Résumé
La loi no 94-654 du 29 juillet 1994 a modifié le droit français applicable à la réalisation des prélèvements à but scientifique sur personne décédée et a rendu nécessaire, pour toute autopsie (sauf dans le cas de l’autopsie à caractère médico-légal) le consentement du patient. Ce consentement peut être présumé en cas de prélèvements en vue de rechercher les causes du décès. Dans les autres cas, il doit avoir été exprimé directement par l’intéressé de son vivant ou par le témoignage de sa famille. Dans tous les cas, la famille doit être informée de la réalisation des prélèvements. L’application de cette loi semble être une cause directe de la diminution, très sensible au cours des toutes dernières années, du nombre d’autopsies réalisées en milieu hospitalier.
Summary
The 94-654 law (dated 29th July 1994) has modified the french regulation on post-mortem sampling on a deceased person, performed for scientific reasons. The patient’s permission has been made mandatory for every autopsy (with the exception of forensic medecine). The permission can be presumed when the autopsy is performed to find the cause of death. In all other cases, the patient’s wish must have been expressly signified before death, or testified by his family. In any case, the patient’s relative must be informed of the sampling. This law seems to be one reason for the very perceptible decrease of the number of autopsies performed in hospitals these last years.
INTRODUCTION
La pratique de l’autopsie a longtemps été courante en milieu hospitalier. Elle tenait une place importante dans l’hôpital du XIXe siècle, lieu privilégié de la médecine anatomo-clinique [1], puis encore à une époque toute récente. Elle a diminué très sensiblement au cours des dernières années, en France comme dans le monde [2]. Les données statistiques agrégées pour les hôpitaux de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) en témoignent [3] (Fig. 1).
Une des raisons placées aujourd’hui en premier rang, notamment par les praticiens, pour expliquer l’évolution à la baisse du nombre d’autopsies en France, est l’application des lois dites « bioéthiques » du 29 juillet 1994 [4], en ce qu’elles ont introduit clairement le consentement du patient de son vivant, même par présomption, comme condition préalable et nécessaire au prélèvement à but scientifique, et obligent les praticiens concernés à s’en assurer auprès des familles, dans des circonstances souvent éprouvantes.
LA RÉGLEMENTATION ANTÉRIEURE AUX LOIS DE BIOÉTHIQUE
Plusieurs textes publiés au cours des années 1940, puis la loi Caillavet du 22 décembre 1976, ont à la fois fixé le droit applicable jusqu’aux lois de 1994 et témoigné des hésitations des pouvoirs publics dans ce domaine.
Le décret du 17 avril 1943 relatif au régime des hôpitaux a tout d’abord interdit d’une manière générale l’autopsie pratiquée dans un but scientifique en cas d’« opposition des familles ».
Un décret du 26 septembre 1947 a ultérieurement restreint le champ d’application de cette disposition, en permettant de passer outre à l’opposition de la famille « si un intérêt public le commandait ».
Dans le même sens, le décret du 20 octobre 1947, assimilant les autopsies et les prélèvements, disposa que « dans les établissements hospitaliers figurant sur une liste établie par le ministre de la Santé, si le médecin chef de service juge qu’un intérêt scientifique ou de thérapeutique le commande, l’autopsie et les prélèvements pourront, même en l’absence d’autorisation de la famille, être pratiqués sans délai ».
C’est dans ce cadre que l’article 75 du règlement général sur le service de santé des hôpitaux de Paris a requis jusqu’en 1976 « une opposition formulée d’initiative et par écrit par la famille » pour pouvoir interdire une autopsie jugée médicalement nécessaire.
Au titre de dispositions spéciales, certaines catégories de malades étaient par ailleurs exclues d’office de l’autopsie : une circulaire du 6 janvier 1927 interdisait les autopsies et prélèvements sur les musulmans ; cette interdiction fut étendue ulté- rieurement aux israélites et aux malades dépourvus de familles par une autre
FIG. 1. — Nombre d’autopsies en 1993 : 2469 ; en 2000 : 534.
circulaire en date du 27 janvier 1955. De même, les personnes ayant souffert dans leur corps pour la France (blessés de guerre) ont été dispensées de l’autopsie par un arrêté du 5 juillet 1950.
Pendant toute cette période et sous les réserves qui viennent d’être énoncées, la médecine hospitalière a donc pu disposer, avec de nombreuses facilités, des corps des patients décédés. Ce droit exorbitant de l’hôpital sur les corps des hospitalisés était justifié par l’intérêt public. D’une manière générale, il n’était pas considéré comme anormal que les patients soient soumis aux règles de fonctionnement de l’établissement hospitalier permettant aux médecins d’effectuer sur leurs corps des recherches ou des vérifications.
Il est intéressant de constater que le décret initial (du 17 avril 1943), dont il est fait état ci-dessus, est également celui par lequel l’hôpital, jusqu’alors lieu de soins gratuits recevant pour l’essentiel des personnes indigentes, est devenu, il y a plus d’un demi-siècle, un service public ouvert à toutes les classes sociales. A ce moment précis, le droit à pratiquer l’autopsie, jusqu’alors contrepartie implicite pour l’hôpital de la gratuité des soins, perdait beaucoup de sa justification, dès lors les hôpitaux soignaient des malades payants, pour l’essentiel assurés sociaux. Il lui fallait devenir explicite.
Jusqu’en 1976, l’opposition des familles à l’autopsie était donc possible, ces derniè- res pouvant l’exprimer par une démarche écrite effectuée à leur initiative. Elle n’était pas suscitée par une demande d’autorisation. Il était en réalité fait peu de cas de la volonté des familles, ces dernières pouvant légalement être maintenues dans l’ignorance de l’autopsie. Elle ne signifiait pas pour autant une totale indifférence à leur égard :
— le décret de 1947, puis la circulaire du 27 janvier 1955 ont insisté sur la nécessité d’apporter le plus grand soin à la restitution tégumentaire, de manière à respecter, dans toute la mesure du possible, un aspect morphologiquement normal.
Dans l’affaire Dame veuve Venet [5], concernant une famille ayant constaté par hasard la réalisation d’une autopsie, le Tribunal administratif de Paris, après avoir rappelé qu’une autorisation préalable de la famille n’était pas requise, décida néanmoins l’indemnisation du préjudice que constituait pour la famille le choc moral né de la présentation à la veuve « du corps du défunt, recousu grossièrement après l’autopsie, non habillé, recouvert seulement d’un drap, à l’exclusion de la tête entourée de pansements » ;
— cette même affaire souligne que l’absence d’autorisation préalable, aussi bien que la possibilité laissée à la famille de s’opposer « à son initiative », n’étaient pas fondées sur le respect des dernières volontés du défunt, mais bien davantage sur le respect de la douleur de l’entourage et le souci de ne pas l’affliger davantage.
La loi dite « Caillavet » du 22 décembre 1976 a effectué une transition vers notre législation contemporaine en prévoyant, dans son article 2, que « des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou scientifiques sur le cadavre d’une personne n’ayant pas fait connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement ».
Ce dispositif légal a introduit dans notre droit le principe de la présomption du consentement de la personne majeure, dès lors qu’elle n’a pas fait connaître de son vivant son refus, et l’absence de droit d’opposition réservé à la famille. Il a prévu par ailleurs que des autopsies pouvaient être pratiquées même sur l’incapable et le mineur, l’autorisation expresse du représentant légal n’étant nécessaire que si le prélèvement était effectué en vue d’une greffe. Ainsi, par le célèbre arrêt Camara, rendu le 17 février 1988, le Conseil d’État jugea au sujet d’une autopsie comportant l’ablation du cœur et des poumons réalisée afin de rechercher les causes de la mort d’une jeune fille de confession musulmane, que le consentement du représentant légal devait être présumé, en cas d’autopsie, si la preuve contraire n’était pas établie.
Le refus pouvait être exprimé par tout moyen : document porté par le patient, témoignage, registre tenu au bureau des admissions de l’hôpital et mis à la disposition des patients et des familles, etc. Aucune obligation d’information des familles ne s’imposait aux médecins hospitaliers.
LA LÉGISLATION ISSUE DES LOIS DU 29 JUILLET 1994 DITES BIOÉTHIQUES
Les principes
Le professeur de Forges soulignait en 1973 que l’autopsie, qui s’inscrivait jusqu’alors « dans une civilisation chrétienne qui assimile le cadavre à la poussière »,
est à l’époque contemporaine affectée par la déchristianisation, qui paradoxalement permet « le développement d’une sorte de mystique païenne de l’intégrité physique du mort » [6].
Les lois de 1994 font ainsi du respect de la volonté de la personne de son vivant le principe essentiel qui s’impose pour tout prélèvement à caractère médical. L’article L. 1211-2 du Code de la santé publique dispose que « le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur » et que « ce consentement est révocable à tout moment » . Ce principe s’applique aussi bien du vivant du patient qu’après sa mort.
Par ailleurs et dans le prolongement de la loi du 22 décembre 1976, la législation nouvelle ignore le terme d’« autopsie » et ne retient en la matière que celui, plus général mais également moins évocateur, de prélèvement : il s’agit là d’un choix logique du législateur, aux yeux duquel, plus que le volume ou la nature des éléments du corps humain prélevès ou encore que les modalités de l’intervention, c’est le principe même du prélèvement, fût-il minime, qui importe.
D’une manière générale, les droits de la personne sont aujourd’hui, en principe, jugés supérieurs aux intérêts généraux de la communauté, et en premier lieu à ceux de la recherche médicale.
Dans l’état actuel du droit français (lois no 94-653 et 94-645 du 29 juillet 1994), les prélèvements sont de fait considérés comme constituant potentiellement une atteinte grave au respect du corps de la personne décédée. Les prélèvements à caractère médical ne sont en conséquence autorisés que par exception au principe d’inviolabilité du cadavre. Ainsi, « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe de valeur constitutionnelle » ( C. Const ., 27 juillet 1994) et le Code pénal punit « toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit » (d’une peine d’emprisonnement de un an et de 100 000 F d’amende, art. 225-17 du Code pénal ).
La loi prévoit que l’exigence du consentement est exprimée différemment selon le statut civil de la personne (majeur, mineur, majeur protégé) et selon le but scientifique recherché.
La loi no 94-654 du 29 juillet 1994 distingue ainsi deux catégories de prélèvements à but scientifique :
— les prélèvements en vue de rechercher les causes de la mort (parfois appelés « autopsies cliniques ») ;
— les autres prélèvements à but scientifique.
Les prélèvements à but scientifique doivent être effectués au sein des établissements de santé dans la zone technique des chambres mortuaires, aménagées dans des conditions aujourd’hui strictement réglementées (Arr. min. du 24 août 1998 ; J.O .
du 11 sept. 1998).
Les conditions générales
Dans la réalisation d’un prélèvement à but scientifique, trois conditions majeures prévues par la loi doivent être remplies :
— le prélèvement ne peut être effectué sans le consentement de la personne décé- dée ; ce consentement, selon le cas, pouvant être présumé ou devant être explicite ;
— il ne peut être effectué qu’après l’établissement par un médecin d’un procèsverbal de constat de la mort spécifique ( C. santé publ., art. L. 1232-1), indépendant du certificat de décès exigé par l’état civil. Les conditions de constatation de ce décès sont décrites par un décret en Conseil d’État (D. no 96-1041 du 2 déc.
1996) qui précise les personnes ayant compétence pour constater la mort, les procédés du constat et les formes à respecter ;
— les médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée sont tenus de s’assurer de la restauration décente de son corps ( C. santé publ ., art. L.
1232-5), le souci d’épargner à la famille une douleur supplémentaire justifiant cette obligation. Cette restauration peut être effectuée, pour tout ou partie, par les agents de la chambre mortuaire.
Le cas des prélèvements pour rechercher les causes de la mort
La réalisation de ce prélèvement est soumise à la réunion de deux conditions essentielles et relève de dispositions spécifiques s’agissant des mineurs et des majeurs protégés.
La présomption de consentement
La loi du 29 juillet 1994 prévoit que le prélèvement afin de rechercher les causes de la mort est possible « dès lors que la personne concernée n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement » ( C. santé publ., art. L. 1232-1).
Il est donc déduit du silence de la personne de son vivant, son absence de refus du prélèvement (dans des conditions identiques à celles régissant les prélèvements pour don).
Le refus, témoignage de la volonté de la personne, doit en revanche, lorsqu’il existe, être bien évidemment très strictement respecté. Il peut avoir été exprimé de plusieurs manières :
— par l’indication du refus sur le « registre national automatisé des refus de prélèvement d’organes sur une personne décédée » ( C. santé publ., L. 1232-1) , registre qui doit être obligatoirement interrogé avant tout prélèvement sur une personne âgée de plus de treize ans ;
— par tout autre moyen (document écrit par le malade, propos tenus au personnel de l’hôpital, …) ;
— à défaut, par le témoignage de la famille, que le médecin doit s’efforcer de recueillir s’il n’a pas connaissance de la volonté du défunt ( C. santé publ ., art.
L. 1232-1) ;
Le législateur a ainsi prévu, il faut le souligner, une recherche active de la volonté du défunt (« s’efforcer de recueillir ») : il a jugé insuffisante l’attitude par laquelle le médecin, du fait de l’absence ou de l’éloignement de la famille au moment du décès, du fait de son affliction ou pour toute autre raison, se dispenserait de l’interroger, alors même qu’une telle interrogation serait possible.
Enfin, il est généralement présumé, même en l’absence de dispositions réglementaires récentes en ce sens, que les membres de certaines communautés (notamment les personnes de confession musulmane ou israélite, ou d’origine asiatique) sont a priori opposés à tout prélèvement.
L’information de la famille
Le
Code de la santé publique prévoit que pour cette catégorie de prélèvements, la famille doit « être informée des prélèvements » ( C. santé publ., art. L. 1232-3).
Contrairement à une idée courante, il s’agit d’une information et non d’une autorisation. En pratique, la difficulté dans la rencontre avec la famille semble être de même nature.
Il n’est pas précisé si cette information doit être effectuée avant ou après le prélèvement. Elle n’indique pas non plus qui doit procéder à cette information.
Cependant, comme on l’a vu, la loi prévoit également le recueil préalable du témoignage de la famille, et les débats parlementaires [7] indiquent également que le législateur a entendu que le prélèvement ne puisse être réalisé « à la sauvette » ou « en catimini, sans que le médecin ait prévenu la famille ».
Il est donc généralement admis :
— que cette information doit avoir lieu avant le prélèvement et simultanément au recueil du témoignage de la famille, lorsque ce recueil est possible ;
— que le médecin qui se chargeait plus particulièrement du malade dans le service où il était hospitalisé (ou qui était en lien direct avec le malade ou sa famille) doit procéder à cette information. A défaut (s’il n’est pas présent au moment où se présente la famille), ce médecin doit s’assurer de la bonne réalisation de cette information par un autre médecin ou membre de l’équipe soignante.
En réalité, cette obligation légale d’information de la famille vise avant tout à proscrire de façon explicite le secret entourant traditionnellement, à l’hôpital, la pratique de l’autopsie.
Les règles applicables aux mineurs et aux majeurs protégés
On notera que le législateur, retenant le principe du consentement présumé pour les prélèvements à visée scientifique afin de rechercher les causes de la mort, n’a pas
précisé, comme c’est le cas pour les autres catégories de prélèvements (à but thérapeutique ou scientifique), si le consentement des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal doit être recherché avant un tel prélèvement sur un mineur ou un majeur protégé. Cette imprécision (qui justifierait certainement une modification législative) est à l’origine de nombreuses interrogations et hésitations au sein des équipes hospitalières.
L’intention du législateur telle qu’elle apparaît à la lecture des débats parlementaires (principe du consentement présumé), conduit dans ces hypothèses à appliquer les règles régissant les prélèvements à but thérapeutique ( C. santé publ., art. L. 1232-2).
En conséquence, le consentement pour les prélèvements à visée scientifique afin de rechercher les causes de la mort doit être explicite, lorsque le prélèvement doit être effectué :
— sur un mineur : dans ce cas, chacun des titulaires de l’autorité parentale doit y consentir expressément par écrit ;
— sur un majeur protégé : dans ce cas, le représentant légal doit y consentir expressément par écrit.
Il est admis, en raison de la référence faite au représentant légal, que les majeurs protégés ici visés sont ceux placés sous le régime de la tutelle (et non sous celui de la curatelle ou de la sauvegarde de justice).
Le cas des prélèvements effectués dans un but scientifique autre que celui de rechercher les causes de la mort
Dans ce cas (parfois difficile à distinguer en pratique de l’« autopsie clinique » susvisée : il s’agit en fait des prélèvements effectués au titre de recherches — de toute nature — qui sont indifférentes à l’établissement des causes du décès), le consentement recherché doit être explicite.
Le prélèvement ne pourra être effectué sans le consentement exprimé :
— directement par le défunt ou par le témoignage de sa famille (cas du majeur non protégé) ;
— directement par un des titulaires de l’autorité parentale (cas du mineur).
La loi ne prévoit pas la possibilité de procéder à de tels prélèvements sur une personne majeure protégée. Ceux-ci ne sont donc pas licites.
Cas légaux de prélèvements pouvant être effectués sans recueil du consentement
Toutes les règles énoncées ci-dessus relatives au consentement ne s’appliquent pas :
— en cas de prélèvement demandé par les autorités de justice pour des examens à caractère médico-légal : les nécessités de l’ordre public justifient un régime particulier (par lequel le prélèvement peut être effectué sans le consentement de
la personne), qui s’appuie sur les dispositions de l’article 74 du
Code de procédure pénale ;
— en cas de prélèvement effectué à la demande du préfet « lorsque le décès paraît résulter d’une maladie suspecte dont la protection de la santé publique exige la vérification » ( Code général des collectivités territoriales , art. R. 2213-19).
Les examens et prélèvements effectués dans ce cadre peuvent donc être réalisés même si la personne s’est opposée de son vivant au principe d’un prélèvement sur son corps. La mort suspecte ou violente autorise de passer outre la volonté de la personne, dès lors qu’elle procède d’une décision légale de l’autorité judiciaire ou administrative.
S’agissant des autopsies pratiquées sur le fœtus, aucune réglementation spécifique ne s’applique, qui obligerait formellement au recueil du consentement des parents.
Les dispositions du Code Civil , qui prévoient que la loi « garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie » (
C. civ ., art. 16), constituent néanmoins un cadre général qui semble s’imposer en la matière : l’autopsie pratiquée clandestinement ou dans des conditions portant atteinte à la dignité humaine ne peut donc être admise. Il est généralement considéré qu’un préalable à ces autopsies est, chaque fois qu’il est possible, l’obtention de l’accord des parents formalisé ou non par écrit.
L’autopsie est aujourd’hui le sujet d’interrogations récurrentes concernant le respect du corps humain et d’une manière générale, les droits des malades. La sensibilité sur ce sujet a beaucoup évolué au cours des dernières années, rendant l’autopsie (et encore davantage l’autopsie pratiquée à l’insu de la famille) le plus souvent insupportable pour nos contemporains [8]. Les lois du 29 juillet 1994 prennent en compte cette évolution, qui ne manque pas de bousculer des pratiques hospitalières traditionnelles, qui ont longtemps considéré le corps des patients hospitalisés décé- dés comme un terrain libre pour les investigations de recherche et de contrôle.
Un débat est ouvert en vue du prochain réexamen par le Parlement des lois bioéthiques [9]. La demande d’une partie des praticiens anatomo-pathologistes de faire prévaloir, par un assouplissement des règles du consentement et de l’information, les perspectives de la santé publique, s’oppose aux considérations individualistes croissantes de la population, attachée au respect strict du cadavre.
Contribuant à ce débat, le Conseil d’État a formulé sur cette question plusieurs propositions [10] et a notamment préconisé l’introduction dans la loi d’une exception au droit du patient de ne pas consentir aux prélèvements, limitée à certaines pathologies prévues par décret (en particulier la variante humaine de la maladie de Creutzfeldt-Jakob), « pour des raisons de santé publique ».
BIBLIOGRAPHIE [1] Sur cet aspect historique du sujet, FOUCAULT M. — Naissance de la clinique, éd. PUF, 1963 ; LE BRETON D. — Usages médicaux et mondains du corps humain, éd. Métailié, 1993.
[2] HAUW J.J. — Autopsie en neurologie, La lettre du neurologue , 1998 no 4, vol. II, HAUW J. — J.
— L’autopsie.
La revue du praticien , 1999, 49 . CHARIOT P., WITT K., PAUTOT V., ZAFRANI E. —
S., LEMAIRE F. — Déclin de l’autopsie scientifique dans un hôpital français : attitude des médecins vis-à-vis de l’autopsie. Médecine légale hospitalière, 2000, 3 , no 1.
Selon le professeur F. LEMAIRE (chef de service, réanimation méd., hôpital Henri-Mondor, Créteil), la chute du nombre d’autopsies, passé de 15 % à 5 % des décès au sein des hôpitaux de l’AP-HP entre 1993 et 1997 (2 437 autopsies en 1993, 1 112 en 1997), est un phénomène mondial.
Aux États-Unis, ce même pourcentage serait passé de 50 % à 12 % en 50 ans (F. Lemaire, Information ou consentement à la pratique de l’autopsie ? Le Concours médical , 1998, 21-03- 98-120-11).
[3] AP-HP, 3, avenue Victoria, Paris (4e), Direction générale, Département des droits du malade, 2001. La diminution du nombre d’autopsies s’effectue dans le contexte d’une diminution proportionnellement beaucoup moins importante du nombre de décès au sein des hôpitaux de l’AP-HP (16 812 décès en 2 000 contre 18 409 en 1993).
[4] Lois no 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et no 94-454 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. Sur l’ensemble du sujet, M. DUPONT, A.
MACREZ, Le décès à l’hôpital, éd. Doin/AP-HP, 1998, 265-294.
[5] TA de Paris, 11 janvier 1962, dame Vve Venet. Leb., p. 712 ; GP, 1962, I, 305.
[6] DE FORGES J.M. — L’hospitalisé, éd. Berger-Levrault, 1975, p. 289 [7] Notamment Sénat, 23 juin 1994 ( J.O . Sénat).
[8] Cette sensibilité est particulièrement bien exprimée par D. LE BRETON (id.) [9] Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, AN no 1407, S.
no 232, 18 fév. 1999.
[10] Conseil d’État, Les lois de bioéthique 5 ans après. La Documentation française , 2000, p. 75 et s.
* Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Département des droits du malade, 3 avenue Victoria - 75004 Paris. Tirés-à-part : M. Marc DUPONT, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 9 mars 2001, accepté le 27 mars 2001.
Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 5, 867-876, séance du 22 mai 2001