Communication scientifique
Séance du 4 avril 2006

Les syndromes coronariens aigus chez le sujet âgé

MOTS-CLÉS : angor instable. cardiopathies ischemiques. infarctus du myocarde. revascularisation myocardique.
Coronary syndromes in the elderly
KEY-WORDS : angina unstable. coronary diseases. myocardial infarction. myocardial revascularisation.

Jean-Paul Bounhoure, Didier Carrié, Jacques Puel

Summary

Acute coronary syndromes (ACS) are frequent in the elderly and carry a poor prognosis. Severe coronary artery disease, frequent comorbidity, late diagnosis, and treatments themselves are responsible for high morbidity and mortality rates. Reluctance to treat elderly patients with new mechanical or chemical revascularization techniques is due to the higher risk profile. ACS may or may not be accompanied by ST elevation : STEMI corresponds to acute myocardial infarction before myocardial necrosis, while non STEMI corresponds to unstable angina and subendocardial necrosis. Despite the high incidence of STEMI in the elderly, older patients have been excluded from large randomized trials. Chemical and mechanical reperfusion are the two recommended treatments for patients hospitalized before the 6th hour. Intravenous thrombolysis is the most common strategy : it offers a 26 % reduction in mortality compared to conventional treatment, but carries a higher risk of brain hemorrhage than in younger patients. In high-throughput centers with experienced cardiologists, primary angioplasty seems to be the optimal strategy, with fewer deaths and recurrent ischemia. Two approaches are possible for NST-ACS : conservative or interventional. The latter includes medical treatment, early coronarography and revascularization by angioplasty or surgery. This strategy, combined with aspirin, clopidogrel, and glycoprotein II B/IIIa receptor inhibitors, offers a larger absolute reduction in the 30-day major adverse clinical event rate than conservative management. Dedicated randomized trials are needed to provide a more thorough picture of ACS management in the elderly.

L’âge est reconnu comme un facteur de risque prépondérant dans le développement de l’athérosclérose et la prévalence de l’insuffisance coronaire, aiguë ou chronique, augmente régulièrement à partir de 70 ans. Cette pathologie se répartit alors également entre les deux sexes et la prédominance masculine de l’athérosclérose coronaire disparaît surtout chez les patients de plus de 75 ans [1-2]. Les aspects cliniques des différentes formes de la maladie coronaire à cet âge ont quelques traits caractéristiques :

— l’angine de poitrine et l’infarctus du myocarde sont souvent atypiques : l’angor d’effort classique est moins courant, l’ischémie silencieuse fréquente, les formes masquées par une sémiologie d’emprunt prédominent, causes de retard dans le diagnostic et le traitement.

— les pathologies associées, hypertension artérielle, diabète, insuffisance cardiaque diastolique, insuffisance rénale, pneumopathies chroniques, favorisent les complications et peuvent rendre le traitement difficile.

— le sujet âgé présente souvent des infarctus du myocarde sans onde Q, des infarctus avec sous décalage du segment ST, sous endocardiques, évolutifs et récidivants, dont le traitement est encore mal codifié.

— l’extension des lésions coronaires, l’étendue de la masse nécrosée, une prise en charge tardive, prédisposent à l’insuffisance cardiaque et aux complications mécaniques qui grèvent lourdement le pronostic.

— jusqu’à ces dernières années, une certaine réticence du corps médical à entreprendre des explorations sanglantes, des thérapeutiques agressives, réduisaient l’indication des techniques de reperfusion.

Tout ceci explique le pronostic médiocre des syndromes coronariens aigus, et chez l’octogénaire, la mortalité hospitalière est élevée, multipliée par trois ou quatre, pouvant atteindre 30 % alors qu’elle se situe actuellement autour de 8 % pour des patients d’âge inférieur à 60 ans. Mais cette surmortalité est-elle la seule consé- quence des effets délétères de la sénescence ou résulte t-elle d’un traitement plus conservateur, moins agressif, fondé sur un faible pourcentage de revascularisations urgentes ? Le retard du diagnostic, les indications moins fréquentes de la coronarographie, de la thrombolyse, de l’angioplastie, de la chirurgie coronaire ne rendentelles pas compte de la morbidité élevée et de la surmortalité ?

Nous centrerons notre étude sur les syndromes coronariens aigus (SCA) en distinguant, selon les recommandations des sociétés savantes, les SCA avec sus décalage du segment ST (infarctus du myocarde en voie de constitution) et les syndromes sans sus décalage du segment ST, correspondant aux angors instables et aux infarctus sous endocardiques.

L’origine de ces syndromes est la fissuration ou la rupture d’une plaque d’athérome avec occlusion totale ou incomplète de l’artère par un thrombus.

Syndromes coronariens aigus avec sus décalage du segment ST et onde Q

Leur présentation chez un sujet âgé est éminemment variable et peut être atypique.

Des travaux récents montrent que le tableau caractéristique avec un syndrome douloureux thoracique intense et prolongé ne se rencontre que dans 40 à 45 % des cas et l’aspect clinique habituel est fréquemment masqué par une complication immédiate ou des signes trompeurs. Dans notre expérience, sur 72 cas d’infarctus du myocarde chez des patients d’âge supérieur à 80 ans la nécrose myocardique a réalisé dans 36 % des cas seulement le tableau clinique classique. Dans les autres cas l’infarctus a pris l’aspect soit d’un œdème aigu du poumon brutal (23 %), soit dans 13,6 % des cas d’une forme neurologique (accident vasculaire cérébral ischémique, épisode confusionnel ou syncope) soit dans 15 % des cas d’une forme digestive.

Dans 15 % des cas c’est une insuffisance cardiaque récente sans syndrome douloureux qui justifiant un électrocardiogramme a permis la découverte de l’infarctus [3].

Quelquefois l’infarctus est totalement silencieux soit à cause d’une neuropathie sensitive ou d’une augmentation du seuil nociceptif et c’est à l’occasion d’un électrocardiogramme systématique que l’on détecte la nécrose.

Au plan clinique l’examen constate fréquemment une arythmie complète ou un bruit de galop, surtout chez les patients atteints de cardiopathie hypertensive. La présence d’un souffle systolique ne signifie pas toujours une complication mécanique, insuffisance mitrale ischémique ou rupture septale et peut témoigner d’une lésion valvulaire aortique ou mitrale préexistante.

Les aspects électrocardiographiques sont variables et on peut constater :

— des altérations typiques évocatrices avec un grand sus décalage du segment ST de plusieurs mm dans au moins deux dérivations contigues, précédant l’apparition
de l’onde Q, et imposant une reperfusion urgente. L’onde Q pathologique (d’amplitude égale ou supérieure au 1/3 de l’onde R suivante et d’une largeur égale ou supérieure à 0,004 seconde) si une reperfusion rapide est instituée ne devrait plus apparaître.

— un bloc de branche gauche. Le bloc de branche gauche peut masquer les signes d’un infarctus antérieur avec une onde Q de faible voltage ou un simple crochetage de la branche ascendante de S dans les dérivations précordiales droites.

L’augmentation rapide de la troponine I ou T indique une ischémie sévère et implique des mesures thérapeutiques urgentes. Les altérations enzymatiques, habituelles, plus tardives confirment la nécrose, avec une élévation des taux de créatine phospho kinase CPK, et de son iso enzyme spécifiquement myocardique, CKMB.

Les élévations des taux de transaminases, SGOT et de la LDH sont tardives et moins spécifiques.

Le pronostic de l’infarctus est défavorablement influencé par le vieillissement et les sujets de plus de 80 ans sont des patients à haut risque. Montagne et coll. ont démontré que l’âge avancé était un facteur indépendant du pronostic, la mortalité hospitalière d’un infarctus constitué dépasse 20 % et 18 % de décès supplémentaires surviennent au cours de la première année de l’évolution [4]. Le sexe joue aussi un rôle et dans l’étude de Framingham, la mortalité hospitalière s’élève à 28 % dans le sexe féminin contre 16 % chez l’homme. D’autres études confirment cette surmortalité féminine chez les patientes de plus de 80 ans [5, 6].

Les complications sont favorisées par l’état myocardique antérieur, les pathologies associées, l’extension de la maladie coronaire, le retard dans la prise en charge thérapeutique et des indications plus réduites de la revascularisation. L’insuffisance cardiaque immédiate ou différée survient dans 40 à 60 % des cas. Les facteurs favorisants sont l’étendue de la masse musculaire nécrosée, la présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche et d’une fibrillation auriculaire qui altèrent le remplissage et la relaxation ventriculaire. Une atteinte coronaire multitronculaire, souvent une atteinte valvulaire, des troubles conductifs préexistants prédisposant à la désynchronisation intra et inter ventriculaire, favorisent son apparition. Un choc cardiogénique est la cause fréquente du décès soit après une complication mécanique, insuffisance mitrale ischémique ou rupture septale, soit après une rupture cardiaque. Une dissociation électromécanique après un infarctus aigu survient chez 35 % des patients après 70 ans versus 13 % avant 60 ans [7]. L’insuffisance rénale chez les diabétiques et chez les patients atteints de nephroangiosclérose est une cause de surmortalité. Elle peut être facilitée par les explorations iodées pratiquées sans préparation adéquate.

Les diverses techniques de reperfusions

Toutes les recommandations soulignent qu’une reperfusion doit être systématiquement envisagée chez les patients hospitalisés dans les douze premières heures. La
logique voudrait que ces sujets à haut risque bénéficient des thérapeutiques les plus éprouvées et les plus efficaces pour ouvrir rapidement l’artère coronaire en cause et réduire l’étendue de la nécrose. Hélas, en dépit de la gravité de l’infarctus avec sus décalage du segment ST chez les patients d’âge supérieur à 75 ans, la majorité des essais contrôlés évaluant les techniques de reperfusion mécanique ou chimique les ont exclus systématiquement. Ceux qui les ont inclus ne comportent qu’un faible pourcentage de patients d’âge supérieur à 75 ans. [8] Environ 5 à 7 % des patients de 75 à 85 ans sont traités par thrombolyse alors que l’on estime que 20 à 30 % pourraient être éligibles. Au-delà de 80 ans seulement 2 % des patients sont soumis à une tentative de reperfusion [9]. La sous-utilisation paraît liée à la crainte d’un risque accru d’accident hémorragique cérébral, et à une prise en charge au-delà de la douzième heure.

La forte comorbidité, le retard apporté à l’hospitalisation expliquent la faible utilisation des techniques actuelles. La proportion de patients éligibles pour une reperfusion diminue avec l’âge et passe de 64,8 % pour les patients entre 65 et 69 ans à 50,4 % entre 75 et 79 ans, 35 % entre 80 et 84 ans et 20 % après 85 ans [9].

Effets de la fibrinolyse par voie intra-veineuse

Elle demeure la stratégie de reperfusion la plus utilisée dans l’infarctus avec sus décalage du segment ST mais le risque hémorragique augmente avec l’âge, particulièrement avec les agents spécifiques de la fibrine [9]. Le « Fibrinolytic Therapy Trialist’s Group » met en évidence une réduction de mortalité : la fibrinolyse permet de sauver onze vies pour mille patients âgés de moins de 65 ans traités, et trente quatre vies pour mille patients traités quand l’âge est supérieur à 75 ans [10]. Dans l’essai GUSTO I la réduction de mortalité absolue la plus importante apparaît chez les patients dont l’âge est compris entre 65 et 85 ans. Par rapport à la streptokinase, l’utilisation de l’activateur tissulaire du plasminogène versus la streptokinase entraîne de meilleurs résultats mais au delà de 85 ans ce bénéfice s’estompe et la streptokinase s’avère plus efficace [11]. Toutefois comme le pourcentage de patients de plus de 85 ans inclus est très faible, les auteurs ne se permettent pas de recommander ce thrombolytique. Les nouveaux agents thrombolytiques, reteplase, tenecteplase, sont en évaluation. Cependant dans l’essai ASSENT 2, les auteurs constatent que la tenecteplase entraîne un pourcentage plus faible d’hémorragies cérébrales que l’activateur du plasminogène (8,33 vs 15,5 %) [12]. De plus en comparant les doses d’héparine à bas poids moléculaire utilisées ils rapportent que les faibles doses prescrites dans les essais ASSENT 2 et 3 entraînent moins d’hémorragies que dans ASSENT 1 [13].

Diverses études d’observation, non randomisées, ont soulevé des doutes sur la sécurité et l’efficacité de la thrombolyse après 70 ans. Le bénéfice à court terme de la thrombolyse, les rethromboses précoces et les risques d’hémorragie cérébrale réduisent l’intérêt de cette technique particulièrement chez les femmes de plus de 80 ans.

Bien qu’on observe un pronostic favorable après douze mois d’évolution quand le
vaisseau en cause a été reperméabilisé, aussi l’angioplastie de première intention a-t-elle de nombreux partisans.

Fibrinolyse versus angioplastie immédiate

Un nombre non négligeable de patients, après une fibrinolyse, n’a qu’une reperfusion incomplète, une sténose résiduelle persiste et les réocclusions sont fréquentes.

L’étude ISIS-2 trouve chez les patients traités par streptokinase un taux de mortalité à six semaines de 18,2 % chez les patients âgés de plus de 70 ans, quatre fois plus élevé que chez les patients de moins de 60 ans [14].

Une méta analyse de vingt deux essais randomisés comparant l’angioplastie à différents fibrinolytiques a montré que l’angioplastie diminue de manière supérieure la mortalité hospitalière, les récidives, les hémorragies cérébrales [15]. L’essai GUSTO- II b a montré avec l’angioplastie immédiate, chez les patients de plus de 70 ans, une plus faible mortalité à court terme [16]. La Primary Coronarography Angioplasty Study démontre aussi une efficacité supérieure de la revascularisation mécanique par rapport à la fibrinolyse chez les patients de plus de 70 ans [17].

Aucune étude randomisée n’a comparé l’angioplastie primaire au ballon versus l’implantation de stent chez le sujet âgé au cours de l’infarctus du myocarde. Une analyse de sous groupes à partir d’une étude américaine suggère que l’implantation de stent durant une angioplastie primaire est plus efficace pour réduire un critère combiné décès-événement cardiovasculaire majeur que l’angioplastie au ballon chez les sujets de plus de 65 ans (OR à 0,58, IC 95 % 0,38 à 0,85) [18].

Syndromes coronariens sans sus décalage de ST : angor instable, infarctus sans onde Q

La prise en charge des patients atteints de SCA sans sus décalage persistant du segment ST pose des problèmes difficiles. Ces patients, de plus en plus nombreux, sont des sujets à haut risque, pour lesquels l’attitude thérapeutique optimale est mal définie. Deux stratégies sont possibles : une stratégie conservatrice proposant un traitement médical à la phase aiguë et un test d’effort avant la sortie pour évaluer le risque ischémique et une stratégie dite interventionnelle. Celle-ci est appliquée dès qu’il existe au moins un marqueur de risque : élévation de la troponine, instabilité hémodynamique et électrique, diabète. Cette stratégie associe au traitement anti thrombotique complet (association d’aspirine, de clopidogrel, d’héparine, d’antiGP IIb/IIIa) avec des risques hémorragiques indéniables, la programmation précoce d’une coronarographie [19]. Une telle attitude peut elle s’appliquer sans réserve à des patients le plus souvent octogénaires ? Dans l’étude TACTICS- TIMI 18 trial, 90 % des patients de plus de 70 ans ont un score de risque élevé, supérieur à trois, contre seulement 63 % des patients d’âge inférieur à 65 ans [20], (présence d’un taux élevé de troponine, d’hypotension, de signes d’insuffisance cardiaque, avec variations fréquentes du sous décalage de ST). Une stratégie d’intervention précoce a réduit de
manière significative la mortalité par rapport au traitement conventionnel. Les patients âgés devraient donc bénéficier d’une stratégie d’intervention rapide, or l’analyse des registres montre qu’ils sont traités de manière moins « agressive » que les patients plus jeunes : moindre utilisation des anti GPIIb /IIIa, des bêtabloquants, peu d’indications de coronarographie et de revascularisation immédiate. Pendant une période de trois mois, un registre prospectif multicentrique régional français, (cinq services de cardiologie de l’Ouest) a comparé les diverses attitudes thérapeutiques pour les patients atteints d’un SCA, 126 patients âgés en moyenne de 79 ans ont été inclus. Les prescriptions à l’entrée comportaient de l’héparine des antiagré- gants plaquettaires dans 70 % des cas mais seulement dans 12 % un anti GP IIb IIIa.

Une angioplastie coronaire fut réalisée chez 82 patients, 11 patients ont été pontés et 31 furent soumis à un traitement médical. Trois complications majeures sont survenues chez les patients traités par angioplastie (un décès, deux accidents vasculaires cérébraux) comme dans le groupe traité chirurgicalement. Il n’y a pas eu de complication hémorragique majeure. Au sixième mois 6,5 % d’accidents graves ont été recensés pour les patients traités par angioplastie et 9,5 % pour le groupe de patients non revascularisés. Les auteurs concluent qu’une stratégie interventionnnelle est possible chez un patient a haut risque avec des résultats encourageants [21].

Les facteurs prédictifs d’événement cardiovasculaire dans ce type de SCA, en analyse statistique multivariée sont deux facteurs de risque, une stratégie attentiste, non interventionnelle, une élévation enzymatique à l’admission. Les essais TACTICS —TIMI 18 et GRACE font apparaître une réduction significative et importante du taux de décès et d’infarctus du myocarde pour les patients de plus de 75 ans soumis à une angioplastie, dans les 48 premières heures, (10, 8 % vs 21,6 % p= 0,001) [21-22]]. Dans ces études l’emploi d’un anti GP IIb/IIIa était constant. Ce bénéfice sur la prévention d’évènements cardio-vasculaires graves est contre balancé par un risque hémorragique accru qui doit être pris en compte dans l’option thérapeutique (16,6 % d’hémorragies vs 6,5 % dans le groupe médical) [22].

Chirurgie de pontage aorto coronaire

La mortalité et la morbidité péri-opératoire des techniques de pontage augmentent chez le sujet âgé en particulier quand ces patients sont en angor instable et qu’ils relèvent d’une chirurgie en urgence [23]. Les risques de complications rénales, neurologiques, l’extension des lésions coronaires, la fréquence d’une insuffisance cardiaque limitent les indications. Toutefois les progrès de la réanimation, la maî- trise croissante des chirurgiens font que les résultats actuels s’améliorent. Ce point sera détaillé dans l’article spécifique consacré à ce thème.

Traitements médicamenteux en dehors de la thrombolyse dans les différents types de SCA

Le traitement anticoagulant s’impose dès l’hospitalisation dans tous les types de SCA, l’héparine non fractionnée et les héparines de bas poids moléculaire étant
utilisées en fonction des habitudes des équipes. Le risque hémorragique, surtout intra cérébral, fait discuter l’association des antithrombotiques aux fibrinolytiques chez les patients très âgés. Les bénéfices et les risques des deux formes d’héparine, en association à divers fibrinolytiques semblent similaires. L’utilisation des antiGPIIbIIIa est controversée en association aux fibrinolytiques vu le risque élevé de complications hémorragiques mais l’abciximab associé à l’angioplastie primaire ne semble pas augmenter le risque d’hémorragie grave [17].

Les anti agrégants plaquettaires, aspirine et clopidogrel, sont recommandés dans les deux types de syndromes coronariens même au-delà de 75 ans. Les dérivés nitrés sont utilisés à la phase aiguë surtout s’il y a des signes de dysfonction ventriculaire gauche. Les bétabloquants dont l’effet de protection myocardique est bien démontré sont cependant prescrits avec réticence par les médecins à un patient d’âge avancé, malgré la réduction de mortalité qu’ils entraînent. Les effets secondaires sont particulièrement redoutés, surtout leur effet dépresseur sur la conduction auriculoventriculaire. Malgré l’absence de données spécifiques, les patients de plus de 70 ans ayant été exclus des essais cliniques, il est logique de les prescrire en respectant les contre-indications classiques. L’effet bénéfique des inhibiteurs de l’enzyme de conversion pour éviter le remodelage ventriculaire après un infarctus est largement démontré et l’étude GISSI 3 retrouve chez les patients de plus de 70 ans une réduction significative des décès et insuffisances cardiaques avec le lisinopril [24].

Les statines sont aujourd’hui utilisées dans les SCA et l’étude MIRACL permet d’observer, chez les sujets d’âge moyen de 63 ans, pour les patients traités par Atorvastatine une réduction de la mortalité et de la morbidité [25].

En conclusion, les différents types de SCA chez le sujet âgé posent toujours des problèmes thérapeutiques, ces patients n’étant pas inclus dans les essais cliniques randomisés et contrôlés. Toutefois pour les patients avec un sus décalage de ST et un infarctus en voie de constitution, une reperfusion coronaire s’impose. La stratégie fondée sur la thrombolyse intraveineuse ou angioplastie, faite par une équipe entraînée, rompue à cette technique est recommandée, si le patient est hospitalisé avant la sixième ou dixième heure. Le succès est à ce prix.

Pour les SCA sans sus décalage de ST, cadre complexe, correspondant à des lésions variables, on s’accorde à reconnaître la supériorité d’une approche interventionnelle pour réduire les récidives et la mortalité.

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DISCUSSION

M. Daniel LOISANCE

L’angioplastie coronaire impose un traitement anti-agrégant plaquettaire efficace et définitif. Ce traitement n’expose-t-il pas à un risque particulier chez le sujet âgé, souvent candidat à une intervention orthopédique ou urologique ?

L’angioplastie coronaire avec implantation de stent donne des résultats remarquables dans les SCA du sujet âgé. L’inconvénient de cette technique est qu’en effet les patients ainsi traités seront soumis à un traitement antiagrégant plaquettaire qu’il faudra interrompre au minimum cinq jours avant une intervention chirurgicale lourde (on peut poursuivre le traitement lors d’une intervention ou extraction dentaire). Cet inconvé- nient qui ne devrait pas être négligé, compte finalement peu dans les situations urgentes telle un infarctus aigu ou un angor instable sévère lors de la décision du cardiologue interventionnel.

M. Daniel COUTURIER

J’ai cru comprendre que les fibrinolytiques étaient plus utiles chez les sujets âgés atteints de syndrome coronarien aigus que chez les sujets jeunes. Est-ce en rapport avec la spécificité lésionnelle ?

Le temps qui m’était accordé ne m’a pas permis de détailler les résultats des grands essais contrôlés. La fibrinolyse est d’autant plus bénéfique qu’elle s’adresse à des patients à haut risque. La baisse relative de mortalité, d’après les statisticiens, est de 20 % dans les sous groupes analysés. Le bénéfice absolu, exprimé en nombre de vies épargnées est d’autant plus important que les patients ont un risque élevé. Pour 1 000 patients traités le nombre de vies sauvées est de 49 pour un infarctus antérieur grave, de 11 pour les patients de moins de 55 ans, de 37 pour les patients de plus de 70 ans. Le bénéfice du traitement est fonction du risque.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. ** Service de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil, 2, avenue J. Poulhes — Toulouse 31403. Tirés à part : Professeur Jean-Paul BOUNHOURE, même adresse. Article reçu et accepté le 27 mars 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, nos 4-5, 807-816, séance du 4 avril 2006