Communication scientifique
Session of 18 novembre 2003

Le diagnostic prénatal : incertitudes et perspectives

MOTS-CLÉS : diagnostic prénatal, échographie prénatale. interruption grossesse.
Prenatal diagnosis : uncertainties and perspectives
KEY-WORDS : abortion, legal.. prenatal diagnosis. ultrasonography, prenatal

Jacques Milliez *

Résumé

Les activités de diagnostic prénatal ont été réglementées par la loi du 29 juillet 1994 qui créé des Centres agréés multidisciplinaires. Les pratiques se sont modifiées au fil du temps avec la précision croissante des échographies, le développement de la biologie moléculaire et des techniques de cytogénétiques. Les propositions d’interruption médicale de la grossesse sont simples à établir pour les malformations patentes. Elles deviennent incertaines pour les anomalies qui témoignent seulement d’un risque mal prévisible. Les conséquences collectives du diagnostic prénatal individuel sont parfois mal maîtrisables, comme pour le dépistage systématiquement proposé de la trisomie 21. L’analyse dans le sérum maternel de l’ADN fœtal libre, dès les premières semaines de la grossesse, devrait prochainement supplanter les méthodes invasives du diagnostic prénatal et offrir une alternative plus simple au diagnostic préimplantatoire.

Summary

The practice of fœtal medicine has been regulated by law as of July 29th 1994, licensing Multidisciplinary Centres for Prenatal Diagnosis. With time passing by, echography has become more and more accurate, genetics and molecular biology further developed, prenatal diagnosis increasingly precocious and intrusive. Indications for medical interruption of pregnancy are easy to decide for obvious malformations. They become far more difficult when they concern a risk of disease or handicap often hazardous to quantify. Beneficial for the sake of individuals, prenatal diagnosis may happen to possibly appear collectively detrimental, as for the systematic screening for Down syndrome. Testing of fœtal DNA, present in maternal serum since the early weeks of pregnancy, should in the near future

Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Fbrg Saint-Antoine — 75012 Paris Tél : 01.49.28.28.76 — Fax : 01.49.28.27.57. Email j.milliez@sat.ap-hop-paris.fr Tirés-à-part : Professeur Jacques MILLIEZ, à l’adresse ci-dessus

Article reçu le 30 janvier 2003, accepté le 7 avril 2003
outset antenatal invasive procedures and provide a useful alternative to pre implantation diagnosis.

Le diagnostic prénatal des maladies et des malformations du fœtus a commencé voilà plus de quarante ans, dans les années soixante, avec l’amniocentèse, et après la découverte de l’anomalie chromosomique du mongolisme. Il a balbutié ensuite dans les années soixante dix, avec les débuts de l’échographie qui ne dessinait que des contours, puis il a pris un essor considérable à partir des années quatre vingt. Les techniques mises à la disposition de la médecine sont alors devenues de plus en plus précises et ingénieuses, ajoutant aux ultra sons désormais à haute résolution, la biologie moléculaire, la génétique, l’imagerie à résonance magnétique nucléaire.

Véritablement inquisitoires, ces examens ont conduit de plus en plus souvent, de plus en plus précocement à l’identification d’anomalies fœtales qui autrefois n’étaient découvertes qu’à la naissance ou qui même restaient totalement ignorées jusqu’à leur reconnaissance fortuite. Corollairement les interruptions médicales des grossesses sont devenues plus fréquentes, mais aussi d’indication plus complexe, dépassant les certitudes factuelles de diagnostics établis pour mener vers des choix souvent douloureux face à une simple conjonction de risques. En raison de ces nouvelles exigences, pour recenser et aussi canaliser au mieux cette activité émergée depuis seulement trois décennies qui s’étendait de manière un peu brouillonne, des Centres Multidisciplinaires de Diagnostic Prénatal, CMDP, ont été créés dans les Établissements de Santé ou les Établissements Privés à but non lucratif, par la loi no 94-654 du 29 juillet 1994. La loi définit le diagnostic prénatal comme « les pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité ». La liste des centres agréés par le Ministère de la Santé a été établie par les décrets du 20 et 22 avril 1999 et publiée au JO du 27 juin 1999.

Les avancées récentes du diagnostic prénatal.

Quelques faits notables marquent l’évolution des pratiques prénatales depuis ces années récentes. Les ponctions de sang fœtal, les cordocentèses, dans la veine ombilicale, sont devenues très rares. Elles exposent à des accidents de souffrance fœtale aiguë ou de mort fœtale. Elles ont surtout été supplantées par l’amniocentèse, bien moins risquée, et devenue plus informative grâce à la biologie moléculaire qui identifie en 24 heures avec la PCR, polymerase chain reaction, les virus tératogènes ou le toxoplasme. Le caryotype rapide qui se faisait en 48 heures sur les lymphocytes du sang fœtal, s’obtient maintenant dans les mêmes délais sur les fibroblastes du liquide amniotique, par la technique de Fluorescence avec Hybridation In Situ, la FISH. Les biopsies de trophoblastes avaient suscité de très vives réserves à cause
d’amputations des membres de l’embryon, attribuées à des remaniements vasculaires sur le trophoblaste, quand elles étaient effectuées avant 9 semaines. Un peu plus tardives, elles sont devenues plus sûres et plus souvent utilisées. Les avortements iatrogènes n’y sont pas significativement plus fréquents qu’après l’amniocentèse, autour de 0,6-0,8 %. Pratiquées à 10-12 semaines, les biopsies de trophoblastes permettent le cas échéant d’interrompre la grossesse par aspiration.

Singularité de la France, la loi autorise l’IMG jusqu’au terme théorique de la grossesse. Au-delà de 3 mois, les IMG se pratiquent non plus par aspiration, mais par médicaments, un médicament antagoniste de la progestérone, la mifégyne ou RU 486 et un médicament analogue de la prostaglandine E1, le misoprostol ou Cytotec. Elles consistent alors en de véritables accouchements. Au-delà de quatre mois et demi, 22 semaines, l’enfant risque de naître vivant. L’infanticide bien sûr est illégal et pour se prémunir contre une naissance vivante, l’assurance doit être acquise avant le début de l’IMG que le fœtus a cessé de vivre. Le fœticide se pratique pour une IMG sur quatre, sous échographie, par ponction intra cardiaque d’un produit anesthésique d’abord, d’un médicament cardiotoxique ensuite. Malgré le soutien des psychologues, l’épreuve est douloureuse, difficile dans son exécution comme dans sa décision.

Les difficultés de la décision d’interruption médicale de grossesse.

Même si sa vocation et son rôle essentiel sont de rassurer, le diagnostic prénatal ne se conçoit que si les couples sont dûment informés de ses objectifs ultimes : dépister les malformations du fœtus et éventuellement proposer une interruption médicale de la grossesse. Si pour des raisons personnelles, culturelles ou religieuses, des parents s’opposaient à l’interruption de la grossesse, il serait inutile de s’engager dans des investigations dont ils ne partageraient pas les motivations, sauf parfois pour une meilleure prise en charge de l’enfant malformé qu’ils auraient choisi de mettre au monde. Très généralement les femmes enceintes, même récemment immigrées, connaissent bien l’échographie, et les tests, obligatoirement proposés, de dépistage de la trisomie 21. Elles savent ce qu’elles peuvent en attendre et notamment pour la grande majorité d’entre elles, se voir rassurées. La démarche du diagnostic prénatal ne les surprend donc pas. Elle peut cependant, mais heureusement dans une minorité de cas, les meurtrir. L’annonce de la malformation fœtale en effet les frappe toujours comme un séisme [3]. Le désarroi s’accentue du fait que la tare, qui ne prend habituellement forme qu’à la naissance, ici s’imagine, s’amplifie, se déforme, et pousse les mères à exiger, parfois contre tout bon sens, une interruption médicale de la grossesse. La décision, en principe, se prend collectivement au sein de l’équipe multidisciplinaire de diagnostic prénatal. Dans les cas difficiles, elle reste en fait le fruit du colloque singulier entre le couple et son médecin, entre leur confiance et sa conscience. La discussion est simple pour les anomalies patentes. Pour un mongolisme, comme pour les autres trisomies, si les parents la souhaitent, l’IMG est
proposée et presque toujours acceptée. Il en va de même pour les non fermetures du tube neural avec paraplégie et engagement du cervelet, pour les hydrocéphalies, pour les anencéphalies. Ces enfants n’ont aucune chance de survivre ou d’accéder à une vie acceptable. Aucun traitement ne peut les y conduire. Parfois la malformation pourrait se traiter mais le prix humain du traitement, son coût de souffrances et ses sommes d’incertitudes, permettent d’hésiter. Il en est ainsi des malformations cardiaques complexes, les hypoplasies du ventricule gauche, de certaines transpositions des gros vaisseaux ou canaux atrio ventriculaires même sans la délétion du chromosome 22 du syndrome de Di George, des grosses hernies diaphragmatiques gauches. Après une entrevue avec le chirurgien spécialiste, les parents gardent le choix de ne pas tenter l’intervention pour leur enfant s’ils la jugent trop aléatoire.

Du moins décident-ils alors en connaissance de cause. Ailleurs il leur faut parier.

Voilà leur fœtus à qui l’échographie découvre qu’il manque le corps calleux. Le médecin a l’obligation formelle d’en informer les parents en même temps qu’il leur annonce les complications redoutées : un risque de vingt pour cent de retard mental.

Personne ne sait quel enfant se trouvera dans ces vingt pour cent. Personne ne confirmera si tel fœtus dont la vie a été interrompue risquait ce retard mental. Il ne se vérifie pas à l’autopsie. Aux parents de décider s’ils ne retiennent que les vingt pour cent de risque ou s’ils entrevoient les quatre vingt pour cent de chances d’y échapper. Au médecin de les aider, ou, lourde tache, de tenter d’orienter leur choix dans ce qu’il perçoit de leur préférence. Pour certains parents le syndrome de Klinefelter, la formule chromosomique XXY, suppose un risque insupportable pour eux, non tant de stérilité, mais de débilité légère ou moyenne. Pire encore pour le syndrome de l’X fragile, pas tant chez le garçon dont l’atteinte est certaine, mais chez la fille chez qui une répétition excessive des triplets peut engendrer aussi un handicap mental beaucoup moins prévisible. Les agénésies des membres du fœtus posent également, dans un domaine différent, des dilemmes cruels. Quelle est la limite tolérable de la malformation ? Quand il manque un doigt, deux doigts, sûrement pas. Trois doigts, une pince de homard aux extrémités ? Une partie de l’avant bras, une amputation sur un bras et sur l’autre avant bras ? Ou l’agénésie d’un segment de jambe, avec le genou, donc appareillable, ou seulement une partie du genou ? Un enfant naît sans la main gauche. Ses parents ne voient de lui que le reste, tout ce qui est normal et aimable. Quand le diagnostic est fait à cinq mois sur l’échographie, ils exigent qu’on interrompe la grossesse. Il n’existe heureusement pas de liste qui pré établirait les maladies incurables.

En cas de refus d’arrêter la grossesse, par chance très rarement, certains parents font planer la crainte sourde d’une dissolution du couple ou même la menace, jamais négligeable, d’un suicide. La démarche du diagnostic prénatal se joue quelquefois sous la pression. Une femme par exemple risquant de transmettre la myopathie de son mari demande d’accéder au diagnostic de sexe pour son fœtus. Elle ne veut pas mettre au monde des filles qui engendreraient des garçons myopathes, ses petits fils.

En cas de refus des médecins d’accéder à sa demande, elle précise qu’elle demandera une IVG. Alors, doit-on sauver un garçon en cédant sur l’éthique qui refuse la
sélection du sexe des embryons, ou bien peut-on perdre le fœtus pour respecter l’éthique ? Il faut accepter que ces choix échappent de plus en plus au médecin. Par exemple, une épaisseur anormale de la nuque de l’embryon à deux mois implique un risque de 30-50 % d’anomalie chromosomique. Plus d’un tiers ensuite des fœtus à caryotype normal risquent une maladie congénitale, un syndrome de Noonan, une cardiopathie ou un retard mental [4]. Sans attendre le visa médical les plus avisées des patientes, puisque l’information leur est accessible avant 14 semaines, demandent une IVG. Le diagnostic prénatal échapperait-il à la maîtrise des médecins ?

Les conséquences collectives du diagnostic prénatal individuel.

Le diagnostic prénatal est un acte médical, singulier, qui, bien que soumis à l’aval d’un Centre Multidisciplinaire de Diagnostic Prénatal, demeure de gré à gré, de consentement libre entre personnes, et destiné à éviter pour l’enfant à naître, et pour ses parents, le fardeau d’une vie impossible. Pourtant mises bout à bout, ces démarches individuelles parviennent parfois à se cristalliser pour élaborer une politique collective dont le programme laisserait soupçonner une chasse aux mauvais gènes. Ce fut le cas pour le dépistage anténatal des anomalies du gène de l’hémoglobine, la thalassémie, la drépanocytose dans le pays du pourtour méditerranéens, la Sicile, la Grèce, la Crète. C’est encore le cas aujourd’hui pour le gène de la maladie de Tay Sachs, une encéphalopathie métabolique rapidement mortelle, dans les populations menacées [5] Aucun médecin ne se satisferait de ce qu’une de ses patientes mette au monde un enfant trisomique si elle n’avait pas souhaité le garder. Alors il propose, comme il en a l’obligation, à chaque femme enceinte le test dit HT21 de dépistage de la trisomie 21. Ce test repose de plus en plus sur le calcul informatique du risque de mongolisme fœtal fondé sur l’âge de la mère, son poids, l’épaisseur échographique de la nuque de l’embryon entre 11 et 14 semaines, le terme de la grossesse, enfin les taux d’hormone chorionique gonadotrophine et d’alpha fœto protéine, éventuellement d’œstriol et de la PAPP-A, Pregancy Associated Placental Protein A, mesurés entre 14 et 18 semaines d’aménorrhée. Si le seuil de risque de trisomie 21 est calculé comme étant supérieur à 1/250, il est suggéré de recourir à une amniocentèse. Avec ce dépistage systématiquement proposé, le taux des amniocentèses indiquées pour des marqueurs sériques anormaux a beaucoup augmenté. Il était en 2001de 6,5 %-7,5 % et de 35 % pour les femmes du plus de 37 ans. Si l’on ajoute les 5 % d’amniocentèse pratiquées à cause d’une nuque embryonnaire trop épaisse au premier trimestre de la grossesse, les 5 % d’amniocentèses indiquées par une anomalie de l’échographie du deuxième trimestre de la grossesse et les amniocentèses liées aux marqueurs sériques anormaux, on atteint un taux de 16 % d’amniocentèses. Le taux national d’identification des fœtus trisomiques par la combinaison du dépistage sérique et de l’amniocentèse est de 74 %, 312 sur 419 [7]. Or chaque amniocentèse engendre un risque d’avortement iatrogène compris entre 0,6 et 0,8 % [2], 0,9 % en Île de France.

Au terme du dépistage systématique de la trisomie 21, le nombre de fœtus sains qui perdent la vie du fait des conséquences de l’amniocentèse, devient supérieur au nombre de fœtus trisomiques dépistés. Le prix du dépistage paraît lourd pour la collectivité et le diagnostic prénatal plus bénéfique individuellement que collectivement. Avant d’en condamner le principe, il conviendrait d’en envisager d’autres approches.

Perspectives et alternatives du diagnostic prénatal.

Puisque les avantages du diagnostic prénatal se heurtent aux conséquences des examens invasifs qu’il implique, l’amniocentèse, la biopsie de trophoblaste, sources d’avortements induites, l’obstacle pourrait se contourner en cherchant l’information ailleurs que sur le fœtus ou ses annexes, dans le sang de la mère elle même. La recherche a été entreprise depuis plusieurs années mais elle a fait fausse route.

L’objectif était d’isoler les cellules fœtales filtrant à travers le placenta, les lymphocytes mais surtout les érythroblastes qui contiennent un noyau donc de l’ADN fœtal [8, 9]. Malgré quelques premières applications cliniques ces méthodes se sont avérées fastidieuses et peu reproductibles [10]. Or il est apparu que la cible se trouvait non pas dans les cellules fœtales mais dans le sérum ou le plasma maternel, qui contiennent des quantités de DNA fœtal libre, provenant de la lyse des cellules fœtales et placentaires, dix fois supérieures à celles des noyaux. Ce DNA libre offre déjà un accès fiable à des diagnostics pratiques : l’identification du chromosome Y pour les maladies génétiques liées au sexe, surtout la reconnaissance du génotype D chez des mères Rhésus négatif dont le fœtus risque une incompatibilité par iso immunisation [11], et de la même façon la mise en évidence des antigènes plaquettaires PLA1 chez des mères PLA négatives dont le fœtus peut souffrir d’une hémorragie cérébrale à l’occasion d’une thrombopénie par iso immunisation plaquettaire [12]. Les perspectives d’exploitation du DNA fœtal dans le sérum maternel sont immenses mais elles exigent encore des efforts : rien ne s’oppose en effet à la reconnaissance dans le sérum de la mère des maladies monogéniques dominantes paternelles transmises au fœtus, ou bien à celle d’une double hétérozygotie de la mucoviscidose ou de la drépanocytose. Les maladies monogéniques homozygotes par contre, transmises par chacun des parents avec une mutation identique, ne pourront s’apprécier que par des techniques plus délicates de PCR quantitative séparant le simple du double exemplaire du déficit génétique, techniques théoriquement accessibles. Mais puisque le dépistage le plus attendu et le plus répandu reste celui de la trisomie 21, sur le DNA fœtal il faudra savoir dépister une double dose d’ADN ou la double copie d’un microsatellite du chromosome 21 de la mère, différent de celui du père. Cette mise au point ne saurait tarder. Elle s’offrira au diagnostic prénatal dès les toutes premières semaines de la grossesse, en permettra si nécessaire, l’interruption par des médicaments, sans aspiration, sans la longue attente de l’accouchement de l’IMG. Elle se présentera comme un sérieux concurrent du diagnostic pré implantatoire.

Le diagnostic pré implantatoire, DPI

Largement utilisé ailleurs [14], le diagnostic pré implantatoire, bien que parfaitement légal, tarde à se faire adopter en France [15]. Il n’est requis chaque année que par quelques dizaines de couples. Alternative au diagnostic prénatal, il offre l’avantage d’éviter l’interruption d’une grossesse déjà engagée, mais l’inconvénient pour en bénéficier de devoir recourir à la fécondation in vitro . Il pose en fait la question actuelle d’une éventuelle extension de ses indications. La loi du 29 juillet 1994 qui l’a institué, stipule qu’il ne peut s’appliquer que pour le diagnostic d’une maladie génétique identifiée chez les parents et qui risque de se transmettre à l’enfant. Pour se donner du champ le diagnostic pré implantatoire aspire à déceler par FISH les embryons atteints de trisomie libre issus de fécondations in vitro , chez les mères de plus de 38 ans du moins, maladie qui risque de se transmettre à l’enfant mais qui n’existe pas chez les parents. Il se propose aussi de mesurer les répétitions de triplets de la maladie de Huntington pour ne replacer que les embryons sains, écarter les autres, sans dire à la mère qui souhaite pour elle même rester dans l’ignorance de son propre statut, s’il existait ou non des embryons malades, si elle même est ou non atteinte par la tare génétique. Le projet le plus discuté cherche à obtenir chez un enfant à naître, par fécondation in vitro pour les besoins du DPI, la compatibilité de son sang de cordon avec celui d’un frère déjà né atteint d’anémie de Fanconi qui a besoin d’une greffe de moelle. Á cette fin il se propose de trier les embryons obtenus et de les sélectionner pour ne transférer que ceux dont les groupes tissulaires auraient la compatibilité HLA souhaitée. Les autres, ceux dont la compatibilité HLA ne conviendrait pas, seraient « écartés ». Or la loi no 2002-303 du 04 mars 2002 rappelle que, hors DPI qui exige des gènes malades, nul ne peut faire l’objet d’une sélection à partir de ses caractères génétiques. La loi s’amende, l’éthique s’interroge :

est-il sans conséquence de procéder à un tri d’embryons à partir de caractères génétiques normaux ?

Le diagnostic prénatal cherche ses limites, techniques et psychologiques. La pratique en a été quelque peu heurtée par l’arrêt dit Perruche de l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation du 17 novembre 2000 [16]. De parfaite intentionnalité et de scrupuleuse observance de la doctrine du droit qui s’impose d’indemniser les victimes de préjudices, il a provoqué une onde de choc salutaire pour la formulation légale d’une nouvelle prise en charge des handicaps de la naissance. Échaudés toutefois, les médecins n’osent plus risquer de se tromper et prescrivent sans doute de façon plus libérale les interruptions médicales de grossesse. Il ne leur est plus permis d’en entraver, involontairement, l’accès aux justiciables. Très permissive, puisque l’IMG y est accessible dès avant la grossesse par le DPI et le reste jusqu’au terme, la loi se perçoit désormais comme contraignante. D’autorisée l’IMG, si elle est justifiée et consentie, est devenue obligatoire. Peut être, dans un domaine différent, le suicide assisté, légal en Suisse, voire l’euthanasie adoptée en Hollande et en Belgique, se discuteront-ils en France ? Autorisés un jour, deviendront-ils, à la lumière de la jurisprudence

Perruche, obligatoires le lendemain ? Le diagnostic prénatal aurait alors engendré un bien mauvais clone.

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[16] MÉMETEAU G. — La jurisprudence dite « Perruche » et ses suites : fallait il légiférer ? Gazette du

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DISCUSSION

M. Jacques BATTIN

Depuis trente ans qu’est pratiqué le diagnostic prénatal, la détermination du sexe fœtal est indispensable dans les maladies liées à l’X avant la recherche de la maladie en cause. Quelle est la fiabilité de la technique de l’ADN fœtal dans le sang maternel ?

L’expérience acquise jusqu’alors indique que la méthode est fiable, l’identification de l’Y ne prêtant pas à confusion. L’absence d’Y peut passer effectivement pour un « faux négatif » et appeler une confirmation soit par la reconnaissance échographique ultérieure du sexe du fœtus, soit malgré tout par biopsie de tropholaste ou amniocentèse pour les cas les plus critiques.

Mme Marie-Odile RETHORE

Parmi les trisomiques 21, 1 sur 3, a des marqueurs sériques normaux. A l’Institut Lejeune, nous avons entrepris une étude concernant le devenir de ces ‘‘ faux négatifs ’’ par rapport à ceux qui ont été décelés par les marqueurs sériques mais que les parents ont gardé. Parmi les enfants qui ont eu des marqueurs sériques anormaux mais qui ont un caryotype normal, je trouve beaucoup d’autistes déficitaires. Que signifient finalement ces BHCG ?

Pour le test HT21 il existe indiscutablement un taux de faux négatif de l’ordre de 20 %-30 %, des résultats inférieurs au seuil de risque alors que les enfants sont atteints.

Les parents en sont clairement informés dans la feuille explicative qui leur est fournie en préambule du prélèvement. Ils savent que le test ne leur garantit pas un enfant non trisomique. Il est de fait que le lien entre les HCG et la trisomie 21 est totalement empirique, d’autant que le taux d’HCG est aussi élevé chez les patientes qui développeront ensuite une pré éclampsie, et qu’il est au contraire effondré en cas de trisomie 18. Il n’existe aucun fondement scientifiquement prouvé au choix de ce marqueur autre qu’un lien statistique non formel vous le soulignez fort bien. Il faut d’ailleurs pratiquer des centaines d’amniocentèses, suscitées par un « risque sérologique », pour trouver une seule trisomie 21. J’ajoute que dans certaines situations, autres que celle que vous indiquez, même un caryotype normal ne garantit pas que l’enfant ne sera pas affecté d’une maladie génique préoccupante. L’exemple vient des embryons dont l’épaisseur de la nuque a été mesurée, schématiquement, à 3mm ou plus à l’échographie de 12 semaines.

Un caryotype normal ne les prémunit pas contre d’autres anomalies, une cardiopathie congénitale par exemple, encore qu’on la détecterait à l’échographie ultérieure, mais surtout des retards mentaux profonds et imprévisibles, d’un décès néonatal ou d’un syndrome de Noonan. Le risque est tel que des mères, bien informées aujourd’hui, dont l’embryon présente une nuque trop épaisse refusent le caryotype, le considérant comme insuffisamment rassurant, et demandent une interruption volontaire de grossesse à laquelle, jusqu’à 14 semaines, elles peuvent accéder sans aucun justificatif médical.

M. Christian NEZELOF

Juste un commentaire pour insister sur les progrès considérables effectués ces quinze dernières années par les échographistes dans le dépistage des malformations majeures et mineures du fœtus. L’expérience des fœtopathologistes est, à cet égard, très concluante.

Les fœtopathologistes ont contribué de façon majeure aux progrès du diagnostic anté- natal. Ils participent aux groupes médicaux multi-disciplinaires qui statuent sur les demandes d’interruption médicale de grossesse et leurs connaissances étendues des maladies fœtales, autant que de la génétique, apportent une aide précieuse à la prise des décisions.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1577-1586, séance du 18 novembre 2003