RAPPORT au nom de la Commission XI (Climatisme — Thermalisme — Eaux minérales)
A propos du dossier de demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage Les Capucins situé sur la commune de Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime)
Claude LAROCHE et Patrice QUENEAU Par lettre en date du 17 novembre 2000, le sous-directeur de la gestion des risques des milieux, bureau de l’eau, adresse à l’Académie nationale de médecine le dossier relatif à la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage Les Capucins situé sur la commune de Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime) et demande si les éléments de l’étude fournis semblent suffisants. Dans le cas contraire, il la prie de vouloir l’éclairer sur le contenu précis de l’étude clinique afin d’en informer l’exploitant.
Cette demande est très inhabituelle, l’Académie n’ayant jamais demandé de dossier clinique ; elle est pourtant logique.
En effet, dans le décret 89-369 du 6 juin 1989, l’eau minérale naturelle est définie comme une eau possédant un ensemble de caractéristiques qui sont de nature à lui apporter ses propriétés favorables à la santé ; elle se distingue des autres eaux « par sa nature, sa teneur en minéraux ou autres constituants et par certains effets », et par sa pureté originelle. L’annexe I du décret prévoit d’ailleurs des prescriptions applicables aux éléments géologiques et hydrologiques, aux examens chimiques et physico-chimiques et aux examens cliniques et pharmacologiques, ces derniers n’étant d’ailleurs pas précisés.
L’eau du captage des Capucins est une eau chaude, thermale, émergeant à 41° C, fortement minéralisée avec un résidu sec de 3 543 mg/l et que l’on peut classer parmi les eaux sulfatées mixtes calciques, sodiques et magnésiennes.
Cette composition a fait penser au promoteur que cette eau, utilisée par voie externe, pourrait trouver des indications dans les domaines rhumatologiques et phlébologiques. Une étude analogique a été effectuée par rapport aux princi-
pales stations françaises possédant ces indications. Il ne s’agit pourtant que d’études préliminaires, les indications thermales ne pouvant être précisées qu’après connaissance de l’équipement de « l’établissement thermal » , dont la description figure au dossier. Le promoteur a précisé la construction d’un module expérimental permettant une étude clinique dont le protocole doit être déposé durant l’année 2000 auprès du Comité Consultatif de Protection des Personnes dans la Recherche Biomédicale (CCPPRB) de la région PoitouCharente. Cette étude aura pour objectif d’apprécier, chez des malades ambulatoires, les effets d’une cure « thermale » utilisant l’eau du forage de Saint-Jean-d’Angély.
La seule étude clinique analogue, à notre connaissance menée dans les mêmes conditions, a été effectuée dans la station de Lectoure et étudiée par la Commission XI, en 1992, avec la demande d’autorisation d’exploitation de l’eau du captage Moulin de Repassac, le rapporteur étant M. Pierre Delaveau 1.
Le dossier d’autorisation actuel contient deux études pharmacologiques d’évaluation de la toxicité aiguë après administration par voie orale chez le rat, et de la toxicité aiguë après administration par voie intraveineuse chez la souris.
Ces deux études ont été effectuées sous l’autorité du Dr Toussaint au Laboratoire de Pharmacodynamie de l’Université Victor Segalen — Bordeaux II.
Le rapporteur ne peut que féliciter le promoteur d’envisager une étude clinique sur les effets bénéfiques éventuels de l’emploi de l’eau du captage des Capucins.
Au moment où l’enseignement de la crénothérapie prend place au sein de l’enseignement de la thérapeutique à la fin du 2ème cycle des études médicales, il importe d’actualiser, par une méthodologie adaptée mais scientifiquement valable, les effets des traitements thermaux.
Des études cliniques, sous forme d’essais thérapeutiques, ont trop longtemps été considérées comme inapplicables dans ce domaine.
Ces allégation sont exagérées, bien qu’il existe des difficultés discutables.
Des publications récentes, réalisées dans l’esprit des recommandations de l’ANDEM de 1996, ont appliqué aux cures thermales les principes méthodiques de l’évaluation thérapeutique, notamment sous forme d’essais pragmatiques avec randomisation et constitution de groupes témoins. Ceux-ci sont obtenus grâce à une allocation aléatoire portant sur le moment de la cure, immédiate pour un groupe de malades et différée de quelques mois pour l’autre groupe, qui servira de témoin pendant la période d’attente. Les évaluations cliniques étant réalisées en aveugle par un médecin évaluateur (méthode du « simple aveugle »). Ces évaluations portent non seulement sur les signes de la maladie 1. Bull. Acad. Natle Méd. , 1992, 176 , no 8, 1221-1234.
mais aussi sur la consommation de médications et d’autres prestations, et enfin sur la qualité de vie au sens du Service médical rendu (SMR).
En ce qui concerne la source « Les Capucins » de Saint-Jean-d’Angély , l’essai thérapeutique devrait donc comporter un protocole, très précis, d’étude prospective, avec tirage au sort et groupe témoin. Ce protocole devrait être établi sous le contrôle d’une autorité universitaire et prévoir une convention avec un ou des services hospitaliers afin d’obtenir un nombre de patients suffisant pour permettre une étude statistique valable, ainsi que leur choix par des médecins spécialistes ou compétents en rhumatologie et en phlébologie.
L’étude clinique ne pourra être effectuée qu’après l’autorisation d’exploiter l’eau du captage « Les Capucins », dont le dossier est actuellement en cours d’instruction dans les services du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, sous-direction de la gestion des risques des milieux, et en particulier après la réalisation des deux analyses réglementaires à 6 mois d’intervalle prévues par le décret no 57-404 du 28 mars 1957 modifié.
A cet égard, le rapporteur souligne que le dossier d’autorisation lui paraît actuellement très incomplet puisqu’il ne comporte par le rapport de la DRIRE sur le captage et les canalisations, ni sur le périmètre de protection qu’il a le devoir de délimiter.
La composition physico-chimique de l’eau mérite une attention particulière car la teneur en fer atteint 7,40 mg/l de fer et 2,40 mg/l de fluorure.
Le dossier ne contient d’ailleurs par les avis de la DRASS et du Conseil départemental d’Hygiène, qui figurent toujours avec le rapport du Laboratoire d’étude et de recherche en hydrologie dans les dossiers soumis à l’Académie.
Dès maintenant et afin de répondre à la réglementation fixée par le décret du 6 juin 1989 qui devra sans doute être modifié, le rapporteur propose que le dossier de toute nouvelle autorisation d’exploitation de source d’eau minérale naturelle comporte tout d’abord les études hydro-géologiques, physicochimiques et bactériologiques réglementaires qui seraient soumises à l’avis de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments. En cas d’avis favorable, il pourrait alors être mené une étude pharmacologique et clinique dans une structure permettant d’effectuer des soins thermaux. Cette étude permettrait de fixer les indications thérapeutiques qui pourraient être plus tard proposées aux organismes d’Assurance maladie. L’ensemble de ce dossier serait soumis, comme actuellement, à l’avis consultatif de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments et de l’Académie nationale de médecine.
Une question aussi importante sur le plan de la santé publique devrait amener l’Administration à proposer un cadre pour ces études cliniques sous forme, par exemple, d’un guide de bonnes pratiques, si possible avec l’aide de l’ANAES.
L’Académie serait prête à apporter son concours à une réflexion méthodologique concernant la validation des indications et des pratiques thermales.
La Commission XI, réunie le 9 janvier 2001 sous la présidence du Pr Claude Laroche, propose à l’Académie :
1 de n’autoriser une étude clinique avec le captage de Saint-Jean-d’Angély qu’après l’autorisation d’utiliser l’eau de ce captage, actuellement soumise à une instruction ministérielle ;
2- de faire parvenir au sous-directeur de la gestion des risques des milieux ce rapport qui précise les conditions dans lesquelles devra être établi le protocole d’évaluation clinique prévu par le décret 89-369 du 6 juin 1989.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 30 janvier 2001, a adopté ce rapport à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 1, 203-206, séance du 30 janvier 2001