Communication scientifique
Session of 12 février 2002

La médecine transfusionnelle des années 2000, à propos d’une réforme

MOTS-CLÉS : biotechnologie.. histothérapie. transfusion sanguine
Transfusion Medicine for the next decade. Consequence of a reform
KEY-WORDS : biotechnology.. blood transfusion. tissue therapy

P. Hervé

Résumé

La création de l’Établissement français du sang (EFS) a été inscrite dans la loi du 1er juillet 1998 relative à la sécurité sanitaire. L’EFS est un opérateur unique de la transfusion sanguine, structure juridique unique, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. L’EFS organise sur l’ensemble du territoire les activités de la chaîne transfusionnelle, favorise les activités de recherche et participe à la coopération scientifique internationale. Il peut exercer des activités de biologie médicale et des activités de thérapie cellulaire et tissulaire. Dans le cadre du nouveau schéma territorial 2000-2004 de la transfusion, l’EFS dispose d’un réseau de 18 établissements, 14 en métropole, 4 dans les départements d’OutreMer (43 dans le précédent schéma), qui comprend 18 plateaux techniques de qualification biologique des produits sanguins et 27 de préparation/transformation/stockage. Pour les activités de prélèvement et de distribution et dans le respect du principe de proximité vis-à-vis du donneur et du malade, il existe 220 sites sur l’ensemble du territoire. Dans les axes stratégiques pour le futur, retenus par l’EFS, il y a la réduction des risques infectieux résiduels (apport de la biologie moléculaire), la prévention des risques immunologiques, l’élaboration d’un projet pédagogique pour enseigner autrement la médecine transfusionnelle. Malgré les progrès des biotechnologies il faudra attendre encore longtemps pour disposer de produits de substitution à la transfusion sanguine. L’EFS souhaite soutenir 3 pôles d’activité : la médecine transfusionnelle, la biologie médicale et l’ingénierie cellulaire. L’EFS avec 18 établissements et 8 200 personnes doit relever le défi des années 2000 en s’appuyant sur les progrès des biotechnologies.

Summary

The creation of the Etablissement Français du Sang (EFS) was mentioned in the Law of July 1, 1998, pertaining to sanitary safety. The EFS is the sole operator of blood transfusion. With a unique legal status, supervised by the Ministry in charge of Health, the EFS organizes the activities involved in the transfusion chain over the whole territory, it promotes research activities and takes part in international scientific cooperation. Its activities include medical biology as well as cell and gene therapy. As part of the new 2000-2004 territorial transfusion scheme, the EFS network comprises 18 centers ( versus 43 in the previous plan), 14 of which are located in the French territory and the other 4 overseas. The network includes 18 technical platforms for the biological qualification of blood products, while 27 are dedicated to their preparation, transformation and storage. The activities of collection and distribution, which comply with the principle of proximity to both donors and patients, are ensured by 220 sites spread over the whole territory. For the future, the EFS wants to focus its efforts on reducing residual infectious risks (using molecular biology tools), preventing immunological risks, drawing up an education program aiming at teaching transfusion medicine differently. Despite the advances achieved in biotechnologies, the development of substitution products to replace blood transfusion will still require a lot of time. The EFS wishes to focus its action following three different axes : transfusion medicine, medical biology and cell engineering. With its 18 centers and its 8 200 persons, the EFS must face the challengers of the 2000s, relying on the advances in biotechnologies.

INTRODUCTION

Le drame des produits sanguins contaminés par le virus du SIDA et de l’épreuve qui s’ensuivit pour le milieu professionnel a marqué nos concitoyens à un point tel qu’un sondage récent auprès des Français de tout âge sur l’événement le plus marquant du xxe siècle situe cet événement bien avant celui du procès de Nuremberg.

Cette tragédie a eu des conséquences considérables en France sur l’organisation de la transfusion sanguine. Celle-ci a dû s’adapter, à marche forcée, à un grand bouleversement médical, technique, social et culturel. Aucune discipline médicale n’a été jusqu’alors confrontée à un tel défi. Pour mieux comprendre la nouvelle organisation de la transfusion un bref retour sur le passé récent est nécessaire.

CHRONOLOGIE D’UNE RÉFORME

La grande réforme transfusionnelle a commencé par la publication de la loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament et la création de l’Agence française du sang (AFS) [1]. Il faut rappeler, pour mémoire, les principales mesures qui ont marqué cette période initiale : il s’agit de la définition des caractéristiques des produits sanguins labiles, de la prise en charge des
médicaments dérivés du sang par les pharmacies centrales des hôpitaux, de la publication au Journal Officiel des bonnes pratiques transfusionnelles, de la rédaction du décret d’hémovigilance publié le 27 janvier 1994 [2], du 1er schéma territorial de la transfusion sanguine en 1995 défini pour 5 ans. Ce dernier, tout en respectant le principe de proximité vis-à-vis du donneur et du malade, regroupe certaines activités de qualification et de préparation trop dispersées d’où une réduction du nombre des plateaux techniques de 180 à 43. Enfin, dès 1994, l’AFS a initié les premières inspections des Etablissements de Transfusion Sanguine (ETS).

Il s’est avéré, dans la pratique quotidienne, qu’il était difficile pour un opérateur de la transfusion d’assurer aussi la responsabilité de police sanitaire. Malgré ce premier train de réformes dont l’importance est incontestable compte tenu de la situation passée, l’organisation transfusionnelle demeurait hétérogène, que ce soit le statut juridique des ETS (association loi 1901, groupement d’intérêt public, budget annexe hospitalier), le statut du personnel, le volume et la nature des activités effectuées dans les ETS. C’est pourquoi le législateur a souhaité séparer les fonctions de contrôle et de production des produits sanguins, d’où la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme du 1er juillet 1998 [3]. Celle-ci confie entre autres à l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) le contrôle de l’ensemble des produits touchant à la santé : médicaments (et la pharmacovigilance) cosmétiques, réactifs (et la réactovigilance), produits du corps humain (l’hémovigilance et la biovigilance).

LA SÉCURITÉ TRANSFUSIONNELLE VIS-À-VIS DES MALADIES TRANSMISSIBLES

L’évolution de la transfusion sanguine c’est la quête d’une sécurité qui, sans pouvoir être absolue, est cohérente avec l’état de l’art. Pendant longtemps, la communauté médicale a méconnu ou minimisé les risques infectieux ou immunologiques liés à l’usage d’un produit biologique d’origine humaine.

Le risque viral

Les tests de dépistage des maladies transmissibles sont effectués lors de la qualification biologique du don (VIH, VHC, VHB, HTLV, HBc, ALAT, syphilis, et de façon non systématique CMV, paludisme). En connaissant la durée de la fenêtre sérologique (période précédant l’apparition des anticorps) et l’incidence de l’infection au sein de la population des donneurs le risque résiduel viral a pu être calculé :

1/375 000 dons pour le VHC, 1/220 000 dons pour le VHB, 1/1 350 000 pour le VIH et proche de 0 pour l’HTLV. La fenêtre sérologique pour le VHC, le VHB et le VIH est respectivement de 66 jours, 56 jours et 22 jours en moyenne [4, 5]. Le Ministère de la Santé a décidé la généralisation du diagnostic génomique viral (DGV), sur tous les dons de produits sanguins labiles. Cette technique permet d’amplifier et de
détecter les acides nucléiques viraux [6, 7]. Le DGV en réduisant la fenêtre sérologique (-59 jours pour le VHC, -25 jours pour le VHB et -11 jours pour le VIH), améliore encore la sécurité transfusionnelle en limitant le nombre de dons infectieux. Le risque résiduel devient alors pour le VIH de 1/3 500 000, pour le VHC de 1/5 000 000 de dons.

Le risque bactérien

La mise en place du système d’hémovigilance en 1994 a permis d’identifier rapidement une incidence élevée (1/14 000 receveurs) d’incidents bactériens posttransfusionnels [8, 9]. Ce taux d’incidents était d’autant plus inacceptable qu’il représentait 50 % des décès par accidents, liés à la transfusion de dérivés cellulaires.

La majorité de ces accidents bactériens survient après transfusion de concentrés de plaquettes, le plus souvent chez des patients immunodéprimés. La température de conservation des plaquettes (22° C) explique probablement en partie que ce type de produit soit le plus souvent impliqué [10].

Différentes mesures ont été proposées, afin de prévenir la survenue des accidents bactériens. La principale (et pourtant la plus simple) a été la mise en place de procédures spécifiques et efficaces de désinfection de la peau avant le prélèvement. Une numération formule sanguine est devenue systématique avant de réaliser un prélèvement par cytaphérèse. Elle permet d’écarter les donneurs qui présentent potentiellement un risque infectieux et d’assurer leur suivi médical. Une mesure récente, qui consiste à écarter les 30 premiers ml de sang total prélevé (minipoche en dérivation), est susceptible de réduire le risque bactérien de 75 % [11]. Le contrôle bactériologique systématique des unités juste avant leur distribution pour transfusion, serait en théorie le moyen le plus sûr de dépister systématiquement les unités contaminées.

Le risque prions

S’il est admis aujourd’hui que la maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique ne se transmet pas par voie sanguine, il existe, en revanche, un risque potentiel avec le nouveau-variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob [12, 13]. Il a été montré dans des modèles expérimentaux que l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine pouvait se transmettre par voie sanguine (modèle mouton) [14]. Si la voie alimentaire demeure la voie de contamination majeure, le fait de retrouver l’agent de l’ESB dans les formations lymphoïdes périphériques et dans certaines catégories de leucocytes sanguins suppose que la voie transfusionnelle est possible. Pour limiter ce risque potentiel tous les produits sanguins labiles (PSL) sont déleucocytés et les donneurs ayant séjourné plus d’un an dans les îles britanniques sont écartés du don.

L’ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (EFS)

Sa création au 1er janvier 2000 était inscrite dans la loi du 1er juillet 1998. L’EFS, établissement public de l’État, opérateur unique de la transfusion sanguine, est un
acteur de la santé publique. Structure juridique unique, il est placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Le 29 décembre 1999 un décret relatif à l’EFS a été publié au Journal Officiel [15].

Les missions de l’EFS sont précisées dans l’article 3 (section II) du décret : l’EFS organise sur l’ensemble du territoire national les activités de collecte de sang, de préparation et de qualification des PSL ainsi que leur distribution aux établissements de santé ; l’EFS se charge de promouvoir le don de sang et de veiller au respect des principes éthiques. Il veille à la satisfaction des besoins en PSL et à l’adaptation de l’activité transfusionnelle aux évolutions de l’art médical. Il favorise les activités de recherche et se charge de diffuser les connaissances scientifiques et techniques en transfusion sanguine. L’EFS tient un fichier de donneurs et de receveurs de groupes sanguins rares. L’EFS participe à la coopération scientifique et technique européenne et internationale. L’EFS peut exercer des activités autres que transfusionnelles telles que les analyses immuno-hématologiques, la dispensation des médicaments dérivés du sang, la production de composants du sang en vue d’un usage non thérapeutique, la fabrication et la distribution de réactifs de laboratoire, les analyses de biologie médicale qui ne sont pas liées directement à la transfusion sanguine, la préparation, la conservation et la distribution de tissus humains et de cellules autres que celles du sang, ainsi que des produits de thérapie cellulaire et génique.

Par ailleurs, l’EFS assure, dans le cadre du réseau d’hémovigilance dont la responsabilité a été transférée de l’AFS à l’AFSSAPS, la transmission de données de sécurité sanitaire et les données épidémiologiques respectivement à l’AFSSAPS et à l’Institut de Veille Sanitaire.

L’organisation et le fonctionnement de l’EFS reposent sur un Conseil d’Administration qui fixe les orientations générales de la politique de l’établissement. Il délibère notamment sur les contrats d’objectifs et de moyens passés entre l’établissement et l’État, sur l’état prévisionnel des recettes et des dépenses. Le président de l’EFS est nommé par décret pour une durée de 3 ans renouvelable. Un Conseil Scientifique est composé de membres nommés en raison de leur compétence dans le domaine de la transfusion sanguine. Il transmet au président de l’EFS toutes les questions de nature médicale, scientifique ou technique ayant une incidence sur la qualité ou la sécurité de la transfusion sanguine. Il participe à la définition de la politique de recherche en transfusion sanguine et à l’évaluation des programmes de recherche conduits par l’EFS. Chaque établissement de l’EFS, agréé pour 5 ans par l’AFSSAPS, dispose d’un Conseil d’Établissement qui comporte des représentants des donneurs de sang, des patients, du personnel, des établissements publics et privés de santé et de l’assurance maladie.

La délégation d’organisation et de gestion donnée aux directeurs des ETS par le président est très large dans le respect des règlements et des instructions du président. La responsabilité c’est aussi de viser l’équilibre économique et financier et de rendre compte des événements qui font la vie d’un ETS. Le siège de l’EFS est situé à Paris, outre la présidence il comporte une Direction Médicale et Scientifique dont
les missions concernent les axes de recherche sur la qualité et la sécurité des PSL, le développement de l’innovation technologique. La DMS est l’interlocuteur privilégié du Conseil Scientifique, elle mène une activité de veille scientifique et médicale. Elle est l’interlocuteur des Etablissements de santé, des agences de santé et des industriels.

Le siège dispose d’une Direction Générale qui assume les fonctions de coordination des autres directions du siège telles que la Direction Financière, la Direction des Ressources Humaines, la Direction des Affaires Juridiques par exemple.

LE SCHÉMA TERRITORIAL 2000-2004

La loi précisait que le 1er schéma de 1995 devait être révisé 5 ans après. L’AFS, au nom du futur EFS, a préparé le 2e schéma tout au long de l’année 1999. Le schéma 2000-2004 avait comme objectif de mieux intégrer l’EFS dans l’architecture régionale des systèmes de santé, d’atteindre une taille critique minimum de 120 000 pré- lèvements de PSL dans un ETS, d’être en cohérence avec les réseaux de communication et de tenir compte des contraintes médico-techniques.

L’EFS dispose aujourd’hui d’un réseau de 18 établissements de transfusion (14 en métropole, 4 dans les Départements d’Outre-Mer). Ce réseau comprend 18 plateaux techniques de qualification et 27 de préparation/transformation des PSL. La préparation des PSL a été maintenue, dans la majorité des cas, près d’un CHU grand consommateur de PSL. La carte de la transfusion s’est adaptée aux découpages des régions administratives. On retiendra 2 types d’organisation médico-technique des plateaux techniques : soit les activités de qualification et de préparation sont regroupées sur un même site (habituellement lieu du siège de l’ETS) soit les activités de qualification sont regroupées sur un site de l’ETS et celles de préparation sur un autre site (la moitié des ETS sont dans cette situation) (Fig. 1). Pour les activités de prélèvement et de distribution il existe 220 sites répartis sur ce territoire. Pour la seule activité de distribution de PSL dans les établissements de santé il a été recensé plus de 600 dépôts de produits sanguins.

LES AXES STRATÉGIQUES POUR LE FUTUR

La transfusion est une discipline médicale et scientifique qui doit répondre à un enjeu de santé publique. La médecine transfusionnelle est multidisciplinaire car située au croisement de nombreuses disciplines médicales (hématologie, immunologie, virologie, épidémiologie, etc…). L’EFS doit en priorité accroître la qualité et la sécurité de l’acte transfusionnel et anticiper les évolutions technologiques. A la fin des années 80, on prélevait en France 4,2 millions de PSL, au cours de l’année 2001 c’est 2,5 millions d’unités qui ont été prélevées. Pouvons-nous parler de déclin de la transfusion sanguine ou plutôt de pratiques transfusionnelles plus conformes aux besoins des malades (« le bon produit au bon patient ») compte tenu d’une meilleure
information des prescripteurs et d’efforts appréciables relatifs aux mesures d’économie en PSL (hémostase chirurgicale, cytokines hématopoïétiques, qualité des produits, etc…) [16].

Parmi les priorités de l’EFS nous retiendrons la réduction des risques infectieux résiduels par l’apport des techniques de biologie moléculaire et/ou la recherche d’antigènes viraux (resserrement de la fenêtre sérologique) et par l’inactivation virale et bactérienne des dérivés cellulaires ; la prévention des risques immunologiques par « camouflage » des antigènes A ou B ou élution d’antigènes HLA responsable respectivement de réactions d’hémolyse ou d’état réfractaire dans un contexte de transfusion de plaquettes ; le renforcement des mesures de sécurité lors des prélèvements ou de la transformation des produits sanguins.

En ce qui concerne les produits de substitution, malgré les progrès des biotechnologies, il faudra attendre encore longtemps. Les transporteurs d’oxygène tels les émulsions de perfluocarbones ne sont qu’un palliatif, en situation d’urgence, pour attendre la transfusion d’hématies. Les solutions d’hémoglobine demeurent au stade expérimental, les premiers essais cliniques ayant été arrêtés pour cause de toxicité. Remplacer le globule rouge, sac d’hémoglobine, doué d’une grande déformabilité et d’une longue durée de vie n’est pas pour demain. L’intérêt clinique des fragments de membranes plaquettaires ou les « plateletsomes » (véhicules lipidiques incorporant un extrait de membranes plaquettaires) reste à démontrer, malgré des premiers essais cliniques encourageants.

L’enseignement de la transfusion sanguine dans le cursus universitaire et dans la formation continue des professionnels est une préoccupation majeure de l’EFS.

Comment enseigner autrement la médecine transfusionnelle des années 2000 pour être en cohérence avec l’évolution de l’état de l’art et améliorer les pratiques cliniques de transfusion sanguine ? Un projet pédagogique sera élaboré.

CONCLUSION

La création de l’EFS est un atout bénéfique pour la transfusion sanguine. La perte d’autonomie des ETS sera compensée par plus d’homogénéité dans les pratiques, plus de cohérence dans les stratégies médicales et scientifiques, plus d’efficacité pour atteindre l’autosuffisance nationale en PSL et une volonté affichée de réhabiliter la médecine transfusionnelle.

La communication vis-à-vis des donneurs de sang sera plus harmonieuse avec des messages concordants.

L’EFS souhaite soutenir 3 pôles d’activité : la médecine transfusionnelle (chaîne fonctionnelle qui va du donneur au receveur), la biologie médicale et l’ingénierie cellulaire. Celle-ci intègre la thérapie cellulaire et son champ d’application étendu qui intéresse à la fois les cellules hématopoïétiques et non hématopoïétiques. Cette implication de l’EFS dans les biotechnologies n’est pas incohérente quand on
regarde l’histoire de la transfusion sanguine. Ces 30 dernières années, celle-ci a su s’adapter, bien que de façon hétérogène, aux progrès des biotechnologies (cryobiologie, aphérèse cellulaire, greffe de cellules souches hématopoïétiques, expansion cellulaire, etc…).

L’EFS avec ses 18 ETS et ses 8 200 personnes doit relever le défi des années 2000 en s’appuyant sur les progrès des biotechnologies et en favorisant l’interdisciplinarité et le partenariat pour apporter plus de qualité et de sécurité au service public de la transfusion sanguine.

GLOSSAIRE

AFS Agence Française du Sang AFSSAPS Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé ALAT Alanine aminotransferase CHU Centre Hospitalier Universitaire DGV Dépistage Génomique Viral EFS Établissement Français du Sang ESB Encéphalopathie Spongiforme Bovine ETS Établissement de Transfusion Sanguine HBc Antigène de core HLA Human Leucocyte Antigen

HTLV Human Leukemia Virus

PSL Produit Sanguin Labile SIDA Syndrome d’Immuno Déficience Acquise VHB Virus de l’Hépatite B VHC Virus de l’Hépatite C VIH Virus de l’Immuno-déficience Humaine BIBLIOGRAPHIE [1] Loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicaments ( JO du 05.01.93).

[2] Décret 94-68 du 24 janvier 1994 relatif aux règles d’hémovigilance (

JO du 26.01.94).

[3] Loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme ( JO du 02.07.98).

[4] Schreiber G.B., Bush M.P., Kleinman S.H. — The risk of transfusion, transmitted viral infections. N Engl J Med , 1996, 334 , 1685-1690.

[5] Couroucé A.M., Pillonel J., Saura C. — Dépistage des marqueurs des infections transmissibles par transfusion sur les dons collectés en France de 1996 à 1998. Transfus Clin Biol, 2000, 7, 153-170.

[6] Lefrère J.J. — Le renforcement de la sécurité transfusionnelle des PSL par le dépistage des génomes viraux dans les dons de sang. Hématologie, 1998, 4 , 116-124.

[7] Saura C., Couroucé A.M., Pillonel J. et al . — Risk – Benefit analysis of Nucleic Acid

Testing : the french experience.

Biologicals, 1999, 27 , 343-348.

[8] Morel P., Leconte des Floris M.F., Bardiaux L., Pouthier F., Hervé P. — Transfusion sanguine et risque bactérien. Transfus Clin Biol, 2000, 7 , 15-23.

[9] Morel P., Hervé P. — Surveillance of blood transfusion safety : contribution of the hemovigilance strategy in France. Transf Med Rev, 1998, 2, 109-127.

[10] Blajchman M.A. — Bacterial contamination and proliferation during the storage of cellular blood products. Vox Sang, 1998, 7 , 155-159.

[11] Bruneau C., Perez P., Chassaigne M. et al . — Efficacy of a new collection procedure for preventing bacterial contamination of whole blood donations.

Transfusion , 2001, 41 , 74-81.

[12] Murphy M. F. — New variant CJD : the risk of transmission by blood transfusion and the potential benefit of leukocyte-reduction of blood components. Transfus Med Rev, 1999, 13 , 75-83.

[13] Knight R. — The relationship between new variant Creutzfeldt-Jakob disease and bovine spongiform encephalopathy. Vox Sang, 1999, 76 , 203-208.

[14] Houston F., Foster J.D., Chong A. et al . — Transmission of BSE by blood transfusion in sheep.

Lancet (Research letter), 2000, 356 , 999-1000.

[15] Décret 99-1143 du 29 décembre 1999 relatif à l’Établissement français du sang et aux activités de transfusion sanguine et modifiant le code de santé publique ( JO du 30.12.99).

[16] Hervé P., Lapierre V., Morel P., Tiberghien P. — Quelles sont aujourd’hui les nouvelles stratégies susceptibles de faire progresser la sécurité transfusionnelle en France ? Ann Méd Int, 1999, 150 , 623-630.

DISCUSSION

M. Jacques CAEN

Y’a t’il une politique européenne de l’utilisation des produits sanguins ? N’y a-t-il pas un risque d’un pouvoir monopolistique des EFS quand on croit savoir qu’entre 1975 et 1985 le monopole des centres de transfusion a été une des causes du drame du sang contaminé et surtout, étant donné la part non négligeable des plaquettes sanguines recueillies par aphé- rèse des facteurs de l’hémostase, de lui voir consacrer une part croissante des moyens dans les EFS ?

Il existe une politique européenne émergente en matière de transfusion sanguine. Une directive européenne est en préparation, définissant les conditions minimum pour assurer la sécurité et la qualité des PSL. Avec la création de l’EFS, établissement public de l’Etat, sous le contrôle permanent de l’AFSSaPS, il n’y a plus de risque d’un pouvoir « monopolistique » incontrôlé.

M. Jacques-Louis BINET

Je voudrais rappeler ce que fut le drame de l’infection HIV dans le monde de l’hématologie en 1980. La transfusion sanguine était connue pour sa qualité scientifique (Charles Salmon et la biochimie des groupes sanguins, Jean Dausset et le HLA, Jean-Pierre Soulié et les
facteurs de l’hémostase, Jacques Ruffié et l’hématologie géographique, Marcel Bessis et la nouvelle morphologie), son dynamisme économique (c’est autour de la Transfusion que se sont développées les écoles de Strasbourg, Montpellier, Lille et Toulouse) et sa valeur morale (premier pays à ne pas payer les donneurs). Quel est le devenir des transfuseurs ?

L’encadrement hospitalo-universitaire est insuffisant dans la discipline Transfusion (10 PU-PH, 5 MCU-PH). Il existe un besoin de nommer de nouveaux hospitalouniversitaires en transfusion, compte tenu de l’évolution de la discipline. La plupart des HU en transfusion sont des hématologistes, des immunologistes ou des virologues. La sous-section 47 du CNU comporte 2 options : hématologie et transfusion. C’est une opportunité pour les médecins de la transfusion de s’orienter de plus en plus souvent vers une thèse de 3ème cycle. Il y a là un vivier pour de nouveaux emplois HU en transfusionthérapie cellulaire.

M. Pierre GODEAU

La baisse du risque transfusionnel a-t-elle diminué les indications des autotransfusions pour intervention programmée ? Ces transfusions ne comportent-elles pas des risques qui peuvent en faire restreindre les indications ?

Un article américain paru il y a 3 ans a montré que la morbidité-mortalité de la transfusion autologue était supérieure au risque résiduel viral des transfusions homologues. La sécurité transfusionnelle actuelle permet d’être très sélectif quant aux indications des transfusions autologues.

M. Henri LACCOURREYE

Comment les modifications des structures administratives ont-elles atténué les risques transfusionnels ?

L’EFS est devenu un opérateur unique de la transfusion sanguine. La réduction des plateaux techniques (de 183 à 18 en 10 ans) a permis de mieux homogénéiser les pratiques et les techniques. L’hétérogénéité des structures juridiques dans les années 80 compliquait singulièrement l’application des mesures nationales de sécurité sanitaire, d’où une qualité de la transfusion variable d’une région à l’autre.

M. Raymond BASTIN

Notre secrétaire adjoint vient d’égrener quelques noms de confrères, transfuseurs, qui ont fortement marqué leur génération. Dans cette rétrospective il ne faut pas oublier le nom de mon maître, Arnault Tzanck, qui créa en France la transfusion.

Il faut, en effet, souligner le rôle capital de A. Tzanck dans l’histoire de la transfusion sanguine en France. Il en a été un des principaux pionniers.

M. Georges DAVID

L’introduction du diagnostic viral génomique, décision toute politique, n’a pas été sans susciter des réserves de la part des experts. Elle met en effet, comme l’a montré Moatti, le
bénéfice attendu à un coût exorbitant alors que persistent des risques immunologiques, beaucoup plus fréquents et parfois plus graves, comme le démontrent vos données. Il s’agit ici, le plus souvent, d’erreurs humaines. Mais la sécurité doit prendre en compte cette faillibilité humaine et la prévention dépend alors des dispositifs prévenant ces erreurs. N’est ce pas vers la recherche et la mise sur pied de tels dispositifs qu’il conviendrait de concentrer les efforts et les moyens ?

Il y a des dispositifs en cours d’évaluation pour éviter l’erreur humaine au moment de la transfusion d’un concentré de globules rouges (puce intelligence incluse dans l’étiquette de la poche, lecteur au lit du malade…). En attendant leur mise en œuvre, seule une formation permanente du personne médical et paramédical dans les établissements de santé limitera les accidents immunologiques. La traçabilité d’un produit sanguin labile du donneur jusqu’au malade (distribution attributive) réclame des moyens aujourd’hui beaucoup plus sécuritaires.

M. Maurice TUBIANA

Les polémiques qu’a suscitées l’introduction de la PCR ne devraient-elles pas conduire à un bilan du coût et des gains liés à cette méthode ? De façon plus générale, ne faudrait-il pas s’interroger à intervalles réguliers sur le bien-fondé des tests utilisés et l’Académie de médecine ne pourrait-elle pas suggérer l’utilité de tels examens de conscience périodiques ?

Il est beaucoup plus facile d’introduire un test nouveau au nom du principe de précaution, que d’en retirer un qui est devenu inutile. Par exemple, avec l’introduction du DGV pour l’hépatite C, le dosage des ALAT (test obligatoire) est devenu inutile, d’autant plus que chaque année, 50 000 PSL sont détruits à cause de ce test (> N), sans rapport avec une infection virale. L’aide de l’Académie nationale de médecine serait extrêmement utile pour faire évoluer les mesures de sécurité sanitaire en transfusion sanguine.

M. Alain LARCAN

Je voudrais ajouter à la liste des grands anciens de la transfusion : M. Jeanneney de Bordeaux, Benhamou d’Alger, mon maître Paul Michon de Nancy et le médecin général Julliard. Reste-t’il un risque CMV et un intérêt de son dépistage ? La déleucocytation a-t-elle fait diminuer les réactions frisson-hyperthermie, habituellement sans gravité il est vrai ? Quel traitement faut-il faire pour les accidents d’hémolyse aigus par incompatibilité ABO /ou liés aux groupes rares qui ne sont que des groupes rarement recherchés ? Deux remarques après avoir « surconsommé » le sang en réanimation, on en est aujourd’hui probablement trop économe. Est-ce normal de laisser des hématocrites inférieurs à 30 sous prétexte que l’hémodilution a appris que le transport de l’oxygène persistait jusqu’à HT = 22 ? En urgence dans l’ambulance et dans l’hélicoptère on ne l’utilise plus, ce qui avait permis d’améliorer le pronostic du blessé de guerre en Italie comme en Algérie c’est-à-dire le sang ORh — des donneurs universels non dangereux à taux d’agglutine contrôlé ?

Le CMV est un virus leucotrope. Avec la généralisation de la leucoréduction (≥ 99,9 %), il n’y a plus d’intérêt à réaliser une sérologie CMV chez les donneurs de sang, en dehors de situations de patients à très haut risque d’infection à CMV, comme les greffes de cellules souches hématopoïétiques HLA incompatibles. La leucoréduction a
fait diminuer la fréquence des réactions frissons-hyperthermie, mais il demeure jusqu’à 30 % de réactions transfusionnelles inexpliquées (allergies ?) En cancérologie, il a été montré qu’une hémoglobine trop basse (7 g/litre) en cohérence avec les bonnes pratiques transfusionnelles éditées par l’ANAES, ne permet pas une bonne qualité de vie chez de nombreux patients. Pour certains, cette qualité de vie réclame un taux d’hémoglobine ≥ 10 g/litre. Dans les indications de la transfusion de globules, on est passé d’un excès à l’autre. Une réflexion plus médicale est nécessaire. La « non transfusion » ou l’insuffisance de transfusion peut être délétère pour un patient fragile. L’amélioration de la sécurité transfusionnelle doit favoriser une meilleure prescription des produits sanguins.


* Directeur médical et scientifique, Établissement français du sang (EFS) — 100, avenue de Suffren — 75015 Paris. Tirés-à-part : Professeur Patrick Hervé, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 11 juillet 2000, accepté le 2 octobre 2000.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 2, 379-392, séance du 12 février 2002