Communication scientifique
Session of 25 novembre 2004

Les racines périnatales et infantiles de la violence – Une piste pour la prévention

MOTS-CLÉS : adolescence. droits de l’enfant. enfance. périnatalité. prévention. violence.
Perinatal and infantile roots of the violence - An opportunity for prevention
KEY-WORDS : adolescence. childhood. perinatality. prevention. rights of childhood. violence.

Bernard Golse *

Résumé

Après quelques rappels des définitions respectives de la violence, de la haine et de l’agressivité, l’auteur évoque ensuite les différents types d’agressivité qui prennent place dans le cours du développement du bébé et du jeune enfant, et il souligne enfin le rôle du déni du droit à l’enfance et celui des ambiances dépressives (maternelle ou familiale) dans l’émergence ultérieure de la violence à la période de l’adolescence ou de la pré-adolescence. Cette vision des choses ouvre la porte à des possibilités de prévention en période périnatale qui devrait, désormais, constituer un véritable problème de santé publique.

Summary

The author first recalls the definitions of the concepts of violence, hatred and aggressivity, then underlines the different types of aggressivity which take place in the course of the life and development. Finally, the author points out the role of the current denial of a children’s right to « have time to be a child », and the role of depressive maternal or familial surroundings in the later emergence of violence during pre-adolescence and adolescence. This approach provides an opportunity for early prevention of adolescent violence, which constitutes a true public mental health problem.

INTRODUCTION

La violence à l’adolescence, ou durant la période de préadolescence, est un problème qui interroge évidemment nos sociétés sur de multiples plans.

Nous n’aborderons ici que le point de vue du clinicien, soit celui du pédopsychiatre qui, lorsqu’il est confronté à la question de la violence ou de la délinquance infanto-juvénile, se doit absolument de reconstruire l’histoire de ces difficultés au sein du trajet existentiel de ses patients.

Faute de quoi, le sens de la violence lui échappera à jamais et faute de quoi, les mesures de soin qu’il peut proposer ne pourront qu’être totalement déconnectées de toute mesure de prévention.

Il y a là, on le sent bien, un véritable problème de santé publique qui ne saurait échapper à personne.

Après avoir rappelé les principales définitions de la violence, de la haine et de l’agressivité, nous resituerons la place de l’agressivité dans le cours du développement avant d’envisager le rôle du déni du droit à l’enfance et des ambiances dépressives (maternelles et/ou familiales) dans le risque d’émergence de conduites violentes ultérieures.

QUELQUES RAPPELS MÉTAPSYCHOLOGIQUES

Pour s’en tenir à une conception métapsychologique, il est acceptable de dire que la violence, la haine et l’agressivité sont à inscrire dans le registre du pulsionnel, mais qu’elles sont à y situer différemment par rapport à l’objet d’une part, et par rapport à l’opposition corps/psyché, d’autre part.

La violence

La violence, comme l’a bien montré J. Bergeret [3], est à la fois pré-objectale, pré-oedipienne et pré-ambivalente.

En ce sens, elle est « fondamentale » et probablement fondatrice.

Il s’agit d’une problématique de survie permettant en quelque sorte « d’opter véritablement pour la vie » [15].

Intimement liée à la dynamique du narcissisme primaire, elle est naturelle, innée, nécessaire à la vie et à la survie de l’individu, mais aussi de l’espèce.

On rejoint là une conception de type éthologique bien développée par K. Lorenz [13] notamment. Retenons pour l’instant qu’elle ne vise, en fait, aucun objet particulier, qu’elle est une forme d’affirmation d’existence, qu’elle est pré-génitale, se situant en-deçà de la conflictualisation oedipienne et qu’elle est non érotisée, c’est-à-dire
sans intrication pulsionnelle particulière avec les mouvements sexuels d’amour et de haine.

Proche de la notion d’emprise, la violence dite fondamentale recouvre au fond un « besoin primitif de toute-puissance sous peine d’angoisse de mort » [3], et elle exprime en outre un besoin primitif s’actualisant sur un mode massif, somatopsychique et encore peu différencié.

La haine

Elle est également nécessaire, comme l’a bien souligné un auteur comme N. Jeammet [10].

Déjà plus objectale que purement narcissique, elle vise donc un objet mais selon que celui-ci se trouve plus ou moins différencié, on parlera de haine primitive ou de haine objectale qui forment les deux pôles extrêmes d’un gradient probablement continu.

La haine primitive porte sur un objet à forte valence narcissique, tel l’objet primaire (haïr une partie de soi-même) et, compte tenu de sa visée fantasmatique destructrice, elle se rapproche en fait de l’envie Kleinienne à l’égard du contenu maternel.

La modalité expressive prévalente de la haine se trouve être principalement psychique.

L’agressivité

L’agressivité, enfin, correspond peut-être à la version la plus agie de la haine, et de la haine dans sa valence la plus objecto-centrée.

L’acte agressif est en effet fondamentalement sexualisé et relationnel.

Il entraîne la culpabilité oedipienne car il est nécessairement ambivalent et il vise à l’élimination ou à la destruction du tiers rival (réel, imaginaire ou symbolique), et ceci sur le fond du thème de la castration.

Ajoutons que le retournement contre soi n’a guère de sens en ce qui concerne la violence fondamentale qui se situe nettement dans l’en-deçà de la différenciation extra-psychique entre le sujet et l’objet, nous l’avons vu.

En revanche, au même titre que tout mouvement pulsionnel, la haine et l’agressivité peuvent être concernées par ce mécanisme de retournement contre soi : de la haine de l’autre à la haine de soi, de l’hétéro-agressivité à l’auto-agressivité.

Ainsi, la haine comme l’agressivité apparaissent tout à la fois comme la source, le reflet et la conséquence des processus de différenciation, d’individuation et de séparation d’avec l’objet.

Autrement dit encore, la violence fondamentale serait un peu à la haine et à l’agressivité ce que – mutatis mutandis – l’autosensualité ou l’autosensorialité sont à l’auto-érotisme.

DYNAMIQUES DÉVELOPPEMENTALES

La croissance et la maturation psychiques de l’enfant se situent au carrefour de l’endogène et de l’exogène, c’est-à-dire de l’équipement neuro-bio-psychologique du sujet d’une part (sa part personnelle, en quelque sorte), et de son système relationnel familial et social d’autre part (avec les effets de recontre qui s’y attachent).

A leur exact entrecroisement, et ces deux registres doivent donc toujours demeurer soigneusement conjoints dans nos réflexions psycho-pathologiques ainsi que dans nos modèles théorico-cliniques.

Ceci pour dire que même pour les processus qui peuvent apparaître comme les plus pulsionnels – et la question de la haine en fait évidemment partie – il ne faut jamais négliger, ou sous-estimer, les effets de rencontre.

Même les pulsions s’instaurent et se jouent dans le champ de la relation comme y insiste, depuis plusieurs années, J. Laplanche [11, 12] au sein de sa théorie dite de « la séduction généralisée ».

Mais déjà S. Freud [6] parlait du « destin » des pulsions et non pas du développement des pulsions, pour souligner que la genèse psycho-affective ne pouvait en aucun cas se concevoir hors relation.

On peut ainsi repérer trois dynamiques différentes, emboîtées et successives, au sein de ces mouvements agressifs, si l’on retient pour l’instant l’agressivité comme terme générique englobant les trois niveaux précédemment évoqués.

Une agressivité existentielle, tout d’abord

C’est la violence fondamentale qui exprime plus une sorte de « struggle for life » qu’elle ne recouvre une véritable visée destructrice, nous l’avons vu.

De même que, selon P. Aulagnier [2], les processus originaires sont probablement les premiers à s’instaurer avant de continuer à former ultérieurement le socle persistant des processus primaires et secondaires, cette violence fondamentale est sans doute la première à s’instaurer d’un point de vue diachronique, mais on la retrouvera toujours, peu ou prou, par la suite en tant que noyau basal sous-jacent aux autres niveaux agressifs plus objectaux.

C. Chiland [5] a bien montré, par exemple, comment les auto-mutilations de certains enfants psychotiques peuvent revêtir cette dimension existentielle, une fois admis que, sur le plan phénoménologique, elles se jouent sous le sceau d’un vécu plus ou moins autarcique et sans démarcation encore instituée de manière stable entre le Soi et le non-Soi.

Ainsi en va-t-il aussi de certains phénomènes auto-sensoriels violents propres aux enfants autistes chez qui il s’agit de préserver un sentiment d’exister au prix d’une
relative mort psychique et de l’évacuation de toute prise en compte de la séparation et de l’inter-subjectivité.

Une agressivité de vérification se met ensuite en place qui est une agressivité, non pas de destruction, mais bien plutôt de vérification de la fiabilité et de la solidité de l’objet [16, 17, 18].

On en retrouvera des échos à l’adolescence où l’attaque contre les parents n’a pas, généralement, pour but de les annihiler mais plutôt de s’assurer de leur capacité de résistance, on pourrait dire en quelque sorte de leur force tranquille.

Ce type d’agressivité s’observe notamment chez les enfants adoptés qui, à l’adolescence, malmènent parfois leurs parents adoptifs dans cette perspective particulière.

Quoi qu’il en soit, ce mouvement sert de support aux identifications « en contre » déjà à l’œuvre chez l’enfant en phase d’opposition.

L’agressivité oedipienne enfin , se structure ensuite avec son but d’élimination du rival, élimination qui passe d’ailleurs plus par la recherche de la victoire sur lui que par celle de sa disparition ou de sa mort à proprement parler, ce qui n’empêche en rien de se référer, sur un plan symbolique, à la problématique de la castration et du rapport à la Loi.

Telles sont, nous semble-t-il, les trois dynamiques violentes essentielles qu’on peut donc résumer de la manière suivante : une agressivité pour vivre et pour exister, une agressivité pour vérifier l’existence et la solidité de l’objet, une agressivité enfin pour l’emporter sur le tiers , ces trois dynamiques renvoyant finalement, on le voit, à la question d’une agressivité érogène pour reprendre ici le terme qu’emploie si utilement B. Rosenberg [14] à propos du masochisme.

LES RACINES PÉRINATALES ET INFANTILES DE LA VIOLENCE ULTÉ- RIEURE

À partir de là, on peut se demander si l’émergence de violence pendant la période de l’adolescence ou de la pré-adolescence, ne renvoie pas, en réalité, à des positions ou à des fonctionnements psychiques précoces qui se verraient en quelque sorte réactivés à (et par) cette époque du développement du sujet.

Bien entendu, ceci n’enlève rien à l’effectivité des autres déterminants socioculturels ou politiques de ce phénomène de la violence, mais ceci ouvre peut-être la porte à une possible politique de prévention dans ce domaine, et cette hypothèse, comme telle, mérite donc d’être explorée soigneusement.

Il y a là, d’ailleurs, plus qu’une hypothèse dans la mesure où, même en l’absence d’études contrôlées disponibles à ce sujet, toute la clinique psychodynamique de l’adolescence nous montre la réalité de ces racines précoces des comportements ultérieurs.

De manière un peu schématique, nous voudrions donc maintenant montrer d’une part comment notre conception de l’enfance qui ne laisse pas suffisamment de temps aux bébés et aux enfants de vivre véritablement leur enfance, peut ainsi gêner le déroulement harmonieux de l’adolescence et d’autre part, comment le fait d’avoir vécu, en tant que bébé, trop longuement dans une atmosphère maternelle ou familiale dépressive, peut occasionner un mauvais maniement de l’agressivité dès lors susceptible de s’extérioriser quelques années plus tard.

Le droit à l’enfance

Parmi les droits de l’enfant, il importe aujourd’hui de souligner le droit à l’enfance, c’est-à-dire le droit des enfants à vivre suffisamment longtemps et tranquillement la période de l’enfance (avec la dynamique de dépendance qui s’y attache) afin de pouvoir ensuite, sur ces bases correctement intégrées, construire les étapes suivantes de leur vie : on ne peut être un adolescent bien dans sa peau si l’on n’a pas d’abord été un bébé et un enfant au sens plein de ces termes.

De par le monde, de nombreuses conditions, souvent dramatiques, viennent ainsi priver les enfants de leur enfance.

Nous ne ferons que citer ici la question des enfants-esclaves, des enfants-soldats, des enfants de parents malades mentaux, des enfants privés d’histoire … toutes conditions qui réclament une sorte d’autonomie anticipée et prématurée de la part des bébés et des enfants concernés.

En dehors de ces circonstances particulières mais, hélas, fort fréquentes, dans nos sociétés occidentales dites post-modernes, ce sont nos représentations de l’enfant et de l’enfance qui se sont progressivement modifiées dans le sens d’une réduction de ce droit à l’enfance, et il en va ainsi de ce groupe de représentations mentales collectives qu’on désigne sous le terme d’enfant mythique ou culturel.

Qu’entend-on exactement sous ce terme ?

Chaque époque, chaque société, chaque groupe culturel possède ses représentations spécifiques de l’enfance et celles-ci imprègnent, qu’on le veuille ou non et qu’on le sache ou non, le fonctionnement psychique des adultes qui composent ces groupes, à savoir les parents ou les futurs parents.

Dans notre société, par exemple, l’enfant est devenu de plus en plus précieux (parce que de plus en plus rare compte tenu de la diminution progressive de la taille des fratries), de plus en plus tardif (l’âge des mères à la première grossesse a régulièrement augmenté jusqu’à récemment) et il se doit également d’être de plus en plus parfait (au fur et à mesure des progrès des techniques bio-médicales pré et périnatales).

Les victoires progressives sur l’infertilité des couples et les avancées considérables de l’Assistance Médicale à la Procréation n’ont fait que renforcer ces différents courants d’évolution qui sous-tendent le mythe de l’enfant parfait.

Mais, dans le même temps, l’enfant se doit d’être le plus rapidement possible autonome, c’est-à-dire le moins longtemps bébé, afin de ne pas trop interférer avec le travail des parents qui est souvent prioritaire avant la naissance de l’enfant et qui doit ensuite être rapidement repris.

Le trait est sans doute un peu forcé, mais il comporte cependant sa part de vérité.

On notera, par exemple, que les prétendus progrès de la puériculture vont souvent dans le sens d’un éloignement progressif mais rapide du corps du bébé et de celui de l’adulte.

Comme s’il fallait qu’assez vite, le bébé dispose de son propre espace corporel et comportemental distinct de celui de ses parents.

Sociologiquement au moins, la fusion n’est plus dans l’air du temps et c’est, précisément, ce qui nous amène à rappeler que parmi les droits de l’enfant il y a, tout simplement, le droit à l’enfance.

La pédiatre E. Antier [1] a fait récemment une recension de toutes les bonnes et mauvaises raisons qui peuvent conduire une société à ne pas tenir compte des rythmes des bébés et des enfants, à leur proposer des modes de garde ou des lieux de vie inadaptés et qui ne leur laissent pas le loisir de vivre leur dépendance avant de s’en dégager progressivement par le biais d’une dynamique constructive, car trouvant sa source à leur propre niveau.

Ce qu’il nous faut, aujourd’hui, retenir de tout ceci, c’est qu’un bébé ou un enfant qui n’a pas eu suffisamment le temps d’être bébé ou enfant, court le risque de devenir un adolescent insécure et donc potentiellement agressif ou violent dans la mesure où ces comportements peuvent parfois valoir comme forme de réassurance et d’illusion de maîtrise.

C’est toute une réflexion de la société qui devrait être engagée à ce propos pour tenter de se dégager d’une certaine contradiction entre d’une part l’enfant considéré comme la dernière de nos utopies et d’autre part, l’enfant sans place d’enfant véritable dans notre culture.

Les ambiances périnatales dépressives

Il est clair, désormais, avec l’essor considérable de la psychiatrie dite périnatale, que les enfants ayant vécu trop longtemps au début de leur vie au sein d’ambiances dépressives, représentent une population à risque du point de vue pédopsychiatrique.

Il s’agit d’enfants que l’on retrouve ensuite avec une fréquence accrue dans les divers centres de consultation et de soins pédo-psychiatriques pour des troubles variés :

altération des procédures d’attachement [4] mauvaise gestion des pulsions et des émotions – et notamment de l’agressivité – retards de langage, troubles cognitifs et, à plus long terme, entrave à l’harmonie de la sexualité et de l’ensemble des relations sociales.

Le chapitre des ambiances dépressives périnatales recouvre principalement la question des dépressions maternelles post-natales (véritable problème de santé public puisque concernant environ 10 à 15 % des femmes accouchées), et celle des carences environnementales actuellement classées en carences quantitatives (absence ou disparition dans la réalité extérieure des partenaires relationnels familiers de l’enfant), carences qualitatives (indisponibilité psychique de ces mêmes partenaires), et carences mixtes enfin.

Quelle que soit la situation en cause, le bébé confronté à de telles conditions de son développement précoce risque d’une part d’édifier les bases d’une future hyperactivité [7, 9] qu’on retrouve souvent en arrière-fond des violences adolescentes et d’autre part, d’avoir à réagir pour « réanimer » psychiquement, en quelque sorte, son environnement, ce qu’il va faire par l’intermédiaire de différents troubles corporels ou comportementaux à valeur d’appel (insomnies, cauchemars, agitation, agressivité et troubles psychosomatiques divers).

Ce processus renvoie, pour l’enfant, à ce qu’on a pu appeler sa fonction de « thérapeute » de son environnement, fonction bien évidemment délicate et coûteuse sur le plan psychique.

Au sein de cette dynamique de survie psychique, le bébé ou le très jeune enfant ont alors à tester la solidité de leurs objets relationnels qu’ils ressentent, précisément, comme défaillants et nous retrouvons, là, l’agressivité du deuxième type ou agressivité de vérification qui a été mentionnée précédemment.

Le risque existe alors que cette modalité particulière de fonctionnement psychique puisse s’inscrire profondément dans la psyché de l’enfant (on sait d’ailleurs que les introjections les plus précoces sont toujours les plus tenaces) et qu’elle soit dès lors susceptible de se réactiver chaque fois que le sujet rencontrera à nouveau, ou craindra de rencontrer, des circonstances comparables, ce qui est tout particulièrement le cas à l’adolescence où la vulnérabilité narcissique du sujet est facilement projetée par lui sur l’ensemble de ses partenaires relationnels.

En ajoutant à ceci que nous savons mieux aujourd’hui [8] les analogies qui existent entre certains aspects du fonctionnement psychique des bébés et des adolescents (en termes d’attachement, d’accordage affectif ou de narrativité analogique, par exemple), on comprend alors que le bébé « thérapeute » de son environnement dépressif puisse très facilement devenir un adolescent insécure, instable, impulsif et facilement violent quand il se retrouve dans telle ou telle situation d’impasse relationnelle.

Telles sont les principales pistes de réflexion que nous souhaitions donc indiquer en matière de racines périnatales de la violence à l’adolescence.

CONCLUSION

Au terme de ces quelques lignes, il apparaît donc que le phénomène de violence à l’adolescence peut être éclairé par les développements actuels de la psychiatrie
périnatale et de la psychiatrie du très jeune enfant et qu’il y a, là, sans doute des possibilités de prévention encore insuffisamment exploitées.

C’est en particulier la prévention des dépressions post-natales qui devrait se voir intensément prise en compte par nos instances de tutelle et par tous les intervenants dans le champ de la périnatalité.

Notre pays, par rapport à d’autres, a beaucoup de retard dans ce domaine et tout se passe encore, en France, comme si la naissance d’un enfant ne pouvait être qu’un « heureux événement », position simpliste qui entrave gravement le repérage des femmes en souffrance, voire même le dépistage prénatal des femmes à risque de décompensation dépressive post-natale.

D’énormes efforts sont donc à faire dans ce champ qui devrait faire partie intégrante de la politique de santé publique de tout pays.

Par ailleurs, la prise en compte de l’ontogenèse de la violence peut avoir, par elle-même, un effet thérapeutique significatif dont il serait dommage de se priver et ce d’autant que la seule constatation du phénomène de violence à l’adolescence, sans remise en perspective avec l’histoire précoce du sujet, nous condamne alors à ne pouvoir recourir qu’à des mesures de soins trop tardives ou à des mesures de répression en partie nécessaires mais bien insuffisantes.

BIBLIOGRAPHIE [1] ANTIER E. — Les racines de la violence. Centre International de la Famille et de l’Enfance à Paris. (Conférence du 22 mai 2004) [2] AULAGNIER P. — La violence de l’interprétation — Du pictogramme à l’énoncé. P.U.F., Coll.

« Le fil rouge », Paris, 1975 (1ère éd.) [3] BERGERET J. — La violence fondamentale — L’inépuisable Œdipe. Dunod, Paris, 1984.

[4] BOWLBY J. — Attachement et perte (3 volumes). P.U.F., Coll. « Le fil rouge », Paris, 1978 et 1984.

[5] CHILAND C. — Narcisse ou le meilleur des mondes possibles. Nouvelle Revue de Psychanalyse , 1976, 13 (« Narcisses »), 223-235.

[6] FREUD S. — Pulsions et destins des pulsions, 11-44. In : « Métapsychologie » 1915 (S. FREUD).

Gallimard, Coll. « idées », Paris, 1976.

[7] GOLSE B. — Hyperactivité de l’enfant et dépression maternelle. Journal de Pédiatrie et Puéri- culture , 1996, 7 , 422-425.

[8] GOLSE B. — Psychothérapies du bébé et de l’adolescent : convergences . La psychiatrie de l’enfant, 2002, XLV , 2, 393-410.

[9] GOLSE B. — Comment devons-nous traiter l’hyperactivité avec déficit de l’attention ?

Le

Carnet Psy , 2004, 89 , 23-29.

[10] JEANMET N. — La haine nécessaire. P.U.F., Coll. « Le fait psychanalytique », Paris, 1989 (1ère éd.).

[11] LAPLANCHE J. — De la théorie de la séduction restreinte à la théorie de la séduction généralisée.

Etudes Freudiennes , 1986, 27, 7-25.

[12] LAPLANCHE J. — Nouveaux fondements pour la psychanalyse. P.U.F., Coll. « Bibliothèque de Psychanalyse », Paris, 1987 (1ère éd.).

[13] LORENZ K. — L’agression. Flammarion, Coll. « Champs », Paris, 1969.

[14] ROSENBERG B. — Masochisme mortifère et masochisme gardien de la vie. P.U.F., coll. Mono- graphies de la Revue française de psychanalyse. Paris, 1991 (1ère éd).

[15] SOULE M. — (sous la direction de) Mère mortifère, mère meurtrière, mère mortifiée. E.S.F., Coll. « La vie de l’enfant », Paris, 1980 (3ème éd.) [16] WINNICOTT D.W. — (1947). La haine dans le contre-transfert, 48-58. In : « De la pédiatrie à la psychanalyse » (D.W. WINNICOTT). Payot, Coll. « petite bibliothèque payot », Paris, 1969.

[17] WINNICOTT D.W. — Jeu et réalité — L’espace potentiel. Gallimard, Coll. « Connaissance de l’Inconscient », Paris, 1975 (1ère éd.).

[18] WINNICOTT D.W. — La nature humaine. Gallimard, Coll. « Connaissance de l’Inconscient », Paris, 1990 (1ère éd.).

DISCUSSION

M. Maurice TUBIANA

Comment peut-on éviter la perturbation du processus d’attachement ?

Eviter la perturbation du processus d’attachement représente peut-être un objectif trop ambitieux qui renverrait à l’utopie d’une prévention véritablement primaire de la violence à l’adolescence. En revanche, toutes les mesures qui peuvent être prises pendant la période périnatale pour harmoniser les relations adultes-bébé vont certainement dans le sens d’une atténuation des difficultés d’instauration des processus d’attachement, et notamment une prise en compte soigneuse des dépressions maternelles post-natales (avec toute l’attention requise quant au dépistage de facteurs de risque pendant la période prénatale).

Mme Monique ADOLPHE

La crise d’adolescence violente est-elle plus fréquente chez les enfants adoptés ?

A l’évidence oui, ne serait-ce que parce que les enfants adoptés ont souvent besoin, en période d’adolescence, de tester à nouveau l’indéfectibilité des liens et de vérifier, par le biais de l’agressivité, la fiabilité et la solidité de leurs objets relationnels. Ceci renvoie à l’agressivité du deuxième type dont j’ai parlé dans ma communication et qui a été si bien étudiée et approfondie par D.W. Winnicott.


* Professeur de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université René Descartes (Paris V) Chef du service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades, 149 rue de sèvres 75015 Paris. Fr Tél : 01.44.49.46.74 (44) — Fax : 01.44.49.47.10, e-mail : bernard.golse@nck.ap-hop-paris.fr Tirés à part : Professeur B. GOLSE, adresse ci-dessus. Article reçu et accepté le 8 novembre 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 8, 1337-1346, séance du 25 novembre 2004