Communication scientifique
Séance du 16 mars 2004

Les transplants libres : 25 ans de microchirurgie vasculaire — Bilan — Perspectives

MOTS-CLÉS : intervention chirurgicale reconstructive.. intervention chirurgicale vasculaire. microchirurgie. transplantation
25 years review of vascular microsurgery — Evaluation — Perspectives
KEY-WORDS : microsurgery. reconstructive surgical procedures.. transplantation. vascular surgical procedures

Michel A. Germain * et **, Patrick Marandas **, Jean Dubousset ***, Eric Mascard ***, Josette Legagneux ****

Résumé

Les transplants libres tissulaires sont une méthode reconnue de reconstruction des pertes de substance complexes. Cette étude rétrospective porte sur une période de 25 ans. Nous avons débuté l’apprentissage de la microchirurgie dès son introduction en France en 1974 et réalisé les premières applications en 1976. Nous avons opéré 821 patients sur une période de 25 ans avec 839 transplants. Dans ce travail nous avons distingué deux types d’indication : les cancers et les lésions bénignes. En cancérologie on redonne au malade une bonne qualité de vie, même si le pronostic n’est pas forcément amélioré. Pour les lésions bénignes, le transplant apporte une guérison définitive. Les micro anastomoses vasculaires étaient réalisées à points séparés (90 % des cas) et les anastomoses termino-terminales étaient préférées (85 % des cas). La suture manuelle et avec du fil est notre technique de référence. La surveillance habituelle des transplants comportait l’examen clinique, couleur-chaleurpouls capillaire, le doppler, les sondes thermiques, l’endoscopie pour les transplants profonds. Le taux de viabilité des transplants était de 95,5 %. Ces interventions complexes n’ont pas retardé les traitements complémentaires en cas de cancer (radiothérapie ou chimiothérapie). Les complications post opératoires sont survenues dans 32 % des cas : décès : 0,36 %, nécrose : 4,5 %, mais elles sont le plus souvent bénignes (27,1 %). La durée moyenne d’hospitalisation était de 20 jours. La limitation du choix des transplants permet d’acquérir une grande fiabilité. Six types de transplants ont suffi à reconstruire la majorité des pertes de substance. L’enseignement de la microchirurgie est un de nos objectifs essentiels. Il s’agit d’une technique fondamentale dans tous les domaines de la reconstruc* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine ** Département de Chirurgie Cervico-Faciale — Institut Gustave Roussy — 39, rue Camille Desmoulins — 94805 Villejuif cedex. *** Service de Chirurgie Orthopédique — Hôpital Saint Vincent de Paul — 74-82, avenue Denfert Rochereau — 75674 Paris cedex 14. **** École de chirurgie des hôpitaux de Paris — 17, rue du Fer à Moulin — 75005 Paris. Tirés-à-part : Professeur Michel GERMAIN à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 1er septembre 2003, accepté le 26 janvier 2004. tion. Elle nécessite un entraînement rigoureux avec un investissement de temps important seuls garants de la fiabilité.

Summary

Free-tissue transfer has become an accepted method for reconstructing complex surgical defects. We review 25 years’ experience of this approach. In France, microsurgery was first performed in 1974. I myself constructed 839 consecutive free flaps in 821 patients during a 25-year period. Here we distinguish between two different indications, namely malignant and benign lesions. In oncology, the patient recovers good quality of life even if the prognosis is poor. In contrast, the transplant offers permanent cure for patients with benign lesions. Microvascular anastomoses were constructed with separated stitches (90 % of anastomoses) ; end-to-end anastomoses were preferred (85 %). Manual suture with thread is the best technique. Post-operative flap monitoring included clinical observation, Doppler sonography, thermic probing, and endoscopy. The overall success rate of free flap reconstruction was 95.5 %. In cancer patients, surviving flaps resulted in wound healing and did not delay post-operative irradiation or chemotherapy. The incidence of major complications (death 0.36 %, necrosis 4.5 %) and minor post operative complications (27.1 %) was acceptable. The mean hospital stay was 20 days. Careful selection of the transplants yielded good reliability. Six donor sites were sufficient to reconstruct the majority of defects. Teaching of microsurgery is one of our main preoccupations. This is an indispensable technique in all fields of reconstruction. Rigorous training is necessary and much time must be spent before reaching a high level of reliability.

LES TRANSPLANTS LIBRES

Un transplant libre est un prélèvement tissulaire autologue avec son artère et sa veine nourricières, qui est implanté à distance avec anastomose de ses vaisseaux sur les vaisseaux receveurs pour reconstruire une perte de substance tissulaire.

Ce transplant peut être simple, mono tissulaire (Ex : transplant de muscle, ou de segment de tube digestif, jéjunum).

Il peut être pluritissulaire (Ex : transplant de péroné composé avec os, muscle, peau).

Il existe au niveau de certains transplants (musculaire, fascio-cutané), outre l’artère et la veine, un nerf moteur ou un nerf sensitif qui seront ré-innervés au niveau du site receveur. C’est le cas du transplant ante-brachial vascularisé par l’artère radiale et la veine radiale superficielle et innervé par le nerf musculo-cutané.

Les lymphatiques ne sont pas anastomosés pour les transplants libres. En effet, la circulation lymphatique se rétablit spontanément entre le 15ème et le 21ème jour post-opératoire.

Les transplants libres n’ont été possibles que grâce à la microchirurgie vasculaire.

C’est Alexis CARREL qui fut le premier à développer le concept de chirurgie vasculaire et à poser les principes de transplantation, la technique de suture par triangulation, l’utilisation de greffon veineux et artériel entre autres [1].

Son travail ‘‘ la chirurgie des vaisseaux sanguins ’’ présenté en avril 1906 lui valut le prix Nobel en 1912.

Mais c’est NYLEN qui en 1921 introduisit les techniques grossissantes tel le microscope monoculaire pour améliorer la précision chirurgicale [2].

Puis, en 1960, JACOBSON et SUAREZ furent les véritables pionniers de la microchirurgie spécifiquement vasculaire. Ils publièrent, les premiers, l’utilisation du microscope opératoire binoculaire pour réaliser les anastomoses vasculaires de petit calibre, [3] ‘‘ Mieux voir permet de faire mieux ’’.

LA MICROCHIRURGIE VASCULAIRE

La microchirurgie vasculaire est une technique qui consiste à anastomoser à l’aide d’optiques grossissantes (microscope opératoire ou lunettes grossissantes), les vaisseaux du transplant libre avec les vaisseaux du site receveur.

L’intérêt pour les techniques de microchirurgie vasculaire n’a pas été vif au début :

c’est maintenant une technique incontournable dans un grand nombre d’opérations innovantes.

Plusieurs techniques de micro-anastomoses ont été décrites :

LA MICROCHIRURGIE VASCULAIRE MANUELLE AU FIL est la plus habituelle et aussi la plus ancienne.

Elle nécessite :

— Le microscope opératoire — Les instruments de microchirurgie : porte aiguille, pinces microchirurgicales, double clamp vasculaire, fils fins : 9-0 ou10-0.

LA TECHNIQUE D’INTUBATION consiste à intuber deux vaisseaux l’un dans l’autre pour réaliser l’anastomose, grâce à trois fils en U. Elle n’est possible que pour les artères.

LA MICROANASTOMOSE AVEC LE LASER Le laser CO2 réalise une adhérence des structures cellulaires et non une brûlure. La technique nécessite un laser CO2 et l’application de trois points de suture.

LA MICROANASTOMOSE UTILISANT LA COLLE BIOLOGIQUE Les deux vaisseaux doivent être suturés par trois points. La suture est alors encollée avec de la colle biologique. Le risque d’introduire de la colle dans la lumière vasculaire est important, avec pour conséquence la thrombose de l’anastomose.

LE SYSTEME M.A.S. (MICROVASCULAR ANASTOMOSIS SYSTEM) Pour éviter l’entraînement et l’investissement en temps, certains chirurgiens ont essayé de réaliser facilement des anastomoses par des moyens mécaniques : chaque extrémité vasculaire est intubée dans une bague et les deux bagues sont connectées l’une à l’autre.

Les inconvénients sont importants : taux d’anévrysmes élevé (50 %) et coût prohibitif du matériel.

LES MICRO-AGRAFES NON TRANSFIXIANTES ont été mises au point en 1996.

La technique nécessite une aide opératoire et une pince spéciale à inversion. Elle utilise aussi des points de suture pour affronter les parois vasculaires. Le matériel et très coûteux et à usage unique.

Au total, la technique de micro-anastomose vasculaire manuelle, et utilisant du fil, reste actuellement irremplaçable.

Elle présente le meilleur rapport qualité-coût. Un long entraînement préalable avec un investissement en temps important est indispensable.

L’application directe des progrès de la microchirurgie vasculaire est la réalisation des transplants libres pour la reconstruction de perte de substance importante et complexe.

SEIDENBERG en 1959 réalisa le premier transplant de jéjunum pour reconstruire l’œsophage cervical [4].

BUNCKE reconstruisit un scalp en 1972 à l’aide d’un transplant d’épiploon [5].

Dès 1975, les transplants tissulaires devinrent des techniques validées, tel le transplant inguinal, de péroné, de crête iliaque.

LES APPLICATIONS DES TRANSPLANTS LIBRES

La première application est de reconstruire les pertes de substance tissulaire localisées ; à l’extrémité cervico-céphalique et particulièrement en ORL : l’hypopharynx, l’étage moyen et l’étage inférieur de la face ; au niveau digestif : l’œsophage cervical
et thoracique ; au niveau des membres : les pertes de substance osseuse tant chez l’enfant que chez l’adulte, les lésions musculaires.

L’origine de ces lésions peut être carcinologique et nécessitera les résections appropriées en particulier les curages ganglionnaires. Elle peut être traumatique, congé- nitale, accidentelle (caustique).

La deuxième application est de reconstruire les pertes de substance multiples et multitissulaires, par exemple la reconstruction simultanée de la mandibule et de l’hypopharynx MON EXPÉRIENCE EN MICROCHIRURGIE

Mon activité étudiée entre 1976 et 2002 porte sur 821 malades, avec 839 transplants.

L’âge moyen des malades était de 51 ans (entre 2 ans et 90 ans). Il y avait 563 hommes et 258 femmes.

Le nombre de patients présentant un cancer était de 797, et le nombre de patient ayant une lésion bénigne était de 24 cas.

La majorité des patients a bénéficié d’une reconstruction immédiate après le temps d’exérèse (97 % des cas). Dans 3 % des cas, la reconstruction a été secondaire dans un deuxième temps après l’exérèse.

La localisation où les patients (n = 821) ont reçu le transplant était :

— l’extrémité cervico-céphalique, n = 674 — le tronc et les seins, n = 37 — les membres inférieurs, n = 76 — les membres supérieurs, n = 34 Au total, 839 transplants ont été réalisés :

— 804 patients ont reçu un seul transplant (n = 804 transplants) — 13 patients ont reçu d’emblée deux transplants au cours du même temps opératoire (n = 26 transplants) — 1 patient a eu d’emblée trois transplants dans le même temps opératoire (n = 3 transplants) — 3 patients ont eu un premier transplant qui a échoué puis une réintervention dans les jours suivants avec un deuxième transplant identique (n = 6 transplants) — soit au total 839 transplants : le tableau 1 précise la nature des transplants dans chaque type d’intervention.

Les transplants utilisés (n=839) étaient — le jéjunum, n = 412 — le transplant de péroné, n = 129 — le transplant antébrachial, n = 86

TABLEAU 1. — Nature des transplants utilisés selon la topographie — le transplant de grand dorsal, n = 65 — les transplants scapulaires, crête de l’omoplate avec les palettes cutanées ortho et parascapulaire, n = 58 — le transplant de grand épiploon, n = 55 — et des transplants divers, n = 34.

Mon expérience a évolué en 2 phases :

— les 15 premières années ont eu pour but d’améliorer le taux de viabilité des transplants et de chercher de nouveaux sites de transplant.

— les 10 années suivantes ont eu pour but de sélectionner un nombre limité et fiable de transplants (six) et d’améliorer les résultats fonctionnels et morphologiques des malades.

Nous avions présenté en 1995 notre expérience du transplant de jéjunum après pharyngolaryngectomie circulaire pour cancer [6] puis en 1996 la reconstruction des os longs chez l’enfant par péroné vascularisé [7].

DEUX EXEMPLES CARACTÉRISTIQUES

Deux affections, l’une cancéreuse, l’autre caustique vont illustrer mon expérience.

Monsieur IOV…, né le 27/03/1952 est adressé en février 1997 pour tuméfaction du palais dur, sur la partie gauche.

Le scanner montrait une tumeur à ce niveau avec extension vers le maxillaire gauche et la cloison intersinuso nasale gauche. Les biopsies prouvaient l’existence d’un cylindrome de l’hémivoute palatine gauche dépassant la ligne médiane, obligeant à une très large exérèse de l’infrastructure (figure 1a).

Après bilan comportant scanner, imagerie par résonance magnétique, écho-doppler des vaisseaux cervicaux, l’exérèse carcinologique était réalisée le 18/03/1997 avec curage ganglionnaire.

La reconstruction du palais était faite par un transplant libre scapulaire composé.

La crête de l’omoplate reconstruisait le maxillaire supérieur et la palette cutanée attenante para-scapulaire vascularisée par le même pédicule vasculaire sous scapulaire, reconstruisait la face endo-buccale du palais et la lèvre supérieure (figure 1b).

Le transplant était revascularisé sur les vaisseaux faciaux. Les suites opératoires étaient normales et la reprise d’alimentation liquide se faisait dès le lendemain de l’intervention.

Le patient a quitté le service 16 jours après l’intervention. Sept mois plus tard, un dégraissage de la partie antérieure de la palette cutanée était réalisée, permettant l’exérèse de tissu adipeux sur une hauteur de 15 mm. Deux implants ostéo-intégrés ont été placés (figures 1c, 1d).

Le résultat esthétique et fonctionnel est jugé très bon avec élocution, mastication et déglutition normales (figure 1e).

Revu régulièrement, tous les trois puis tous les six mois, le patient est contrôlé au plan carcinologique. Il a repris son travail neuf mois après l’intervention.

L’enfant ART… Sébastien, âgé de 6 ans, avait dégluti accidentellement de la soude caustique à usage ménager en mai 1978. Il s’en suivait une sténose totale de l’œsophage thoracique, entraînant une dysphagie complète. Une gastroplastie rétrosternale était réalisée. Mais six mois plus tard apparaissait une sténose de la plastie gastrique pédiculée et de l’anastomose oesogastrique nécessitant l’alimentation par gastrostomie (figure 2a et b).

L’artériographie expliquait la nature ischémique de la sténose par thrombose de l’artère gastro-épiploïque gauche.

L’enfant présentant une recto-colite ulcéro hémorragique, la seule possibilité était de pratiquer une reconstruction de l’œsophage par transplant libre de jéjunum, vascularisé sur les vaisseaux cervicaux. L’intervention était réalisée en février 1979.



Le transit postopératoire à la gastrografine montrait un bon fonctionnement du transplant jéjunal (figure 2c et d). L’enfant retrouvait toute sa joie de vivre et s’alimentait par la bouche (figure 2 e). Par la suite, l’enfant reprenait une vie scolaire, puis professionnelle et sociale normale. Revu 23 ans plus tard, il mène une vie strictement normale.

La surveillance post opératoire de la viabilité des transplants a comporté l’observation clinique, l’examen doppler et les sondes thermiques, la fibroscopie pour les transplants profonds. Ce sont des interventions complexes et de longue durée, car elles sont réalisées après des exérèses importantes suivies de reconstruction.

Un traitement anticoagulant est systématiquement réalisé en peropératoire et en postopératoire. L’héparine initialement utilisée a été abandonnée en raison de la fréquence élevée d’hématomes.

Depuis 1997 nous utilisons exclusivement les Héparines de bas poids moléculaire.

Les transplants musculaires (grand dorsal) comporte un nerf moteur. Nous le suturons à un nerf moteur receveur lorsqu’une mobilité est nécessaire, comme par exemple la reconstruction de la langue.

Certains transplants fascio-cutanés, tels le transplant ante-brachial qui comporte l’aponévrose de l’avant-bras, la peau, et le pédicule vasculaire radial, comporte un nerf sensitif, ici le nerf musculo-cutané. Ce nerf est aisément suturé à un nerf sensitif receveur en particulier à une branche du plexus cervical superficiel pour l’extrémité cervico-céphalique. Cette réinnervation sensitive a deux buts : rôle trophique du transplant et sensibilité de protection.

RÉSULTATS

Le taux global de viabilité des transplants était de 95,5 %.

Dans ces cas et en cancérologie, aucun retard aux traitements complémentaires n’a été observé, radiothérapie ou chimiothérapie.

Dix pour cent (n = 83) des anastomoses vasculaires ont été recommencées immé- diatement en peropératoire car jugées imparfaites, et la majorité a été sauvée (n = 71). Il s’agissait dans ces cas d’anastomoses artérielles. Les critères étaient la disparition ou la diminution du pouls dans l’artère du transplant, éventuellement confirmées par examen Doppler peropératoire, et la pâleur du transplant. La majorité des patients avaient une athéromatose ou une artérite post-radique.

Dans trois cas de transplants fascio-cutanés les anastomoses ont été recommencées tardivement 12 heures plus tard avec succès. Il s’agissait dans ces cas de thrombose veineuse caractérisée par la couleur bleutée du transplant ; l’anastomose artérielle était perméable.

La fiabilité de la technique est assurée par la qualité des anastomoses microvasculaires et la suture micro-chirurgicale ne peut être réalisée que par des experts.

Les complications (32 %) ont comporté trois décès postopératoires (0,36 %) (hémorragie et perforation d’ulcère gastrique, accident vasculaire cérébral, pneumopathie sévère).

En cas de nécrose des transplants (4,5 % des cas), seuls trois patients ont bénéficié d’une reconstruction par le même type de transplant. Les autres patients ont eu une reconstruction par un lambeau pédiculé myocutané avec un résultat souvent médiocre.

Parmi les 38 cas de nécrose des transplants, 15 sont survenus en terrain irradié avec une dose de 65 Grays. La durée moyenne d’hospitalisation était de 20 jours et seulement 10 % des patients sont restés hospitalisés plus d’un mois. Les complications postopératoires ont été habituellement bénignes (27,1 %) et souvent associées.

DISCUSSION

L’utilisation des transplants libres est devenue incontournable. Deux phases se sont succédées : de 1975 à 1990, le but majeur des chirurgiens était d’améliorer le taux de viabilité des transplants. Depuis 1990 l’objectif est d’améliorer les résultats morphologiques et fonctionnels chez les opérés et de sélectionner un nombre limité et fiable de transplants.

— Ainsi HARASHINA en 1988 rapportait une série de 200 transplants libres avec 75 % de succès durant les 3 premières années de son étude et 95 % de succès au cours des 10 années suivantes [8]. Il attribuait cette réussite à la sélection des sites donneurs et au progrès des techniques de microchirurgie.

— JONES en 1996 rapportait un taux de succès de 91 % sur 305 transplants libres pour l’extrémité cervico-céphalique [9].

— Deux autres séries récentes (SCHUSTERMAN [10] et KROLL [11]) rapportaient un taux de succès de 95 et 96 % sur des séries de 308 et 854 transplants libres. En 1998 HIDALGO sur une série de 716 transplants rapportait un taux de succès de 98 % concernant la viabilité [12].

Malgré les améliorations dans les taux de viabilité des transplants libres, aucun chirurgien n’a obtenu à ce jour 100 % de succès.

Deux facteurs sont décisifs dans l’amélioration des résultats :

— la technique micro chirurgicale a été améliorée en utilisant des vaisseaux de large calibre (2 à 3 mm), en évitant les pontages vasculaires qui augmentent le risque de thrombose. La suture manuelle et au fil reste la technique de référence.

— le nombre des transplants libres est sélectionné et se limite à six variétés pour reconstruire la majorité des pertes de substance.

— Les critères d’un transplant idéal ont peu évolué. Les principales qualités exigées sont : une anatomie vasculaire constante, un prélèvement simple, une adaptation au site receveur et une morbidité acceptable du site donneur.

— L’époque actuelle de la microchirurgie vasculaire est caractérisée par un taux élevé de viabilité, la clarification des indications, les choix des transplants tissulaires permettant les meilleurs résultats fonctionnels et esthétiques.

Il faut distinguer cependant plusieurs situations où un transplant libre unique est insuffisant.

— Pour les pertes de substance massives ou multiples, en particulier intéressant l’étage moyen de la face, les transplants libres multiples sont indiqués. La combinaison du transplant ostéo-septo-cutané de péroné et d’un transplant fascio-cutané ou un transplant musculo-cutané sont utiles à l’étage moyen ou à l’étage inférieur de la face.

— Une autre possibilité est d’associer un transplant ostéo-cutané avec un lambeau myocutané pédiculé de grand pectoral à l’extrémité cervico-céphalique.

— Le traitement d’une récidive néoplasique chez un patient déjà reconstruit par un transplant libre est une préoccupation. Chez de tels patients, les mêmes résultats peuvent être obtenus avec des transplants similaires au premier, lors d’une deuxième reconstruction [13].

— L’échec d’un premier transplant libre est presque toujours l’indication pour réaliser un autre transplant libre [14] et celui-ci est habituellement du même type que le premier sauf en cas d’infection locale [15] Nous préférons de loin la reconstruction primaire par transplant libre, immédiatement après l’exérèse plutôt que la reconstruction secondaire où les phénomènes de rétraction sont habituels. Dans de tels cas les résultats sont imparfaits.

Un autre aspect concerne la reconstruction de la mandibule ou du maxillaire par transplant osseux vascularisé. Cela permet d’obtenir une reconstruction morphologique, mais celle-ci n’est achevée que par la mise en place d’implants ostéointégrés qui permettent une réhabilitation complète des patients.

Le coût élevé de ces interventions est justifié par la bonne qualité de vie apportée à ces patients.

— L’avenir est à mon avis dans la disponibilité multi-centrique du micro-chirurgien qui se déplacera dans les hôpitaux ne nécessitant pas un spécialiste à temps plein, sous réserve de pouvoir surveiller les opérés.

Ainsi et c’est notre cas, il est souhaitable de faire appel à un microchirurgien très entraîné et polyvalent qui se déplace dans les différents services proches et qui feront appel à lui.

En effet l’étape essentielle de la microchirurgie est d’obtenir la viabilité des transplants.

La microchirurgie est une technique bien particulière qui nécessite un entraînement préalable long avec un investissement en temps important.

Surtout cette technique nécessite une pratique régulière. Les indications de la microchirurgie ne sont pas quotidiennes pour la reconstruction des grandes pertes de substances. Le recours à des microchirurgiens bien entraînés, ayant un taux élevé de viabilité des transplants est une nécessité.

— L’enseignement de la microchirurgie est une de nos préoccupations majeures.

Notre but est de multiplier les enseignements, en nombre, en durée, avec évaluation itérative :

• Enseignement théorique de la microchirurgie réalisé par les experts, dans chaque discipline avec des moyens audiovisuels.

• Enseignement des principaux transplants utilisés avec dissection en salle d’anatomie.

• Enseignement pratique avec manipulation des petits animaux : rats et souris, et réalisation de micro anastomoses vasculaires et de transplants. L’entraînement doit être excellent.

• Enseignement spécifique de la microchirurgie de la main, microchirurgie courante par des cours et des dissections en salle d’anatomie.

Outre ces enseignements théoriques et pratiques, il est indispensable que les étudiants aient un accès facile au bloc opératoire et à un service clinique de microchirurgie, formateur, réalisant deux à trois transplants par semaine.

— Le contexte de la microchirurgie :

• Les transplants libres sont réalisés dans le contexte d’une chirurgie très large et agressive en cancérologie.

La reconstruction par transplant libre est réalisée dans le même temps opératoire pour des raisons esthétiques ou fonctionnelles. Cette chirurgie impose deux équipes chirurgicales entraînées qui travaillent simultanément et une équipe d’anesthésie.

Cette chirurgie est très particulière, avec une longue durée de l’intervention — nécessité de prévention des escarres, de l’hypothermie — complexité de l’intervention — nécessité de maîtriser l’hypotension contrôlée et de surveiller le traitement anticoagulant.

• Des précautions sont à prendre :

Il ne faut pas mettre en jeu le pronostic vital du patient pour le seul résultat fonctionnel ou esthétique, et il faut peser les avantages et les inconvénients de la reconstruction par transplant libre.

En cas de lésions vasculaires par radiothérapie ou post-tabagique, ou en chirurgie de rattrapage, il faudra être très prudent dans l’indication opératoire.

• Les informations au malade.

Il faut prévenir le malade et sa famille du risque vital, du risque de l’échec possible du transplant, des complications possibles.

Le patient doit être bien informé que après transplant libre, il sera amélioré par rapport à la non reconstruction mais ne sera jamais aussi bien que l’état normal.

Pour l’information de la technique elle-même, des explications simples aidées d’un schéma sont généralement suffisantes.

En postopératoire immédiat, les opérés séjournent dans la majorité des cas en service de réanimation, pour une surveillance chirurgicale précise mais la ventilation assistée est rarement nécessaire.

CONCLUSION

Dans ce travail, nous avons illustré deux exemples de transplants libres en cancérologie et pour lésions bénignes. Dans notre pratique, six types de transplants libres permettent de résoudre 96 % des reconstructions micro chirurgicales des grandes pertes de substance dans des spécialités très différentes. Les micro anastomoses vasculaires sont simplifiées et utilisent des vaisseaux de gros calibre (2 à 3 mm), et préférentiellement des anastomoses termino-terminales réalisées à points séparés.

Les pontages vasculaires par greffons veineux doivent être utilisés avec parcimonie, car ils augmentent le risque de thrombose.

Les techniques de surveillance des transplants sont efficaces, examen clinique et doppler. Notre préoccupation principale est la qualité de vie des opérés. Avec les transplants libres, le bon résultat morphologique, fonctionnel, et esthétique est la règle, avec une amélioration incontestable de la qualité de vie des malades.

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DISCUSSION

M. Jean DUBOUSSET

Existe-t-il une place pour un technicien non médecin dans la réalisation des actes microchirurgicaux ? Quel est le meilleur moyen pour connaître la vascularisation du transplant du péroné, lorsqu’il y a une raquette cutanée et lorsqu’il n’y a pas de raquette cutanée.

Existe-t-il une ré-innervation des transplants libres qui n’ont qu’une anastomose vasculaire et par quelles voies s’effectue-t-elle s’il y’en a une ?

Il existe, dans les laboratoires de microchirurgie, des techniciens très habiles capables de réaliser des micro-anastomoses vasculaires chez l’homme. La réponse théorique est oui :

l’acte technique isolé des micro-sutures elles-mêmes est réalisable par un technicien non médecin, à plusieurs conditions : qu’il y ait consentement éclairé du patient, et qu’un micro-chirurgien surveille le champ opératoire de façon à être prêts à intervenir immé- diatement en cas de difficulté per-opératoire, et à rester responsable de l’intervention.

Toutefois, le prélèvement des transplants, le choix et la préparation des vaisseaux receveurs ainsi que l’installation microchirurgicale ne peuvent que demeurer l’apanage d’un microchirurgien. Le technicien de laboratoire joue un rôle essentiel dans l’apprentissage technique de la microchirurgie par sa présence permanente au laboratoire et
l’encadrement qu’il assure pour guider la progression des chirurgiens. La surveillance de la vascularisation des transplants osseux demeure difficile. Lorsqu’il y a une palette cutanée et qu’elle est bien viable, l’os péroné est toujours bien vascularisé. En revanche, lorsque la palette cutanée nécrose, l’os péroné peut quand même rester bien vascularisé, s’il y a eu défaut technique de prélèvement de la palette cutanée sans ses petites artères perforantes septo-cutanées restées dans la partie externe du muscle soléaire non prélevé.

Lorsqu’il n’y a pas de palette cutanée et que le transplant osseux est superficiel (ex. :

reconstruction de mandibule), le Doppler transcutané permet de suivre l’artère et la veine du transplant d’un bout à l’autre. Quand le transplant osseux est profond, on dispose de méthodes de surveillance non invasives mais peu répétitives pratiquement : l’échodoppler, réalisé à trois niveaux du transplant, ainsi que l’angiographie numérisée, peuvent renseigner sur la perméabilité du pédicule vasculaire, la scintigraphie osseuse, habituellement réalisée au 8ème jour post-opératoire, montre indirectement la vitalité de l’os. Un transplant libre n’ayant eu que des anastomoses vasculaires ne peut pas récupé- rer une innervation. Mais quand un transplant libre possède un nerf sensitif facilement utilisable, nous recommandons de l’anastomoser à un nerf sensitif de la région réceptrice, afin d’obtenir un rôle de protection et de meilleure trophicité.

M. Philippe VICHARD

Nous avons assez souvent observé des fractures du péroné transféré. Je voudrais donc recueillir votre opinion sur la fréquence, le mécanisme et le traitement de ces fractures.

La fracture du transplant de péroné vascularisé est la complication la plus fréquente :

30 % dans notre série, principalement par fracture de fatigue. Elle est indolore et peut passer inaperçue car le péroné transplanté n’est pas ré-innervé. Elle intéresse le plus souvent les longs transplants (30 cm). Ces fractures ont toutes consolidé après traitement orthopédique, entraînant un épaississement par cal osseux du péroné, bénéfique à long terme.

M. Michel ARSAC

L’utilisation post-opératoire de l’exploration du pédicule vasculaire à l’aide du Doppler a été mentionnée. L’auteur nous précisera à quelle période post-opératoire et avec quelle fréquence ?

La surveillance post-opératoire des vaisseaux des transplants est faite systématiquement dans notre expérience avec l’examen Doppler. Il est réalisé en fin d’intervention puis toutes les 30 minutes pendant 12 heures, période la plus critique de survenue des thromboses. L’examen Doppler est ensuite réalisé toutes les 6 heures pendant quelques jours. Le Doppler de poche, léger, muni d’écouteurs, est bien adapté à cette surveillance.

M. Henri LACCOURREYE

Quelles sont vos motivations de transferts de jéjunum ? Quelle est votre attitude vis-à-vis des aires ganglionnaires ? Quels sont vos résultats carcinologiques ?

Le jéjunum reste un transplant tubulaire naturellement adapté au remplacement de l’entonnoir pharyngé avec une partie de l’œsophage cervical. Dans cette indication, la
simplicité constatée des suites opératoires avec reprise rapide de la déglutition au 9ème jour, l’absence de sténose secondaire ainsi qu’une meilleure qualité de cicatrisation et de déglutition par rapport aux reconstructions par lambeaux pédiculés, motivent le choix du jéjunum pour cette reconstruction. Et par rapport aux segments digestifs pédiculés (gastrique ou colique), les suites opératoires d’un prélèvement de jéjunum sont plus simples. Lors des transplants de jéjunum pour cancer de l’hypopharynx, nous réalisons de principe un évidement complet radical modifié bilatéral avec évidement récurrentiel bilatéral, suivis de radiothérapie post-opératoires à 60 grays ou davantage. Dans notre série de transplants de jéjunum pour cancer, le taux de survie à 3 ans était de 40 %, et à 5 ans de 36 %, ce qui justifie de donner une bonne qualité de survie à ces patients.

M. Yves CHAPUIS

Ma question concerne les transplants libres de jéjunum, soit près de la moitié des 821 opérés.

C’est pourquoi le taux global à mortalité de 0,36 % me paraît remarquable. Cette mortalité concernait-elle ce type de transplant libre ? Combien de nécrose ou ischémie de ces segments du jéjunum ont été observées ? Quels étaient les moyens de surveillance de ces tubes intestinaux cervicaux ou thoraciques supérieurs profonds et donc peu accessibles ?

Le taux de mortalité de 0,36 % était établi sur les 839 transplants réalisés ; l’analyse des cas révèle qu’il ne concerne en fait que les transplants de jéjunum, soit un taux de mortalité, pour le jéjunum, de 0,73 % (hémorragie par perforation d’ulcère gastrique, accident vasculaire cérébral, pneumopathie sévère). Le taux de nécrose des transplants de jéjunum était de 4,6 %. La surveillance des transplants de jéjunum dans notre expérience a été réalisée par l’examen clinique : fièvre élevée, couleur de la salive, aspect de la peau du cou ; l’examen Doppler qui permet de surveiller l’artère et la veine du transplant —la fiabilité n’est pas parfaite en raison de l’abondance de la vascularisation du cou ; l’examen au nasofibroscope, commode au lit du patient, en prenant soin d’aspirer le liquide pharyngé (salive et sécrétion jéjunale). Il montre directement l’aspect de la muqueuse jéjunale et s’avère l’examen de choix. La surveillance par sonde intrajé- junale thermique posée en per-opératoire a été abandonnée car elle reflétait la température centrale et non celle du transplant. D’autres techniques, comme l’électromyogramme du jéjunum, restent encore du domaine expérimental.

M. Jean NATALI

Vous nous avez parlé de la surveillance post-opératoire des transplants. Dans mon expé- rience de cette chirurgie, j’avais été frappé par le fait que l’occlusion veineuse était plus à redouter que l’occlusion artérielle, est ce aussi votre avis, quelle est la conduite à tenir dans ces cas : ré-intervention ? Et quel est le pourcentage de succès ?

Sur les 839 transplants réalisés, 38 nécroses sont survenues (4,5 %). Les thromboses artérielles certaines (N = 12) ont concerné des anastomoses déjà recommencées en per-opératoire, car jugées imparfaites alors ; la majorité avait de l’athéromatose ou une artérite post radique. A noter que 71 autres cas de reprise per-opératoire de thrombose artérielle ont été suivis de succès. Les thromboses veineuses certaines (N = 5) ont concerné pour trois cas des transplants fascio-cutanés avec ré-intervention tardive à 12 heures et sauvetage du transplant par reprise des anastomoses veineuses, et pour deux cas le jéjunum, avec infarcissement ayant nécessité la détransplantation, avec reconstruc-
tion secondaire l’un par lambeau pédiculé et l’autre par un deuxième transplant de jéjunum. Dans les 21 cas restants, soit il a été difficile de préciser l’origine de la nécrose, parfois double artérielle et veineuse, soit elle n’a pas été notée par l’opérateur, et la réintervention systématique a conduit à l’ablation du transplant.

M. Denis PELLERIN

En m’excusant de faire un commentaire, plutôt que de poser une question, je voudrais me limiter à souligner les résultats obtenus par M. Germain dans la réfection du visage abîmé par la chirurgie nécessairement mutilante de certains cancers, mais aussi dans quelques autres indications, hors cancers. Comme vous le savez, j’ai été amené ces jours derniers à exprimer les plus expresses réserves sur les ambitions de certains, dont celle de recourir à l’Allo Transplantation du visage fantasme exploité par les medias sous le nom de « greffe de visage ». Ce faisant, j’ai été constamment inspiré par la connaissance que j’avais de l’expérience de M. Germain et de spécialistes de la chirurgie réparatrice et reconstructive qui obtiennent aujourd’hui d’admirables résultats avec les Auto Transplantations composites (y compris osseuse), sans qu’il soit nécessaire de recourir au traitement immunosuppresseur à vie, dont on connaît les exigences et la gravité. La « greffe de visage » par allo Transplantation ayant été préconisée dans la chirurgie tumorale de la face n’a pas aujourd’hui de justification. L’auto-transplantation reconstructive immédiate du visage apporte un apaisement très appréciable aux conséquences de la mutilation chirurgicale chez un patient dont, hélas, l’expérience de vie est très limitée.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 3, 441-458, séance du 16 mars 2004