément d’imputabilité de la récidive de reflux gastrooesophagien à la cholécystectomie (sites différents). Il s’agit de l’évolution naturelle de dégradation du premier montage anti-reflux cinq ans après, qui est un risque connu dans 10 % des cas et sans faute étiologique.

Observation no 11

Une femme de 36 ans a des antécédents complexes : une césarienne, cinq coelioscopies dont une avec annexectomie gauche. Pour douleurs et hémorragie utérine, une nouvelle coelioscopie est faite qui entraîne une plaie extra-muqueuse d’une anse grêle, jéjunale non ouverte, ce qui légitime aussitôt une laparotomie de conversion au cours de laquelle l’adhésiolyse complexe entraîne une plaie ouverte d’une autre anse grêle. Après suture de la première plaie extra-muqueuse et résection de 10 cm de grêle pour la seconde, une mésentérico-plicature de Childs-Philips est réalisée. Pour douleurs pelviennes, constipation opiniâtre, deux ans plus tard, un autre chirurgien fait une nouvelle entérolyse avec résection de kyste de l’ovaire droit restant mais il n’y a pas d’altération anatomique de l’intestin grêle. En recours administratif, l’expertise ne trouve aucun défaut technique de la première opération : les plaies intestinales font partie de l’aléa connu et ont été traitées immédiatement. L’opération de Childs-Philips accusée par la patiente pour ses douleurs, n’a pas d’imputabilité démontrée déterminante compte tenu de l’état antérieur et évolutif (de péritonite plastique adhésive).

Observation no 12

Une femme de 57 ans, en très bon état général pour cholécystite aiguë datant de quinze jours, est opérée en milieu hospitalier, de cholécystectomie par laparotomie après tentative de coelioscopie. Le trépied biliaire est très adhérent : cholécystectomie d’avant en arrière. Le ‘‘ canal cystique large et court est lié au ras du cholédoque ’’. Fermeture de la paroi sans drainage. Les suites sont d’emblée difficiles avec douleurs, fièvre à 38°, ballonnement abdominal, pas de reprise du transit intestinal. Au 7ème jour, une tomodensitométrie objective un épanchement péri-hépatique, sans décision thérapeutique. Une nouvelle tomodensitométrie six jours plus tard, soit au 13ème jour, montre l’augmentation de la collection péri-hépatique. Au 15ème jour, la ponction pleurale ramène 1500ml de liquide citrin et la ponction abdominale 1800ml de bile. Au 20ème jour, en raison de récidive des épanchements, est réalisée une cholangiographie rétrograde par voie duodénale confirmant la fuite biliaire et une sphinctérectomie endoscopique est pratiquée. Au 25ème jour, en l’absence d’amélioration, il y a transfert en CHU où le jour même en urgence, est faite la réintervention chirurgicale pour toilette péritonéale et drainage sans abord du pédicule hépatique. L’évolution est favorable avec traitement anti-coagulant préventif et retour au domicile au 8ème jour, soit au 33ème jour après la cholécystectomie initiale. Une nouvelle hospitalisation à l’hôpital général est nécessaire au 3ème jour pour thrombose fémorale confirmée à l’échodoppler avec traitement anti-coagulant à d’importantes doses à visée thérapeutique. Le lendemain, est pratiqué un drainage trans-pariéto-hépatique (TPH) droit de la collection biliaire sous hépatique récidivée et 48 heures après, est mise en place une endo-prothèse biliaire par voie duodénale. Mais 11 jours plus tard lors d’une mobilisation, l’opérée ‘‘ tire ’’ sur le drain entraînant des douleurs. La tomo-tensitométrie d’urgence montre un volumineux hématome du foie droit et un hémipéritoine. L’intervention le lendemain constate la plaie hépatique droite sur le trajet du drainage TPH et la dissection sous-hépatique objective une plaie latérale du canal hépatique droit. Le traitement consiste en une suture hépatique et
anastomose bilio-digestive sur anse jéjunale en Y. Le soir même, il y a réintervention pour hémopéritoine massif sur foie décapsulé traité par packing de six champs abdominaux.

L’ablation des champs est faite 48 heures plus tard mais il y a récidive hémorragique nécessitant une nouvelle réintervention, quatre heures plus tard. Un important choc irréversible avec œdème généralisé et troubles majeurs de la coagulation entraîne le décès au 2ème mois, après la cholécystectomie initiale. La discussion porte sur l’absence de cholangiographie per opératoire à la première intervention, qui n’a pas permis le diagnostic de la lésion de la voie biliaire principale et son traitement primaire par simple suture. La suite des évènements est une cascade de défauts techniques avec retard de diagnostic et de traitement jusqu’au 25ème jour mais jusqu’à cette date, il n’y a pas de faute technique en lien de causalité certain et déterminant avec le décès. Celui-ci est une conséquence de l’hémorragie massive récidivante sur drain TPH, dont l’indication n’était pas rationnelle lors d’un traitement anticoagulant important et nécessaire. La réintervention avec anastomose bilio-digestive (donc après dissection du foie) n’était pas opportune, risquant comme cela est arrivée la décapsulisation hépatique. Le lien de causalité est établi entre le drainage TPH, la réintervention avec anastomose bilio-digestive, l’hémorragie du foie décapsulé et le décès.

ANALYSE EXPERTALE DE L’IMPUTABILITÉ

L’expert doit établir les critères d’imputabilité [2, 3, 4] c’est-à-dire, le mode de passage entre le fait initial et l’aboutissement séquellaire, ce qui comprend trois points essentiels :

— connaissance précise du fait initial — analyse rigoureuse de l’état séquellaire — élimination d’un état antérieur.

L’expert doit en effet éliminer formellement [2-8] toute interférence d’un état antérieur avec le dommage constaté, qu’il s’agisse d’un état pathologiques préalable, d’un fait traumatique, d’un autre acte médical. Particulière est la notion de prédisposition pathologique qui si elle est certaine, doit être assimilée à un état antérieur et dans son estimation finale, l’expert doit indiquer ce qui revient au fait générateur allégué et la prédisposition pathologique pour que le juge puisse faire un partage de responsabilité (observation no 7). Ces notions sont souvent invoquées en endocrinologie (diabète, pathologie thyroïdienne, perturbations ovariennes…) et pour la névrose traumatique dont il est classique de dire que : ‘‘ n’en fait pas qui veut ’’.

La ‘‘ plausibilité pathogénique ’’ (sic) soulignée par Louis Melennec [5] a pour but d’éliminer une simple coïncidence dans le temps et dans l’espace. Il en est ainsi par exemple pour l’hyperthyroïdie de Basedow post-émotionnelle de l’enfant ou le nanisme psycho-social. Le bon sens doit s’allier à l’appréciation scientifique notamment lors d’une complication après un acte chirurgical (observations no 7, 8, 11).

L’ensemble des critères traditionnels d’imputabilité sus énoncés constitue une méthode de travail pour que l’expert puisse acquérir sa propre conviction concernant l’enchaînement des faits. L’intérêt d’une telle pratique est qu’elle soit faite par tous les experts [8] pour que les rapports soient comparables. Même si l’imputabilité
est certaine et évidente (observations no 1, 2, 3), elle doit être affirmée par l’expert pour la bonne information du magistrat et des parties. L’absence de cette formulation est une faute professionnelle. En ce domaine ‘‘ le sapiteur ’’ (c’est-à-dire le spécialiste sur un point précis demandé en consultant par l’expert avec accord du magistrat) donne simplement un avis dans sa note mais seul l’expert peut dire l’imputabilité pour que le juge concrétise le lien de causalité [2-4]. Il en est de même lorsqu’il n’y a aucune relation de causalité (observation no 10), ce qui doit être clairement stipulé par l’expert. Lorsqu’il y a un doute sur le lien entre les faits invoqués et les dommages constatés, l’expert doit exposer le problème technique en orientant la réflexion du magistrat en toute neutralité. De toute façon, ce n’est jamais à l’expert de faire bénéficier la victime d’un doute sur le rapport de causalité, c’est le droit exclusif du juge [2-4]. L’état d’esprit de l’expert doit être celui transmis par Michel Eyquem Seigneur de Montaigne dans les ‘‘ Essais ’’ : ‘‘ Je ne juge pas, je raconte ’’.

Depuis quelques années, l’imputabilité technique définie par l’expert a évolué comme la causalité juridique fixée par le juge pour chercher la meilleure preuve dans le cas en litige, du moins en recours civil et administratif. Cette volonté nouvellement ressentie d’amenuiser la rigueur de démonstration du lien de causalité risque d’être préjudiciable à l’équité du jugement, à l’impartialité de l’expertise et à la sérénité des débats. Il serait regrettable que la preuve réelle de corrélation entre le fait médical et le dommage du patient ne devienne qu’un accessoire juridique du moyen potentiel d’indemnisation [3-8]. La dérive est de dire que l’assurance hospitalière ou l’assurance professionnelle en responsabilité civile du médecin peut bien ‘‘ indemniser le plaignant sans chercher à savoir la vérité factuelle ’’ (observations no 7, 9).

L’expert doit impérativement démêler ‘‘ la conjonction synergique des causes ’’ (observations no 7, 11, 12) entre l’acte médical, l’état antérieur et l’état postérieur subséquent. Il est évident que la qualité et la pertinence du rapport d’expertise concernant le lien de causalité sont les éléments déterminants pour l’appréciation des responsabilités par le juge. La fiabilité intellectuelle, l’exposé technique en termes clairs et facilement interprétables, l’impartialité et l’indépendance de l’expert sont les garants de la recherche logique de la vérité technique dans les cas en litige, dans le contexte et au moment des faits. L’expert ne doit exprimer que ce dont il est sûr, sinon il doit traduire son doute sans équivoque. Il doit démontrer le mécanisme évolutif des faits en s’appuyant sur les connaissances scientifiques acquises dans le contexte et au moment des faits [7, 8]. Il doit citer les références bibliographiques et autant que possible il doit mentionner les séries d’observations statistiquement significatives.

Dans certaines circonstances, notamment en matière biologique, l’expert ne peut pas établir une certitude mais seulement une probabilité. Il en est ainsi que le fait générateur soit une décision ou un manque de décision, qu’il s’agisse d’une affaire civile avec un seul plaignant ou d’une affaire administrative intéressant un groupe d’individus mettant en cause l’autorité publique. Cette notion de probabilité est évidemment antinomique avec le caractère de certitude demandé pour le lien de
causalité mais faute de pouvoir scientifiquement transgresser cette approche l’expert doit s’expliquer clairement et donner une fourchette en précisant les limites d’estimation. L’expert donne son avis en le motivant pour une probabilité plus ou moins forte du lien de causalité. Il serait bon que experts et magistrats fixent une échelle de probabilité entraînant une signification comme cela est fait en analyse statistique avec des tests qui donnent une probabilité de se tromper de 10 %, 5 %, 1 %. La limite de signification est habituellement fixée à partir de 5 % et le lien de causalité est rarement direct et exclusif en matière biologique. Cette proposition n’est valable qu’en recours civil ou administratif à l’exclusion d’une action pénale qui, elle, exige la certitude [6].

Pour ses conclusions concernant le lien de causalité, le médecin expert doit peser très précisément les justificatifs de la relation. En principe en droit, la question à débattre est une relation directe, certaine et déterminante (plus de 50 %). Il y a quatre types de réponses :

— si la causalité ne soulève aucun doute, l’expert la décrit ‘‘ directe, certaine et déterminante (sinon exclusive) ’’, — si la causalité n’existe pas ou n’est pas démontrée scientifiquement, l’expert écrit : ‘‘ n’existe pas ’’ ou ‘‘ n’est pas démontrée ’’, — si la causalité n’est pas formellement certaine mais paraît très plausible, l’expert écrit : ‘‘ la relation doit être admise sur la base de présomptions graves, précises et concordantes ’’, — si la causalité est possible mais qu’il n’est pas possible de le démontrer, l’expert écrit à son gré : ‘‘ la relation est possible ou plausible ou hypothétique ’’.

DISCUSSION DE L’IMPUTABILITÉ À LA CAUSALITÉ

INTERPRÉTATION DU JURISTE CONCERNANT LE LIEN DE CAUSALITÉ SELON LES THÉORIES JURIDIQUES DE LA CAUSALITÉ [2, 3]

À partir du rapport technique du médecin expert, le juriste estime le rôle exact de l’acte médical critiqué dans la survenue du préjudice selon les théories de la causalité élaborées par la doctrine, dont deux retiennent particulièrement l’attention en France, celle de l’équivalence des conditions et celle de la causalité adéquate [2].

La théorie de l’équivalence des conditions.

Tous les évènements ayant encouru au dommage sont équivalents et chacun des éléments en l’absence duquel le dommage ne serait pas survenu est réputé la cause du dommage. Le recours à cette théorie est fréquent lorsqu’il y a une cascade de complications liées à des soins médicaux [4]. Si tous les évènements successifs (ou
certains d’entre eux) ont incontestablement concouru à la réalisation du dommage final, le juge se prononcera sur les pourcentages respectifs de responsabilité imputables aux uns et aux autres de ces faits dommageables dont les auteurs pourront être l’objet d’une condamnation in solidum à l’égard de la victime, ce qui est pour elle un avantage certain.

La théorie de la causalité adéquate ou objective

Elle découle de l’idée que dans l’enchaînement des causes et des effets, il peut y avoir des circonstances exceptionnelles à l’occasion desquelles un événement va provoquer un dommage sans en être vraiment la cause mais seulement l’occasion. Il convient donc de distinguer les causes déterminantes et les causes secondaires ;

seules les premières étant admises pour ouvrir droit à réparation. Cette théorie tend à faire une application plus stricte du caractère direct que doit présenter le lien causal : n’a pas été admise par exemple la responsabilité de l’auteur d’un accident de la circulation survenu en 1971, dont la victime est décédée dix ans plus tard, en 1981, de brûlures provoquées par l’incendie du lit dans lequel elle était immobilisée depuis le premier accident (Cass. Civ. 8/2/21989, JCP 90-21544).

Les tribunaux utilisent l’une ou l’autre de ces théories et parfois les deux, lorsqu’il y a pluralité de causes et d’auteurs : il est parfois tentant de retenir la théorie de l’équivalence des conditions au stade de la poursuite exercée par la victime pour faciliter son indemnisation, tout en revenant à la théorie de la causalité adéquate pour régler la question de la contribution personnelle de chaque auteur.

La causalité médicale n’est que partielle ou indirecte [2, 3, 4]

Causalité médicale partielle Lorsqu’il y a un état antérieur pathologique ou des prédispositions, le médecin expert peut exposer les arguments qui l’amènent à formuler l’un des trois avis suivants concernant l’accident médical :

— il a joué un rôle déclenchant conduisant à la décompensation d’un état antérieur, — il a joué un rôle accélérant dans un processus irréversible lié à l’état antérieur, lequel aurait abouti au même résultat dans un délai différent, — il a joué un rôle aggravant d’une incapacité qui existait mais dont les effets, en l’absence d’accident, auraient été moindres.

Il faudra alors chiffrer le taux des déficits imputables à l’accident, lequel correspond à la différence entre la capacité antérieure et la capacité actuelle. On conçoit la difficulté d’appréciation et de l’expert et du juge.

Causalité médicale indirecte La continuité de l’enchaînement causal peut être rompue par un ou plusieurs évènements indépendants tel un autre accident ou une initiative de la victime. Deux cas sont à envisager :

Un accident, indépendant d’un premier accident, est survenu dans un second temps : la victime d’un accident de circulation banal, poursuit l’auteur de l’accident de manière effrénée et meurt d’un infarctus du myocarde. ‘‘ L’auteur de l’accident initial n’est pas responsable du décès ’’ : dit la chambre criminelle de la Cour de Cassation (arrêt du 2 décembre 1965 (GP 66.1132) estimant le rapport de causalité trop indirect.

Le premier accident et ses conséquences corporelles ont joué un rôle causal dans la survenue d’un accident subséquent :

• Un patient se suicide lorsqu’on envisage l’amputation de sa jambe, quatre ans après un accident de moto ayant causé une mauvaise facture compliquée d’infection nosocomiale et de multiples opérations et traitements incapables d’éradiquer cette infection.

• La victime d’un accident de la circulation souffrant d’une luxation du rachis cervical, non diagnostiquée lors de son hospitalisation, est victime sept jours plus tard, d’une tétraplégie brutale et irréversible.

Dans ces deux hypothèses, le responsable de l’accident de la circulation indemnisera l’entier préjudice, puisque sans cet accident la suite des évènements n’aurait pas eu lieu mais il disposera d’un recours contre l’hôpital ou les médecins pour savoir si des fautes ont aggravé le préjudice initial. Le rôle de l’expert est de distinguer les éléments du préjudice corporel imputables à l’accident de la circulation, de ceux résultant de fait médical responsable d’une aggravation du dommage initial.

LA PREUVE DU LIEN DE CAUSALITE ET LE RECOURS A LA NOTION DE PERTE DE CHANCE [2-8] EN DROIT CIVIL ET ADMINISTRATIF

Lorsque les médecins experts admettent comme une probabilité raisonnable que le défaut technique a pu contribuer à la réalisation du dommage ou à son aggravation, lorsqu’il apparaît qu’en son absence le préjudice final aurait été probablement moins grave ou n’aurait peut-être pas existé du tout, la jurisprudence admet l’indemnisation d’un préjudice spécifique, distinct du dommage corporel final et découlant de la notion de perte de chance de guérison, de survie ou d’éviter certaines complications (observations no 4, 12). C’est ainsi que le défaut d’information du patient n’est pas la cause de la complication médicale ou chirurgicale mais peut être considéré comme générateur d’une perte de chance d’éviter le dommage s’il est établi que mieux informé le patient aurait pu choisir de n’être pas opéré ou de l’être selon une autre technique ou en un autre établissement. Ce préjudice spécifique et virtuel ne peut donner lieu à l’indemnisation de l’entier dommage corporel. La valeur pécuniaire de ce préjudice dépendra de l’importance de la chance perdue. Le médecin expert doit fournir, aussi difficile cela soit-il, les éléments permettant au juriste d’apprécier l’importance de la perte de chance par rapport au dommage final. C’est la partie la plus délicate, voie aléatoire, du rapport d’expertise.

Le rôle de l’expert est triple :

• Préciser s’il y a eu ou non un fait fautif responsable de la perte de chance.

• Établir s’il y avait des chances sérieuses de guérison ou de survie en définissant l’importance.

• Apprécier les chances perdues et autant que possible donner au juge les éléments susceptibles de les apprécier et de le chiffrer.

La notion de perte de chance technique exige de la part du magistrat la traduction juridique en modalité de réparation du préjudice et ce exclusivement en recours civil et administratif. La Cour de Cassation admet que l’indemnisation ne doit couvrir qu’un pourcentage du dommage en fonction de l’ampleur de la chance perdue.

Jusqu’alors, le Conseil d’État appliquait le principe du ‘‘ tout ou rien ’’ mais actuellement en recours administratif, il est admis que l’indemnité ne couvre que la proportion définie du dommage démontré, c’est-à-dire, qu’il y a rapprochement du concept des deux juridictions.

EN RECOURS PÉNAL [4-8]

LA CAUSALITÉ DIRECTE

La chambre criminelle de la Cour de Cassation considère que le lien de causalité est direct, chaque fois que l’imprudence ou la négligence reprochée est la cause unique et exclusive ou la cause immédiate ou déterminante de l’atteinte à l’intégrité physique de la personne. En responsabilité médicale, lorsque le dommage résulte d’une imprudence commise par le médecin lui-même, dans une prescription ou lors d’un examen, d’une intervention chirurgicale ou encore lors d’un suivi post-opératoire, le lien de causalité a été qualifié de direct.

Les décisions suivantes ont consacré cette analyse [6] :

Un médecin psychiatre hospitalier avait administré à une malade des neuroleptiques à des doses massives, sans donner aucune instruction, ni prescrire aucun acte de surveillance approprié aux membres de l’équipe médicale placée sous sa direction ; ces négligences étant la cause directe d’une occlusion intestinale mortelle (Cass. Crim.

19 septembre 2000).

— Un chirurgien qui, après avoir sous-estimé des signes d’occlusion non équivoques révélés par l’examen radiologique chez une patient obèse, avait omis de faire interrompre l’alimentation avant l’intervention et de mettre en place une sonde gastrique permettant d’éviter un reflux oesophagien lors de l’anesthésie, l’omission de ce ‘‘ geste simple, élémentaire et systématique pratiqué dans tous les cas similaires… étant la cause directe du décès ’’ dû à l’inhalation de liquide gastrique survenu à l’induction (Cass. Crim.

29 mai 2001).

Un médecin obstétricien à raison de l’utilisation, aussi maladroite qu’importune, d’un forceps avec lequel il avait directement provoqué une fracture de la voûte du crâne de
l’enfant en train de naître et son décès, quelques jours après l’accouchement, malgré des soins intensifs appropriés (Cass. Crim. 23 octobre 2001, Bull. Crim. No 217).

— Un chirurgien, qui avait opéré une adolescente d’une scoliose, sans utiliser la table d’opération spécialement conçue pour ce type d’intervention et sans vérifier l’éventualité du déplacement du corps de la patiente durant l’intervention, si bien que la compression de l’abdomen, qui en était résulté, avait fait obstacle à l’irrigation normale du muscle cardiaque puis du cerveau et avait provoqué directement le décès, survenu près de deux ans après, malgré les soins appropriés prodigués (Cass. Crim. 23 octobre 2001, Bull.

Crim. No 218).

— L’ablation d’un rein due à une erreur commise, lors d’une intervention de chirurgie urinaire (Crim. 17 octobre 2000).

— L’administration de substances dangereuses par une élève infirmière, hors la présence de l’infirmière chargée de l’encadrer (Crim. 26 juin 2001).

— Le décès survenu en raison d’une intervention de chirurgie esthétique sans prise en compte du risque avéré de thrombose (Crim. 29 octobre 2002).

— Le décès d’un nouveau-né en raison de la sous-estimation d’un risque et d’un défaut de surveillance par le pédiatre, auquel il a été confié (Crim. 13 novembre 2002).

L’impéritie du médecin est apparue dans tous ces cas, la cause unique, exclusive de l’accident thérapeutique, même lorsque l’immédiateté dans le temps n’était plus réalisée. Dès lors que le dommage est la conséquence d’une atteinte portée physiquement par le prévenu lui-même, fut-ce par l’intermédiaire d’un objet (instrument, médicament), le caractère direct du lien de causalité ne fait aucun doute. Toutefois l’absence de contact physique n’exclut pas l’existence d’un tel lien et en particulier, une omission fautive peut-être en relation directe avec le dommage, si elle en est la cause unique et immédiate, c’est-à-dire chaque fois que par sa seule action personnelle, le prévenu aurait pu empêcher le dommage. C’est le cas par exemple d’un chirurgien omettant le placement d’une sonde gastrique ou de faire procéder à des examens ou de prescrire un traitement adéquat.

LA CAUSALITÉ INDIRECTE

La loi Fauchon 10 juillet 2000 exige désormais parmi les éléments constitutifs des délits non intentionnels d’homicide et de blessures, lorsque l’on se trouve en présence d’un cas de causalité indirecte, non plus une faute quelconque mais une violation délibérée d’une disposition législative ou réglementaire ou bien une faute caractérisée.

Le juge devra donc apprécier la consistance de la faute :

— soit faute simple s’il s’agit d’une faute en relation directe avec le dommage causé par une personne physique ou d’une faute reprochée à une personne morale quelle que soit la nature du lien de causalité (direct ou indirect), — soit faute qualifiée, elle concerne les autres cas, c’est-à-dire une faute grave.

Le travail de l’expert sera d’autant plus pertinent et utile qu’il aura parfaitement intégré la préoccupation du juge contraint lui-même de faire une appréciation plus fine et du lien causal et de la faute, pour déterminer si le fait dommageable est en lien direct ou indirect avec le préjudice puis pour évaluer la consistance de cette faute.

L’exigence d’une faute qualifiée dans l’hypothèse d’un lien de causalité indirecte ne concerne que les personnes physiques. Les personnes morales demeurent quant à elles pénalement responsables des dommages qu’elles causent à autrui, quelle que soit la gravité de la faute qui leur est reprochée et sans qu’il y ait à distinguer selon que le lien de causalité est direct ou indirect.

La détermination du caractère indirect du lien de causalité [7, 8] a été retenue pour des chefs de service hospitalier auxquels il était reproché de ne pas s’être assuré de la bonne exécution de leurs instructions par le personnel placé sous leur autorité (Cass. Crim. du 5 septembre 2000) :

— D’un chef de service des urgences qui n’avait participé ni à l’examen d’un malade hospitalisé pour une blessure par arme blanche, ni aux soins dispensés, à l’issue desquels le patient était décédé (Cass. Crim. 28 novembre 2000).

— D’un médecin accoucheur de garde, poursuivi pour homicide involontaire d’un enfant, décédé des suites d’une ischémie cérébrale et cérébelleuse et à qui, il était reproché de ne pas s’être rendu au chevet d’une parturiente à risques, durant plus de 9 heures, alors même que la sage-femme de service avait mal apprécié le tracé du rythme cardiaque de l’enfant à naître et ne l’avait, à aucun moment, prévenu de l’apparition de signes de souffrance fœtale (Cass. Crim. 10 janvier 2001, Bull. Crim. no 3°.

— D’un médecin accoucheur à qui, il était reproché des choix thérapeutiques inadaptés à l’importante hémorragie post-natale dont était décédée une accouchée, sans que la cause initiale de cette hémorragie puisse être déterminée (Cass. Crim. 29 mai 2001).

La violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence est une mise en danger délibérée, qui expose autrui à un risque grave [6].

Ainsi la loi du 10 juillet 2000 invite l’expert a bien précisé les circonstances, non seulement techniques mais aussi de comportement et d’environnement des acteurs. Le juge pénal doit avoir une appréciation nuancée de la responsabilité mais celle-ci est toujours axée sur le lien de causalité.

CONCLUSION

Apporter les éléments factuels susceptibles de faire retenir ou d’écarter un lien de causalité entre un fait générateur et une séquelle consécutive reste dans l’état actuel de la doctrine et de la jurisprudence, un élément capital et spécifique du rapport d’expertise en responsabilité médico-légale des suites d’un acte médical. Le rôle du médecin expert est de préciser les faits et leur imputabilité technique, notion médicale, pour aider le juge à estimer la causalité, notion juridique de responsabilité.

Le but essentiel du rapport d’expertise est ‘‘ d’identifier ce qui est certainement faux et probablement vrai ’’, selon l’expression de A. Comte Sponville [1]. Il n’y a pas de
justice sans vérité, pas de vérité sans preuve, pas de preuve sans liberté [6], ce qui exige un expert notoire, expérimenté, indépendant. Faute de quoi il y aurait atteinte à la sérénité du prétoire et il serait fait injure à ‘‘ l’Esprit des lois ’’, que Charles de Segondat, baron de Montesquieu, a si bien exprimé… mais il y a 3 siècles, il est vrai !

BIBLIOGRAPHIE [1] Comte SPONVILLE A. — Exposé d’ouverture du XVIe Congrès national des experts judiciaires.

Toulouse 20 au 22 octobre 2000. In « Au cœur des conflits : l’expertise », EXPERTS édit., Paris 2001.

[2] FABRE H. — Le lien de causalité : imputabilité médicale, causalité juridique. In HUREAU J., POITOUT D.G.

[3] JOURDAIN P. — Droit à réparation. Lien de causalité. Juris-classeur 1993, fasc. 160 et 161.

[4] LAMBERT FAIVRE Y. — Le droit du dommage corporel. Systèmes d’indemnisation. Dalloz Édit.

Paris 2004, 5ème édition.

[5] MELENNEC L. — Évaluation du handicap et du dommage corporel. Barême international des invalidités. Masson Édit. Paris, 2000.

[6] PLANQUELLE D. — Lien de causalité et responsabilité médicale en recours pénal. Colloque des experts médecins, Cour d’appel de Paris 2004 (sous presse).

[7] HUREAU J., POITOUT D.G. — L’expertise en responsabilité médicale et en réparation d’un préjudice corporel. Masson Édit Paris 2000, 2ème édition.

[8] VAYRE P., VANNINEUSE D. — Le risque annoncé de la pratique chirurgicale. Springer Verlag Edit 2003.

RAPPORTS

Les deux rapports édités dans le numéro du

BANM , 2005, 189 , no 2, portent les numéros suivants :

05-02

Demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence, après transport à distance et après mélange, l’eau des captages « Saint-Julien » et « Saint Jean-Baptiste » situés sur la commune de Roquebillière (Alpes-Maritimes), par Jean-Pierre Nicolas, au nom de la commission XI.

05-03

Propositions pour améliorer les conditions d’exercice des médecins généralistes , par Pierre Ambroise-Thomas, au nom d’un groupe de travail

* Membre de l’Académie nationale de médecine. Expert près de la Cour Administrative d’Appel de Paris. Expert honoraire près de la Cour de Cassation.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 5, 979-992, séance du 10 mai 2005