Communication scientifique
Session of 20 janvier 2004

Le Centre d’Action Médico-Sociale Précoce spécialisé pour la déficience auditive de l’enfant (CHU de Nantes). Une expérience de vingt deux ans

MOTS-CLÉS : éducation précoce.. enfant. guidance parentale. surdité
The early medico-social center for hearing loss (Nantes University Hospital). A twenty two years experience
KEY-WORDS : deafness/child. early intervention (education).. speech therapy

François Legent *, Catherine Calais.

Résumé

Le Centre d’Action Médico-Social Précoce (C.A.M.S.P.) spécialisé pour la déficience auditive de l’enfant du Centre Hospitalier Universitaire de Nantes est un des rares centres de ce type en France. La proximité de ce centre avec le service d’Oto-Rhino-Laryngologie permet le rapprochement des équipes de diagnostic et d’éducation précoce et facilite la prise en charge des enfants nécessitant une adaptation prothétique. La situation du centre à l’intérieur de l’hôpital impose une séparation entre le centre et le service ORL, avec une parfaite identification des locaux, pour donner les meilleures conditions d’accueil. Sous réserve d’étoffer son équipe, ce centre pourrait participer à l’organisation d’un dépistage systématique de la surdité dans les maternités en prenant immédiatement en charge les enfants dépistés.

Summary

The Early Hearing-Loss Center at Nantes University Hospital (C.A.M.S.P.) is a rare example of this kind in France. The proximity of the center to the ENT department facilitates communication between health care professionals involved in diagnostic procedures and those involved in early education, thereby improving the quality of care for children needing hearing aids. The center is located within hospital, but the center and ENT department are clearly separated in order to offer appropriate patient welcome. The center is equipped to participate in universal newborn hearing screening and early treatment.

INTRODUCTION

Un décret daté du 15 avril 1976 créait les Centres d’Action Médico-Sociale Précoce (C.A.M.S.P.) et précisait les conditions techniques d’agrément. Il constituait l’annexe bis d’un décret de mars 1956 fixant les conditions techniques d’agrément des établissements de cure et de prévention pour les soins aux assurés sociaux.

L’article premier en définissait l’objet : « le dépistage, la cure ambulatoire et la rééducation des enfants des premier et deuxième âges qui présentent des déficits sensoriels, moteurs ou mentaux, en vue d’une adaptation sociale et éducative dans leur milieu naturel et avec la participation de celui-ci. Ils exercent des actions préventives spécialisées ».

Il était précisé notamment que les C.A.M.S.P. pouvaient « fonctionner dans les locaux d’une consultation hospitalière », et que ces centres pouvaient « être spécialisés ou polyvalents avec des sections spécialisées ». Ce décret était complété par une circulaire datée du 9 juin 1976 précisant les conditions de création et de financement, assuré conjointement par les départements pour 20 % et par les caisses d’assurance maladie pour 80 %.

Moins d’un an après ce décret fondateur des C.A.M.S.P., une circulaire du Ministère de la Santé précisait les modalités du dépistage et de l’éducation précoces de l’enfant déficient auditif de la naissance à six ans [3]. Elle instituait notamment l’examen systématique des nouveaux-nés ayant un risque élevé de surdité. Depuis la parution de ces textes réglementaires, le nombre de C.A.M.S.P. n’a cessé de croître. La Direction de la recherche, des études et de l’évaluation et des statistiques du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité en a dénombré 138 en 1988 et 215 en 1998.

Cette même année, 22 départements en étaient dépourvus.

L’absence de création de C.A.M.S.P. polyvalent dans le cadre du Centre Hospitalier de Nantes et la volonté de participer efficacement à la prise en charge de la surdité de l’enfant dans le département, nous a amené à demander la création d’un C.A.M.S.P.

spécialisé pour les enfants déficients auditifs. Situé à l’intérieur de l’Hôtel-Dieu, il assure le diagnostic de la surdité et l’éducation précoce des enfants dont la déficience nécessite un appareillage. Aussi est-il intéressant de faire le bilan des 22 années d’activité de ce centre pour savoir s’il répond aux objectifs du décret fondateur des C.A.M.S.P. de 1976. D’autre part, il paraît important de voir si un tel centre peut s’intégrer facilement dans le contexte actuel des nouvelles techniques permettant un élargissement d’un dépistage précoce de la surdité néonatale.

LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT DU C.A.M.S.P.

Les étapes administratives ont été longues à franchir entre la demande de création et l’autorisation de fonctionner, malgré le soutien permanent de la direction du Centre

Hospitalier. Le service ORL du Centre Hospitalier de Nantes a été agréé comme C.A.M.S.P. en juin 1977. Des travaux ont été nécessaires pour mettre les locaux en conformité avec la réglementation spécifique régissant ces centres. Il fallut attendre le mois de mai 1981 pour obtenir une convention liant le Centre Hospitalier, le Département et la Caisse Régionale d’Assurance Maladie, permettant l’ouverture officielle du centre. Cette convention précise les organisations techniques et financières. Un budget est élaboré chaque année et soumis par la direction hospitalière à la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (D.A.S.S.). La direction du C.A.M.S.P. relève du chef du service d’ORL, et la direction médicale est assurée par un médecin ORL et phoniatre. Le noyau de l’équipe qui assure le diagnostic et la prise en charge des enfants atteints de surdité comprend trois ORL spécialisés en audiologie infantile et un phoniatre, trois orthophonistes et une psychologue.

Le diagnostic de la surdité est effectué dans les locaux de la consultation du service ORL. Pendant longtemps situé autour de 1000 consultants par an, le nombre dépasse maintenant 1.400. Les effectifs actuels de l’équipe d’audiologie infantile ne permettent pas raisonnablement d’aller au-delà de ce nombre. Toute nouvelle augmentation du flux de consultants imposerait d’étoffer cette équipe, sous peine de créer un délai d’attente insoutenable pour les parents.

Le dépistage précoce de la surdité néonatale est réservé actuellement aux enfants à risque. Pour les enfants nés à terme, l’examen est demandé par un pédiatre. Pour les enfants prématurés, l’examen est systématique à l’âge du terme, ou dans les deux mois qui suivent. Au-delà de deux mois, l’examen est rendu difficile sans sédatif.

Avant le terme, l’examen risque de constater une absence de réponse liée à un retard de maturation [5], ou à l’inverse, de méconnaître une surdité iatrogénique. Selon la provenance de l’enfant, l’examen est réalisé dans les locaux de la maternité ou du service de néonatalogie, ou sur rendez-vous dans les locaux d’audiométrie du service O.R.L.. L’examen par les otoémissions acoustiques provoquées (OEAP) est complété par un examen d’audiométrie comportementale avec un babymètre au moindre doute sur la qualité des réponses. Si la réponse est alors favorable, l’enfant sera examiné de nouveau à six mois. En l’absence de réponse indiscutable, un examen par potentiels évoques auditifs précoces (PEA) est très rapidement programmé.

Dès le diagnostic de surdité établi ou même seulement fortement suspecté, l’admission au centre est proposée aux parents, avant tout pour leur assurer un soutien psychologique, leur donner des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent, préciser le diagnostic de la surdité et la situer dans une perspective globale de l’enfant. Un examen ophtalmologique est demandé systématiquement pour rechercher des anomalies oculaires et particulièrement des signes pouvant faire suspecter une rétinite pigmentaire. De même, un examen général est programmé avec un pédiatre généticien. Une étude génétique est proposée aux parents, notamment pour la détection des mutations du gène de la connexine 26.

Pour affirmer le diagnostic de la surdité avant l’appareillage, on exige un deuxième examen de PEA pour les enfants de moins de six mois et chez les grands prématurés.

Cet examen objectif est toujours complété par deux tests d’audiométrie comportementale, à trois semaines d’intervalle. Dès la fin du premier mois après l’adaptation prothétique, un nouvel examen d’audiométrie comportementale est réalisé pour essayer de déterminer le seuil auditif avec l’aide auditive. Ces examens audiométriques sont répétés tous les deux mois, sans et avec prothèse. Ils permettent d’affiner le diagnostic en précisant le seuil des principales fréquences du 250Hz au 4000Hz. Ils sont effectués par une orthophoniste ne participant pas à l’éducation de l’enfant pour diminuer la part subjective de l’interprétation des résultats.

L’éducation orthophonique est réalisée en séance individuelle et en séance de groupe afin de développer tous les modes de communication, oraliste et gestuelle.

Les parents assistent aux séances d’orthophonie. Ce suivi est adapté notamment en fonction de chaque enfant et de sa famille, de son niveau de surdité. Lorsque l’appareillage externe ne donne pas satisfaction, une implantation cochléaire est proposée. Mais l’essai de la prothèse externe constitue un passage obligé pendant une période d’environ six mois, afin de s’assurer que l’aide auditive est insuffisante.

Cette période est nécessaire à la famille pour prendre conscience dans un premier temps du degré de handicap, et dans un second temps de sa répercussion sur l’apprentissage du langage. On réalise alors un bilan pré-implantatoire pour évaluer le bénéfice éventuel d’un implant. Cette étape se fait en partenariat avec la famille, l’équipe qui suit l’enfant, et l’équipe d’implantation. La famille doit recevoir des informations sur les risques de l’intervention, sur les réglages qui auront lieu dans les mois suivant l’intervention, et sur l’importance du suivi. La famille doit ainsi pouvoir réaliser la portée de la pose d’un implant et de son implication nécessaire auprès de l’enfant.

Cette implantation est effectuée dans le service. Les explorations fonctionnelles peropératoires sont réalisées par un médecin audiologiste du C.A.M.S.P., en collaboration avec le Laboratoire d’Explorations Fonctionnelles du Centre Hospitalier Universitaire. Le test au promontoire, en début d’intervention, permet d’aider à choisir le côté à implanter. Les premiers réglages de l’implant s’effectuent en fin d’intervention. Les réglages ultérieurs de l’implant sont faits par le même médecin, là encore en collaboration étroite avec l’équipe d’orthophonistes. Le premier réglage est réalisé de la quatrième à la sixième semaine. Il commence par une évaluation objective des seuils mise au point en collaboration avec le Laboratoire d’Explorations Fonctionnelles, basée sur la réaction cutanée sympathique [6]. Cette mesure objective diminue beaucoup la période concernant le réglage de l’implant par les tests comportementaux. Cette durée varie notablement selon l’importance de la surdité.

Durant les 11 premières années (1981-1991) de fonctionnement du centre., 137 enfants y ont été suivis, ce qui représente un flux moyen annuel de 12 enfants. Une étude rétrospective effectuée sur ces 11 premières années de fonctionnement révèle une durée moyenne de prise en charge de un an et 10 mois pour les surdités profondes et sévères, et un an et quatre mois pour les surdités moyennes. Cette même étude a montré que l’âge du diagnostic fait au-delà de 24 mois concernait 11 % des
enfants pour les surdités profondes, et 48 % des enfants pour les surdités sévères.

Durant les 11 années suivantes (1992-2002), le nombre d’enfants a été de 127.

Durant cette période, 35 enfants ont eu un implant cochléaire. Cinq enfants sont encore présents. Actuellement, 24 enfants sont suivis au C.A.M.S.P., dont 11 pour une surdité profonde. Dans ce groupe, la moyenne d’âge du diagnostic est de 15 mois avec comme extrêmes, trois mois et demi et 30 mois, sans aucune explication socio-économique.

DISCUSSION

La création officielle des C.A.M.S.P. par le décret de 1976 permettait de généraliser une structure innovante ouverte en 1967 qui avait pour but de prendre en charge précocement le petit enfant handicapé et ses parents. Dans l’esprit de ses créateurs [8], la vocation des C.A.M.S.P. était d’être polyvalents, d’avoir des équipes pluridisciplinaies, et de pouvoir répondre à toutes les demandes des parents concernant aussi bien la prise en charge psychologique que la rééducation. L’imprécision de la réglementation facilite l’adaptation aux besoins locaux ; elle explique la diversité de ces centres. Une enquête publiée en 1995 montrait que 80 % des centres étaient polyvalents, mais que 18 % d’entre eux étaient plus ou moins spécialisés dans une association de troubles moteurs, mentaux et sensoriels. Parmi les 20 % de C.A.M.S.P. spécialisés, on dénombrait 47 % de centres concernés par la déficience auditive. Cette enquête révélait aussi qu’environ un C.A.M.S.P. sur cinq était géré dans un hôpital, le plus souvent à l’initiative d’un chef de service de pédiatrie. Il n’y a que trois CHU à disposer d’un tel centre spécialisé pour l’audition (Bordeaux-Marseille-Nantes).

La circulaire de janvier 1977 concernant le dépistage et l’éducation précoces de l’enfant déficient auditif de la naissance à six ans, rappelait la récente création des C.A.M.S.P., mais conseillait aux Préfets d‘être « très prudents dans la création de nouveaux centres exclusivement réservés aux déficients auditifs ». Cette prudence explique que certains services hospitaliers ORL n’ont pu obtenir l’agrément pour la création d’un C.A.M.S.P. spécialisé au prétexte qu’un tel centre devait se situer au cœur de la ville pour en faciliter l’accès à l’ensemble de la population. C’est probablement au compte de cette réticence que près de quatre années s’écoulèrent entre l’agrément et l’autorisation d’ouverture pour le C.A.M.S.P. spécialisé de Nantes.

La localisation dans un hôpital d’un C.A.M.S.P. a l’inconvénient de « médicaliser » une structure d’éducation spécialisée. Cette remarque est fondée, mais elle doit être mise en balance avec les avantages que procure la proximité d’un service médical spécialisé dans la période cruciale du diagnostic et du début de l’appareillage. Cette période s’échelonne sur des mois et impose de nombreux examens spécialisés. Pour pallier cette vision hospitalière, la situation architecturale du centre par rapport aux services hospitaliers joue un rôle essentiel. Pendant les 11 premières années de fonctionnement du centre nantais, les pièces dévolues à l’activité éducative étaient situées dans les locaux de la consultation hospitalière du service ORL. Certaines
activités comme les séances de groupe s’effectuaient dans la bibliothèque du service.

Les séances étaient parfois perturbées par des passages inopportuns. De plus, les parents « revivaient » continuellement le moment du diagnostic et tous les mauvais souvenirs associés.

De nouveaux locaux ont été mis à la disposition du C.A.M.S.P. en décembre 1992 par le Centre Hospitalier. Situés dans une aile totalement séparée du reste du service ORL tout en restant à proximité, ils ont été conçus spécialement pour cette finalité et totalement financés par l’hôpital. Ils ont bénéficié de tous les aménagements souhaitables pour l’accueil d’enfants, en respectant les normes acoustiques imposées pour l’éducation d’enfants déficients auditifs. Une entrée séparée du reste des services hospitaliers permet de réduire au minimum l’impression de séjour hospitalier. En revanche, les enfants retrouvent le même décor et les mêmes équipes, quelle que soit la raison de leur venue, éducation individuelle, séance de groupe, examen audiométrique. Cette unité de lieu leur donne une confiance indispensable pour l’audiométrie comportementale.

Il est souvent reproché aux C.A.M.S.P. spécialisés de ne pas prendre l’enfant dans sa globalité. La situation intrahospitalière permet le recours à toutes les compétences nécessaires pour une telle prise en compte en compte. Un véritable réseau intrahospitalier a pu ainsi être tissé dans les meilleures conditions.

La souplesse de fonctionnement des C.A.M.S.P. permet l’admission de l’enfant dès le diagnostic de surdité établi ou fortement suspecté. Cette prise en charge d’emblée, sans étape administrative, notamment sans passage préalable devant la Commission Départementale de l’Éducation Spéciale (CDES), permet d’offrir à la famille un soutien à ce moment si difficile de l’annonce de la surdité. Elle va dans le droit fil de la circulaire d’avril 2002 concernant l’annonce aux parents d’une maladie ou d’une malformation de leur enfant.

Au cours de cette période d’éducation précoce, les parents participent à des ateliers de communication spécialement organisés pour eux afin de les initier à toutes les formes de communication. Ils peuvent ainsi mieux comprendre les informations concernant les capacités de leur enfant. L’absence d’effet filière de la structure C.A.M.S.P. permet un choix d’éducation ultérieure dans les meilleures conditions.

Quel rôle peut jouer un tel centre dans le contexte actuel des nouvelles techniques de dépistage de la surdité néonatale ? La constatation encore actuelle de surdités profondes non diagnostiquées avant l’âge de deux ans, plaide pour une extension du dépistage précoce systématique de la surdité néonatale jusque là réservés aux enfants à risques. Tout retard au diagnostic a des répercussions sur le potentiel des apprentissages de l’enfant [10]. L’apparition de nouvelles techniques automatisées d’audiométrie objective pour le dépistage précoce de la surdité néonatale, essentiellement les OEAP et les PEA, a modifié la conception du dépistage précoce [11]. La période néonatale est très favorable pour le dépistage, non seulement parce que les enfants se trouvent groupés à la maternité, mais aussi parce que l’examen peut se
réaliser sans sédatif. Il n’en est pas de même lorsque l’enfant atteint quelques mois.

De plus, alors qu’à la période de la naissance, les appareils de OEAP automatisés peuvent être utilisés par du personnel non spécialisés, dès que l’enfant a regagné son domicile, le dépistage par méthode objective devient du domaine de l’ORL. En fait, la difficulté de cet examen objectif après la sortie de la maternité entraîne le plus souvent sa réalisation dans un centre spécialisé.

Depuis quelques années, l’accent a été mis sur les possibilités de dépistage à la naissance par du personnel des maternités. La difficulté ne réside plus maintenant dans les modalités techniques d’un dépistage à la naissance, tout en sachant qu’elle a un coût [12], que dans la prise en charge de l’enfant ainsi dépisté et de sa famille.

Elle ne se conçoit que s’il elle suit immédiatement l’étape du diagnostic, par une équipe capable de compléter les examens audiologiques, et maîtrisant parfaitement le soutien parental et l’éducation précoce de ces enfants. Un véritable réseau doit donc se créer entre les équipes de dépistage et l’équipe qui accueille l’enfant et ses parents. De plus, il importe que le choix des parents pour l’avenir éducatif de leur enfant s’effectue dans un cadre où ils peuvent comprendre au mieux les enjeux des décisions en fonction des possibilités de l’enfant. Ainsi, le dépistage systématique ne se conçoit qu’en liaison avec de véritables centres référents de l’audition de l’enfant.

Le centre spécialisé pour la déficience auditive de l’enfant, créé en 1981 dans le service ORL du Centre Hospitalier Universitaire de Nantes, correspond à un tel centre référent. Mais il ne pourrait participer à une action de dépistage sans une augmentation des moyens.

CONCLUSION

Il est intéressant de constater qu’un type de structure créé il y a plus d’un quart de siècle pour la prise en charge polyvalente des enfants handicapés permet le fonctionnement d’un centre répondant parfaitement aux besoins actuels de la surdité des jeunes enfants. Après 22 années d’activité, l’expérience du centre spécialisé du CHU de Nantes permet de constater qu’il répond aux objectifs du décret fondateur des C.A.M.S.P. de 1976. Il facilite une parfaite cohésion entre le dépistage de la surdité néonatale, le diagnostic de la surdité, la prise en charge immédiate par une équipe éducative et un soutien parental. La proximité du service ORL et de son laboratoire d’audiologie constitue un atout important dans le domaine du diagnostic et de l’adaptation prothétique.

Ce diagnostic audiologique ne se limite pas à un seul examen mais se précise tout au long de la prise en charge éducative. Il comporte l’évaluation des possibilités d’appareillage ou de l’indication d’une implantation cochléaire.

L’étape de cette prise en charge par le centre permet aussi de situer la surdité dans une perspective globale des capacités de l’enfant, et d’aider les parents à choisir la structure permettant de poursuivre au mieux l’éducation de leur enfant.

La situation du centre à l’intérieur de l’hôpital peut avoir une image négative pour les parents qui risquent d’amalgamer le lieu du dépistage et du diagnostic de leur enfant avec celui de son éducation. L’indépendance géographique du centre par rapport au service est une condition indispensable pour donner les meilleures conditions d’accueil.

Dans une perspective de dépistage précoce systématique de la surdité néonatale, le regroupement des équipes de diagnostic de surdité de l’enfant et de la prise en charge éducative offre d’excellentes conditions pour l’aide à ce dépistage et l’information aux parents sous réserve d’étoffer les équipes.

BIBLIOGRAPHIE [1] Annexe XXXII bis ajoutée par le décret no 76-389 du 15 avril 1976 au décret no 56-284 du 9 mars 1956. Conditions techniques d’agrément des Centres d’Action Médico-Sociale Précoce.

[2] Circulaire 669 PME/2 du 9 juin 1976 relative aux Centres d’action médico-sociale précoce.

[3] Circulaire DGS 78/PM 2 du 24 janvier 1977. Dépistage et éducation précoces de l’enfant déficient auditif de la naissance à 6 mois.

[4] WOITRAIN E. — Les centres d’action-médico-sociale précoce (situation entre 1985 et 1998), in

Les établissements et services médico-sociaux pour enfant handicapés. Direction de la recherche, des études et de l’évaluation et des statistiques. Ministère de l’emploi et de la solidarité, 2000, 369-376.

[5] MORLET T, MOULIN A, PUTET G, SEVIN F, DUBREUIL C, DUCLAUX R, FERBER-VIART C.

Dépistage des troubles auditifs chez des nouveaux-nés à risque.

Ann. Otolaryngol Chir. Cervicofac,. 2001, 118 , 11-18.

[6] PÉRÉON Y, LAPLAUD D, NGUYEN TT, RADAFY E. — A new application for the sympathetic skin response : the evaluation of auditory thresholds in cochlear implant patients. Clin. Neurophysiol., 2001, 112, 314-318.

[7] CORRIGOU K., LEDUC S. — Étude concernant les enfants déficients auditifs pris en charge de 1981 à 1991 au C.A.M.S.P.-ORL du CHU de Nantes. Mémoire d’orthophonie. Nantes 1995.

[8] LÉVY J. — Derrière l’enfant handicapé, voir un enfant. Réadaptation., 1996, 435 , 9-11.

[9] SALBREUX R. — Enquête sur le fonctionnement des C.A.M.S.P.

Réadaptation, 1996, 435 , 12- 18.

[10] YOSHINAGA-ITANO C.-Benefits of early intervention for children with hearing loss. Otolaryngol.

Clin. North Am., 1999, 32 , 1089-1102.

[11] MORGON A. — La mesure des otoémissions acoustiques provoquées : un test de dépistage précoce de la surdité néonatale. Bull. Acad. Natle Méd ., 2002, 186 , 1515-1521.

[12] Évaluation clinique et économique du dépistage néonatal de la surdité permanente par les otoémissions acoustiques. Anaes juin, 1999, 89 .

DISCUSSION

M. Philippe GURAN

Existe-t-il à Nantes un ou des CAMSP polyvalents avec lesquels vous collaborez ? Existet-il un recensement départemental du nombre des sourds et mal entendants ?

Il existe à Nantes un CAMSP polyvalent avec lequel est nouée une très bonne collaboration, notamment pour effectuer les examens d’audition des enfants de ce CAMSP.

A ma connaissance, il n’existe pas de recensement départemental en dehors de celui de la CDES.

M. Henri LACCOURREYE

Comment le budget de ce centre s’organise t-il par rapport à celui de l’hôpital ?

Le budget du CAMSP est indépendant théoriquement de celui du CHU. Sans ce budget extrahospitalier, il n’aurait pas été possible de créer ce centre avec le seul budget de l’hôpital. De plus, l’intérêt d’un tel budget est d’assurer la pérennité de l’équipe. Mais en fait, la dotation actuelle, rarement revalorisée, ne peut plus gager la structure d’emplois et d’activité initiale, même sans aucune augmentation de personnel. L’actualisation du budget, notamment pour faire face aux augmentations statutaires du personnel, est le plus souvent incomplète et intervient systématiquement en différé. C’est donc le CHU qui doit combler la différence. De même, c’est le CHU qui a financé l’aménagement des locaux. Il s’agit d’un sujet d’actualité car la nouvelle tarification hospitalière à l’activité risque de bouleverser cet équilibre instable. Il paraît indispensable qu’au moins une fois par an soit programmée une réunion contradictoire entre les responsables du CAMSP, de CHU et des représentants des institutions qui financent le centre, pour évaluer l’activité et pour préparer ensemble le budget en fonction des missions.

M. Jean SENECAL

Pour le dépistage à la naissance connaît-on le nombre de faux positifs et de faux négatifs ?

Le dépistage conduit parfois à des implants cochléaire : quel est le coût de cette intervention ? Quel est le devenir de ces enfants à moyen et long terme ?

Le taux de faux positifs avec les otoémissions est de l’ordre de 2 à 5 % selon les équipes.

Cet examen comporte aussi de rares faux négatifs, lorsque l’atteinte auditive est d’origine rétrolabyrinthique. Avec les potentiels évoqués auditifs automatisés, la spécificité est meilleure avec un taux de faux positifs de l’ordre de 1 %. De toute façon, si le dépistage systématique de la surdité à la naissance est organisé à grande échelle, il est certain que les centres d’audiophonologie des hôpitaux verront croître leur activité en rapport avec tous les cas douteux du dépistage. Il sera donc important d’en tenir compte sous peine de créer des délais trop importants de rendez-vous. Le coût de l’implant est de l’ordre de 20 000euros. Le coût implant plus intervention est évalué en France à 32 000 euros. Mais il est certain que le coût de l’intervention et de la rééducation est très largement compensé par les modalités d’intégration scolaire bien meilleures. Quant aux résultats à moyen et
long termes publiés, ils concernent essentiellement la perception et la parole. Une étude est en cours pour étudier le rapport côut-bénéfice des implants cochléaires en France.

M. Maxime ARMENGAUD

L’ignorance où l’on est du devenir des jeunes enfants implantés ayant atteint 15 ans peut entretenir la querelle entre les partisans de l’intervention et ceux qui souhaitent laisser aux sourds âgés leur culture et langue naturelles. Peut-on obtenir des précisions sur le comportement scolaire de ces enfants implantés (peuvent-ils suivre la classe ou les cours sans interprète ?) et sur leur comportement social (peuvent-ils suivre une conversation à plusieurs ?) Durant 18 mois, (âge à partir duquel il peut être appareillé), le jeune enfant sourd est dans la période cruciale où il doit développer ses moyens de communication sans attendre jusque-là. Apprend-on aux mères, le plus tôt possible, les rudiments nécessaires de la langue des signes ?

Les résultats varient beaucoup selon les enfants. Certains peuvent suivre une scolarité en intégration complète, d’autres en classe intégrée. Pour d’autres, le résultat ne change guère les modalités de scolarisation, mais ces enfants tirent bénéfice de l’implant qui leur permet de participe au monde sonore. Un Programme Hospitalier de Recherche Clinique a été lancé pour évaluer les performances des enfants implantés non seulement en termes de perception sonore mais aussi de manière plus globale sur les résultats scolaires et l’intégration sociale. Dès que l’enfant est admis au CAMSP, il est appareillé ce qui est possible dès l’âge de 3 à 6 mois. En même temps est entreprise une formation des parents à la fois au LPC (langage parlé complété), qui est un code aidant considérablement la lecture labiale par l’enfant, et au français signé. Au LPC sont aussi associés des éléments de la langue des signes, selon la technique du français complet signé codé.

M. Gilles CRÉPIN

A Nantes, comment envisager le projet de dépistage que vous évoquiez dans votre résumé dans les maternités publiques et privées ?

Pour l’instant, à Nantes, il n’y a aucun projet précis de dépistage systématique, en dehors de celui des enfants à risque. Pour réaliser un tel projet, il faudra non seulement donner les moyens en personnel et en matériel dans les maternités, mais aussi étoffer notablement l’équipe du CAMSP.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Service d’Oto-Rhino-Laryngologie et chirurgie cervicofaciale — Hôtel-Dieu — CHU — Nantes — 44035 Cedex. Tirés-à-part : Professeur François LEGENT, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 24 juin 2003, accepté le 1er décembre 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 1, 77-86, séance du 20 janvier 2004