Communication scientifique
Séance du 11 janvier 2005

Le taux d’hygrométrie murale, indicateur de la présence de la moisissure Stachybotrys chartarum dans les logements

MOTS-CLÉS : allergènes.. asthme. hypersensibilité. pollution air ambiant. pollution environnement. strachybotrys
Wall relative humidity : a simple and reliable index for predicting Stachybotrys chartarum infestation in dwellings
KEY-WORDS : air pollution. allergens.. asthma. environmental pollution. hypersensitivity. indoor. strachybotrys

Denis Charpin, Sandrine Boutin-Forzano, Sophie Chabbi, Henri Dumon***, Carmel Charpin-Kadouch**

Résumé

Du fait que la moisissure Stachybotrys chartarum (S.C.), retrouvée dans certains logements, a pu être rendue responsable d’effets sanitaires graves, son identification paraît nécessaire. Les logements abritant cette moisissure étant nombreux, il serait utile d’avoir un indice simple et fiable permettant de prédire sa présence. Le but de cette étude a été de comparer le taux d’humidimétrie murale (HM) au type de moisissure identifiée. Quatre cent cinquante six prélèvements muraux, venant de 100 logements ont ainsi été examinés. L’identification de la moisissure a été effectuée par examen au microscope optique d’un échantillon prélevé sur le mur par la technique du papier collant. Le taux moyen ( fi E.T.) d’HM (%) a été beaucoup plus élevé (97,0 fi 6,1) sur les 30 murs où S.C. a été identifié, que sur les 291 murs où une autre moisissure a été mise en évidence (41,8 fi 34,8) et les 137 murs où aucune moisissure n’a été retrouvée (38,9 fi 34,8). On retrouve une forte relation statistique entre l’HM et l’hygrométrie ambiante. Toutefois, du fait de la dispersion des données, ce dernier paramètre ne peut valablement servir de substitut à la mesure de l’HM. En conclusion, cette étude montre que la simple mesure de l’HM peut servir d’indicateur à la présence de la moisissure S.C. dans les logements.

Summary

As the indoor mold Stachybotrys chartarum (SC) has been linked to serious health disorders, its identification in water-damaged dwellings is of utmost importance. The aim of this work was to compare wall relative humidity (RH) measurements with the results of mold identification studied on 458 samples collected from 100 dwellings. Mold identification was based on direct microscopic examination of wall samples collected by the gummed paper technique. Mean ( fi SD) wall RH (%) was much higher (97.0 fi 6.1) when SC was identified (30 samples) than when other molds were identified (291 samples, 41.8 fi 36.9) and when no molds were identified (137 samples, 38.9 fi 34.8). There was a direct relationship between wall and room-air RH but the scatter of results implies that the latter cannot be used as a surrogate for the former. This study suggests that simple wall RH measurement can serve as a reliable indicator of SC infestation of dwellings.

INTRODUCTION

La moisissure

Sachybotrys chartarum (S.C.) appartient à la classe des Deuteromycètes, ordre des Moniliades, famille des Démaciées. En microscopie optique, elle possède des conidiophores (structure supportant les conidies ou ensemble de spores) noires, souvent verruqueuses, portant à leur sommet un groupe de phialides donnant eux-mêmes naissance à des spores globuleuses, de grande taille, noires et granuleuses. Elle occupe une place particulière dans le groupe des moisissures domestiques. En effet, certaines de ses souches produisent des mycotoxines (d’où son appelation familière de « moisissure toxique »), notamment des trichothécènes macrocycliques hautement toxiques, puissants inhibiteurs de la synthèse protéique.

On la suspecte d’être à l’origine de graves effets sur la santé des occupants, voire de décès par hémosidérose pulmonaire chez des nourrissons [1, 2]. Aussi, la mise en évidence de cette moisissure peut-elle avoir d’importantes conséquences pour la famille, notamment une évacuation du logement infesté. Or des moisissures et des dégâts des eaux se rencontrent dans de nombreux logements, en moyenne 4 à 25 % dans les pays froids tels que la Scandinavie et 23 à 79 % des pays à climat de mousson [3].

Il est donc difficile, pour des raisons financières, de réaliser une identification mycologique dans chacun des logements suspects. Dans cette étude, nous avons cherché à savoir si un indicateur simple, la mesure du taux d’humidimétrie murale (HM) permettait de suspecter la présence de S. C. .

MATÉRIEL & MÉTHODES

Sélection des logements

Les logements inclus dans l’étude sont ceux de patients dont le médecin a demandé à notre association, la « Maison de l’Allergie et de l’Environnement », de faire une
visite à domicile. Cette association intervient en effet au domicile de patients quand le médecin, généraliste ou spécialiste, estime que leur état de santé respiratoire est négativement influencé par leur condition de logement. Du mois de mars au mois d’octobre 2002, nos équipes sont intervenues dans 100 logements situés dans la région marseillaise.

Chaque visite comporte un questionnaire détaillé sur les caractéristiques du logement et de son mode d’utilisation (résultats non rapportés ici), une inspection visuelle de tout le logement, la mesure de la température et de l’hygrométrie ambiante (Digital Hygrometer, Marlow, Grande-Bretagne) et du taux d’HM (Protimeter Surveymaster, Marlow, Grande-Bretagne). L’hygrométrie ambiante se mesure à l’aide d’un capteur sensible à la température et à l’humidité. Les valeurs correspondant au confort thermique se situent entre 40 et 60 %. Quant à l’humidimétrie, elle utilise la mesure de la résistivité, c’est-à-dire la détection du courant électrique qui passe entre deux électrodes. Pour chacun de ces paramètres, 3 mesures ont été effectuées et la valeur moyenne retenue pour l’analyse des résultats. Par ailleurs, l’identification des moisissures murales a été effectuée par échantillonnage de la surface externe du mur, grâce à la technique du papier collant [4, 5]. Cette technique s’est avérée beaucoup plus performante pour l’identification de S.C. que l’échantillonnage de l’air ambiant. Le matériel d’échantillonnage est fait d’un boîtier cylindrique renfermant 4 lames de verre recouvertes d’un papier collant. Ce dernier est détaché de la lame, appliqué sur la surface moisie puis remis en place sur la lame pour l’identification mycologique au microscope optique. La mise en évidence de S.C. se base sur l’identification des structures caractéristiques que sont les phialides et les conidiophores. Ainsi l’identification de genre peut-elle être réalisée en microscope optique [6]. Toutes les analyses mycologiques de cette étude ont été faites dans le Laboratoire de Mycologie de l’Institut Scientifique Louis Pasteur de Bruxelles. Dans un logement donné, si plusieurs pièces comportaient des surfaces moisies, nous avons réalisé un échantillonnage par pièce.

Analyse statistique

Du fait que la question posée était de savoir si un logement donné comportait la moisissure S.C. dans au moins une des pièces échantillonnées, nous avons réparti les logements en 3 groupes : ceux dans lesquels on retrouve cette moisissure, ceux dans lesquels on retrouve une autre moisissure, enfin ceux qui ne comportent aucune moisissure. L’HM a été calculée dans chacun des 3 groupes et comparée par l’analyse de variance, en utilisant la méthode Bonferroni-Dunn pour les comparaisons 2 à 2. Le niveau de signification statistique retenu a été p<0,05. Une analyse de sensibilité a été réalisée pour déterminer le seuil en-dessous duquel la présence de S.C. peut être écartée.

RÉSULTATS

Dans 100 logements étudiés, 458 échantillons ont été prélevés. En tout 13 logements (13 %) et 50 échantillons (6,5 %) comportaient la présence de S.C.. Dans tous les cas,

S.C. était associé sur l’échantillon à d’autres moisissures. Le tableau 1 montre la répartition des différentes espèces de moisissures identifiées.

TABLEAU 1. — Moisissures identifiées dans ce groupe de logements.

Espèces de moisissure identifiées

Nombre respectif

Acremonium sp.

14

Aerobasidium pullulans 1

Alternaria sp.

10

Alternaria alternata gr.

1

Apiospora like 2

Aspergillus sp..

2

Aspergillus fumigatus 2

Aspergillus glaucus 9

Aspergillus nidulans 1

Aspergillus niger 3

Aspergillus ochraceus 1

Aspergillus ustus 2

Aspergillus versicolor 23

Aureobasidium sp.

2

Chaetomium sp.

15

Chaetomium globosum 4

Cheiromycella sp.

1

Cladosporium sp.

1

Cladosporium sphaerospermum 111

Doratomyces sp.

2

Fusarium sp.

2

Fusarium solani 1

Mucor sp.

1

Penicillium sp.

32

Penicillium chrysogenum 1

Phoma sp.

2

Scopulariopsis sp.

3

Scopulariopsis cf brevicaulis 2

Stachybotrys chartarum 30

Ulocladium sp.

19

Ulocladium botrytis 17

Yeasts 3

Sur la figure 1 apparaissent les taux d’HM mesurés sur le lieu de l’échantillonnage, dans chacun des 3 groupes. Le tableau 2 fournit les valeurs moyennes (fi) de l’HM dans les 3 groupes et les différences statistiques entre ces moyennes. La figure 1 montre qu’une HM de moins de 75 % a une valeur prédictive négative de 100 % pour la présence de S.C. . La valeur prédictive positive d’une HM supérieure à 75 % est de 67 %. Le tableau 3 fournit la valeur moyenne (fi E.T.) de l’HM sur le lieu de prélèvement des principales autres espèces de moisissures identifiées. Toutes ces valeurs moyennes sont bien inférieures à celles relevées en cas de présence de S.C. , avec une grande variabilité des mesures individuelles.

La figure 2 illustre la relation entre hygrométrie ambiante et humidimétrie murale.

Bien que le coefficient de corrélation entre ces 2 paramètres soit statistiquement hautement significatif (p = 0,001), la dispersion des valeurs est telle qu’on ne peut prédire la présence de S.C. à partir de la mesure de l’hygrométrie ambiante.

TABLEAU 2. — Comparaison des moyennes (fiE.T.) d’humidimétrie murale dans les 3 sousgroupes.

Différence Sous-groupe Moyenne E.T.

entre sous-groupes Stachybotrys chartarum 97,0 6,1  (n=30) p<0,001 ………p<0,001………

Autres moisissures 41,8 36,9 (n=291) …………. NS …………. 

Pas de moisissure 38,9 34,8 (n= 137) TABLEAU 3. — Humidimétrie murale moyenne (fi E.T.) sur les murs où les principales espèces de moisissures (autres que Stachybotrys chartarum ) ont été identifiées.

Moisissure identifiée

Nombre

Moyenne

E.T.

Aspergillus versicolor 23 54,8 39,9 Cladosporium sphaerospermum 109 31,7 31,9 Penicillium sp.

32 44,9 38,2 Ulocladium sp.

19 39,9 31,0 Ulocladium botrytis 17 35,4 32,9

FIG. 1. — Répartition des mesures d’hygrométrie murale dans les 3 sous-groupes, (les points arrondis − représentent la valeur moyenne de l’hygrométrie pour chacun des 3 sous-groupes, encadrée (  − • ) de son intervalle de confiance à 95 %.

DISCUSSION

Cette étude montre qu’une mesure simple et peu coûteuse comme celle de l’HM peut être utile pour exclure ou au contraire suspecter la présence sur le mur de S.C. . La croissance et l’activité métabolique du micro-organisme nécessitent la présence d’eau sous une forme utilisable. Le paramètre le plus utile pour apprécier la disponibilité en eau est le coefficient d’activité en eau (a ), représenté par le rapport w de la pression de vapeur d’eau dans un matériau ou un aliment à la pression de vapeur d’eau de l’eau pure à la même température. L’hygrométrie, comme a , est le w rapport de la pression de vapeur d’eau d’une solution vis-à-vis de celle de l’eau pure, mais s’exprime en pourcentage. A notre connaissance, l’association entre le taux d’HM et la présence de S.C. n’avait pas jusqu’alors été décrite sur le terrain. Par contre, l’avidité particulière de

S.C. vis-à-vis de l’eau, est déjà connue. Northolt et

Bellermon [7] ont résumé, à partir de données publiées, la valeur minime de aw nécessaire, en conditions expérimentales, pour la croissance de différentes espèces de moisissures. La valeur la plus élevée, bien au-dessus de celle des autres moisissures, était de 0,94 (c’est-à-dire 94 % d’hygrométrie) pour S.C. . D’autres études expérimentales concluent aussi que le a minimum nécessaire pour la germination de

S. C.

w se situe entre 0,85 et 0,95 et entre 0,91 et 0,96 pour la croissance et la sporulation, en

FIG. 2. — Corrélation entre hygrométrie ambiante et humidimétrie murale.

fonction de la température et de la composition du milieu de culture [8, 10]. Rowan et coll [11], à partir de données publiées et de leurs propres résultats expérimentaux, ont pu tracer des courbes montrant l’influence de la température et de l’hygrométrie sur la croissance de différences espèces de moisissures sur des matériaux de construction. De leurs données il ressort que S.C. demande une hygrométrie de 95 à 96 % pour des températures s’étageant de 19 à 24° C. L’analyse des matériaux soumis à des dégâts des eaux [12] révèle que les colonisateurs principaux sont S.C. , Penicillium sp et Aspergillus sp . Une température plus élevée et la présence d’un substrat hautement nutritif permettent d’abaisser les besoins en eau.

La mise en évidence d’une étroite relation entre le taux d’HM et la présence de S. C.

peut avoir d’importantes retombées pratiques du fait que la mesure de l’HM est simple, peu coûteuse et fiable. Elle est réalisée en route par les ingénieurs et techniciens sanitaires appelés à évaluer un logement. Si l’HM dépasse 75 %, une enquête mycologique est alors justifiée car plusieurs espèces de moisissures, dont S.C. , peuvent être présentes. À titre d’illustration, dans notre étude, seulement 153 des 458 échantillons étudiés, c’est-à-dire 33 %, montraient une HM supérieure à 75 %. L’enquête mycologique à proprement parler ne concerne alors qu’un nombre
limité de logements, ce qui rend la démarche moins coûteuse. On peut objecter à ce raisonnement que d’autres espèces de moisissures, notamment Aspergillus sp et

Penicillium sp , qui ont de moindres besoins en eau pour se développer, peuvent aussi relarguer des mycotoxines potentiellement dangereuses. Toutefois, pour ces espèces, la production de mycotoxines demande une hygrométrie supérieure à celle qui est requise pour la croissance de la moisissure [7]. Par exemple, l’ochratoxine A sécrétée par Aspergillus ochracens ou Penicillium verrucosum est relarguée quand l’hygromé- trie est égale à 85-90 %, alors que la croissance de la moisissure intervient à partir d’une hygrométrie de 82 à 85 % [7]. Des taux très élevés d’HM, tels que ceux mesurés dans certains échantillons de notre étude permettent à la fois une forte croissance de la moisissure et la production de mycotoxines. S.C. a manifestement de grands besoins en eau, prolifère dans des environnements très humides et est très sensible à la dessication. La figure 1 et la tableau 3 montrent bien que les autres moisissures ont des besoins en eau très variables, mais, dans aucun cas, ceux-ci n’atteignent les taux observés pour S. C. .

Les méthodes utilisées dans cette étude (mesure de l’hygrométrie [8], et identification mycologique [7] paraissent très fiables. La proportion des logements retrouvés infestés par S.C. concorde avec le résultat d’autres études effectuées dans des groupes de logements insalubres. Certains auteurs [10-13] ont identifié cette moisissure dans 12,8 % des logements et 4,5 % des échantillons. Kuhn et Ghannoun [19] ont publié des chiffres très voisins alors que, dans d’autres études, la fréquence retrouvée était inférieure à 3 % des échantillons.

L’absence de corrélation entre hygrométrie ambiante et prolifération des moisissures a déjà été soulignée [10, 14-17]. Ceci est dû au fait que des différences localisées de température et de ventilation peuvent produire des micro-climats responsables de taux élevés d’HM, alors que l’hygrométrie ambiante reste basse. Elle a pour consé- quence le fait que la simple mesure de l’hygrométrie ambiante ne peut servir de substitut à celle de l’humidimétrie murale.

CONCLUSION

La proportion de logements infestés par

S.C. dans notre région, est de 13 %, chiffre voisin de celui observé dans d’autres études réalisées dans les pays occidentaux, dans des groupes de logements insalubres. De ce fait, l’identification mycologique systé- matique ne peut être réalisée aujourd’hui en routine. Nous proposons d’utiliser, à titre de dépistage, la mesure de l’hygrométrie murale, technique simple, rapide, peu coûteuse et fiable. Celle-ci permet d’écarter la possibilité de la présence de cette moisissure si elle s’avère basse et de sélectionner les logements qui peuvent faire l’objet d’une étude mycologique si elle est élevée.

Remerciements

Pour leur soutien financier, nous remercions la Ville de Marseille, le Conseil Général des Bouches-du-Rhône et le Conseil Régional de la Région Provence Alpes Côte-d’Azur, la

Communauté Urbaine Marseille-Provence et la Caisse Régionale d’Assurance Maladie du Sud-Est.

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DISCUSSION

M. Cyr VOISIN

Quelles sont les manifestations pathologiques que l’on peut actuellement rattacher à Stachybotrys chartarum, et existe-t-il des tests biologiques affirmant l’existence d’une sensibilisation allergique de type immédiat, semi-retardée ou retardée ?

Les relations entre exposition aux moisissures de l’habitat et santé sont aujourd’hui encore imprécises. On sait que la prévalence des symptômes respiratoires de type irritatif (toux, sibilances) est plus élevée parmi les personnes résidant dans des logements contaminés par des moisissures que dans des logements dépourvus de moisissures.

Toutefois la relation de causalité est difficile à établir avec certitude en raison de l’intervention de facteurs de confusion potentiels tels que le niveau socio-économique ou encore l’exposition aux allergènes acariens. Les études sérologiques ont pu retrouver la présence d’IgE circulantes dirigées contre Stachybotrys chartarum mais la valeur diagnostique de ces IgE est, là encore, sujette à discussion.

M. François-Bernard MICHEL

Vous n’avez manifestement pas souhaité, dans le cadre de cette présentation, aborder le versant « pathologie » de cette moisissure. Mais vous avez sûrement pratiqué des tests cutanés et remarqué des manifestations de pathologie respiratoire ou autre. Avez-vous scruté sa relation éventuelle avec une autre pathologie que vous connaissez bien, celle des acariens ?

La particularité de cette espèce fongique est de sécréter des mycotoxines, produit du métabolisme secondaire, qui l’ont fait surnommer aux États-Unis « The toxic mold ».

Chez l’animal d’expérience, ces mycotoxines ont des propriétés pro-inflammatoires, immunosuppressives et neurotoxiques. Chez l’homme, les conséquences de l’exposition domestique à cette moisissure demandent à être précisées . Classiquement on admet que le gîte naturel des acariens est représenté par la literie et, d’une manière plus générale, les textiles. On rappelle souvent, à ce propos, que « l’acarien ne grimpe pas au mur ». Les classiques conseils d’éviction des acariens n’incluent donc pas une quelconque action au niveau des murs. Toutefois, ce qui est vrai de l’habitat en général n’est probablement pas applicable à l’habitat insalubre. Les nombreux prélèvements que nous avons été amenés à réaliser dans des habitats insalubres ont rapidement alerté Henri Dumon, qui réalise dans le Laboratoire hospitalier de la Timone à Marseille les identifications mycologiques sur du matériel prélevé sur les murs. Il y a noté une coexistence très fréquente entre acariens et moisissures. Il pourrait même s’agir d’une véritable symbiose, dans la mesure où les acariens se nourrissent de moisissures et pourraient être attirés vers elles par des phéromones sécrétées par ces dernières.

M. Pierre BÉGUÉ

Stachybotrys chartarum était-il un champignon connu depuis longtemps dans les habitations ? La fréquence élevée signalée aux États-Unis a-t-elle une relation avec la climatisation individuelle très répandue dans ce pays ?

Cette moisissure est bien connue des agronomes car elle parasite volontiers les céréales.

Ingérée par les animaux, elle est responsable, par l’intermédiaire de ses mycotoxines, de tableaux cliniques de « Stachybotryotoxicose » extrêmement graves et souvent mortels.

On se souvient que, dans les années 30, Staline faillit passer par les armes des vétérinaires, après le décès de plusieurs milliers de chevaux intoxiqués de cette manière en Ukraine !

Cette moisissure a été identifiée pour la première fois par Corda à Prague, en 1837, sur du papier peint. Ce n’est pourtant que beaucoup plus récemment, en 1994, à l’occasion d’une série de décès observés chez des nourrissons vivant dans des logements insalubres, que son rôle pathogène chez l’homme a été évoqué. En France, elle n’a été que rarement signalée dans les logements, du fait que les techniques d’identification mycologique utilisées jusqu’alors (échantillonnage d’air, recueil dans une boîte de Pétri) n’étaient pas appropriées à cette espèce très adhérente aux murs et donc très peu aéroportée. Les conditions particulières de développement de cette espèce fongique (hygrométrie très forte et présence d’un substrat cellulosique) n’en font pas une moisissure retrouvée avec prédilection dans les circuits de climatisation. Son territoire d’élection est représenté par les logements humides comportant des cloisons en placo-plâtre (dont on rappelle qu’il est constitué d’un mélange de plâtre et de carton).

M. Jacques-Louis BINET

Pratiquement, que fait-on des logements dans lesquels cette moisissure est retrouvée ?

Quelles sont les mesures à prendre ? Détruire, peindre, stériliser ?

Aux États-Unis, une véritable psychose s’est développée à propos de cette moisissure depuis quelques années à ce sujet car, il y a une dizaines d’années, on a émis l’hypothèse selon laquelle les mycotoxines qu’elle libère ont pu être à l’origine d’une série de décès de nourrissons vivant dans des logements insalubres. Ces décès sont survenus dans un tableau d’hémorragie alvéolaire (parmi les mycotoxines sécrétées se trouve une hémolysine). La grande presse et même la « presse à sensation » s’est emparée du sujet, si bien que ces logements sont devenus difficiles à vendre . En pratique, les différentes autorités sanitaires (ministères de l’environnement, bureaux municipaux d’hygiène) et les Sociétés Savantes n’ont pas proposé à ce jour une conduite spécifique vis-à-vis de cette moisissure.

On peut d’ailleurs, à ce propos, s’étonner que l’on considère à ce jour que la dangerosité de toutes les moisissures soit la même, alors que leur métabolisme est manifestement très variable ! Les Recommandations formulées par les pouvoirs publics et Sociétés Savantes sont basées uniquement sur la surface occupée par la moisissure. Les mesures préconisées vont du simple nettoyage avec une solution javelisée au retrait de tout matériel contaminé, avec des précautions sur le chantier qui sont les mêmes que pour une décontamination de bâtiments amiantés.

M. Claude MOLINA

Le stachybotrys chartarum est-il observé plus particulièrement dans certaines régions (PACA) ? En effet, dans le registre belge des moisissures domestiques (Mme Nolard), il n’arrive qu’en 11ème position après Aspergillus Penicillium, Alternaria. Vos constatations s’appliquent-elles aux domiciles particuliers ou aux locaux de travail et le rôle de mycotoxines peut-il expliquer le ‘‘ sick building syndrome ’’ observé en milieu professionnel souvent climatisé ? Ne pensez-vous pas prendre contact avec le Centre Scientifique et Technique du

Bâtiment (CSTB), organisme officiel qui a pour but de préciser les normes des matériaux utilisés dans la construction à l’échelon français et européen et pourrait conseiller utilement les responsables de construction de logements pour éviter les moisissures ?

Dans notre série, le

Stachybotrys chartarum est retrouvé dans 13 % des logements insalubres. Ce pourcentage s’inscrit dans la fourchette des chiffres publiés dans la littérature. Nous ne pensons pas que la Région P.A.C.A. se singularise de ce point de vue.

Les mycotoxines pourraient en effet intervenir dans la genèse du syndrome des bâtiments malsains, à côté d’autres aéro-contaminants. Le C.S.T.B. se préoccupe en effet des risques inhérents à l’utilisation de tel ou tel matériau dans le logement. Le risque de colonisation du placo-plâtre par les moisissures est connu de cet organisme. Des matériaux moins hygroscopiques sont d’ores et déjà disponibles sur le marché.


* Service de Pneumologie-allergologie, Hôpital Nord, Marseille. ** Maison de l’Allergie et de l’Environnement, Marseille. *** Laboratoire de Microbiologie, Hôpital de la Timone, Marseille. Tirés-à-part : Professeur D. CHARPIN, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 28 avril 2004, accepté le 7 juin 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 1, 43-54, séance du 11 janvier 2005