Communication scientifique
Session of 4 avril 2006

Les troubles du rythme cardiaque du sujet âgé

MOTS-CLÉS : cardiologie. pharmacocinétique. vieillissement.
Cardiac arrhythmias in the elderly
KEY-WORDS : aging.. cardiology. pharmacokinetics

Louis Guize, Olivier Piot, Thomas Lavergne, Jean-Yves Le Heuzey

Résumé

Les troubles du rythme et de la conduction se caractérisent, chez les sujets âgés, par leur fréquence élevée, leur diagnostic parfois difficile, leur tolérance souvent médiocre, leur traitement délicat. La fibrillation atriale, dont la prévalence dépasse dix pour cent après l’âge de 80 ans, est fréquemment liée à une cardiopathie hypertensive ou ischémique, et est la cause ou la conséquence d’une insuffisance cardiaque. Elle est surtout source d’accidents thrombo-emboliques fréquents, dominés par les accidents emboliques cérébraux. Les dysfonctions sinusales et les blocs auriculo-ventriculaires sont souvent mis en évidence ou aggravés par des médicaments. Les antiarythmiques, notamment de classe I, et les antithrombotiques comportent un risque iatrogène élevé chez les sujets âgés et doivent être particulièrement surveillés. Le contrôle de la fréquence ventriculaire en cas de fibrillation atriale est une option souvent plus sûre que le contrôle du rythme sinusal. Les méthodes ablatives et les techniques de stimulation cardiaque diversifiées, avec leurs améliorations récentes, s’intègrent parmi les stratégies thérapeutiques. Le risque de iatrogenèse médicamenteuse est majoré par le vieillissement. Cela est particulièrement évident pour les médicaments cardiovasculaires, de maniement souvent rendu difficile par un index thérapeutique étroit. Ce risque s’inscrit dans un ensemble rendant compte d’une vulnérabilité particulière des personnes âgées atteintes d’un handicap moteur ou mental, souffrant de solitude et soumises à des conditions hygiéno-diététiques défavorables. C’est à cet ensemble que les modifications de la pharmacocinétique liées à l’âge peuvent s’ajouter pour favoriser la survenue d’effets indésirables. La diminution de la fonction rénale, inévitable et progressant avec l’âge même en l’absence de néphropathie, entraîne une réduction proportionnelle de l’élimination des médicaments ou de leurs métabolites excrétés dans les urines sous forme active. Elle impose une adaptation des posologies selon la valeur de la clearance de la créatinine, estimée par la formule maintenant classique de Cockcroft et Gault. Les conséquences des modifications du métabolisme hépatique ou de la distribution des médicaments dans l’organisme sont moins facilement prises en compte. Leur interpré- tation est rendue particulièrement difficile par la polymédication souvent indispensable et les interactions pharmacocinétiques ou pharmacodynamiques qu’elle favorise. Le suivi vigilant des thérapeutiques, guidé par des marqueurs validés tels que l’INR pour les anticoagulants anvitamine K, est actuellement la seule réponse pratique à cette situation particulièrement complexe

Summary

In the elderly, cardiac arrhythmias and conduction disturbances are characterized by their high frequency, diagnostic difficulties, low tolerance, and delicate treatment. Atrial fibrillation, the prevalence of which exceeds 10 % after 80 years, is usually related to hypertensive or ischemic heart disease, and is the cause or the consequence of heart failure. It is first and foremost a cause of thromboembolic events, and especially cerebrovascular embolism. In elderly patients, sinus node dysfunction and AV block are often induced or aggravated by drugs. The iatrogenic risk associated with antiarrhythmic drugs (especially class I) and antithrombotic drugs is elevated in the elderly, and these agents must thus be used with great care. Ventricular rate control is often a safer option than sinus rhythm control for atrial fibrillation. Ablative methods and cardiac pacing techniques are other therapeutic options. Adverse drug effects are more frequent in elderly patients, especially with drugs that have small safety margins. This is the case of many cardiovascular drugs. Patients who are frail,

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine Cardiologie, Hôpital de Hautepierre, Avenue Molière, 67200 Strasbourg ** Centre de Pharmacovigilance Alsace, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67000 Strasbourg.

Courriel : pharmacovigilance@chru-strasbourg.fr Tirés à part : Professeur Jean-Louis IMBS, même adresse.

Article reçu et accepté le 27 mars 2006.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Service de Cardiologie A de l’Hôpital G. Pompidou, 20 rue Leblanc, 75015 Paris. Tirés-à-part : Professeur Louis GUIZE, même adresse. Article reçu et accepté le 27 mars 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, nos 4-5, 827-841, séance du 4 avril 2006