Communiqué
Séance du 8 juin 2010

Le conflit d’intérêt

MOTS-CLÉS : conflit d’intérêt

Pierre JOLY **

Dans une période où les différends sont gérés par des confrontations émotionnelles et des procès d’intention, l’Académie se doit d’éviter que son impartialité puisse être mise en doute lors de la désignation, comme porte-parole, d’un de ses membres. Dans ce but, un groupe de travail s’est vu confier pour objectif la prévention de tout conflit d’intérêt lors des prises de position officielles de l’Académie nationale de médecine.

Les membres de l’Académie, parce qu’ils se distinguent dans leur propre domaine d’enseignement, d’exercice et de recherche, sont appelés à intervenir à titre de conseil ou d’expert. Si le conseil a pour tâche de mener son mandataire au succès, l’expert a pour devoir de se prononcer en toute indépendance et avec une parfaite impartialité. C’est en tant qu’expert qu’un membre de notre Compagnie peut être amené à engager la responsabilité de l’Académie.

En raison de la compétence qui leur est reconnue, les membres de l’Académie sont sollicités par de multiples instances, publiques et privées, ce qui les expose au risque de conflit d’intérêt. Dans les disciplines où le nombre des experts est faible, les spécialistes sont fréquemment appelés, donc plus exposés à ce risque. Le groupe de travail n’a pris en considération que les interventions des membres désignés comme porte-parole de l’Académie et intervenant comme tel. Ce faisant, il met en garde les confrères contactés à titre personnel qui sont tenus d’éviter que leurs propos soient interprétés comme une prise de position engageant l’Académie.

 

Dans la mesure où l’Académie est appelée à désigner, parmi ses membres, un expert comme porte-parole sur un thème défini, le groupe de travail propose que le choix se fasse sur une liste établie par les Commissions spécialisées.

Les membres titulaires ou correspondants qui accepteraient d’intervenir comme experts de l’Académie, dans le domaine de leurs compétences, présenteraient un exposé détaillé de leur expérience et de leurs activités antérieures en tant qu’expert et feraient état des sources possibles d’un conflit d’intérêt. En précisant leurs disponibilités, ils communiqueraient au secrétariat de l’Académie leurs adresses durant les périodes de vacances.

La désignation d’un porte-parole peut, dans des circonstances exceptionnelles, relever d’une décision urgente. Tout en rappelant que l’Académie se veut être d’abord une instance de réflexion, le groupe de travail a admis cette nécessité.

Dans la mesure où l’interrogation porterait sur un thème sur lequel l’Académie a déjà pris position, le Président et le Secrétaire de la Commission compétente devraient être alertés. En toute hypothèse, dans cette situation d’urgence qui doit rester une exception, le Secrétaire perpétuel qui a en charge la permanence de la vie de l’Académie sera appelé à choisir un expert dans la liste établie par les Commissions avec l’accord du Président de la Commission de la Communication. En cas de moindre urgence, de l’ordre de 24 heures, c’est l’accord des membres du Bureau qui sera sollicité. En cas de demande « normale », n’exigeant pas une réponse urgente, c’est l’avis du Conseil d’Administration qui s’imposera. En toute hypothèse, cette dernière instance aura à connaître de la désignation d’un porte-parole : justification du choix de la personne, définition de la mission confiée à l’expert en précisant sa limitation dans le temps, exclusion de tout risque d’un conflit d’intérêt.

Le mode de désignation du l’expert ayant été ainsi précisé, le groupe de travail a établi la charte de déontologie du porte-parole de l’Académie :

Le membre de l’Académie nationale de médecine désigné en tant qu’expert pour représenter l’Académie a pour justification première sa compétence. Il est tenu à faire preuve d’objectivité et d’impartialité, faisant abstraction de toute opinion préconçue ou appréciation subjective. Il s’attache à dire le vrai, le possiblement vrai et le certainement faux, dans l’état actuel de la science.

La mission d’étude ou d’information qui lui est impartie obéit à la procédure définie par le Conseil d’Administration de l’Académie et approuvée par l’Assemblée générale.

Il remplit personnellement cette mission, s’adjoignant éventuellement, sous sa propre responsabilité, des co-experts.

L’expert doit pouvoir faire état de son indépendance, à l’écart de toute pression ou influence, de quelque nature. Il peut au regard de la question posée être conduit à une « déclaration publique d’intérêts » si sa position personnelle est susceptible d’ouvrir un conflit d’intérêt ou un procès d’intention.

 

L’expert est tenu à un devoir de réserve, faisant preuve de modération dans ses propos et s’abstenant de toute prise de position publique susceptible de porter préjudice au renom de l’Académie nationale de médecine. Cette directive a une particulière importance quand l’expert est appelé à faire face, seul, aux interrogations du public sur un point d’actualité.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 8 juin 2010, a adopté le texte de ce communiqué avec quatre voix contre et onze abstentions.

 

* Constitué de : Pierre BÉGUÉ, Guy BLAUDIN DE THÉ, Yves CHAPUIS, Christian CHATELAIN, Daniel COUTURIER, Gérard DUBOIS, Jean-Jacques HAUW, Jacques HUREAU, Pierre JOLY, Jean-Yves LE GALL, Yves LOGEAIS, Gérard MILHAUD, André-Laurent PARODI, Patrice QUENEAU, Claude SUREAU, Jean-Paul TILLEMENT, Maurice TUBIANA. ** Vice-président de l’Académie nationale de médecine

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 6, 1117-1119, séance du 8 juin 2010