Résumé
Les cellulites cervico-faciales représentent aujourd’hui l’une des urgences ORL les plus graves, qui engage très rapidement le pronostic vital et nécessite une prise en charge multidisciplinaire immédiate. Elles réalisent une affection nécrosante extensive, se développant à partir d’une infection banale, pharyngée ou dentaire, et diffusant le long des cloisonnements aponévrotiques de la face et du cou, vers le médiastin. L’analyse rétrospective d’une série de 150 cas consécutifs reçus dans notre centre d’urgences entre janvier 2001 et décembre 2006 montre : — une mortalité de 7 % ; — la survenue d’une pneumopathie chez un tiers des patients, et/ou d’une défaillance hémodynamique ou d’une médiastinite chez près de la moitié des patients ; — une durée moyenne de ventilation mécanique de dix jours, d’intubation de treize jours, de trachéotomie de trente et un jour, de séjour en réanimation de dix sept jours et d’hospitalisation totale de vingt-six jours ; — des séquelles fonctionnelles et esthétiques souvent lourdes chez la moitié des patients. Ces chiffres attestent de la gravité de cette pathologie et justifient que, face à une infection de la sphère ORL apparemment banale, le praticien s’inquiète de l’apparition de tous signes fonctionnels intenses ou de sepsis sévère et dirige son patient en urgence vers un centre spécialisé où sera pratiqué en urgence un scanner cervico-thoracique. Le traitement associe alors une mise à plat chirurgical traitant la porte d’entrée et drainant les différentes loges cervicales ou thoraciques par cervicotomie et au besoin thoracotomie, et une prise en charge globale du sepsis au sein d’un service d’anesthésie-réanimation où le patient est maintenu intubé et sédaté. Au plan épidémiologique, aucun facteur favorisant ni terrain particulier n’est retrouvé, hormis sans doute un traitement initial inadapté ainsi qu’une automédication qui, dans cette étude, ne concernait que la prise d’AINS.
Summary
Cervical fasciitis is one of the most severe ENT emergencies, requiring immediate management by a multidisciplinary team. Often due to a benign pharyngeal or dental infection, this life-threatening condition leads to extensive necrosis spreading along the fascia of the neck, possibly to the mediastinum. A retrospective analysis of 150 consecutive patients admitted to our institution between January 2001 and December 2006 showed: — a 7 % mortality rate ; — pulmonary involvement in one-third of cases and hemodynamic failure or mediastinitis in half the patients ; — mechanical ventilation for an average of 10 days, intubation for 13 days, tracheostomy for 31 days, intensive care unit management for 17 days, and hospitalization for 26 days ; and — functional and esthetic sequelae in about half the patients. These data underscore the extreme severity of cervicofacial fasciitis and the need to pay close attention to any general or functional signs of severe sepsis in patients with apparently mild head or neck infections. Such patients should be urgently referred to a tertiary center for immediate CT scan and surgical drainage of any cervical or thoracic abscesses. Intensive medical care is needed to manage the frequent cardio-hemodynamic failure and secondary pulmonary/mediastinal infections. The only possible predisposing factors so far identified are inadequate initial medical treatment and self-medication with nonsteroidal antiinflammatory drugs.
INTRODUCTION
Les cellulites cervico-faciales, ou cervico-facial necrotizing fasciitis des auteurs anglo-saxons, constituent aujourd’hui l’une des urgences ORL les plus préoccupantes de la discipline. Par leur gravité d’abord, car elles mettent en jeu le pronostic vital imposant dès les premières heures la mise en route d’un traitement multidisciplinaire particulièrement lourd et laissent souvent d’importantes séquelles esthétiques et/ou fonctionnelles [1-3]. Par le caractère inopiné de leur survenue ensuite, puisqu’à partir d’une infection apparemment banale, le plus souvent pharyngée ou dentaire [4-9], elles entraînent rapidement une nécrose extensive s’étendant aux espaces cellulo-aponévrotiques cervicaux voire médiastinaux. Par leur fréquence enfin, puisque de façon surprenante tous les centres d’urgence ORL notent leur incidence croissante depuis ces dernières années.
Ce travail rapporte les caractéristiques cliniques, paracliniques, thérapeutiques et évolutives d’une série de cent cinquante patients hospitalisés pour cellulite cervico-faciale et dégage les principales implications susceptibles d’en améliorer la prise en charge.
PATIENTS ET MÉTHODES
Ce travail a consisté en une étude rétrospective portant sur une série de cent cinquante patients hospitalisés et traités pour cellulite cervico-faciale entre janvier 2001 et décembre 2006.
MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE
Dès le diagnostic de cellulite posé dans le service sur les signes cliniques développés plus loin, un scanner facio-cervico-thoracique avec injection de produit de contraste était demandé en urgence. Puis, après rapide bilan anesthésique avec éventuellement déchocage, une mise à plat chirurgicale était réalisée dans les plus brefs délais et comportait : — un abord cervical, uni ou bilatéral, parfois endobuccal, complété dans 17 cas par un abord thoracique par sternotomie ou dans 5 cas par thoracotomie ; — une trachéotomie chez 25 patients, dont 21 secondairement ; — un curetage des régions infectées, avec excision des tissus nécrotiques jusqu’en tissu sain vascularisé, suivi de lavage prolongé au sérum physiologique bétadiné ; — selon l’étiologie, avulsion dentaire avec curetage alvéolaire, amygdalectomie, extraction d’un corps étranger, sous-mandibulectomie, lobectomie voire thyroïdectomie en cas d’abcès thyroïdien. Dans tous les cas, le champ opératoire n’était pas refermé, afin de permettre un drainage spontané et déclive des épanchements locaux, via des lames ou des drains tubulés. Un prélèvement anatomo-pathologique était systématiquement effectué en vue d’éliminer une éventuelle pathologie tumorale, notamment chez le sujet alcoolo-tabagique, réalisant la classique cellulite carcinomateuse.
Enfin, des prélèvements de pus étaient recueillis sur gélose à l’oxygène ou sur milieux de type Portagerm®. Ces prélèvements bactériologiques étaient immédiatement suivis de l’instauration d’une antibiothérapie parentérale probabiliste, secondairement adaptée en fonction de l’antibiogramme des germes identifiés.
Les soins opératoires étaient assurés en service de réanimation. Ils consistaient en des lavages-détersion effectués quotidiennement, en conditions stériles, sur patient sédaté, excisant tous nouveaux tissus nécrotiques, et ce jusqu’à cessation du processus infectieux, soit après un délai variable de quelques jours à plusieurs semaines.
Une rééducation était souvent nécessaire afin de pallier les séquelles fonctionnelles :
troubles de déglutition, dysphonie, amyotrophie, raideurs articulaires, difficultés respiratoires, trismus, etc.
À distance, des plasties loco-régionales par lambeau pédiculé musculo-cutané étaient effectuées en cas de nécrose cutanée ou à visée esthétique.
ANALYSE STATISTIQUE
Les analyses statistiques simples univariées étaient réalisées avec un test du Chi2 avec ou sans correction de Yates ou avec un test exact de Fischer. Les moyennes étaient comparées par un test t de Student. Le degré de significativité était p <0,05.
Les résultats simples (sans analyse statistique) sont présentés sous forme de moyennes fi écart type pour les variables continues, sous forme de médianes pour les variables discontinues, ou sous forme de pourcentages.
Pour l’analyse des séquelles fonctionnelles, un score (SSF = score de séquelles fonctionnelles) a été calculé en pondérant chacune des séquelles d’un coefficient correspondant à leur impact fonctionnel respectif (le fait d’avoir une dysphonie ou une dysphagie n’a pas les mêmes conséquences au quotidien qu’un simple trismus).
RÉSULTATS
Caractéristiques des patients
La population étudiée était composée de 87 hommes (58 %) et 63 femmes (42 %) soit un sex ratio de 1,38 en faveur des hommes.
La moyenne d’âge des 150 patients était de 49 fi18 ans (extrêmes : 17 à 93 ans).
Soixante-neuf patients présentaient une intoxication tabagique chronique (46 %) et 29 une intoxication éthylique. Dix-huit patients étaient atteints de diabète, principalement de type 2 non insulino-dépendant, et plus rarement insulino-dépendant ou requérant.
Il n’existait pas de pic de fréquence mensuel ou saisonnier de ces pathologies.
Trois patients étaient porteurs d’infection par le virus de l’immunodéficience acquise humaine (VIH), non traité pour le premier, sous traitement anti-rétroviral pour le deuxième, et présentant une co-infection hépatite B et C pour le troisième.
Les pathologies cancéreuses intéressaient sept patients : dans deux cas, le cancer fut découvert pendant l’hospitalisation (un cancer pulmonaire visualisé sur le scanner thoracique initial, un cancer papillaire de la thyroïde traité par lobo-isthmectomie droite lors de l’intervention chirurgicale initiale). Trois autres patients avaient été déjà traités deux à trois ans auparavant pour un cancer de localisation digestive. Un patient était suivi depuis 2002 pour un lymphome à grandes cellules B de localisation cervicale traité par radio-chimiothérapie, en rémission. Un autre patient était suivi depuis deux ans pour un cancer de la prostate.
Parmi les autres antécédents répertoriés, l’hypertension artérielle était constatée chez 26 patients. Quinze patients présentaient des problèmes cardio-vasculaires divers (antécédents d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, …) et prenaient à ce titre de l’aspirine à dose anti-agrégante, du Plavix®, ou des antivitamines K.
Signes révélateurs
Ils étaient dominés par les troubles de déglutition avec dysphagie et odynophagie dans 87 % des cas, puis par une rougeur cervicale évocatrice d’abcès dans 79 % des cas, une fièvre dans 74 % des cas (Fig.1). Toutefois, 32 patients étaient apyrétiques au début de la prise en charge, probablement par prise récente d’antipyrétiques, le lien avec la prise d’antibiotiques ou d’anti-inflammatoires au préalable n’étant pas
Fig. 1. — Diversité des signes cliniques initiaux : histogramme représentant le pourcentage de patients présentant le symptôme défini. Le chiffre au dessus des barres correspond au nombre exact de patients.
statistiquement significatif (p = 0,836 pour les corticoïdes, p = 0,42 pour les AINS, p = 0,889 pour les antibiotiques). Un trismus était présent dans 67 %, en rapport dans plus de la moitié des cas avec une porte d’entrée dentaire.
Une rougeur pré-sternale était constatée chez 29 patients (23 %), très fortement prédictive d’une atteinte médiastinale (sur ces 29 patients, 20 avaient une mé- diastinite, p<1.10-8).
Dyspnée, dysphonie, torticolis étaient plus rares (<20 %). Une crépitation souscutanée était retrouvée chez 8 patients. La bactériologie définitive n’identifiera chez eux des germes anaérobies que dans 5 cas. En revanche, dans ce petit groupe, les médiastinites étaient fréquentes (7/8 cas, p<0,001). Une fistulisation de la collection cervicale à la peau ou endobuccale était retrouvée dans 5 % des cas.
Le scanner pré-opératoire permettait d’identifier les espaces atteints chez 130 patients : parapharyngé essentiellement (90 %), puis masticateur, carotidien et viscéral antérieur (>60 % des cas). Les espaces sous-mandibulaire (52 %) et du plancher buccal (26 %) étaient significativement liés à une origine dentaire. L’espace rétro-pharyngé était touché dans 42 % des cas.
Délai de prise en charge
Les symptômes évoluaient en moyenne depuis 11 jours, avec des extrêmes allant de 2 à 60 jours. Cent vingt patients sur les 150 avaient vu, au préalable, un ou plusieurs médecins.
Traitements reçus avant l’admission
Les médicaments étaient principalement de trois ordres : antibiotiques, corticoïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Antibiotiques
Soixante sept patients avaient reçu une antibiothérapie préalable : monoantibiothérapie (chez 52 patients), ou polyantibiothérapie (chez 15 patients). Il s’agissait essentiellement des béta-lactamines, associés souvent à des anti-anaérobies. Les macrolides, aminosides, et autres classes d’antibiotiques étaient minoritaires.
La durée moyenne d’antibiothérapie avant l’arrivée aux urgences ORL était de 3,7 fi 4 jours.
A.I.N.S.
Soixante-quatre patients (43 %) avaient reçu des AINS avant leur prise en charge, pendant une durée moyenne de 4,3 fi 3 jours (n= 48). Six patients les prenaient de façon chronique pour des pathologies diverses : spondylarthrite ankylosante, arthrose de siège varié (rachis lombaire, hanche, épaule), …
Corticoïdes
Trente deux patients (21 %) avaient pris des corticoïdes, à une posologie moyenne de 62,5 mg par jour d’équivalent prednisone (soit environ 1mg/kg/jour), et pendant une durée moyenne de 3,1 fi 2,2.
Ces trois médicaments étaient souvent prescrits en associations diverses. Ainsi antibiotiques et AINS étaient associés chez 37 patients, antibiotiques et corticoïdes chez 18 patients, et 12 patients recevaient les trois (soit un ou plusieurs antibiotiques, et 2 types d’anti-inflammatoires différents). Une automédication était notée uniquement pour les AINS chez 13 des 64 patients.
Portes d’entrée
Les étiologies pharyngées (angines et phlegmons péri-amygdaliens) et dentaires (particulièrement rencontrées chez la population tabagique et à la mauvaise hygiène bucco-dentaire) dominaient nettement (chacune 35 %, soit un tiers des patients) (Fig.2 et Tableau 1). La pathologie glandulaire était également fréquente avec 8 cas de sous-maxillites, 5 cas de parotidites sévères (dont 3 ayant dû être opérées, avec extension médiastinale dans un cas), et un cas d’origine thyroïdienne.
Les cellulites traumatiques (7 %) étaient soit secondaires à un traumatisme externe ou interne (type corps étranger oesophagien), soit le plus souvent d’origine iatrogène : chirurgie des voies aéro-digestives supérieures, fibroscopie oesophagienne, dilatation oesophagienne.
Fig. 2. — Répartition des portes d’entrée : sont représentés les pourcentage respectifs de chaque type de portes d’entrée retrouvé.
Dans 3 % des cas, la cellulite cervico-faciale s’associait à une pathologie tumorale maligne sous-jacente : 3 carcinomes épidermoïdes (épiglotte, amygdale gauche et base de langue), et 2 lymphomes non hodgkiniens.
Chez neuf patients, la porte d’entrée n’a pu être déterminée : quatre avaient une médiastinite d’emblée, et trois décédèrent.
Prise en charge chirurgicale
Le temps écoulé entre l’arrivée aux urgences ORL et le début de l’intervention chirurgicale était en moyenne de huit heures. Ce délai prenait en compte plusieurs impératifs : formalités d’admission, examen clinique complet initial, prise en charge réanimatoire avec pose de voies veineuses, tomodensitométrie, transfert entre les différents lieux d’examens, intubation souvent réalisée sous anesthésie locale sous guidage fibroscopique du fait des remaniements de la filière aérienne.
Malgré une prise en charge initiale jugée satisfaisante, une antibiothérapie adaptée, et des pansements réguliers en réanimation, une ou plusieurs reprises chirurgicales ont été nécessaires chez 48 % des patients, avec exploration médiastinale chez un tiers d’entre eux (26 patients).
La durée moyenne des soins chirurgicaux (jusqu’à fermeture cutanée) était de 11 fi 8 jours, avec des extrêmes allant de 0 à 41 jours. La durée moyenne d’utilisation de la trachéotomie avant décanulation était de 31 jours (extrêmes allant de 7 à 163 jours).
Tableau 1. — Fréquence des différentes étiologies rencontrées.
ÉTIOLOGIES nombre patients (n=150) (%) Dentaire 52 35 % Pharyngées 52 35 % Angine 29 19 % Phlegmon peri-amygdalien 11 7 % Abcès para-pharyngé 4 3 % Abcès valléculaire 1 1 % Pharyngite 4 3 % Epiglottite 1 1 % Autre 2 1 % 1 1 % Traumatique 10 7 % Plaie cervicale 2 1 % Corps étranger VADS 1 1 % Fibroscopie 1 1 % Dilatation oesophagienne 1 1 % Chirurgie VADS / cervicale 3 2 % Hématome cervical 2 1 % Cutanée 3 2 % Glandulaire 14 9 % Parotidite 5 3 % Sous-maxillite 8 5 % Abces thyroïdien 1 1 % Tumorale 5 3 % Musculaire 2 1 % Osseuse
Ostéïte 2 1 % Tuberculose 1 1 % Indéterminée 9 6 % Prise en charge médicale
La lourdeur de cette prise en charge est attestée par la durée d’intubation, en moyenne de 13 fi 10 jours, avec des extrêmes allant de 1 à 57 jours, et une durée de ventilation mécanique d’environ 10 jours.
Bactériologie
Alors que les hémocultures n’étaient positives que dans 4,6 % des cas, un germe était identifié dans 84 % des cas. Il s’agissait le plus souvent d’infections à germes multiples (57 %).
Les infections à streptocoques et à anaérobies (respectivement 73 % et 63 % des prélèvements positifs) dominaient largement. L’analyse des streptocoques montre une prédominance du groupe F ( milleri ), puis du groupe A ( pyogenes ) et des streptocoques non groupables. Concernant les anaérobies, les bacilles gram négatifs (notamment Prevotella , Fusobacterium et Bacteroides ) et les cocci gram positifs (
Peptostreptococcus ) sont majoritaires. Il est intéressant de noter que la corrélation entre infection à anaérobies et emphysème sous-cutané clinique et radiologique était statistiquement significative (p<0,01 c).
Les staphylocoques viennent en troisième position (17 %). Les plus fréquents sont les Staphylococcus aureus méticilline-sensibles (10 cas) et les staphylocoques coagulase négative (10 cas dont 7
Staphylococcus epidermidis ). Les staphylocoques méticilline-résistants sont plus rares (2 cas).
Les autres bactéries étaient rares : entérocoques, bacilles Gram négatifs et levures, principalement de type Candida albicans.
Antibiothérapie
La durée moyenne de l’antibiothérapie était de 19,6 fi 9 jours.
L’antibiothérapie majoritairement prescrite en première intention associait une beta-lactamine (Ceftriaxone : Rocéphine®) à un imidazolé (Ornidazole : Tibéral®).
Une antibiothérapie à spectre plus large (Tazocilline®) était utilisée d’emblée chez les patients fragiles.
La deuxième ligne d’antibiothérapie était adaptée à l’antibiogramme réalisé à partir des prélèvements per-opératoires ou pour tenir compte d’un germe identifié secondairement (liquide de drainage, urines, …), ou d’une infection satellite potentiellement grave, notamment les pneumopathies.
Une troisième modification de l’antibiothérapie s’est avérée nécessaire chez 19 % des patients, toujours pour les mêmes motifs. En cas d’identification de levures sur les différents prélèvements réalisés (site opératoire ou poumon principalement), un traitement antifongique était également associé à l’antibiothérapie classique (Fluconazole : Triflucan®).
Complications
Les défaillances hémodynamiques graves, les médiastinites et les pneumopathies constituaient les trois complications les plus fréquentes.
Soixante-sept patients (47 %) ont présenté une défaillance circulatoire, nécessitant dans 85 % des cas le recours à une drogue vasopressive, principalement la noradré- naline (durée moyenne de recours : 7 jours).
Une médiastinite était constatée chez 47 patients, soit 31 % des patients de notre série, dont 44 dans le territoire antéro-supérieur.
Les pneumopathies concernaient 30 % des patients en réanimation. Les germes les plus fréquemment retrouvés (par les prélèvements distaux) étaient : Pseudomonas aeruginosa (27 cas), Candida albicans (11 cas), staphylocoque (4 cas), Enterobacter cloacae (4 cas).
Des défaillances multiviscérales étaient notées chez 23 % des patients. Elles étaient cardiaques chez 20 patients, rénales chez 21 patients, hépatiques chez 5 patients et pulmonaires chez 3 patients.
Une thrombose de la veine jugulaire interne a été objectivée chez 24 patients (16 %), dès le scanner initial chez 9 patients, ou secondairement chez 15 patients. Dans un cas, la thrombose s’est compliquée d’embolie pulmonaire (syndrome de Lemière).
Aucun cas de thrombophlébite cérébrale n’a été constaté, malgré sa recherche systématique en cas de troubles de conscience ou d’anomalie neurologique centrale mal expliquée.
D’autres complications ont été également relevées chez certains patients en réanimation, notamment : pharyngostomes et orostomes, atélectasies pulmonaires, pleurésies, pneumothorax, péricardites, surcharge hydro-sodée, escarres, amyotrophie, troubles du rythme cardiaque, syndrome de sevrage alcoolique (délirium tremens).
Mortalité
Avec 11 décès, notre série compte un taux de mortalité de 7,3 %. Parmi eux, 6 présentaient une médiastinite associée, ce qui représente un taux de mortalité de 12,8 % dans le groupe médiastinite.
Durée d’hospitalisation
La durée moyenne totale de séjour est de 26 fi 13 jours (pour les patients non décédés), avec des extrêmes de 5 à 105 jours et une médiane à 21 jours. La durée de séjour en réanimation puis en ORL était en moyenne de 17 et 10 jours.
Les séquelles
Quarante-sept pour cent des patients ont présenté des séquelles plus ou moins graves, multiples chez la moitié d’entre eux.
Elles étaient dominées par les troubles de déglutition avec une durée moyenne pour la dysphagie de 96 jours et pour les fausses routes de 131 jours. Une gastrostomie fut nécessaire chez 10 patients.
La dysphonie par paralysie récurrentielle a concerné 17 patients (14 %) et a récupéré grâce à une rééducation orthophonique dans trois quart des cas (durée moyenne avant normalisation de 179 jours, avec extrêmes allant de 12 jours à 3 ans), et dans un cas après injection intra-cordale de graisse. Elle persiste dans 3 cas à 7 ans.
Des problèmes de trismus résiduel ont été objectivés chez 23 patients, essentiellement dans le cas de porte d’entrée dentaire. La durée moyenne avant récupération d’une ouverture buccale satisfaisante était de 44 fi 26 jours, avec des extrêmes allant de 6 à 90 jours.
Les paralysies du XII (12 cas), du XI (1 cas), du VII (1 cas) étaient plus rares.
Au total, le score de séquelles fonctionnelles (SSF) était de 1,7 fi 2,4.
Les séquelles esthétiques concernaient essentiellement les cicatrices cervicales jugées inesthétiques. Sept pour cent des patients ont bénéficié d’une chirurgie secondaire esthétique ou reconstructrice (reprise de cicatrice, plastie en Z, lambeau pédiculé musculo-cutané de grand pectoral).
Qualité de vie
Une appréciation de la qualité de vie des patients a pu être obtenue chez 51 d’entre eux à l’aide de questionnaires adaptés à la sphère ORL (Head&Neck 35, questionnaire d’évaluation esthétique). Elle est de 51 fi 17 sur 130 pour HN35 et de 10 fi 5 sur 30 pour le deuxième questionnaire.
Facteurs pronostiques
L’analyse univariée suggère qu’un assez grand nombre de variables ressortent de façon significative en tant que favorisant les complications : âge (supérieur à 47 ans), emphysème sous-cutané clinique et radiologique, érythème pré-sternal, trismus, dyspnée, atteinte de l’espace rétro-pharyngé, médiastinite, durée d’antibiothérapie, extension secondaire de l’infection, nombre de reprises chirurgicales, trachéotomie, durée d’intubation, qui est corrélée à la durée de séjour en réanimation, et enfin durée totale de séjour.
Il a été également possible de dégager les facteurs pronostiques significatifs vis-à-vis des séquelles : sexe féminin, notion d’antibiothérapie préalable, atteinte de l’espace rétropharyngé, nombre de complications et de reprises chirurgicales, durée d’intubation, de séjour en réanimation, et de séjour.
On constate encore qu’un certain nombre de facteurs présents dès l’admission du patient sont des facteurs de risque de médiastinite : corticothérapie préalable, emphysème sous-cutané clinique et radiologique, érythème pré-sternal, trismus, atteinte radiologique de l’espace rétro-pharyngé.
DISCUSSION
Les données présentées dans cet article soulignent la gravité des cellulites cervicofaciales et la lourdeur de leur prise en charge.
Au plan clinique, le praticien ORL doit, face à une infection pharyngée ou dentaire apparemment banale, s’inquiéter devant l’apparition en quelques heures ou deux ou trois jours de signes fonctionnels à type de douleur cervicale diffuse, de trismus, d’odynophagie, ou de signes généraux témoignant d’un sepsis sévère (asthénie, teint terreux voire état confusionnel, fièvre élevée), avant que ne surviennent tuméfaction cervicale inflammatoire, parfois fluctuante, crépitation sous-cutanée, voire détresse respiratoire. Plus inquiétante encore est l’apparition de douleurs thoraciques et d’une rougeur pré-sternale, témoignant d’une atteinte médiastinale. Mention parti- culière doit être faite d’une douleur fulgurante survenant lors d’un soin dentaire canalaire effectué à l’aide d’un jet d’air comprimé, qui constitue d’emblée un signe de haute suspicion.
Tout est alors question d’heures. Il faut en effet transférer en urgence le patient en service spécialisé et faire pratiquer un scanner cervico-thoracique. Dans notre série, cet examen fut contributif chez 130 patients, permettant, comme souligné par d’autres auteurs [10-12] de dresser une cartographie précise des régions atteintes, d’orienter l’enquête étiologique (une porte d’entrée pharyngée ou dentaire fut identifiée dans les deux tiers des cas), de dépister une médiastinite souvent paucisymptomatique notée dans 20 cas (26 %), de révéler d’autres complications locorégionales et ainsi de guider le geste chirurgical.
La mise à plat chirurgicale doit être effectuée le plus rapidement possible compte tenu de la rapidité avec laquelle, profitant des espaces de diffusion cellulo-aponévrotiques, l’infection se propage de façon déclive vers le médiastin [13-16]. Cependant, aussi adaptée soit la prise en charge initiale, une ou plusieurs reprises chirurgicales sont nécessaires dans près de 50 % des cas, et ce indépendamment des pansements chirurgicaux quotidiens. Ceci justifie le maintien du patient sédaté, intubé et en service de réanimation jusqu’à cessation du processus infectieux expansif.
À la lourdeur de cette prise en charge chirurgicale, s’ajoute celle de la prise en charge médicale. Indépendamment de soins infirmiers pluriquotidiens réalisés sous sédation, elle comporte la surveillance permanente des constantes biologiques guettant la reviviscence de stigmates inflammatoires ou la survenue d’une défaillance hémodynamique ou autres, la prévention et le traitement d’éventuelles complications de décubitus, la pratique de scanners cervico-thoraciques au moindre doute recherchant la persistance ou la diffusion d’une collection purulente, et une antibiothérapie massive dont le protocole d’administration peut varier selon les auteurs [17].
Dans notre expérience, elle était parentérale et initialement probabiliste (association d’une béta-lactamine de type céphalosporine de 3ème génération ceftriaxone (Rocé- phine®) — et d’un imidazolé — ornidazole (Tiberal®) puis secondairement adaptée en fonction de l’antibiogramme des germes identifiés. Sa durée varie selon la gravité de l’infection initiale, et surtout l’évolution du patient : d’un minimum de 15 jours, jusqu’à plusieurs semaines après contrôle local de l’infection. L’oxygénothérapie hyperbare recommandée par certains auteurs [18, 19] ne nous a pas semblé utile car trop lourde à mettre en œuvre.
Au total, la lourdeur de la prise en charge est illustrée par une durée moyenne de ventilation mécanique de 10 jours, d’intubation de 13 jours, de trachéotomie de 31 jours, de séjour en réanimation de 17 jours et d’hospitalisation totale de 26 jours.
D’autres chiffres attestent de la sévérité de ce type d’infection : un tiers des patients a développé une pneumopathie, près de la moitié une défaillance hémodynamique et/ou une médiastinite et a gardé des séquelles fonctionnelles ou esthétiques, enfin onze patients sont décédés.
Au plan bactériologique, les prélèvements per-opératoires aérobies et anaérobies furent très souvent contributifs, avec une prédominance d’infections multigermes à streptocoques et à anaérobies, justifiant l’antibiothérapie probabiliste de première intention. Les données bactériologiques obtenues dans ce travail ont été complétées au cours d’une étude prospective menée dans notre institution [20] qui visait en particulier à identifier les germes anaérobies dont la culture est difficile. Ce travail a montré que Streptococcus milleri et Prevotella étaient les agents pathogènes les plus souvent identifiés au cours des cellulites cervico-faciales. Dans le cas des infections dentaires, il s’agissait essentiellement de Streptococcus oralis et de Prevotella , alors que
Staphylococcus aureus n’était retrouvé qu’en cas d’origine pharyngée. Il a de plus été mis en évidence une co-infection par
Streptococcus milleri et Prevotella fréquente en cas d’infection dentaire, association morbide jamais retrouvée en cas de
Streptococcus pyogenes ou de Staphylococcus aureus . Ceci tient probablement au fait que certains germes ont un pouvoir pathogène élevé per se , alors que dans le cas de la flore buccale et oropharyngée les germes aérobies, en diminuant le potentiel oxydatif des tissus, ferait le lit du développement de la flore anaérobie [21].
Au plan épidémiologique, certains facteurs de comorbidité ont été rapportés dans la littérature comme le diabète, l’artériosclérose, l’alcoolisme, l’insuffisance rénale chronique, un cancer, une obésité, une immunodépression, la prise de drogues intraveineuse ou le postpartum [22]. Il existe par ailleurs dans la littérature un certain nombre de cas cliniques reliant la prise d’anti-inflammatoires stéroïdiens ou non (AINS) et les cellulites cervicofaciales. Certains mécanismes biologiques de ces anti-inflammatoires peuvent en effet prédisposer à des infections graves [23]. Toutefois, si les AINS peuvent masquer les symptômes et signes initiaux et différer le diagnostic et la prise en charge, leur responsabilité dans l’aggravation des cellulites reste à démontrer [24, 25]. Notre étude montre que la prise de corticoïdes semble favoriser la survenue de médiastinites [26, 27].
Notre analyse rétrospective ne permet d’identifier aucun facteur favorisant ni terrain particulier favorisant le développement d’une cellulite. Le seul paramètre susceptible d’être incriminé est un traitement initial sans doute inadapté ainsi qu’une automédication qui, dans cette étude, ne concernait que la prise d’AINS. En revanche, et comme dans d’autres études [22], notre analyse univariée montre que de nombreux facteurs concourent à la survenue de complications (âge, emphysème sous-cutané, érythème pré-sternal, trismus, dyspnée, atteinte de l’espace rétropharyngé, médiastinite, durée d’antibiothérapie, extension secondaire de l’infection, nombre de reprises chirurgicales, trachéotomie, durée d’intubation et du séjour) ou de séquelles (sexe féminin, antibiothérapie préalable, atteinte de l’espace rétropharyngé, nombre de complications et de reprises chirurgicales, durée d’intubation et du séjour). On constate encore qu’un certain nombre de facteurs présents dès l’admission du patient sont des facteurs de risque de médiastinite : corticothé- rapie préalable, emphysème sous-cutané clinique et radiologique, érythème pré- sternal, trismus, atteinte radiologique de l’espace rétro-pharyngé.
CONCLUSIONS
Avec une mortalité de 7 %, une durée moyenne d’hospitalisation de près de quatre semaines, des séquelles fonctionnelles et esthétiques chez la moitié des patients, les cellulites cervico-faciales constituent sans conteste l’une des urgences ORL les plus graves. Et dont la fréquence ne paraît pas faiblir puisque pour le seul premier semestre de l’année 2010, 21 cas ont été hospitalisés dans notre service.
Leur diagnostic précoce repose essentiellement sur le scanner cervico-thoracique qu’il faut savoir demander devant l’apparition de signes fonctionnels intenses ou de signes de sepsis sévère. A défaut surviennent un emphysème ou une crépitation sous-cutanée témoignant d’une forme gangréneuse, ou un érythème cervicothoracique souvent en rapport avec la survenue d’une médiastinite.
La prise en charge de ces patients met en lumière la nécessité d’une équipe pluridisciplinaire soudée et aguerrie, puisqu’il faut pouvoir coordonner l’imagerie, souvent répétée, la chirurgie qui vise tant à traiter la porte d’entrée qu’à drainer les différentes loges cervicales, et la prise en charge globale du sepsis au sein d’un service d’anesthésie-réanimation. Cette prise en charge médicale associe antibiothérapie, réanimation hémodynamique, contrôle d’une éventuelle défaillance polyviscérale et prévention des complications de décubitus, avec en particulier anticoagulation efficace.
Enfin, on ne saurait trop insister sur les séquelles et l’altération durable de la qualité de vie que génère cette affection. Dès lors est-il possible de prévenir la survenue de ces cellulites cervico-faciales ? La réponse n’est pas univoque. Bien sûr, il faut conseiller une hygiène dentaire irréprochable et la surveillance des dents dévitalisées, mais il est intéressant de noter que les indications de prescription des antiinflammatoires susceptibles d’altérer les défenses anti-infectieuses, se sont progressivement restreintes. C’est en particulier le cas des corticoïdes, autrefois largement prescrits et accompagnant systématiquement les prescriptions d’antibiotiques, dont l’utilisation est aujourd’hui limitée dans le cas des recommandations émises par les diverses sociétés savantes.
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DISCUSSION
M. Pierre RONDOT
Je n’ai pas entendu parler de complications vasculaires veineuses en particulier dans ces cellulites ? Lemierre jadis insistait sur la gravité des thrombophlébites dans la staphylococcie maligne de la face.
Dans notre série, il est fait état de 24 cas de thrombophlébites de la veine jugulaire interne.
Il s’agit donc là d’une complication fréquente, même si nous n’avons pas observé de syndrome de Lemierre, lequel associe angine à fusobactérium, thrombophlébite de la veine jugulaire interne, et embols septiques pulmonaires.
M. François LEGENT
L’évocation de cette grave affection revêt un grand intérêt avec cent-cinquante cas en cinq ans. Malgré ce grand nombre qui correspond à trente cas par an avec un recrutement par les urgences ORL pour toute l’Ile de France, cette pathologie reste rare. Cette rareté explique qu’elle est souvent mal connue en dehors de la spécialité, d’ailleurs comme d’autres infections ORL telles que l’épiglottite, ou l’otite externe maligne qu’on peut observer après un simple lavage d’oreille pour cérumen chez un diabétique. L’enseignement de ces raretés est noyé dans l’océan des connaissances livrées aux étudiants durant leurs études. Pour mieux les mettre en valeur, ne serait-il pas intéressant de les regrouper dans une entité dont le titre évoquerait la notion d’infection ORL à très fort risque ?
De fait, notre qualité de centre d’urgences ORL Adultes pour l’Ile-de-France représentet-elle sans doute un biais de recrutement, concentrant les cas de cellulites cervicofaciales ? Il n’en reste pas moins que l’on ne peut qu’être étonné devant l’incidence sinon croissante du moins constante de ce type d’urgences particulièrement graves.
M. Bernard LAUNOIS
En chirurgie digestive nous avons quelquefois des gangrènes gazeuses de la paroi abdominale. Existe-t-il une place pour l’oxygénothérapie hyperbare ?
L’oxygénothérapie hyperbare constitue probablement une arme thérapeutique intéressante. Dans notre expérience, son application soulève toutefois de difficiles problèmes logistiques, le premier d’entre eux étant le transfert du patient vers un centre équipé. Par ailleurs, son efficacité nous semble étroitement corrélée à celle du débridement chirurgical. Probablement parce que bien pratiqué par un chirurgien aguerri, ce débridement permet à l’oxygène d’accéder aux tissus en souffrance.
M. Francis WATTEL
L’expérience du service de réanimation et de médecine hyperbare du CHRU de Lille, rejoint complètement celle du centre de référence de Lariboisière : fréquence, gravité en raison du caractère explosif de l’extension du processus, en particulier au médiastin, de la lourdeur de la réanimation et des soins locaux biquotidiens. L’importance du scanner cervicothoracique précoce en coupes serrées reste à souligner. Par contre notre expérience diffère quant à l’évolution, la durée de la réanimation, celle de l’intubation, et l’importance des séquelles qui sont inférieures de 30 % par comparaison avec les chiffres rapportés dans la présente étude. Ce bénéfice est, dans notre pratique, clairement à mettre sur le compte de l’ajout de l’oxygénothérapie hyperbare dans un protocole multidisciplinaire, à raison de séances journalières pendant huit jours. Ceci s’explique, pour une part, par la nature des germes retrouvés dans ces infections, à savoir une association synergique de germes anaé- robies (streptocoques essentiellement) et de baciles aérobies gram négatifs, et l’on sait que l’OHB a pour effet entre autres de stopper la production de toxines (responsables du syndrome générale et de l’extension locale) et de casser la synergie bactérienne permettant la pleine efficacité de l’antibiothérapie adaptée.
Comme je l’ai dit plus haut, l’oxygénothérapie hyperbare constitue sûrement une arme thérapeutique intéressante, notamment pour les raisons bactériennes que vous rappelez.
J’ai toutefois souligné la difficulté de sa mise en œuvre dans notre hôpital, ce qui, j’en conviens, ne minimise en rien son intérêt potentiel.
M. Pierre BÉGUÉ
Nous avons aussi la notion d’une progression des cellulites faciales et des membres chez l’enfant aux urgences pédiatriques. Elle semble avoir commencé à la fin des années 1980, lorsque l’ibuprofène a remplacé l’aspirine comme anti-thermique. Pensez-vous pouvoir développer l’information sur l’utilisation des AINS en se tournant vers des recommandations officielles, venant du Ministère de la Santé ?
Indubitablement, la diffusion excessive, la publicité large et la prise « sauvage » des anti-inflammatoires représentent probablement un facteur important dans la survenue des cellulites. Nous devons poursuivre notre mission d’informations sur ce point tant auprès de nos confrères généralistes que du grand public.
M. Jean-Jacques HAUW
Des études sur le métabolisme du tissu conjonctif ont-elles été effectuées chez ces patients ?
Non, en tous cas pas dans la série que je viens de présenter. Mais il s’agit sans doute d’une piste de recherche intéressante.
M. Denys PELLERIN
Votre belle présentation réveille en moi le souvenir lointain (les années 60) de plusieurs nourrissons accueillis aux Enfants Malades porteurs d’une vaste fasciite nécrosante de la paroi thoracique, secondaire à une banale infection du sein au cours de la poussée mammaire post natale. Comme dans vos observations de cellulite cervico-faciale, streptocoques, plus encore que staphylocoques, et anaérobies y étaient retrouvés associés On évoquait alors la responsabilité de toxines protéolytiques provenant de « souches particulières » de streptocoques. Avez-vous pu, dans votre grande série de patients, préciser cette donnée à la lumière des connaissances actuelles en micro-biologie ?
Certainement, la flore bactérienne que nous avons presque constamment retrouvée dans nos prélèvements et qui associait essentiellement streptocoques et anaérobies possède une agressivité particulière. Il s’agit là d’une constatation apparemment concordante avec vos propres observations. Je n’ai pas connaissance de données explicatives nouvelles à ce propos.
M. Jacques CAEN
Les cellulites cervico-faciales s’identifient-elles avec la description ancienne de l’angine de Ludwig ? La constatation majeure me paraît l’association quasi constante de streptocoques et d’anaérobies. Cette synergie se retrouve aussi dans les fasciites pariétales nécrosantes et dans les gangrènes gazeuses. Quels sont ces streptocoques ? Souches toxinogènes ? Production de collagénases A/B ? Anaérobies activant ces Toll-récepteurs en cause ? Il s’agit toujours de streptocoques.
Oui et non : les cellulites dont je viens de parler peuvent constituer une complication de l’angine de Ludwig. Celle dernière — qui n’est pas une angine — constitue un phlegmon d’origine essentiellement dentaire, se collectant habituellement dans le plancher de la bouche. Elle partage toutefois la possibilité, heureusement devenue rare, d’une extension aux espaces cellulo-aponévrotiques cervicaux voire médiastinaux. Quant à l’association quasi-constante de streptocoques, en règle du groupe Millieri, et d’anaérobies, elle correspond de fait à une synergie de flore cultivable. Mais de très nombreuses autres espèces non identifiables par les techniques classiques de culture sont sans doute présentes. Leur identification nécessite une approche moléculaire actuellement en cours de développement et confirmera une diversité extrême de la flore. Il reste que ces germes sont sans aucun doute toxinogènes, ce qui en explique la gravité. Un seul streptocoque, celui du groupe A pyogenes, semble capable d’agir seul, c’est-à-dire sans synergie avec des anaérobies. Il est aussi probable qu’ils agissent sur les Toll-récepteurs, dont on sait qu’ils interviennent dans la réponse immunitaire et le déclenchement de l’inflammation.
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 3, 661-678, séance du 22 mars 2011