Communication scientifique
Session of 15 mai 2012

Le traitement médical des GIST : du palliatif au curatif

MOTS-CLÉS : tumeurs stromales gastro-intestinales
Medical therapy of GIST : from palliative to curative treatment
KEY-WORDS : gastrointestinal stromal tumors

Axel Le Cesne *, Jean-Yves Blay

Résumé

Depuis la découverte de l’efficacité remarquable de l’Imatinib dans les GIST métastatiques à la fin du dernier millénaire, des dizaines d’études ont fait avancer nos connaissances sur la prise en charge de cette pathologie. Grâce à cet inhibiteur de tyrosine kinases, des progrès considérables ont été accomplis en une douzaine d’années, que ce soit dans la définition et la classification de ces tumeurs, dans la compréhension de leurs mécanismes moléculaires et dans la prise en charge thérapeutique des patients atteints de cette néoplasie rare. Le traitement des GIST constitue désormais en 2012 un modèle de thérapie ciblée en Oncologie. Plus de 90 % des patients traités par Imatinib en situation de rechute bénéficient de cette thérapie ciblée en première ligne de traitement et leur médiane de survie est de 60 mois (18 mois avant l’ère de l’Imatinib). Cette révolution thérapeutique a transformé le devenir des patients métastatiques. Elle a conduit à reconsidérer les attitudes médicales et chirurgicales et la durée de la prise en charge de ces patients qui pour la majorité d’entre eux vivent normalement avec une maladie résiduelle dormante. L’Imatinib ne doit pas être interrompu et poursuivi jusqu’à progression ou intolérance. Les premières études publiées en situation adjuvante montrent que l’administration de l’Imatinib pendant un an après l’exérèse des GIST localisées réduit de 70 % le taux de récidive chez les patients présentant un risque significatif de rechute. Administré pendant trois années consécutives l’Imatinib a même un impact significatif sur la survie des patients traités. Malgré ces résultats, la durée optimale de l’Imatinib en situation adjuvante reste encore à définir puisque les patients rechutant après l’arrêt de ce dernier gardent une sensibilité remarquable de l’Imatinib lors de sa réintroduction. A coté de l’Imatinib et du sunitinib qui a également démontré son efficacité en situation métastatique, plusieurs autres inhibiteurs de tyrosine kinases sont en cours de développement. Le couplage de ces derniers avec le profil moléculaire des différents GIST sont des pistes prometteuses pour l’avenir. Les avancées successives observées dans les GIST ont ouvert des perspectives considérables dans d’autres pathologies tumorales.

Summary

Since the discovery of the remarkable efficacy of Imatinib in metastatic GIST at the end of the last century, dozens of studies have further advanced the management of this disease. Considerable progress has been made in the last dozen years thanks to this tyrosine kinase inhibitor, not only in terms of the definition and classification of these tumors, but also in our knowledge of their molecular mechanisms and in the therapeutic management of patients with this rare disease. Treatment of GIST now serves as a model — or even the model — for targeted therapy in oncology. Over 90 % of relapsing patients benefit from first-line Imatinib therapy, with a median survival time of 60 months compared to only 18 months before the Imatinib era. This revolution has transformed the outlook of patients with metastatic disease. It has also led to a review of medical and surgical attitudes and prolonged the management of these patients, most of whom will live normally with dormant residual disease. Imatinib should not be interrupted but continued until the tumor progresses or intolerable adverse effects occur. Early studies showed that adjuvant Imatinib therapy given for one year after resection of localized GIST reduced the recurrence rate by 70 % in patients with a significant risk of relapse. Administered for three consecutive years, Imatinib even had a significant impact on survival. Despite these results, the optimal duration of Imatinib therapy in the adjuvant setting remains to be defined, as patients who relapse after Imatinib discontinuation remain remarkably sensitive to the same drug. In addition to Imatinib (and sunitinib, that has also proven effective in metastatic disease), several other tyrosine kinase inhibitors are in the pipeline. Coupling of these drugs with the GIST molecular profile opens up promising perspectives for the future. Successive advances in GIST therapy have created significant opportunities for the treatment of other tumors.

INTRODUCTION

GIST et Imatinib : 2001, Odyssée de l’Oncologie. Le voyage fascinant de l’exploration scientifique du microcosme de la carcinogenèse jusqu’à l’application thérapeutique chez l’homme ne trouve pas de meilleur support qu’en la découverte quasi simultanée d’une anomalie moléculaire spécifique et causale d’une tumeur maligne (GIST) et le médicament spécifique de cette anomalie moléculaire (Imatinib). Cette découverte a ouvert des perspectives considérables dans le domaine de l’oncologie médicale.

L’Imatinib (Glivec®, initialement appelé STI571, Novartis Pharma, Suisse) est un inhibiteur sélectif des tyrosines kinases c-abl, bcr-abl, c-kit et PDGFR interagissant avec la protéine au niveau du site de fixation de l’ATP. Synthétisé en 1992, le STI-571 a acquis ses lettres de noblesses dans la leucémie myéloide chronique (LMC) caractérisée par une translocation spécifique dont le gène de fusion bcr-abl produit une protéine à activité tyrosine kinase responsable de cette leucémie. L’activité remarquable de l’Imatinib dans la LMC (obtention de l’AMM en février 2002 en France dans cette indication) a rapidement fait envisager son utilisation dans d’autres tumeurs présentant une protéine à activité tyrosine kinase anormalement exprimée.

L’Imatinib a été proposée la première fois à une patiente finlandaise présentant une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST) c-kit + en Mars 2000 sur une idée de George Demetri du Dana Farber Hospital de Boston, basée conjointement sur la découverte de la protéine c-kit à la surface des GIST [1] et l’efficacité in vitro du

Glivec sur la protéine kit. Depuis ce cas qui a fait l’objet d’une publication dans le New England Journal of Medecine en 2002 [2], les phases I, II et III se sont terminées très vite [3-5], et ce produit a obtenu l’autorisation de mise sur le marché en Europe en Juin 2002 dans les GIST localement avancés inopérables et/ou métastatiques. Il s’agit du produit en Oncologie ayant obtenu le plus rapidement son enregistrement après l’inclusion du premier patient dans une étude (deux années). Le tableau ci-dessous récapitule les étapes clefs du développement de l’Imatinib dans la leucé- mie myéloïde chronique et dans les GIST.

Douze ans après le traitement du premier patient par Imatinib, l’engouement autour des GIST et du concept des thérapeutiques ciblées dans cette pathologie est toujours aussi exceptionnel. Quels ont été les enseignements de cette innovation thérapeutique durant cette dernière décennie ?

En situation de GIST avancé (en rechute, métastatique ou localement avancé non opérable) :

Plus de 90 % des patients traités par Imatinib « répondent » au traitement (moins de 5 % avec la chimiothérapie conventionnelle avant l’ère de l’Imatinib) mais l’évaluation de la réponse tumorale selon les critères RECIST avec une imagerie conventionnelle (Scanner/IRM) n’est pas optimale, les patients ayant une stabilisation tumorale volumétrique sous Imatinib (40 à 50 % des cas) ont le même devenir que les patients atteignant les critères de réponses objectives (40 à 50 % des cas) [6]. Les techniques d’imagerie fonctionnelle comme le PET-scan ou l’échographie avec logiciel de perfusion semblent être les meilleurs examens radiologiques pour évaluer précocement l’efficacité des anti-tyrosines kinases dans leur ensemble. Celui-ci montre une diminution de plus de 50 % des hyperfixations des masses tumorales chez 90 % des patients dans les deux premiers mois de traitement, alors que le volume tumoral peut rester inchangé ou en diminution modérée et progressive au cours du temps avec les techniques d’imagerie conventionnelle [7]. Cependant, dans la mesure où cette réponse fonctionnelle est couplée à une amélioration subjective rapide de ces mêmes patients (bien être, disparition des symptômes, normalisation du bilan biologique hépatique, reprise de l’appétit, prise de poids….) l’utilisation de ces examens n’est que peu utilisée en routine pour évaluer la réponse tumorale. A l’inverse, ces derniers peuvent, par contre, détecter précocement les patients présentant une

Imatinib : un développement sans précédent 1987 Identification de la protéine BCR-ABL dont l’activité tyrosine kinase dérégulée entraîne la prolifération incontrôlée des globules blancs.

1990 Des chercheurs de Novartis identifient plusieurs composés dotés d’une activité potentielle contre la protéine BCR-ABL.

1992 Glivec®, premier traitement ciblé de la LMC, est synthétisé 1998 Début d’un essai clinique de Phase I chez les patients atteints de LMC résistants à l’interféron 1998 Découverte de la protéine KIT, facteur clé des GIST par Hirota 2000 Étude de Phase III comparant Glivec® à un traitement standard par Interféron alpha+ Ara-C initiée chez les patients atteints de LMC en phase chronique.

2000 Deux études de phase III comparent 400 mg et 800 mg/j dans les GIST avancés 2001 Première AMM de Glivec® en Europe dans le traitement des patients adultes atteints de LMC Ph+ en phase chronique après échec du traitement par l’interféron alpha, ou en phase accélérée ou en crise blastique.

2002 Première extension d’indication pour le traitement des patients adultes atteints de

GIST malignes Kit (CD117) positives non résécables et/ou métastatiques.

2002 Deuxième extension d’indication pour Glivec® dans le traitement des patients atteints de LMC chromosome Philadephie positive nouvellement diagnostiquée lorsque la greffe de moelle osseuse ne peut être envisagée comme un traitement de première intention.

2003 L’Imatinib reçoit le prix Galien national et international de l’innovation thérapeutique 2006 Quatre nouvelles extensions d’indication pour le traitement :

— Leucémie aiguë lymphoïde chromosome Philadelphie positive (LAL Ph+) nouvellement diagnostiquée en association avec la chimiothérapie.

— Syndromes myélodysplasiques /myéloprolifératifs — Syndrome hyperéosinophilique à un stade avancé et/ou d’une leucémie chronique à éosinophiles (LCE) associés à un réarrangement du FIP1L1-PDGFR.

— Dermatofibrosarcome protuberans (DFSP ou maladie de Darier-Ferrand) non résécable 2009 Indication de l’Imatinib en Europe pour le traitement post-opératoire adjuvant des

GIST chez les patients présentant un risque significatif de rechute (durée minimale de 1 an) 2012 Extension d’indication de l’Imatinib en Europe pour le traitement post-opératoire adjuvant des GIST chez les patients présentant un risque significatif de rechute (durée minimale de 3 ans) résistance primitive ou secondaire à l’Imatinib, afin de ne pas poursuivre inutilement un produit coûteux chez ces patients.

— Il n’existe pas d’effet-dose à partir d’une dose seuil quotidienne de 400 mg, les résultats observés à 600 mg et à 800 mg en terme d’efficacité étant similaires mais nettement plus toxiques pour les fortes doses [3-5]. En outre, la cinétique de réponse est similaire quelle que soit la dose utilisée. Le seul cas de figure où il a été démontré une supériorité des fortes doses concerne les patients ayant un GIST muté sur l’exon 9 traités d’emblée par 800 mg/jour. Leur survie sans progression est significativement supérieure à celle observée chez les patients ne recevant que 400 mg de d’Imatinib par jour (dix-neuf mois contre six mois respectivement).

Aucune différence dans tous les autres GIST.

— Les patients développent des résistances secondaires sous Imatinib (reprogression après une réponse initiale). La médiane de survie sans progression est de vingt à vingt-quatre mois dans l’ensemble des séries rapportées. Le statut mutationnel du GIST (KIT/PDGFR) influence la survie sans progression des patients, significativement plus longue chez les patients présentant une mutation de l’exon 11, plus courte dans tous les autres cas. L’acquisition de nouvelles mutations de KIT sous Imatinib représente le mécanisme de résistance le plus fréquemment rencontré [8-10].

— L’Imatinib a révolutionné le pronostic des GIST localement avancés inopérables et/ou métastatiques: la survie médiane est passée de dix-huit mois avant l’ère de l’Imatinib à plus de cinq ans après. Trente cinq pour cent des patients sont en vie à neuf ans. Il s’agit de la plus grande avancée thérapeutique dans les tumeurs solides avancées inopérables depuis plus de vingt ans et depuis l’avènement du cisplatine dans les tumeurs germinales. Le rôle de l’Imatinib en première ligne de traitement est indiscutable et non discutée [3-5].

— La survie des patients dépend de la nature des mutations de KIT : quarante-trois mois pour les patients ayant un GIST wild-type (pas de mutation retrouvée ou jusqu’à ce jour identifiée), trente mois pour les patients ayant un GIST muté sur l’exon 9 et une médiane de survie de cinquante-huit mois pour les patients ayant un GIST muté sur l’exon 11 (qui représente plus de deux tiers des patients) [4, 9].

La cinétique de la réponse n’a aucune influence sur la survie, les patients développant une réponse partielle pour la première fois à deux, quatre, six ou neuf mois ayant exactement la même survie [3].

— Quelles sont les caractéristiques phénotypiques et génotypiques des longs répondeurs/survivants ? Il s’agit en majorité de femmes, en bon état général, avec un petit volume tumoral et un taux normal d’hémoglobine à l’inclusion. La majorité d’entres eux sont porteurs d’une altération génétique sur l’exon 11 de KIT (87 % des patients) dont 20 % présentant une délétion au niveau des codons 557 et 558. Le volume tumoral initial conditionne le devenir des patients sous Imatinib : la survie sans progression passe de 29 % à neuf ans lorsque le volume tumoral est inférieur à 39 mm2 à 3 % lorsque ce dernier est supérieur à 262 mm2.

L’incidence des résistances secondaires augmentent avec l’importance de la masse tumorale [11, 12].

— L’Imatinib ne doit pas être interrompu chez les patients répondeurs. La durée optimale de l’Imatinib chez des patients présentant un GIST avancé et la question d’une éventuelle guérison des patients sous Imatinib seule a été posée par l’étude française BFR14. Cinquante-huit patients répondeurs à l’Imatinib ont été randomisés après un an de traitement par Imatinib (arrêt versus poursuite). La quasi-totalité (91 %) des patients ayant été randomisés dans le bras arrêt ont ré-évolué dans un délai médian de sept mois. La reprise de l’Imatinib permet d’obtenir un nouveau contrôle de la maladie dans 86 % des cas, aboutissant à une survie globale à trois ans similaire dans les deux bras thérapeutiques [13]. Cette même question a été posée, non plus après un an de traitement mais après trois ans d’Imatinib. Cinquante patients répondeurs ont été randomisés une nouvelle fois, entre arrêt du traitement et poursuite. La survie sans progression à un an de la randomisation est de 20 % dans le bras arrêt contre 92 % dans le bras poursuite (p=0,0013). Quatre-vingt pour cent des patients inclus dans le bras interruption ont rechuté, avec une médiane de progression similaire de sept mois, y compris dans le petit groupe des patients étant considé- rés en rémission complète (un tiers des patients randomisés). La reprise de l’Imatinib chez ces patients permet une nouvelle fois un contrôle de la maladie dans tous les cas même si la qualité de la réponse lors de la reprise de l’Imatinib ne semble pas similaire en tout point à celle obtenue avant l’arrêt de ce dernier [14]. Enfin cette même question a été posée après cinq ans d’Imatinib: 50 % des patients randomisés dans le bras arrêt après cinq ans de traitement ont re-progressé (médiane de progression de douze mois) alors qu’aucun des patients n’a développé de résistances secondaires) à ce jour dans le bras poursuite. Les courbes de progression tumorale dès l’arrêt de l’Imatinib, et ce pour les trois randomisations testées dans le temps (1, 3 et 5 ans d’Imatinib), sont identiques, malgré la sélection naturelle des patients longs répondeurs [15].

— L’incidence des résistances secondaires décroît avec la durée d’administration de l’Imatinib. Si la survie sans progression est en médiane de vingt-quatre mois lorsque l’on instaure un traitement par Imatinib à la dose de 400 mg/j, les probabilités d’échappement sous traitement diminuent avec la durée de son administration et un plateau est obtenu après cinq ou six ans de traitement. Si le terme de guérison est difficilement prononçable chez des patients métastatiques puisque la maladie réapparaît peu ou prou de temps après l’arrêt de l’Imatinib, le terme de rémission complète prolongée voire définitive peut être envisagé chez des patients n’arrêtant jamais le traitement et qui le prennent pendant une durée minimale de cinq ans. L’impact de l’exérèse des lésions résiduelles sous Imatinib n’est pas encore clairement démontré mais cette approche peut être discutée au cas par cas chez des patients sélectionnés dans les réunions pluridisciplinaires [16]. Les résultats observés en situation de GIST avancé peuvent ils être transposés aux situations adjuvantes dans les GIST notamment à haut risque de récidive où la durée optimale demeure inconnue ?

— La toxicité de l’Imatinib n’a rien à voir avec celle d’une chimiothérapie. Les toxicités de grades 3/4 ne concernent que 5 % environ des patients. Les principaux effets secondaires souvent non limitant sont les suivants : œdème périorbitaire matinal, épigastralgies, un rash cutané transitoire, une accélération du transit avec épisodes diarrhéiques, crampes musculaires ou myalgies, une asthé- nie parfois prononcée vraisemblablement en rapport avec une anémie quasi constante d’étiologie multifactorielle. Ces toxicités sont le plus souvent transi- toires, peu intenses, s’atténuent dans le temps et ne nécessitent pas nécessairement d’interruption du traitement (arrêt chez environ 5 % des patients présentant ces mêmes toxicités mais de façon plus prononcées) [3-5].

— Y a-t-il une place pour tester en première ligne de traitement en situation tumorale avancé des inhibiteurs de tyrosines kinases autres que l’Imatinib ?

Compte-tenu de son efficacité remarquable, il est en effet théoriquement possible de tester en « fenêtre thérapeutique » d’autres produits ayant une activité contre KIT. Une imagerie fonctionnelle avec évaluation précoce de la réponse est requise pour de telles approches pour ne pas poursuivre un traitement inefficace chez des patients ayant désormais une espérance de survie de plus de cinq ans avec l’Imatinib. Des études de phase II/III sont actuellement menées avec le dasatinib (Sprycel®, BMS) ou le masitinib (AB1010, ABscience) [17]. Ce dernier donne des résultats similaires à l’Imatinib sur une petite étude de phase II et s’y compare actuellement dans une étude de phase III internationale. Enfin l’étude de phase III randomisée comparant le Nilotinib (800 mg/j) à l’Imatinib (400 mg) en première ligne de traitement à été arrêtée pour futilité, la probabilité de démontrer un avantage du Nilotinib par rapport à l’Imatinib étant nulle.

En situation adjuvante

La pierre angulaire du traitement des GIST localisés demeure la chirurgie. Le diagnostic de ces tumeurs rares est souvent porté sur l’analyse de la pièce opératoire après une exérèse de ces masses développées dans les couches profondes du tractus digestif. Il était devenu inévitable d’évaluer l’impact de l’Imatinib en situation adjuvante compte-tenu de son efficacité en situation avancé et du nombre élevé de rechute chez les patients ayant un risque élevé de récidive, et ce, malgré une chirurgie optimale initiale. Qu’a-t’on apprit des études ayant posé cette question ?

— En avril 2007, un communiqué de presse du NCI a rapporté les premiers résultats de l’étude ACOSOG Z9001 qui comparaît le devenir des patients ayant reçu un an d’Imatinib (400 mg par jour) par rapport à ceux qui recevait un an d’un placébo, après l’exérèse d’un GIST de plus de 3 cm. La survie sans récidive à un an des patients est de 97 % dans le bras Imatinib contre 84 % dans le bras placébo (p < 0.001). Il n’existait pas de différence sur la survie globale entre les deux bras thérapeutiques au moment de l’analyse. Le bénéfice de l’Imatinib administré un an en situation adjuvante est indiscutable avec une diminution du risque de rechute à un an de 89 %. Une extension de l’enregistrement de l’Imatinib a été obtenue dans cette indication en Europe en avril 2009 pour les patients ayant un GIST à risque significatif de rechute (GIST à haut risque et risque intermédiaire de rechute selon la classification histo-pronostique de l’AFIP (Miettinen et al, 2006). Le libellé de cette extension d’AMM stipule que la durée optimale de l’Imatinib en situation adjuvante demeure inconnue même si les résultats n’ont été rapportés que sur cette seule étude. L’incidence élevée des rechutes surtout dans les GIST à haut risque de récidive fait penser qu’une année d’Imatinib n’est pas suffisante pour éradiquer la maladie résiduelle [18].

— L’étude coordonnée par l’EORTC (plus de 900 patients inclus) compare deux ans d’Imatinib à une simple surveillance après l’exérèse d’un GIST localisé de risque intermédiaire ou de haut risque de rechute. Le critère de jugement principal était initialement la survie globale. Compte-tenu des résultats de l’étude précédente, l’objectif principal a été modifié pour devenir le temps jusqu’à la progression sous Imatinib. Le traitement standard étant la réintroduction de l’Imatinib en situation de rechute, est ce que l’administration antérieure d’Imatinib (en situation adjuvante) modifie l’incidence de la résistance secondaire dans le temps ? Les résultats ne seront pas connus avant 2013 ou 2014.

— L’étude germano-scandinave (AIO-SSG) compare un an à trois ans d’Imatinib après l’exérèse d’un GIST à haut risque de rechute. Les résultats rapportés en 2011 viennent modifier un standard thérapeutique. En avance sur son temps, cette étude bâtie en 2003 avait déjà anticipé la question de l’intérêt de l’Imatinib en situation adjuvante dans les GIST à haut risque de rechute puisqu’il n’y avait aucun bras placébo ou surveillance sans traitement comme bras thérapeutique standard. Les résultats se passent de commentaires : la survie sans progression à trois ans est de 60,1 % pour le bras court (un an d’Imatinib) contre 86,6 % pour le bras long (trois ans d’Imatinib). Bénéfice similaire à cinq ans (47,9 % vs 65,6 %). La différence est hautement significative pour le bras long (p<0,0001).

Tous les sous-groupes de patients bénéficient de cet avantage en PFS qui se traduit également par un avantage sur la survie globale : non significativement différente à trois ans, elle devient significative à cinq ans avec une survie de 92 % pour les patients inclus dans le bras trois ans, contre 81,7 % pour le bras un an (p = 0,019). Quatorze décès liés au GIST sont observés dans le bras trois ans contre sept dans le bras un an. Cette étude vient modifier un standard thérapeutique car il est désormais acquis que les GIST à haut risque de rechute doivent recevoir un traitement adjuvant par Imatinib, 400 mg/j, pendant une durée minimale de trois ans [19]. Une nouvelle extension de l’enregistrement de l’Imatinib a été obtenue dans cette indication en Europe en février 2012 pour les patients ayant un GIST à risque significatif de rechute.

— Sur quelle classification histo-pronostique se base-t-on pour définir ces patients à risque significatif de rechute ? Sur celle de Miettinen de 2006 incluant le site tumoral initial, la taille de la tumeur et l’index mitotique [20]. La dernière classification (Joensuu) incorpore en outre la notion de rupture tumorale (avant ou pendant l’acte opératoire) [21]. Ces patients doivent désormais être considérés comme des patients métastatiques d’emblée et recevoir de l’Imatinib jusqu’à progression tumorale, intolérance ou refus du patient. Les GIST à haut risque de rechute représentent environ un tiers des patients et le risque de rechute oscille entre 30 % et 90 % à cinq ans. Les GIST à risque intermédiaire de rechute ont un risque estimé entre 10 à 30 % à cinq ans. Quelle que soit la classification utilisée, lorsque l’on décide d’un traitement adjuvant dans ces GIST à risque significatif de rechute, celui-ci doit désormais s’administrer sur une période de trois ans.

— Vers un traitement plus prolongé (à vie ?) dans les GIST à haut risque de rechute ? Lorsque l’on analyse attentivement les courbes de survie sans récidive dans l’étude ACOSOG Z9001 (pour les tumeurs de plus de 10 cm), et dans les bras un an et trois ans de l’étude germano-scandinave (AIO-SSG), les pentes de ces courbes sont toutes parallèles les unes par rapport aux autres, uniquement déplacées dans le temps d’un intervalle lié à la durée de la prise de l’Imatinib plus six mois environ (le temps de développer une progression RECIST sur une imagerie conventionnelle) : ces constatations sous-tendent que l’Imatinib ne permet que de retarder la rechute mais ne la prévient pas [18, 19]. Toutes les courbes en tendance à ce recroiser dans le temps pour former une ébauche de plateau aux alentours des 50 % de rechute, comme si la chirurgie seule permettait de guérir 50 % de ces patients à haut risque. Une des objectifs futurs dans les années à venir sera indiscutablement de déterminer quels sont ces patients qui pourraient ne pas avoir besoin d’un traitement adjuvant dont la durée optimale n’est pas encore définie. Une meilleure caractérisation phénotypique/ génotypique de ces patients (voir plus loin) nous aidera certainement dans le futur à mieux définir les sous-groupes de patients devant bénéficier d’un traitement adjuvant, et ce certainement pour une durée largement supérieure à trois ans, car si un patient doit rechuter, il rechutera, quelle que soit à priori la durée de l’Imatinib. Rappelons que les patients randomisés dans le bras continu, après cinq ans d’Imatinib, de l’étude BFR14 (voire chapitre précédent), ne développent plus de résistance secondaire. Une durée minimale de cinq ans permettrait ainsi de sélectionner une population en situation adjuvante excessivement favorable. L’étude de phase II Persist (cinq ans d’Imatinib en situation adjuvante) est actuellement en cous d’inclusion outre-atlantique.

— Quel est le suivi optimal des patients ayant reçu de l’Imatinib en situation adjuvante ? Compte-tenu de la cinétique des rechutes chez les patients ayant un GIST à haut risque de récidive, une surveillance rapprochée des patients au décours immédiat de l’arrêt de l’Imatinib est recommandée: tous les trois ou quatre mois dans les deux ans qui suivent l’interruption de l’Imatinib puis tous les six mois ultérieurement [22, 23]. Le scanner abdominopelvien reste l’examen radiologique de référence pour suivre ces patients. Dans les GIST à risque intermédiaire de rechute, une surveillance bi annuelle est suffisante.

— Quoi faire en cas de rechute ? le standard thérapeutique actuel est la reprise de l’Imatinib à la dose de 400 mg par jour. L’étude BFR14 l’a bien montré, la reprise de l’Imatinib en cas de nouvelle progression tumorale évolutive à l’arrêt de ce dernier permet un nouveau contrôle tumoral chez 100 % des patients randomisés dans les bras « arrêt du traitement » après trois et cinq ans d’Imatinib [14]. De façon similaire les patients ayant rechuté après avoir pris un an ou trois ans d’Imatinib en situation adjuvante dans l’étude germano-scandinave garde une sensibilité remarquable à l’Imatinib lors de la reprise avec plus de 80 % de bénéfice clinique [24].

 

GIST et mutations

On ne pourra plus se passer dans un avenir proche du statut mutationnel du GIST, lorsque l’on prendra en charge un patient, aussi bien en situation adjuvante qu’en situation de rechute. Ces mutations ont une valeur pronostique, prédictive et thérapeutique. Leur recherche était hautement recommandé dans les guidelines européens en 2010 [22, 23], elle va devenir obligatoire dans les dernières, mises à jour en début d’année 2012 et publiées dans les mois prochains. Quelles en sont les raisons principales ?

— L’impact de l’Imatinib en situation adjuvante sur la survie sans progression dépend du statut mutationnel du GIST réséqué : le bénéfice d’un traitement par Imatinib se voit principalement dans le groupe des patients ayant un GIST muté au niveau de l’Exon 11 de KIT (PFS à deux ans passant de 65 % pour le bras placebo à 91 % pour le bras Imatinib dans l’étude ACOSOG Z9001) et ce quelle que soit la nature de ces mutations sur cet exon. Le bénéfice de l’Imatinib dans les autres GIST est actuellement nettement plus discutable : pas ou peu d’impact sur les GIST Wild-type et sur la population des exons 9 de KIT, aucun impact dans le groupe des patients ayant une mutation D842V de PDGFRa (mutation hautement résistante in vitro et in vivo à l’Imatinib). Les rares patients qui ont par contre une mutation de PDGFRa autre que celle précitée bénéficient de l’Imatinib [25].

— Il n’est donc pas certain que les patients ayant un GIST présentant une mutation autre que l’Exon 11 de KIT bénéficient de l’Imatinib en situation adjuvante. Il faut cependant rester prudent dans ces conclusions et attendre notamment un suivi prolongé des patients inclus dans ces études et les résultats d’autres études non encore publiées. Une méta-analyse de toutes les études adjuvantes (ACOSOG/SSG-AIO/EORTC) terminées et/ou en cours d’analyse devra être effectuée pour identifier les patients pouvant ne pas bénéficier d’un traitement adjuvant possiblement inutile, long et couteux.

— Les mutations de KIT/PDGFRa ont une valeur pronostique propre : les patients présentant une mutation de l’Exon 11 de KIT développent plus de rechute que les autres (d’où leur incidence naturellement plus élevée dans les études en situation de rechute). Ainsi une mutation de l’Exon 11 de KIT a une valeur pronostique défavorable, mais a une valeur prédictive favorable (plus grande sensibilité de ces GIST à l’Imatinib en situation de rechute, plus de longs répondeurs sous Imatinib, survie globale prolongée chez ces patients, voire chapitre précédent). A l’opposé, l’absence de mutation (WT) confère au GIST une valeur pronostique favorable (très peu de rechute après l’exérèse d’un GIST localisé) mais une valeur prédictive de sensibilité à l’Imatinib défavorable. Il en est de même pour les patients porteurs de la substitution D842V de PDGFRa, principalement (exclusivement ?) retrouvée dans les GIST gastriques. Il s’agit d’une mutation ayant une valeur pronostique excessivement favorable (très peu de rechute quelle que soit la taille tumorale ou l’index mitotique, GIST le plus souvent indolent, prédominance masculine) mais une valeur prédictive de sen- sibilité très défavorable (avec aucune réponse objective chez les patients traités) [26, 27].

— Le statut mutationnel des GIST localisés diffère de nos connaissances issues des analyses génétiques effectuées en situation métastatique. Ainsi si la mutation D842V du gène PDGFRa qui n’est retrouvée que dans 5 % environ des patients inclus dans les études en situation métastatique, 20 à 25 % des GIST gastriques localisés opérés présentent cette mutation insensible à l’Imatinib [28]. En l’absence d’analyse mutationnelle obligatoire dans l’algorythme décisionnel des traitements adjuvants dans les années à venir, un quart des patients ayant un GIST gastrique à risque significatif de rechute vont recevoir un traitement par Imatinib pendant une durée minimale de trois ans inutilement !

— Vers un traitement personnalisé dans les GIST ? Chaque mutation confère au GIST des particularités propres en termes de sensibilité/résistance aux drogues utilisées dans cette pathologie. Qu’avons-nous appris pendant cette dernière décennie [29-31] ?

• Les GIST WT (10 % des GIST environ) présentent possiblement des altérations génétiques différentes que les autres (mutations braf, kras, sur-expression d’IGF1R, mutations/perte d’expression de la succinate déshydrogénase).

D’autres thérapeutiques ciblées vont certainement être utilisées dans un avenir proche dans ces GIST, en fonction de ces altérations.

• Dans les GIST présentant une mutation de PDGFRa, des anticorps antiPDGFR, notamment celui dirigé contre la mutation la plus résistante (D842V), le crenolanib (CP-868596) inhibe de façon spectaculaire les lignées cellulaires transfectées avec ce gène muté. Des études de phase I-II sont actuellement en cours dans cette population de GIST très sélective.

• Le sunitinib (sutent®, Pfizer), seule anti-tyrosine kinase qui a obtenu à ce jour une AMM en 2006 [32] dans les GIST réfractaires/résistants/intolérants à l’Imatinib est particulièrement actif dans les GIST WT, les GIST ayant une mutation de l’Exon 9 de KIT et les GIST ayant une mutation initiale de l’Exon 11 de KIT mais ayant développé une nouvelle mutation dans les Exons 13 et 14 dans les lésions résiduelles devenues résistantes à l’Imatinib. Encore faudrait-il pouvoir biopsier ces dernières ce qui n’est pas aisé chez ces patients.

• Le sorafenib (nexavar, Bayer), pan-tyrozyne kinase inhibant KIT, PDGFR, VEGFR et des serines/thréonine kinases (RAS/RAFMEK/ERK) est toujours très utilisé en troisième ligne : comme le sunitinib, il est actif sur les GIST développant des nouvelles mutations sur les Exons 13 et 14 de KIT mais également sur les lignées résistantes à l’Imatinib dues à des nouvelles mutations situées au niveau de la zone catalytique distale de KIT (Exons 17 à 18 de KIT).

CONCLUSION

L’Imatinib a constitué le premier médicament intelligent en oncologie médicale en agissant sur l’événement causal d’une tumeur solide. Il s’agissait déjà d’un traite- ment « à la carte » où l’expression tumorale d’une anomalie moléculaire, « KIT » ne pouvait être modulée que par « un anti-KIT spécifique ». Un meilleur démembrement de ces tumeurs rares grâce à la biologie moléculaire et à la cytogénétique couplé à la découverte de nouvelles molécules spécifiques inaugure la pharmacogénomique de demain où chaque tumeur pourra être traitée en fonction de ses caractéristiques génétiques. Ces avancées successives dans les GIST ont ouvert également des perspectives considérables dans d’autres pathologies tumorales. Le voyage dans l’odyssée de l’oncologie ne fait que commencer….

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DISCUSSION

Mme Monique ADOLPHE

Pouvez-vous nous préciser les mécanismes de résistance dont vous avez parlé ?

Les principaux mécanismes de résistance sont principalement de deux ordres : — génétique avec l’acquisition de nouvelles mutations au sein de l’Exon 11 de KIT, principalement dans la zone catalytique du récepteur (Exon 13 ? 14, 17 et 18), — pharmacocinétique : accélération dans le temps du métabolisme de l’Imatinib, diminution de la concentration plasmatique et de l’aire sous la courbe, d’où l’importance d’un dosage de l’Imatinibémie plasmatique en cas de progression tumorale sous 400 mg de glivec.

M. Jacques-Louis BINET

Quels sont les effets indésirables de l’Imatinib ?

Les trois principaux sont l’oédème péri-orbitaire (physiopathologie non connue), l’asthé- nie et les crampes. Les toxicités de l’Imatinib varient dans le temps et dépendent de la durée d’administration de ce dernier : les trois toxicités précitées se voient dans la durée.

Au début, outre celles-ci, on peut rencontrer une accélération du transit, une sécheresse cutanée, des épigastralgies et quelque troubles biologiques de type neutropénie légère, anémie et cytolyse hépatique.

M. Pierre GODEAU

N’est-ce pas illogique de proposer, dans des cas considérés à faible risque après exérèse chirurgicale réussie de tumeurs de 3 cm ou plus, un traitement par Imatinib de trois ans puisque vous nous avez bien précisé que le traitement n’avait qu’un effet suspensif « cytos- tatique » et que la rechute était quasi certaine dans les cas à haut risque ayant bien répondu même après cinq ans. Quelle serait l’utilité d’un traitement de trois ans ?

Il est quand même délicat d’imposer un traitement préventif pendant trois ans chez des personnes opérés d’un GIST ayant moins de 10 % de risque de développer une rechute à cinq ans. Ces patients-là ont quand même 90 % de probabilité d’être guéris par une chirurgie exclusive. A nous, maintenant, de détecter dans cette population des paramè- tres clinico-biologiques prédictifs d’une rechute.

M. Christian NEZELOF

Les malades sous Imatinib développent-ils des anticorps ? Le Glivec est-il cytosique en culture de tissus ? Quel est le seuil de toxicité ?

Non, les patients ne développent pas d’anticorps contre l’Imatinib, il s’agit d’une petite molécule qui rentre dans la cellule en venant se fixer sur le récepteur KIT ou PDGFR. In vitro l’Imatinib vient lyser les cellules sensibles et ne donne aucun effet sur les lignées résistantes (en transfectant les mutations connues résistantes). Ainsi nous avons différentes lignées cellulaires pour tester les nouveaux agents de ce type.

M. Jean-Luc de GENNES

Ne pourrait-on pas envisager, après une rémission complète par Imatinib, de relayer ce traitement par une immunothérapie, pour éviter la récidive ?

Il existe de plus en plus d’arguments pour penser que l’Imatinib joue un rôle en stimulant ou pas les défenses immunitaires via les cellules natural killer (NK) ou CD4. Il s’agit d’un domaine de recherche tout nouveau qui mérite d’être exploré en profondeur. En tout cas, les patients métastatiques vivant longtemps ont une immunité plus « fonctionnelle » que ceux évoluant plus rapidement. A suivre.

M. Raymond ARDAILLOU

Existe-t-il des variants génétiques constitutionnels du récepteur à tyrosine kinase expliquant les différences d’évolution et de réponse au traitement ?

Oui certainement même si à l’heure actuelle, ils demeurent peu connus. Déjà la nature même du type de mutation de KIT et/ou de PDGFR influence la rapidité de la réponse et de la survie sans récidive, donc de la survie globale des patients. Les différentes mutations induisent une affinité particulière du récepteur vis-à-vis de l’Imatinib (vraisemblablement via sa configuration protéique en trois dimensions).

M. Jean DUBOUSSET

Les petits GIST, que nous avons tous plus ou moins, ont-ils les mêmes mutations moléculaires que les symptomatiques ?

Oui effectivement, ces microGISTs ont des mutations qui ne diffèrent pas significativement des GIST plus avancés. A nous de poursuivre les recherches dans ce domaine pour essayer de mieux comprendre pourquoi certains et d’autres pas vont développer, à partir de ces microGISTs de véritables GIST plus agressifs (autres voies intracellulaires, autres récepteurs, immunologie, cellules de l’hôte ?). À suivre de très près.

 

ANNEXE 1

RAPPORT ANNUEL DE L’ASCO au CONGRÈS DE CHICAGO LE 8 JUIN 2012

SARCOMES des TISSUS MOUS et GIST

Axel Le Cesne, Institut Gustave Roussy, Villejuif

Les sarcomes/GIST ont fait l’objet de cinq séances entières et de sessions parallèles.

Ces dernières sont toujours aussi riches en innovations et concepts thérapeutiques avec des résultats qui peuvent changer nos pratiques quotidiennes, aussi bien dans les GIST que dans les sarcomes.

Tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST)

Douze ans après le traitement du premier patient par Imatinib (Glivec®), l’engouement autour des GIST et du concept des thérapeutiques ciblées dans cette pathologie est toujours aussi exceptionnel. Les enseignements de cet ASCO 2012 sur les GIST peuvent se résumer de la façon suivante :

En situation adjuvante Pas de réactualisation cette année de l’étude germano-scandinave (SSG-AIO) pré- sentée l’année dernière en séance plénière (ASCO 2011, Joensuu et al, abstract no 1), puis à l’ESMO 2011. Cette étude comparaît une année à trois ans d’Imatinib dans les GIST à haut risque de rechute (400 patients). La survie sans récidive et la survie globale étaient significativement augmentées dans le groupe de patients ayant reçu trois années de traitement. Cette étude est venue modifier un standard thérapeutique, les GIST à risque significatif de rechute (risque intermédiaire et haut risque de récidive selon la classification de l’AFIP 2006) devant recevoir dorénavant un traitement adjuvant par Imatinib, 400 mg/j, pendant une durée minimale de trois ans. Une extension de l’AMM de l’Imatinib (glivec®) a été obtenue aux États-Unis et en Europe en début d’année 2012.

Environ 20 % des patients inclus dans cette étude présentait un GIST ayant développé une rupture tumorale avant ou pendant l’acte opératoire. Ces patients doivent être considérés comme des patients métastatiques d’emblée et recevoir de l’Imatinib jusqu’à résistance, intolérance ou refus du patient: En excluant ces patients de l’analyse statistique, les résultats rapportés ci-dessus demeurent identiques (données non publiées). Ces patients ne représenteraient que 8 % des patients inclus dans l’étude européenne comparant deux années d’Imatinib à une simple surveillance (Hohenberger et al, abstract 10096).

Rappelons que les courbes de survie sans récidive sans parallèles dans les deux bras thérapeutiques (SSG-AIO), uniquement déplacées dans le temps d’un intervalle lié à la durée de la prise de l’Imatinib plus six mois environ (le temps de développer une progression RECIST sur une imagerie conventionnelle). Ces constatations sousentendent que l’Imatinib ne permet que de retarder la rechute mais ne l’empêche pas.

Une meilleur caractérisation phénotypique/génotypique de ces patients nous aidera certainement dans le futur à mieux définir les sous-groupes de patients devant bénéficier d’un traitement adjuvant, et ce certainement pour une durée possiblement supérieure à trois ans, car si un patient doit rechuter, il rechutera, quelle que soit à priori la durée de l’Imatinib (en tout cas pour une durée minimale de trois ans.

Une méta-analyse de toutes les études adjuvantes (ACOSOG/SSG-AIO/EORTC) terminées et/ou en cours d’analyse devra être effectuée pour identifier surtout les patients pouvant ne pas bénéficier d’un traitement adjuvant possiblement inutile :

les GIST ayant une mutation 842V de PDGFR en font partie. Dans la mesure où environ 20 % des GIST de l’estomac présente cette mutation ponctuelle totalement dépourvue de la moindre sensibilité in vitro et in vivo , la recherche du statut mutationnel va devenir obligatoire dans les futures recommandations européennes publiées prochainement (ESMO). Les patients qui bénéficient le plus d’un traitement adjuvant par Imatinib sont les patients porteurs d’une altération génétique de l’Exon 11 de KIT (deux/tiers des patients). Il est encore trop tôt pour statuer définitivement sur les GIST WT (en cours de démembrement moléculaire) et les GIST ayant une mutation de l’Exon 9 (problème de dose ?).

Actuellement, si l’on se base sur le reGISTry américain ayant collecté des informations sur 1 226 patients pris en charge outre altlantique (GIST localisé dans 83 % des cas, d’emblée métastatique dans 17 % des cas) et traités selon « la vraie vie », seuls 8 % d’entre eux ont bénéficié d’une analyse mutationnelle (Trent et al, abstract 10088). Il y a donc du travail ! Peut-on prescrire du trastuzumab en adjuvant d’un cancer du sein sans analyse du statut HER2 ? Il en sera de même dans les GIST localisés.

Par ailleurs, la durée d’administration de l’Imatinib (douze versus plus de vingtquatre mois), dans la pratique courante aux US (248 oncologues) ne dépend pas uniquement des paramètres énumérés ci-dessus, mais également du sexe du patient (durée plus courte chez l’homme), antécédents cardio-vasculaires, de l’âge (durée plus longue chez les jeunes), tolérance et soucis économiques). Les recommandations peuvent être élaborées, suggérées, conseillées mais par forcément suivies….

La communauté scientifique est toujours en attente des résultats de la dernière étude adjuvante (EORTC) non encore rapportée (908 patients inclus dont environ 50 % de patients ayant un GIST à risque intermédiaire de rechute) : en attendant, un comité de chirurgien ayant participé à cette étude s’est intéressé à la qualité du recueil des données concernant l’exérèse initiale de ces GIST localisés (Hohenberger et al, abstract 10096) : 77 % de concordances entre la description de l’acte opératoire et le remplissage des CRFs avec 4 items/19 recueillis particulièrement critiques. Le recueil de tous les évènements d’ordre chirurgicaux est bien entendu primordial pour mieux évaluer l’intérêt d’un éventuel traitement, à coté des paramètres biologiques/ histologiques connus.

En situation néoadjuvante Il s’agit d’une situation relativement rare, les GIST localisés étant le plus souvent opérés et les GIST localement avancés, le plus souvent à haut risque de récidive, ayant déjà des métastases au diagnostic (visibles radiologiquement ou infracliniques révélées par l’Imatinib). Ces situations tumorales doivent se discuter systématiquement au cas par cas dans un comité pluridisciplinaire Si l’Imatinib en situation d’induction doit être impérativement discuté avant une intervention chirurgicale, c’est devant un GIST rectal/oésophagien où la préservation sphincté- rienne est primordiale et si l’Imatinib administrée à visée cytoréductrice permet une diminution significative de l’importance du geste chirurgical. Ce sont ces types de patients (41) qui ont été inclus dans une étude (Apollon) de phase II allemande (Hohenberger et al, abstract 10031) : taille médiane au diagnostic 10.8 cm, 34/41 patients ont pu être opéré après une durée médiane d’Imatinib de 200 j (six mois environ), chirurgie R0 chez 30/34 patients, taux de survie sans récidive à trois ans de 85 %. A noter que : 1) deux patients ont dû être opérés plus rapidement dans un contexte de progression tumorale, 2) découverte de métastases au moment de l’acte opératoire chez seulement 2 patients et 3) l’Imatinib n’était pas repris en postopératoire malgré le risque élevé de ces patients si l’on tient compte uniquement de la taille tumorale au diagnostic. Un suivi plus long est indispensable pour mieux évaluer l’impact de six mois d’Imatinib seule en situation néo-adjuvante sur le devenir à long terme de ces patients.

Les volumineuses lésions primitives gastriques refoulant les organes adjacents sont à haut risque de récidive par définition quelle que soit la classification retenue, et ce, pour la simple et bonne raison que ces patients ont souvent d’emblée des métastases au diagnostic, non forcément visibles sur une imagerie conventionnelle. Pas moins de 29 % des patients présentant un GIST localement avancé et nécessitant une chirurgie imposant la résection de un ou plusieurs organes de voisinage ont des métastases découvertes lors de la laparotomie (Ganai et al, abstract 10090). Ces constatations expliquent une nouvelle fois pourquoi trois années d’Imatinib en situation adjuvante ne suffisent pas pour éviter une éventuelle récidive.

En situation de rechute ou avancée L’étude BFR14 close aux inclusions depuis Mai 2009 (434 patients inclus) apporte comme chaque année depuis 9 ans maintenant de nouvelles pierres à l’édifice bâti en 2002. Quoi de neuf cette année dans cette étude académique?

 

Une des deux communications cette année s’est intéressée aux patients randomisés dans les bras arrêts après un, trois et cinq années d’Imatinib tout en réactualisant les données des patients randomisés (Bertucci et al, abstract 10095) : les PFS médianes des patients randomisés dans les bras arrêts de l’Imatinib sont de sept, neuf et dix-huit mois versus vingt-neuf, soixante mois et non atteinte pour les patients randomisés dans les bras poursuite après in, trois et cinq années d’Imatinib. Les éléments nouveaux cette année sont l’augmentation du nombre d’évènements dans le bras arrêt à cinq ans avec plus de recul que l’année dernière (dix rechutes sur 14 patients) mais également deux rechutes sur 13 patients dans le bras poursuite (aucun l’année dernière). L’analyse des 71 patients ayant arrêté l’Imatinib montre que tous les patients sauf un qui avaient une masse tumorale résiduelle au moment de la randomisation ont progressé et que les 6 autres patients toujours non progressifs au moment de l’analyse avaient tous, soit une maladie résiduelle excessivement faible à l’inclusion (exérèse du GIST primitif et des métastases synchrones), soit ont bénéficié d’une exérèse chirurgicale avant la randomisation et étaient donc considérés en rémission complète avant l’arrêt de l’Imatinib. Si l’on veut réellement tenter d’arrêter l’Imatinib en situation métastatique, il faut reconsidérer l’apport des traitements loco-régionaux (chirurgie, radio-fréquence) dans la prise en charge de ces patients, peut-être pas dans les premières années suivant la mise en route de l’Imatinib mais au contraire chez des patients ayant de longues années de contrôle tumoral sous glivec®, chez des patients ayant des lésions tumorales résiduelles de petit volume contenant des cellules tumorales persistantes et quiescentes. Un debulking inital des métastases (réduction chirurgicale de plus de 75 % du volume tumoral) ne modifie pas en effet le devenir de ces patients métastatiques et l’Imatinib doit demeurer le traitement de choix de ces patients en première ligne de traitement (An et al, abstract 10093).

L’étude BFR14 étant close aux inclusions depuis trois ans maintenant , une analyse de la cohorte entière des 434 patients a été effectuée. Deux messages clefs : la PFS médiane est de pratiquement trente mois (Perol et al, abstract 10097) soit six à dix mois supérieures aux études pionnières initiales et la survie globale médiane est de 75.9 mois, également un an et demi supérieure aux études précédentes (étude B2222). L’inclusion de patients ayant des vrais GIST (très peu de faux GIST comme dans les études initiales) ne développant donc plus de résistances primitives sous Imatinib (5 à 10 % initialement) et avec des masses tumorales certainement plus faibles qu’à l’aube de l’avènement de l’Imatinib dans les GIST, expliquent certainement ces résultats. Ces derniers doivent désormais servir de mètre étalon pour l’élaboration des futures hypothèses statistiques des études à venir. Un bon état général et le fait d’être une femme influencent significativement la survie sans récidive et la survie globale. Cette analyse n’a qu’un seul bémol : l’absence du statut mutationnel dans l’analyse multivariée. Elle va suivre…..

Imatinib et pharmacocinétique

Une communication a porté sur ce sujet et pour la première fois sur la pharmacocinétique de l’Imatinib administré à la dose de 800 mg par jour, après un échappe- ment à 400 mg (Yoo et al, abstract 10085) : 66 patients ont été traités par ces fortes doses, 6 % de réponse objective, 48 % de maladie stabilisée, PFS médiane de 4.2 mois, survie médiane de 38 mois. La concentration minimale d’Imatinib plasmatique dans cette série est de 3 552 ng/ml +/- 1540 (soit un taux étonnement haut).

Aucune corrélation de ces taux avec la réponse et la survie, par contre les patients développant des toxicités de grade ¾ se retrouvent dans les percentiles supérieurs.

Les patients ayant une augmentation du volume globulaire moyen (>10 %) de leurs globules rouges après trois mois de traitement par Imatinib ont une survie sans récidive supérieure (médiane trente-quatre mois) à ceux dont le VGM ne varie pas (médiane vingt-quatre mois) (Constantidinou et al, abstract 10086) : influence de l’Imatinib sur les cellules érythroides médullaires ? Corrélation avec l’imatidinémie plasmatique ? Influence d’une vitamine B12 déficiente chez les patients gastrectomisés ? Quoiqu’il en soit, il s’agit d’un marqueur simple à suivre.

GIST et mutations On ne pourra plus donc se passer dans un avenir proche du statut mutationnel du GIST, lorsque l’on prendra en charge un patient, en situation de rechute mais surtout en situation adjuvante tant : — le bénéfice de l’Imatinib sur la survie sans progression varie en fonction du statut mutationnel (voire chapitre adjuvant), — la fréquence des mutations insensibles est élevée dans les GIST localisés et — la durée d’administration de l’Imatinib s’allonge dans le temps. Pas de grande scoop cette année dans le chapitre des mutations dans les GIST mais plutôt dans le groupe de patients n’ayant justement pas de mutation de type KIT ou PDGFR appelés GIST sauvage ou « Wild type » (WT) et représentant 14 % de tous les GIST. Deux communications sur le sujet :

— Ces GIST ont une perte d’expression de l’hémisuccinate déshydrogénase B (SDHB) en IHC chez 100 % des GIST WT testés associés dans 40 % des cas à une perte également se la SDHA systématiquement liée à une mutation du gène de la SDHA (ce qui n’est pas le cas de la SDHB retrouvée mutée dans quelques rares cas ou la perte de la SDHB est observée). Par IHC il est ainsi donc aisé de rechercher une mutation de la SDHA en routine (Wagner et al, abstract 10029).

— Un groupe italien a séquencé 27 GIST WT sur la majorité des 15 Exons du gène SDHA et les 8 Exons du gène SDHB (Nannini, abstract 10087) : une mutation de la sous-unité A du gène SDH a été retrouvé dans 18 % des cas analysés (avec des nouvelles mutations jusque là non décrites) et une mutation de la sous-unité B à une seule reprise sur 18 GIST analysés.

Vers des traitements spécifiques dans ces GISTs ? Les GIST WT sur-expriment IGF1R, on le sait depuis quelques années : à quand des phases II testant des anti-IGF1R dans cette population hétérogène de patients ?

 

Y a-t-il de la place pour tester en première ligne de traitement en situation tumorale avancé (GIST localement avancés et/ou métastatiques) des inhibiteurs tyrosines kinases autres que l’Imatinib? Deux communications ont porté sur le sujet cette année :

Le dasatinib (Sprycel®, BMS) , pan anti-tyrosine kinase (KIT, PDGFR, SRC et

BCR-ABL) a été testé dans une étude de phase II, coordonnée par le SAKK, chez 47 patients vierges de tout traitement (Montemurro et al, abstract 10033) à la dose initiale de 70 mg deux fois par jour en continu : si le taux de réponse métabolique (RC/RP) est relativement satisfaisant sur le premier PET-scanner à un mois (72 %), la médiane de survie sans progression de 11,1 mois laisse penser qu’il sera difficile de le comparer dans une étude randomisée à l’Imatinib.

Maintenant, il sera très intéressant de réactualiser les données de survie car il est possible que ces 11 mois de PFS puissent s’additionner aux autres PFS des « ibs » successifs et donner ainsi une survie encore plus prolongée par rapport aux patients ne recevant pas cette ligne thérapeutique. Dans la mesure où certains patients répondent rapidement et longtemps au dasatinib, il sera très utile d’attendre les résultats des analyses mutationnelles et de les corréler au suivi des patients. Rappelons que des réponses avaient été rapportées l’année dernière chez des patients porteurs de la mutation D842V de PDGFR dans une étude de phase II testant le même schéma thérapeutique dans les GIST prétraités (ASCO 2011, Trent et al, abstract no 10006). L’effet secondaire majeur du dasatinib réside en la survenue d’épanchements pleuraux, parfois symptomatiques et invalidants (11 %) et nécessitant l’interruption et/ou une réduction des doses.

Corrélation avec les répondeurs ?

— Rapportée initialement en 2009, l’étude de phase II testant le masitinib (AB1010,

ABscience) chez 29 patients porteurs de GIST avancés vierges de tout traitement a été réactualisée cette année (Le Cesne et al, abstract 10089). Plus puissant inhibiteur de KIT in vitro que l’Imatinib et premier anti-tyrosine kinase administré en fonction du poids du patient (7,5 mg/m2) les résultats se comparent favorablement à l’Imatinib même s’il est toujours délicat de comparer une petite étude de phase II à des études de phase III : PFS médiane de 41 mois et survie médiane de 65 mois. Pas ou peu de toxicité à long terme. Une étude randomisée est actuellement en cours comparant en première ligne le masitinib et l’Imatinib (100/222 patients inclus). A suivre.

Dans la guerre des inhibiteurs de tyrosine kinases possiblement efficaces au-delà de la première ligne thérapeutique, seul le sunitinib a obtenu à ce jour une AMM en 2006 dans les GIST réfractaires/résistants/intolérants à l’Imatinib.

Quoi de neuf cette année dans les « ibs » ?

— C’est l’une des deux communications orales dans le domaine cette année, l’étude randomisée de phase II comparant le masitinib (12 mg/kg) au sunitinib (50 mg/m2 4sem/6) chez des patients progressant sous Imatinib (400 ou 800 mg) (Adenis et al, abstract 10007). Il s’agit d’une petite étude de phase II de 44 patients en théorie non comparative mais forcément comparée: si la PFS médiane est similaire dans les deux bras thérapeutiques (3,7 mois pour le masitinib, 3,8 mois pour le sunitinib), les patients ayant reçu le masitinib ont une survie significativement allongée (médiane non atteinte) par rapport aux patients randomisés dans le bras sunitinib (médiane 16 mois). Ce bénéfice pourrait être expliqué par le fait que la majorité des patients ayant secondairement progressé sous masitinib ont reçu du sunitinib (17/20 patients) offrant ainsi une ligne de traitement supplémentaire aux patients randomisés dans le bras masitinib (pas de cross over dans l’autre bras). Le masitinib est nettement mieux toléré que le sunitinib avec un taux de d’effets secondaires indésirables significativement diminué. Une étude de phase III confirmatoire (avec comme objectif principal la survie globale) va débuter prochainement. A noter que la durée médiane d’administration de l’Imatinib avant la randomisation dans cette étude est d’environ 30 mois (32 mois dans le bras masitinib et 28 mois dans le bras sunitinib soulignant une nouvelle fois que la durée médiane de survenue des résistances secondaires sous Imatinib est désormais de 30 mois dans les séries plus récentes portant sur des GIST avancés et non plus de 18-24 mois des études pionnières initiales.

— L’autre scoop de l’ASCO cette année, le regorafenib (Bayer 73-4506), nouveau pan-tyrosine kinase inhibant KIT, PDGFR, FGFR, VEGFR1, 2, 3 et B-RAF de chez Bayer va certainement venir renforcer l’arsenal thérapeutique dans les mois ou année qui viennent. La phase II (160 mg/j 3 sem/4) présentée l’année dernière chez 34 patients (ASCO 2011, George et al, abstract no 10007) rapportait une des survies sans progression les plus élevées jamais obtenues dans des GIST résistants à l’Imatinib et au sunitinib. La phase III ® comparant le regorafenib à un placébo était très attendue (Demetri et al, abstract 10008 LBA) et l‘histoire se répète dans le temps. L’étude a été bouclée en 6 mois, 199 patients inclus dans le monde (randomisation 2:1, regorafenib 133 patients, placébo 66 patients, 21 % des patients avaient même reçu du nilotinib en 3e ligne thérapeutique. Bénéfice clinique 52,6 % (9 % dans le bras placébo) mais seulement 4,5 % de réponse partielle, la PFS médiane est de 4,8 mois vs 0,9 mois (p<0.0001), hasard ration à 0,27, 85 % des patients ont bénéficié du crossing over en cas de progression, même bénéfice du régorafenib pour ces patients, pas de différence attendue sur la survie globale (tendance, 0,19), PFS médiane non encore atteinte.

Les trois effets secondaires les plus marquants sont le syndrome main-pied, 19,7 % de grade 3, l’hypertension artérielle, 22 % de grade 3 et la diarrhée (5,5 % de garde 3). Le bénéfice du regorafenid se voient dans toutes les analyses par sous-groupes y compris dans les GIST ayant une mutation de KIT au niveau de l’Exon 9. Vers un traitement en première ligne ?

— Le sunitinib (sutent®, Pfizer) : aucune communication sur le sujet cette année — Le panobinostat , inhibiteur de la déacétylation des histones a été testé en association avec l’Imatinib (dose fixe de 400 mg) dans les GIST avancés lourde- ment prétraités (dont Imatinib et sunitinib) (Bauer et al, abstract 10032) :

administré à dose croissante à partir de 20 mg trois fois par semaine, la dose maximale tolérée est à 30 mg (thrombocytopénie), dose maximale conseillée à 20 mg avec quand même troubles digestifs importants. Une réponse métabolique mineure sur 12 patients, durée médiane de l’administration : six semaines. Peu encourageant.

— Plus intéressant une éventuelle association de l’Imatinib avec un inhibiteur de PI3 kinases (Van Looy et al, abstract 10030) de type BEZ235 qui entraine des régressions tumorales (effet synergique) dans des modèles de xénogreffes murins. Premiers essais chez l’homme bientôt.

Pour être définitivement complet dans la thématique GIST cette année à l’ASCO, à noter :

— Une analyse du devenir de 110 patients présentant un GIST duodénal localisé (moins de 5 % de l’ensemble des GISTs) (Huynh et al, abstract no 10078) :

douleurs abdominales, anémie et hémorragie digestive sont les principales modes de découverte de ces GISTs situés pour un tiers des cas au niveau de D2 et un autre tiers au niveau de D3/D4, la taille médiane au diagnostic est de 5 cm et 30/36 de ces GIST ont une mutation de l’Exon 11 de KIT (seulement 2/36 mutations de l’Exon 9 de KIT). La survie globale à 6 ans est de 89 % et la survie sans récidive de 36,5 %. L’index mitotique et la taille tumorale sont les deux facteurs pronostiques les plus puissants corrélant à la rechute (représentés dans la classification de Miettinen). Les GIST duodénaux n’ont pas un pronostic plus défavorable que les autres et les indications de l’Imatinib (induction et/ou adjuvant) sont les mêmes que pour les autres GIST.

 

<p>* Oncologie, Institut Gustave Roussy — 94805 Villejuif ; e-mail : Axel.lecesne@igr.fr Tirés à part : Professeur Axel Le Cesne, même adresse Article reçu le 20 avril 2012, accepté le 14 mai 2012</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, nos 4-5, 861-884, séance du 15 mai 2012