Communication scientifique
Séance du 31 janvier 2023

L’épilepsie : un modèle pour comprendre la psychose ?

MOTS-CLÉS : Épilepsie, Troubles psychotiques, Phénomènes physiologiques
Epilepsy: A model for understanding psychosis?
KEY-WORDS : Epilepsy, Psychotic disorders, Physiological phenomena

S. Dupont

L’auteur déclare avoir reçu des honoraires en tant que consultante ou oratrice des laboratoires : Angelini, Bial, EISAI, Jazz/GW, Sanofi, UCB.

Résumé

La psychose est la troisième comorbidité psychiatrique la plus fréquente de l’épilepsie avec une prévalence poolée estimée à 5,6 %. On classe ces psychoses de l’épilepsie selon leur lien de survenue chronologique avec les crises : interictales, ictales, post-ictales, alternatives (normalisation forcée). Nous sommes donc dans une situation paradoxale où tout à la fois l’excès de crises (psychose post-ictale) et l’arrêt des crises (normalisation forcée) peuvent générer des épisodes psychotiques aigus. Différentes hypothèses, non exclusives les unes des autres, peuvent expliquer ces deux tableaux a priori antagonistes de psychose de l’épilepsie : (1) l’hypothèse neuro-oscillatoire : une activité neuronale inhabituelle produirait une désynchronisation à distance des réseaux corticaux, perturbant les entrées sensorielles et conduisant à l’émergence de symptômes psychotiques résolutifs à la disparition de ces oscillations neuronales inhabituelles ; (2) l’hypothèse Dopaminergique : la libération de Dopamine en rapport avec la recrudescence des crises induirait les symptômes psychotiques ou à l’inverse induirait tout à la fois la cessation des crises et la production des symptômes psychotiques dans le modèle de la normalisation forcée et (3) l’hypothèse de la perfusion cérébrale : l’hypoperfusion de certaines régions cérébrales entraînerait leur désorganisation fonctionnelle et la psychose post-ictale serait l’expression d’un phénomène de Todt psychiatrique prolongé. L’épilepsie peut donc représenter ici « un modèle expérimental » permettant de mieux appréhender les mécanismes physiopathologiques sous-tendant la psychose.

Summary

Psychosis is the third most common psychiatric comorbidity in epilepsy with an estimated pooled prevalence of 5.6%. The epilepsy psychoses are classified according to their chronological link with seizures: interictal, ictal, post-ictal, alternative (forced normalisation). We are therefore in a paradoxical situation where both an excess of seizures (post-ictal psychosis) and the cessation of seizures (forced normalisation) can generate acute psychotic episodes. Different hypotheses, not mutually exclusive, can explain these two a priori antagonistic pictures of psychosis in epilepsy: (1) the neuro-oscillatory hypothesis: unusual neuronal activity would produce a remote desynchronisation of cortical networks, disturbing sensory inputs and leading to the emergence of psychotic symptoms that resolve when these unusual neuronal oscillations disappear; (2) the Dopaminergic hypothesis: the release of Dopamine in connection with the recrudescence of seizures would induce psychotic symptoms or conversely induce both the cessation of seizures and the production of psychotic symptoms in the model of forced normalisation and (3) the cerebral perfusion hypothesis: the hypoperfusion of certain cerebral regions would lead to their functional disorganisation and the post-ictal psychosis would be the expression of a prolonged psychiatric Todt phenomenon. Epilepsy may therefore represent an “experimental model” for a better understanding of the physiopathological mechanisms underlying psychosis.

Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2022.10.020

Accès sur le site EM Consulte

Unité d’épileptologie, clinique Paul-Castaigne, hôpital Pitié-Salpêtrière, AP–HP, Sorbonne université, CRICM, 47, boulevard de l’hôpital, 75013 Paris cedex 13, France

Bull Acad Natl Med 2023;207:467-471. Doi : 10.1016/j.banm.2022.10.020