Communication scientifique
Session of 30 janvier 2001

Le pronostic des leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) de l’enfant. Résultats du protocole français FRALLE 93

MOTS-CLÉS : analyse multivariée. biologie moléculaire. cytogénétique.. enfant. leucémie aiguë lymphocytaire. pronostic
Prognosis of acute lymphoblastic leukemia (ALL) in childhood. Results of the French protocol FRALLE 93
KEY-WORDS : child. cytogenetics.. leukemia, lymphocytic, acute. molecular biology. multivariate analysis. prognosis

G. Schaison, M.F. Auclerc, A. Baruchel, T. Leblanc, G. Leverger

Résumé

Mille cent vingt enfants ont été inclus dans le protocole français FRALLE 93 entre le 1er juin 1993 et le 1er septembre 1998. La survie sans maladie est de 78 % fi 3 et la survie globale de 83 % fi 3. Le pronostic est corrélé à l’analyse des données cliniques et biologiques recueillies au moment du diagnostic. Ces éléments permettent de stratifier le risque de succès ou d’échec thérapeutique, et leur étude est un temps essentiel dans l’élaboration d’un protocole. Les facteurs pronostiques les plus importants des leucémies aiguës lymphoblastiques de l’enfant sont l’âge, le nombre de leucocytes, l’importance du syndrome tumoral, la cytogénétique (nombre de chromosomes et existence de translocation), l’immunophénotype et la réponse initiale au traitement. La biologie moléculaire, grande révolution de ces vingt dernières années, a permis le clonage des gènes impliqués dans le processus leucémique. Les nouvelles techniques de biologie moléculaire sont un outil permettant l’appréciation de la maladie résiduelle (MR). Une meilleure détection de la MR est une base rationnelle à l’intensification du traitement pour un certain nombre de mauvais répondeurs à la chimiothérapie. A l’opposé, une désescalade thérapeutique est envisageable pour les très bons répondeurs.

Summary

1 120 children were included in protocol FRALLE 93 from june 1993 to september 1998. Disease Free Survival for the all protocol is 78 % fi 3 and overall survival 83 % fi 3. Various clinical and laboratory features at the time of diagnosis have been correlated with prognosis. They provide a potential mean to stratify patients into treatment subgroups according their relative risk of treatment failure. The identification of these prognostic factors has been an essential element in the design of current therapeutic trials. Prognostic characteristics of childhood ALL include : age, white blood cell count, tumor burden, cytogénétics (chromosome count and chromosomal translocation), immunophenotype and early response to treatment. Molecular biology has been the revolution of the last two decades permitting the cloning of the genes involved in the leukemic process. Finally the new molecular techniques allow a sensitive diagnostic approach to minimal residual disease (MRD). The better detection of MRD must allow a more rational basis for therapeutic intensification for a subset of poor responder patients. A decrease in therapy of very good responders can also be envisaged.

INTRODUCTION

La leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) est devenue une maladie curable dans trois quarts des cas de l’enfant, grâce à un traitement reposant essentiellement sur une polychimiothérapie. Tous les médicaments utilisés dans le traitement étaient connus il y a 20 ans, mais une meilleure définition des facteurs pronostiques et l’intensification importante des protocoles de chimiothérapie, autorisées par les progrès des soins complémentaires, sont à l’origine de l’amélioration importante du pronostic. Le protocole français FRALLE 93 a inclus 1 120 enfants entre le 1er juin 1993 et le 1er septembre 1998. Le suivi moyen est de 2 ans et demi. La survie sans maladie (DFS) est de 78 fi 3 %, la survie sans événement (EFS) 74 fi 3 % et la survie globale à 83 fi 3 %. L’analyse des critères censurés (survie globale, EFS, DFS) a été réalisée selon des modèles adaptés : estimation par la méthode de Kaplan et Meier et test du Log-rank.

L’analyse rétrospective des données cliniques, cytologiques, immunologiques et cytogénétiques a permis de définir les facteurs pronostiques permettant d’adapter l’intensité du traitement sur des bases rationnelles [1-3]. On admet que l’on peut éviter les traitements trop agressifs ou trop toxiques pour des formes favorables et, qu’à l’opposé, l’intensification du traitement doit être la règle pour les patients dont l’espoir de guérison est réduit.

En pratique, il n’y a pas de définition commune de ces facteurs dont l’appréciation varie selon les protocoles. Beaucoup d’entre eux ne sont pas indépendants et l’analyse de leur valeur doit être prudente [4].

LES FACTEURS CLINIQUES

L’âge

Dans le protocole FRALLE, l’EFS est à 79 fi 3 % chez les enfants âgés de 1 à 10 ans, 63 fi 7 % entre 10 et 15 ans, 77 fi 12 % après 15 ans, 34 fi 17 % avant 1 an.

La tranche d’âge associée au meilleur pronostic va classiquement de 2 à 10 ans. Un âge inférieur à 2 ans, et surtout à un an, est de très mauvais pronostic. La gravité chez le nourrisson est liée principalement au poids de certaines translocations impliquant, en majorité, le chromosome 11, et à la toxicité plus importante de la thérapeutique à cet âge. Il s’agit de formes volontiers hyperleucocytaires avec atteinte méningée initiale. Le pronostic entre 1 et 2 ans n’est peut-être pas très différent de celui des enfants de plus de 2 ans [5].

La limite de 10 ans est en fait assez floue, certaines équipes retrouvant un pronostic intermédiaire au-delà de sept ans [6] ; d’autres [1, 2] considèrent que la limite se situe à 10 ans. Les adolescents âgés de plus de 15 ans ont un pronostic plus mauvais, se rapprochant de celui des adultes jeunes, mais amélioré actuellement avec des traitements très alourdis [7].

Le sexe

Le pronostic est plus sévère chez les garçons. Ce phénomène n’est qu’en partie expliqué par les atteintes testiculaires et la plus grande fréquence de l’immunophé- notype T. La valeur pronostique de ce critère est actuellement gommée par l’intensité du traitement. L’EFS des filles et des garçons voisine 76 et 73 %.

Le chiffre des globules blancs

C’est un élément pronostique majeur. Il s’agit d’une variable continue. Le pronostic est d’autant plus mauvais que la leucocytose est importante. Le problème est de fixer la limite au-dessous de laquelle on peut parler de risque faible. L’EFS est de 80 fi 5 % avec une leucocytose inférieure à 10 000, 77 fi 5 % entre 10 et 50 000, 70 fi 10 % entre 50 et 100 000 et 50 fi 9 % au-dessus de 100 000. Un chiffre inférieur à 10 000 est certainement de bon pronostic. Les formes hyperleucocytaires à plus de 100 000 semblent plus graves si elles sont associées à un immunophénotype de la lignée B.

L’ajustement sur l’âge et le nombre des globules blancs efface la valeur pronostique de nombreux facteurs [9] et a encore été récemment proposé dans le but de comparer les protocoles entre eux et de définir des éléments prédictifs simples. Dans ce travail [9], sont de pronostic standard les LAL de phénotype B survenant chez l’enfant de moins de 10 ans avec, initialement, un chiffre de globules blancs inférieur à 50 000.

Tous les autres patients, soit 32 %, sont considérés comme de risque élevé.

La localisation méningée initiale a perdu beaucoup de sa valeur pronostique péjorative avec le renforcement des thérapeutiques et l’irradiation cérébrale.

LES FACTEURS BIOLOGIQUES

L’immunophénotype

L’expression variable, par les cellules leucémiques, d’antigènes membranaires ou intracytoplasmiques permet de classer les LAL selon leur appartenance à la lignée B ou T, et de préciser leur stade de différenciation [8]. Les LAL de la lignée B représentent 85 % des cas de l’enfant, l’EFS est à 78 fi 3 %. Les formes les plus fréquentes (55-60 %) et de pronostic habituellement favorable sont dites pré B et expriment l’antigène CALLA (common ALL antigen) ou CD10 [10]. Les formes pré B sont définies par la présence intra-cytoplasmique d’une chaîne lourde d’immunoglobulines. Elles ont un pronostic plus péjoratif qui serait surtout associé à la translocation t(1 ; 19) [1]. Les traitements intensifs ont amélioré leur pronostic [5]. Les formes les plus immatures (CALLA ou CD10 négatif) sont rares et de mauvais pronostic (EFS 53 fi 13 %). Elles sont souvent observées chez le nourrisson, associées à une anomalie du chromosome 11 (bande 11q23).

L’immunophénotype T est classiquement un élément péjoratif du pronostic. Ces formes, très souvent hyperleucocytaires, touchent les garçons et peuvent s’accompagner d’un volumineux médiastin. Elles ont une survie sans événement à 54 fi 8 % avec de fréquentes rechutes méningées. Le mauvais pronostic associé au phénotype T n’est pas retrouvé dans les protocoles très intensifs [11].

La cytogénétique

L’examen cytogénétique est devenu un élément fondamental de la prise en charge des leucémies aiguës contribuant à en démontrer l’hétérogénéité. Une anomalie chromosomique est détectée dans 70 à 94 % des LAL. Certaines anomalies sont corrélées à un sous-type morpholologique et immunophénotypique précis. On distingue des anomalies de nombre et de structure, ces 2 types d’anomalies pouvant être associés.

Les anomalies de nombre

La fréquence élevée (25 %) des hyperploïdies supérieures à 50 chromosomes (le plus souvent 53 à 56) est une des caractéristiques des LAL de l’enfant. Cette hyperploïdie est, en général, attribuable à une trisomie des chromosomes 4, 6, 10, 14, 17, 18, 20, 21, X. Une tétrasomie du chromosome 21 est fréquente. Les formes hyperploïdes à plus de 50 chromosomes (qui ont en général un index d’ADN > 1,16) ont un pronostic favorable (EFS 80 fi 11 %) et sont plutôt associées au phénotype dit pré pré B (CD10+, CD19+, Dr+). Le pronostic plus favorable des hyperploïdies a été attribué à l’augmentation d’accumulation des polyglutamates [12], à une sensibilité accrue aux antimétabolites [13], et à une apoptose spontanée plus importante [14].

Les formes hypoploïdies (inférieures à 45 chromosomes) sont rares et de pronostic franchement défavorable (EFS 63 fi 26 %).

Les anomalies de structure

Les principales sont les suivantes :

t(12, 21) (p13 ; q22) . Les techniques de peinture chromosomique et de FISH ont permis la découverte de cette translocation, non visible en cytogénétique classique. Il s’agit de la plus fréquente des translocations, étant observée dans 22 % des cas [15]. Elle prédomine dans la tranche d’âge de 2 à 10 ans et est associée aux LAL de la lignée B. L’immunophénotype est souvent particulier par la présence de marqueurs myéloïdes (CD13 et/ou CD33). Cette translocation entraîne la fusion du gène TEL situé en 12p13 et la quasi-totalité du gène AML situé en 21q22. La perte de l’allèle normal de TEL est le plus souvent 1 associée à cette translocation. La t(12 ; 21) semble associée à un bon pronostic dans les études rétrospectives [16, 17]. Néanmoins, la possibilité de rechutes, en particulier très tardives, doit faire attendre de nouvelles études avant de statuer définitivement sur la valeur de ce nouveau critère. Dans le protocole FRALLE 93, l’EFS est de 77 fi 10 %, non statistiquement différente des autres LAL de la lignée B.

t(4 ; 11) (11q21 ; q23 ). Ces formes représentent globalement 2 % des LAL de l’enfant. Surtout des anomalies de la bande 11q23 sont détectables par des techniques de biologie moléculaire dans 70 % des cas de LAL du nourrisson, dont elles expliquent le pronostic péjoratif [18]. Ce gène, situé en 11q23, est appelé MLL. Il présente une homologie avec un gène du développement de la drosophile appelé le trithorax La translocation entraîne la formation d’un gène de fusion qui est transcrit. La détection de l’ARN chimérique est possible par une réaction de RT-PCR. Il s’agit de formes hyperleucocytaires avec fréquemment une atteinte méningée. L’immunophénotype est le plus souvent dit « pro B » (HLA Dr+ CD19+ CALLA-). La survie sans événement des nourrissons porteurs d’un réarrangement de MLL est significativement inférieure (15 fi 7 %) à celle des autres nourrissons (48 fi 25 %) dans le protocole FRALLE.

t(9 ; 22) (q34 ; q11) (LAL et chromosome Philadelphie). Elles sont rares chez l’enfant (moins de 3 % des cas en cytogénétique classique, 4,2 % en biologie moléculaire). La translocation est identique au plan cytogénétique à celle observée dans la leucémie myéloïde chronique. La protéine chimérique résulte de la fusion du gène BCR du chromosome 22, du gène ABL sur le chromosome 9.

Une protéine, légèrement plus petite de 190 KD est habituelle dans les LAL alors qu’une protéine de 210 KD est caractéristique de la leucémie myéloïde chronique. D’autres anomalies chromosomiques variées sont souvent associées. La plus fréquente est une perte partielle du chromosome 7, qui semble encore aggraver le pronostic. Il est important et parfois difficile de différencier une LAL à chromosome Philadelphie d’une acutisation de leucémie myéloïde chronique.

Les caractéristiques initiales de la t(9 ; 22) peuvent être résumées ainsi : âge médian 8 ans, forme volontiers hyperleucocytaire, atteinte méningée initiale fréquente, immunophénotype de type pré pré B exceptionnellement T, taux plus faible de rémission complète et pronostic catastrophique (EFS à 21 fi 17 % dans le protocole FRALLE 93) faisant envisager une greffe en première rémission complète. Le pronostic pourrait être moins défavorable dans les cas où la leucocytose est inférieure à 25 000.

t(1 ; 19) (q23 ; q13) . Elle résulte de la fusion du facteur de transcription E A et 2 de la protéine PBX . La fréquence est de 5 % dans les LAL dites pré B. Le 1 mauvais pronostic, initialement associé à cette translocation, est effacé par les protocoles intensifs (EFS à 88 fi 11 % dans le protocole FRALLE).

LAL de type Burkitt et anomalie en 8q24 . Ces LAL sont rares (moins de 3 % des cas), présentent un immunophénotype B mature (présence d’une immunoglobuline de surface) exceptionnellement pré B, et sont associées à une anomalie cytogénétique stéréotypée, la translocation t(8 ; 14) (q24 ; q32). On retrouve beaucoup plus rarement les deux autres translocations dites variantes impliquant la bande 8q24 : t(2 ; 8) (p12 ; q24) et t(8 ; 22) (q24 ; q11). Le pronostic, autrefois catastrophique de ces formes, est maintenant favorable par une chimiothérapie de type lymphome. Il s’agit donc plutôt actuellement d’un critère d’exclusion pour un protocole de traitement de LAL que d’un facteur pronostique [19].

BIOLOGIE MOLÉCULAIRE

Elle permet :

— d’apprécier la fréquence exacte des translocations chromosomiques au diagnostic (potentiellement sous-estimée par la cytogénétique classique) ;

— d’évaluer le niveau de la maladie résiduelle.

Détection moléculaire des translocations chromosomiques

Les translocations chromosomiques observées au cours des LAL entraînent le plus souvent la formation d’un transcrit de fusion (ARN dit chimérique) détectable par la technique de RT-PCR. Le seuil de sensibilité de ces méthodes est de l’ordre de 10-5 à 10-6, soit une cellule anormale parmi 100 000 à 1 000 000 de cellules normales.

L’étude en biologie moléculaire permet d’identifier des remaniements de gène ou des translocations non retrouvés au caryotype standard et qui ont un poids pronostique potentiellement important.

Ainsi la translocation t(1 ; 19) est dépistée dans 5 % des cas grâce à la RT-PCR mais seulement dans 3,4 % des cas par la cytogénétique classique [20].

Étude de la maladie résiduelle (MR) par les techniques de biologie moléculaire

On estime à 1012 le nombre de cellules présentes au diagnostic d’une LA et à 109 le nombre de cellules présentes, lors de 1’état dit de rémission complète obtenu à1’issue de la première phase du traitement ou induction. On définit par maladie résiduelle (MR) l’ensemble des cellules malignes persistant dans 1’organisme non détectables par les techniques morphologiques classiques. Mieux détecter la maladie résiduelle doit permettre de définir une base rationnelle à l’intensification thérapeutique en repérant des patients « mauvais répondeurs » à la chimiothérapie, à haut risque de rechute.

Dans l’idéal, un marqueur de MR doit être spécifique du clone tumoral, présent sur toutes les cellules tumorales, stable au cours de 1’évolution. La technique qui le détecte doit être sensible, spécifique, reproductible et doit permettre d’étudier facilement des compartiments représentatifs du pool tumoral. Elle doit être quantitative. Les techniques morphologiques ont un seuil de sensibilité de 1’ordre de 1 à 5 % ; les techniques cytogénétiques ne permettent qu’exceptionnellement de descendre au-dessous d’un seuil de 1 %. Les techniques de double immunomarquage permettent dans certains cas (phénotypes dits aberrants) de détecter une cellule tumorale parmi 10 000 cellules mais sont de réalisation très délicate. Les techniques de biologie moléculaire sont actuellement les plus utilisées [21, 22].

Deux types de marqueurs peuvent être utilisés : les gènes des récepteurs à 1’antigène fréquemment réarrangé dans les LAL et les translocations chromosomiques géné- rant un transcrit de fusion utilisables dans certaines LAL. Les gènes des récepteurs à l’antigène sont les cibles les plus utilisées dans les LAL [23, 24]. Au cours des LAL de la lignée B, on observe dans 98 % des cas un réarrangement des gènes codant pour la chaîne lourde des immunoglobulines, mais aussi :

— dans 50 % des cas un réarrangement dit infidèle du gène codant pour la chaîne γ du récepteur T ;

— dans environ 30 % des cas un réarrangement dit préférentiel Vδ2-Dδ3.

Pour les LAL de la lignée T on observe dans plus de 80 % des cas un réarrangement du gène codant pour la chaîne γ du récepteur T et dans 60 % des cas environ un réarrangement préférentiel Vδ1-Jδ1.

Ces réarrangements sont facilement amplifiables par la PCR et quantifiables, en utilisant l’ADN tumoral. Surtout, ils sont hautement spécifiques du clone tumoral d’un malade donné, par la diversité jonctionnelle engendrée par le réarrangement.

On peut, par des techniques de séquençage, déterminer dans chaque cas au diagnostic la séquence nucléotidique de la jonction, et ainsi fabriquer une sonde clone spécifique qui permettra de détecter le clone tumoral lors de la rémission au sein d’une population de cellules normales avec une sensibilité de l’ordre de 10-5 à 10-6 [25]. Le problème essentiel posé par ces méthodes est celui de l’évolution clonale avec la possibilité de disparition d’un réarrangement sans disparition du clone
tumoral [26, 27]. Le phénomène entraînant le réarrangement n’est pas lié, en effet, à l’événement oncogénique.

Détection des translocations générant un transcrit de fusion.

Les problèmes inhérents à ces méthodes sont : la fragilité de l’ARN, les difficultés de quantification, l’absence de spécificité pour un malade donné du marqueur (translocations semblables pour tous les malades) rendant difficile la détection de fauxpositifs par contamination. Leur avantage est d’utiliser un marqueur de l’événement oncogénique a priori stable au cours de l’évolution du clone tumoral et leur grande sensibilité (10-5, 10-6).

Plusieurs études rétrospectives [27, 28] et trois études prospectives [23, 29, 30] démontrent la valeur prédictive de la détection de la maladie résiduelle à l’issue du traitement d’induction des LAL. Néanmoins, la valeur de ces méthodes pour guider les décisions cliniques en temps réel reste à prouver, en particulier dans un cadre multicentrique. Le caractère prédictif de ces études, en terme de probabilité de rechute, reste par ailleurs à démontrer pour chaque variété pathologique. On a pu en effet démontrer la persistance de la t(8 ; 21), détectée par RT-PCR, chez des patients atteints de leucémie myéloblastique en longue rémission et, a priori , guéris [31].

Dans le protocole FRALLE 93, les patients avec un transcrit E A-PBX et porteurs 2 1 d’un niveau élevé de maladie résiduelle à la fin de l’induction sont à risque élevé de rechute.

LA SENSIBILITÉ AU TRAITEMENT

La réponse précoce au traitement

Le groupe allemand BFM a étudié la corticosensibilité initiale. Le critère retenu est le nombre de blastes circulant après 7 jours de corticothérapie [32]. Les formes corticorésistantes, avec plus de 1 000 blastes/mm3, se rencontrent essentiellement dans le groupe de haut risque et ont un très mauvais pronostic. Dans le protocole FRALLE 93, l’EFS des formes corticosensibles et corticorésistantes est respectivement de 77 fi 3 % et 49,5 fi 10 %. La rapidité de la mise en rémission avait été reconnue comme pronostique dès 1973. Dans le protocole FRALLE 93, l’EFS est de 81 fi 3 %, 59 fi 10 % et 37 fi 11 % lorsque la moelle prélevée au jour 21 du traitement montre un chiffre de blastes inférieur à 5 %, compris entre 5 et 25 %, ou supérieur à 25 %. Ces deux derniers groupes ne représentent en fait que 18 % des malades. Cette donnée est donc très corrélée avec les chances de succès.

La sensibilité in vitro des cellules leucémiques

La sensibilité in vitro des cellules leucémiques incubées en présence des différentes chimiothérapies utilisées dans les LAL, déterminée par un test colorimétrique
simple (dit test au MTT) aurait une valeur pronostique [33], mais ceci reste à démontrer par d’autres équipes de manière prospective.

CONCLUSION

La LAL de l’enfant est une maladie hétérogène, devenue curable grâce à l’intensification de la chimiothérapie et à l’adaptation de celle-ci aux facteurs de risque initiaux.

On prévoit dans le protocole FRALLE 2000 de classer les leucémies en fonction du type immunologique B ou T, de critères cliniques pronostiques admis au niveau international [9] (âge et importance de la leucocytose), de la sensibilité initiale à la corticothérapie et ultérieure à la chimiothérapie. Certaines anomalies cytogénétiques t(9 ; 22), t(4 ; 11) ou hypoploïdie justifient l’inclusion dans des groupes de risque élevé.

Le schéma global du protocole comporte successivement :

— une induction avec corticoïdes, Vincristine, Asparaginase, une anthracycline est ajoutée dans les formes graves et/ou cortico ou chimio peu sensibles. Une étude de la maladie résiduelle en biologie moléculaire est réalisée chez tous les patients en rémission (98 %) et si le niveau est supérieur à 10-2, ces malades reçoivent un traitement très intensifié ;

— un traitement de consolidation de 2 à 3 mois adapté à la gravité initiale ;

— un traitement d’intensification identique pour tous les groupes de patients ;

— un traitement « dit » d’interphase avec Vincristine, corticoïdes, 6 Mercaptopurine et Méthotrexate ;

— une deuxième intensification plus agressive si la maladie est peu sensible au traitement initial ;

— un traitement d’entretien de 2 ans comportant Méthotexate et 6 Mercaptopurine.

La durée globale du traitement est comprise entre 30 et 36 mois. La prophylaxie des localisations méningées repose sur 16 injections intrathécales de chimiothérapie. De fortes doses de Méthotrexate (5 g/m2) renforcent cette prophylaxie dans les formes graves. L’irradiation crânio-méningée est réservée aux rares formes avec atteinte méningée initiale ou aux formes immunologiques T cortico-résistantes.

Le but du traitement est d’éviter aux formes favorables des médicaments sources de séquelles éventuelles (VP16, anthracyclines), d’augmenter la thérapeutique pour les formes plus graves, de réserver des médicaments comme le Méthotrexate ou l’Aracytine à fortes doses aux leucémies chimio peu sensibles ou d’immunologie T. La transplantation médullaire allogénique a des indications exceptionnelles. Elle est réservée aux formes dont l’espoir de guérison est inférieur à 50 % avec les moyens chimiothérapiques usuels.

Les espoirs d’avenir reposent sur :

— la définition de nouveaux facteurs pronostiques permettant de repérer des malades à haut risque de rechute (évaluation quantitative et séquentielle de la maladie résiduelle) ;

— une meilleure approche de la sensibilité des blastes d’un individu donné aux diverses chimiothérapies (permettant une adaptation individuelle du traitement) ;

— une prescription plus rationnelle des chimiothérapies sur des données pharmacologiques individuelles ;

— l’utilisation des facteurs de croissance actuels ou à venir, permettant de réduire la morbidité des cures, voire d’augmenter la dose-intensité de chimiothérapie ;

— la découverte d’agents différenciant de la lignée lymphoïde ;

— l’utilisation d’outils moléculaires (anti-sens) chez les patients porteurs d’une translocation générant une protéine de fusion intervenant à l’une des étapes de la leucémogenèse.

REMERCIEMENTS

L’auteur adresse ses remerciements à tous les membres du groupe FRALLE qui ont participé à cette étude mutlicentrique :

Amiens : Brigitte PAUTARD ; Bordeaux : Yves PEREL ; Brest : Christian BERTHOU ; Bruxelles :

Guy CORNU ; Clermont-Ferrand : François DEMEOCQ ; Créteil : Françoise BERNAUDIN, Dijon : Gérard COUILLAULT ; Limoges : Lionel de LUMLEY ; Marseille : Gérard MICHEL, Isabelle THURET ; Nancy : Pierre BORDIGONI, Pascal CHASTAGNER, Claudine SCHMITT ; Paris Necker :

Alain FISCHER, Marianne DEBRE ; Paris Kremlin-Bicêtre : Jean-Pierre DOMMERGUES ; Brigitte BADER-MEUNIER ; Paris Saint-Louis : Gérard SCHAISON, Marie-Françoise AUCLERC, André BARUCHEL, Hélène ESPEROU, Thierry LEBLANC, François SIGAUX ; Paris Trousseau : Guy LEVERGER, Judith LANDMAN-PARKER, Jean DONADIEU ; Rennes : Édouard LE GALL, Virginie GANDEMER, Christine EDAN ; Rouen : Jean-Pierre VANNIER ; Saint-Étienne : Jean-Louis STEPHAN ; Tours : Jean-Pierre LAMAGNÈRE.

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DISCUSSION

M. Jacques-Louis BINET

Est-ce que, dans les rares cas de leucémie aiguë lymphoblastique, avec présence du transcrit bcr-abl, l’utilisation de l’inhibiteur de la tyrosine-kinase de ce transcrit a donné de bons résultats ?

Les leucémies lymphoblastiques à chromosome Philadelphie sont rares chez l’enfant (moins de 3 % des cas en cytogénétique classique). L’inhibiteur de la tyrosine kinase n’a pas encore été essayé chez eux. En revanche, chez les adultes où la leucémie lymphoblastique à chromosome Philadelphie est fréquente (jusqu’à 50 % des cas), des rémissions ont été obtenues même dans des formes chimiorésistantes. Ces rémissions sont de courte durée et justifient l’utilisation rapide d’une transplantation médullaire.

M. Jacques CAEN

Le pronostic est différent pour les leucémies lymphoblastiques selon l’âge de l’enfant. Après 15 ans, le pronostic est assez mauvais mais très amélioré, car les malades ont été soignés selon les protocoles qui sont employés chez l’enfant. Mais de 10 à 15 ans, le pronostic est moins bon : « sont-ce des formes corticosensibles ou corticorésistantes » ? « Y a t-il des anomalies chromosomiques associées » ? Dans vos protocoles d’avenir, imaginez-vous d’autres thérapeutiques initiales et lesquelles, des thérapeutiques d’entretien et lesquelles ?

L’amélioration du pronostic des adolescents de plus de 15 ans est à mettre à l’actif du protocole FRALLE 93 où ces formes ont été traitées vigoureusement (en particulier avec deux intensifications). La survie sans événement des enfants entre 10 et 15 ans est plus faible, 65 %. A cet âge, il y a plus de formes avec un immunophénotype T ou de formes hyperleucocytaires. Les anomalies chromosomiques auraient plus souvent un caractère défavorable. Il est prévu d’intensifier le traitement d’induction, de renforcer la consolidation, de réaliser 2 intensifications. Le traitement d’entretien est identique durant 18 mois.

M. Michel BOUREL

La décision du type de thérapeutique dépend de certains facteurs dont quelques-uns ne sont pas immédiats (mais découlant d’une certaine réponse thérapeutique)….. N’y a t-il pas là une sorte d’inversion de l’ordre des critères. La maladie résiduelle est-elle identique pour les leucoses aiguës myéloblastiques…. et quels signes cliniques la caractérisent ?

Il existe des facteurs pronostiques immédiats (âge, leucocytose, immunophénotype), permettant déjà d’adapter d’emblée le traitement à la gravité initiale. D’autres facteurs peuvent n’être connus qu’avec plus de retard (cytogénétique), d’autres enfin n’apparaî- tront qu’avec le début du traitement comme le médullogramme du 21ème jour. L’étude de la maladie résiduelle est encore plus tardive (J35, J42). Si ces critères sont péjoratifs, le traitement sera intensifié secondairement à la fin de l’induction, à la consolidation particulièrement agressive dans ces formes et à l’intensification no 2. Les leucémies myéloblastiques sont plus rares chez l’enfant (20 % des cas) et les éléments pronostiques moins clairement établis. La maladie résiduelle peut y être étudiée comme dans les formes lymphoblastiques. On envisage de traiter ces formes dont l’EFS globale est autour de 55 % par chimiothérapie si les éléments de pronostic sont favorables, par transplantation médullaire dans les autres cas.

Mme Marie-Odile RETHORÉ

Considérez-vous les leucémies du petit enfant trisomique 21 (en dehors des leucémies congénitales) comme « particulièrement graves » ? Y a t-il des symptômes cliniques précurseurs ? Quelles sont les précautions thérapeutiques prises ?

Les leucémies lymphoblastiques de l’enfant trisomique sont graves car le risque infectieux est plus élevé et certaines thérapeutiques sont plus mal tolérées (le Méthotrexate par exemple). Lorsque l’irradiation cérébrale prophylactique faisait partie intégrante du traitement, nous avons toujours évité l’irradiation de ces enfants. Dans le protocole FRALLE 93, les enfants trisomiques étaient exclus. Ils ont été traités par des protocoles
actifs mais mieux tolérés. Parfois, l’éclosion de la leucémie a pu être précédée par une cytopénie inexpliquée. L’existence d’une translocation est exceptionnelle chez l’enfant trisomique. Il serait intéressant, lorsqu’elle est dépistée, de rechercher si elle était présente sur un échantillon de sang prélevé à la naissance.

M. Maurice TUBIANA

Avec les progrès qui ont été obtenus dans le traitement des LAL, est-ce que les transplantations de moelle ou l’utilisation des cellules souches associée aux facteurs de croissance ou aux inhibiteurs conservent une place ? La pharmacogénomique ouvre-t-elle des perspectives en ce domaine ?

La transplantation médullaire a des indicateurs très limités dans le traitement de la première poussée de la maladie. Elle est discutée dans les formes de pronostic très sévère (translocations t(4 ; 11) t(9 ; 22), cortico ou chimiorésistance initiales). On utilise un donneur HLA identique dans la fratrie. En revanche, la greffe est le traitement de choix des rechutes précoces. Les facteurs de croissance hématopoïétiques sont surtout utilisés en cas d’épisode infectieux sévère. Ils seraient susceptibles de diminuer l’intervalle entre les cures de chimiothérapie. Il n’a jamais été démontré que leur utilisation augmentait la survie sans rechute.

M. René MORNEX

En cas d’anomalie cytogénétique constitutionnelle, quel est le risque de récidive après traitement ? Quelle est l’évolution sous traitement des anomalies chromosomiques acquises ?

Les anomalies cytogénétiques n’intéressent que les cellules leucémiques. Au moment de la rémission complète, les anomalies dépistées par le caryotype disparaissent, c’est la définition de la rémission. Cependant, il est habituel de dépister des anomalies moléculaires (par exemple un transcrit de fusion témoin d’une translocation), c’est la définition de la maladie résiduelle. Les anomalies cytogénétiques constitutionnelles (trisomie 21, syndrome de Klinefelter) ne semblent pas prédisposer plus fréquemment à une rechute.


* Service de Pédiatrie à Orientation Hématologique — Hôpital Saint-Louis, 1 avenue Claude Vellefaux — 75475 Paris cedex 10. Tirés-à-part : Professeur Gérard SCHAISON, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 13 janvier 2000, accepté le 31 janvier 2000.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 1, 149-162, séance du 30 janvier 2001