Communication scientifique
Séance du 4 juin 2002

La maltraitance des enfants

MOTS-CLÉS : enfant maltraité. évaluation méthodes santé. relation hôpitalpatient.
Child abuse and neglect
KEY-WORDS : child abuse. process assessment (health care).

F. Hochart

Résumé

La maltraitance à enfants est un sujet difficile. Comment aider les médecins ? Le rôle de l’hôpital et des Pôles de Références Hospitaliers est capital.

Summary

Child abuse and neglect a very difficult subjet for physician as for every body. How can we help them ? The part of hospital and reference hospital team is essential.

Hospital-patient relations.

Qu’elle soit constituée de violences physiques ou verbales, de manque de soins, de privations, de carences affectives ou éducatives, d’agressions sexuelles, la maltraitance provoque, chez l’enfant, des souffrances inutiles et nuit à son bon développement.

Hier ignorée et longtemps dissimulée par l’importance de la mortalité infantile, elle fut ensuite tue en raison de la réticence du corps médical à s’introduire dans l’intimité des familles, du poids de l’héritage culturel reposant sur l’autorité paternelle et d’un certain nombre de mythes considérant les parents comme naturellement bons et l’amour maternel comme obligatoire et inné.


Aujourd’hui très médiatisée, elle reste un sujet complexe qui met mal à l’aise.

Cependant, Ambroise Tardieu la décrivait déjà parfaitement au milieu du xixe siècle. Il n’a pas été suivi, ses travaux n’ont pas été diffusés, son nom reste peu connu.

Ce qui était si inabordable il y a 150 ans, l’est-il moins maintenant ?

Les descriptions de Tardieu sont-elles, à l’heure actuelle, largement enseignées aux étudiants en médecine ?

POURQUOI LA MALTRAITANCE À ENFANT EST-ELLE UN SUJET SI DÉRANGEANT ?

D’abord en raison du manque de formation. La formation reste en faculté de médecine très insuffisante, ne donnant pas aux médecins les bases nécessaires pour réfléchir et agir avec d’autres professionnels, souvent mieux documentés qu’eux.

C’est d’autre part un sujet qui fait mal. Certes, les médecins sont habitués à être confrontés à la souffrance et à l’affronter. Mais c’est face à la cause de cette souffrance qu’ils sont désarmés, car il ne s’agit ni d’un accident, ni d’une contamination virale, mais de difficultés et de faiblesses humaines. Le constat douloureux que ces horreurs, subies par un jeune enfant, ont été provoquées par un autre humain, comme soi, renvoie chacun à se dire que de tels gestes pourraient aussi avoir été commis par lui, ou à mettre en œuvre des mesures de défense, pour se soustraire à sa reconnaissance, ce qui naturellement va à l’encontre des intérêts de l’Enfant.

Enfin se profile une lutte de pouvoirs — entre le faible et le fort : l’enfant pourrait-il avoir les mêmes droits que son père, qu’un adulte ?

— entre institutions : conflit entre le monde médical et le judiciaire, — à l’intérieur des équipes, où le médecin, même responsable, n’est pas plus important qu’un autre membre de l’équipe. L’examen médical peut avoir un résultat négatif ou insuffisant pour le diagnostic alors que des propos recueillis ou des faits observés par une jeune stagiaire auxiliaire peuvent apporter autant que l’examen médical.

POURQUOI LA MALTRAITANCE À ENFANTS EST-ELLE UN SUJET SI DIFFICILE ?

La première réaction est souvent de rechercher un bouc émissaire : paradoxalement, face à la maltraitance, les intervenants chargés de lutter contre la violence au lieu de s’unir, ont parfois tendance à reproduire entre individus ou institutions cette violence.

La maltraitance provoque aussi des réponses excessives inappropriées — soit le mutisme, c’est la politique de l’autruche : si je n’en parle pas, ça n’existe pas ;

— soit la culpabilité de ne pas avoir fait le diagnostic et d’être resté longtemps sans voir ni comprendre ;

— soit le déni ou au contraire un activisme militant.

L’urgence réelle ou ressentie peut également exacerber les difficultés : s’il convient d’arrêter au plus vite la maltraitance, le contexte de l’urgence, en ville ou à l’hôpital, n’incite pas à la sérénité. Elle a tendance à renforcer la peur de méconnaître une maltraitance, ce qui risque d’être fatal à l’enfant si l’on ne fait rien, ou de susciter une erreur par excès préjudiciable à tous. Il est difficile de se situer dans un subtil et juste équilibre, entre tergiversation et précipitation, et de prendre une bonne décision, sans perte de temps LE MÉDECIN COMME TOUS EST TOUJOURS EN DIFFICULTÉ FACE À LA MALTRAITANCE À ENFANTS : COMMENT L’AIDER ?

Il conviendrait d’abord d’assurer une meilleure formation.

L’examen médical n’apporte que rarement des éléments de certitude dans ce domaine. Il n’en est pas moins toujours obligatoire, mais doit s’inscrire dans une démarche thérapeutique. On entend parfois dire que « l’enfant n’a révélé que des caresses, et qu’il n’est pas utile de le traumatiser avec un examen médical », ces propos sont particulièrement choquants, associant l’acte médical à la seule recherche de preuve, ou de vérification de la parole de l’enfant, en occultant la dimension du soin. On ne peut en effet concevoir qu’un enfant dont le corps a été atteint (quelle que soit l’atteinte) ne soit l’objet d’attention d’un médecin. Pour une jeune victime d’abus sexuels, le fait qu’un adulte, un médecin, prenne en considération sa santé dans sa globalité, son corps meurtri tout entier (et pas seulement son hymen déchiré) va l’aider à voir aussi son corps autrement et à entrer dans un processus de réparation.

Pour cela, le médecin doit être à l’aise face à cet enfant, l’examiner quand celui-ci y est prêt, capable d’entendre « des horreurs » sans réagir trop vivement et risquer par son attitude de renvoyer l’enfant au silence. Tout ceci demande une préparation et un savoir.

On doit conseiller au médecin de ne jamais rester seul. Le sujet est douloureux. Il est mieux d’être plusieurs pour l’affronter. Pour être un peu moins mal à l’aise face à des constatations ou des révélations, le médecin doit connaître :

• les partenaires avec qui il va communiquer pour protéger l’enfant (circonscription de service social, PMI, services sociaux du conseil général à qui il peut faire un signalement administratif. Procureur ou Substitut des mineurs à qui il peut adresser un signalement judiciaire) ;

• les partenaires à qui il peut adresser l’enfant pour l’accompagner, le soigner (personnel de l’hôpital, ouvert 24h/24, comportant quelquefois des structures spécialisées, Pôle de référence d’Accueil des victimes d’abus sexuels et enfants maltraités, …) ;

• les partenaires qui peuvent aussi aider les autres membres de la famille sachant prendre en charge les parents (travailleurs sociaux, service d’hygiène mentale, …).

Avec ce réseau autour de lui antérieurement constitué, il sera moins difficile (bien que toujours douloureux) pour le médecin, d’aborder les mauvais traitements à enfants, car • le diagnostic de mauvais traitements est difficile, le choix de l’intervention, du mode de prise en charge, toujours délicat, • la confrontation des avis subjectifs de tous est souhaitable pour essayer d’être le plus objectif possible, • il n’y a pas de signe pathognomonique : une évaluation pluridisciplinaire est toujours nécessaire.

L’examen médical n’est qu’une partie (obligatoire) de l’évaluation pluridisciplinaire, l’absence de signe ou la présence de signes insuffisamment spécifiques est fréquente. Le diagnostic résultera souvent d’un patchwork de petits signes ininterprétables isolément, recueillis par tous les intervenants.

Cette évaluation impose une autre façon de travailler, faisant appel aux complémentarités des savoir-faire de tous les professionnels différents. Chacun restant à sa place. C’est une démarche diagnostique, pas une enquête. On écoute, on n’interroge pas. On s’assure qu’il existe des signes en faveur ou non d’une maltraitance, on ne recherche pas l’auteur.

Le médecin doit se rappeler que, face à la maltraitance, il reste un médecin et qu’il doit faire ce qu’il sait faire, c’est-à-dire repérer les signes de souffrance et contribuer à la diminuer. Etant entendu que la maltraitance altère nos capacités de réflexion et paralyse notre bon sens, elle doit toujours faire partie des diagnostics possibles mais n’être évoquée qu’après une démarche classique et scientifique comportant :

• un diagnostic positif pour lequel il ne faut pas attendre beaucoup d’aide des technologies modernes mais plutôt se servir de ses yeux, de ses oreilles, noter ses observations et prévoir beaucoup de temps ;

• un diagnostic différentiel sachant distinguer ce qui n’est pas dû à la maltraitance (tache ethnique, ecchymoses en rapport avec un trouble de coagulation, fractures dues à une maladie osseuse constitutionnelle, etc.) ;

• un diagnostic étiologique. Pour faire le diagnostic positif des lésions physiques, le médecin n’a en général pas trop de difficultés, les ecchymoses, les plaies, les brûlures, les retards de croissance… s’imposent à lui. Mais pour en reconnaître la cause, les difficultés commencent.

L’enfant qui tombe accidentellement dans l’escalier échappant à la vigilance d’une famille attentive, celui qui est laissé sans surveillance ou celui qui est poussé dans l’escalier lors d’un accès de violence par un proche, peuvent avoir, tous les trois, les mêmes lésions physiques traumatiques, être gravement blessés voire mourir.

Nous devons, face à une lésion physique, nous poser la question de sa survenue, mais quand nous hésitons entre accident, négligence ou sévices, nous avons trop tendance à refouler l’évocation des mauvais traitements, pour ne retenir que l’hypothèse de l’accident, certes fréquent chez l’enfant, ou à la rigueur la négligence de surveillance ou de soins, qui nous paraissent moins graves.

Comment alors mieux parvenir à ce difficile diagnostic ?

Il est fondé sur une démarche rigoureuse et l’analyse objective de certains paramè- tres.

L’âge de l’enfant

Le nouveau-né ou le jeune nourrisson ne se mettant pas encore debout, ne doit pas normalement avoir d’ecchymoses (ni de fracture). Alors que les ecchymoses sont banales chez les enfants d’âge scolaire, les fractures accidentelles fréquentes. De même, la constatation de maladies sexuellement transmissibles n’a pas la même signification à 4 ou à 17 ans.

Type de lésions

Certaines lésions sont d’elles même évocatrices de leur cause (traces de lien, boucle de ceinture, marque de doigt) et signent la maltraitance. Elles sont cependant rares.

Le siège des lésions

Les ecchymoses décrites précédemment chez l’enfant de 8-10 ans n’ont pas la même signification quand elles sont regroupées sur le devant des tibias (cible privilégiée des coups de pieds en cour de récréation) ou à la face interne des cuisses, dans le creux lombaire,… Les brûlures habituelles du jeune explorateur siègent sur les mains, face palmaire, pas sous la plante des pieds,…

La présence de lésions d’âges différents

Cicatrices anciennes, plaies en cours de cicatrisation, lésions récentes, ecchymoses de couleurs différentes donc d’âges différents, éliminent l’origine accidentelle et les accidents à répétition témoignent au minimum d’un manque de surveillance.

La coexistence de lésions de causes différentes est également assez suspecte

Fracture et brûlures par exemple

L’étude de ces critères après un examen global de l’enfant et d’éventuels examens paracliniques permet déjà une bonne approche. Elle doit être confrontée à un élément fondamental à noter, dès que l’on voit l’enfant et l’adulte l’accompagnant, sans montrer notre éventuelle défiance ou notre révolte :

L’explication fournie

En rappelant que le médecin n’est pas là pour faire une enquête. Il écoute ce qui est dit sans faire un interrogatoire. Il note l’explication ou la non explication, par l’enfant lui-même et par ses parents, SÉPARÉMENT, des causes des lésions recueillies de la façon la plus neutre possible.

Dans trois situations, où les résistances sont encore plus grandes pour penser à la maltraitance, les médecins doivent être encore plus vigilants :

• quand l’enfant est très jeune, alors que paradoxalement par sa fragilité il est beaucoup plus en danger, nous avons plus de mal à envisager qu’il puisse être victime de brutalités, de la part de proches ;

• paradoxalement également, lorsque les lésions sont particulièrement effroyables, le diagnostic, qui devrait s’imposer, est souvent refusé, nos défenses semblant nous protéger d’accepter de voir l’horreur ;

• enfin, situation la plus difficile, lorsque les parents nous ressemblent, et où pour ne pas nous identifier à de potentiels maltraitants, nous refusons de voir l’évidence.

UN CAS PARTICULIER : LE SYNDROME DE MUNCHHAUSEN PAR PROCURATION

Le syndrome de Munchhausen par procuration est une forme clinique particulière de sévices à enfants, dont le nom a été donné par Meadow, en référence au syndrome de Munchhausen décrit par Asher concernant les adultes.

L’enfant est la victime, l’auteur est le plus souvent la mère, par médecin interposé « complice » involontaire. Différents symptômes simulés ou provoqués sont retrouvés (hémorragies digestives, troubles neurologiques, digestifs, métaboliques, …) Cette pathologie chronique ou récidivante inexpliquée conduit à des hospitalisations multiples, des explorations, des interventions chirurgicales, des traitements inutiles et dangereux. La morbidité et la mortalité sont élevées.

Ce syndrome, dont la fréquence est certainement sous-estimée car mal connu, est souvent diagnostiqué que tardivement. L’association d’une pathologie non retrouvée ou inexpliquée mais récidivante chez un enfant, d’un comportement particulier de la mère toujours présente, souvent de formation médicale ou paramédicale,
« collaborant » aux soins, et la non reproduction des troubles en milieu protégé, doit faire penser à cette forme clinique de mauvais traitements à enfants, dont la prise en charge est délicate.

LE RÔLE DE L’HÔPITAL

Le médecin ne doit pas hésiter à faire hospitalier l’enfant • pour assurer sa protection immédiate et commencer un travail efficace en liaison avec les équipes hospitalières, en les prévenant avant l’arrivée de l’enfant, pour mieux assurer son accueil et celui de ses parents. L’hôpital est un lieu de soins accepté volontiers par les familles en souffrance (50 % des enfants maltraités sont amenés directement par leurs parents) ;

• une évaluation de la situation est possible même quand il n’y a qu’un doute, ou que les mauvais traitements sont à craindre et ne sont pas encore effectifs, moment idéal pour la prévention ;

L’hôpital, lieu privilégié d’accueil, de diagnostic, de soins, de prévention, s’il recevait déjà avec St Vincent de Paul les enfants en difficulté, a mis un certain temps avant de s’investir dans la prise en charge de la maltraitance à enfants.

Même si des médecins, A. Tardieu en France (dès 1856), F.N Silverman (en 1953) et H. Kempe aux Etats-Unis (en 1962), P. Straus, M. Manciaux, N. Neimann en France (1965-1967) ont décrit chacun à leur tour, durant une centaine d’années, les signes cliniques des mauvais traitements, la participation au diagnostic n’est pas tout de suite apparue comme une mission évidente de l’hôpital. Les hospitaliers étaient, alors, principalement préoccupés par les fortes mortalité et morbidité infantiles secondaires à des maladies encore mal maîtrisées. Puis, quand ce défi fut relevé, l’hypertechnicité, les « surspécialisations » pédiatriques, la médecine très scientifique, n’ont laissé que peu de place à la Pédiatrie Sociale, d’autant que les conditions économiques de cette époque ne favorisaient pas les initiatives novatrices, et que tout ce qui était médico-social paraissait suspect et malvenu, dans le royaume du tout sanitaire.

Dans certains services de Pédiatrie cependant, on s’inquiétait de l’absence de prise en compte d’un problème, dont on ne mesurait pas encore l’ampleur. Sans aucun soutien, on essayait tant bien que mal de s’organiser face à cette pathologie, sans moyen, dans l’indifférence au mieux, la déconsidération parfois !

Hors de l’hôpital, le silence entourant ce douloureux problème, laissait place progressivement à la formation des personnels, à la sensibilisation du grand public par les médias et à des directives ministérielles, parmi lesquelles en 1985 une première circulaire précisait, avec beaucoup de détails, le rôle de l’hôpital. Une journée nationale sur l’Enfance Maltraitée abordait également ce thème.

Dans l’hôpital, cependant, les choses n’évoluaient que très lentement. En 1992, une nouvelle circulaire insistait à nouveau sur la participation de l’hôpital dans le dispositif de lutte contre la maltraitance à enfant. On venait tout récemment de prendre conscience d’une maltraitance vieille comme le monde mais encore complètement occultée : les abus ou sévices sexuels. On a alors vu, dans différents hôpitaux, apparaître des cellules d’accueil, des équipes spécialisées, une « surspécialité » Enfance en Danger en Pédiatrie…

Le train était en marche. Il s’est accéléré, du fait de l’émoi suscité par l’affaire Dutroux. En 1997, la maltraitance à enfant a été reconnue grande cause nationale.

Une nouvelle circulaire décrivait un dispositif d’accueil des victimes d’agressions sexuelles, dont les enfants dans les hôpitaux, et mettait en place, dans les régions, des Pôles de référence pour coordonner le dispositif et apporter un soutien aux autres équipes.

En 2000, le dispositif était étendu à toutes les formes cliniques de maltraitance des enfants.

LE PARTENARIAT

Longtemps refermé sur lui-même, l’hôpital s’est progressivement tourné vers l’exté- rieur et travaille actuellement en partenariat.

Dès 1981, une circulaire soulignait le rôle des maternités en matière de prévention de détection, de soins et de liaisons.

Une autre, en 1983, à propos des missions du corps médical, évoquait la coordination des interventions.

La loi de 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance, dans le contexte de la décentralisation, confiait aux Présidents de conseils généraux de nouvelles et importantes responsabilités. L’article 68, évoquant, pour la mise en place du dispositif départemental de recueil d’informations et de réponse en urgence une liaison entre le Président du Conseil Général, l’autorité judiciaire et les services de l’état du Département.

La circulaire de 1997 cite nominativement les établissements hospitaliers, qui doivent être associés au dispositif départemental placé sous l’autorité du Président du Conseil Général et donne mission au Médecin Responsable du Pôle de référence de travailler en collaboration avec les services des Conseils Généraux pour veiller à la cohérence du dispositif régional et assurer la formation et l’information des professionnels dans le cadre de la loi du 10.07.1989.

Enfin, une instruction interministérielle de 2001 relative à la Protection de l’Enfance vise à coordonner les actions des services de l’Etat mettant en place un groupe de coordination départemental, où est appelé à participer le Responsable du Pôle de Référence Hospitalier.

CONCLUSION

Voir les difficultés d’une famille, les évaluer avec d’autres, essayer de leur trouver un remède doit être considéré comme une aide et non une trahison. Même si l’intervention du médecin conduit à un placement provisoire de l’enfant, celui-ci peut éviter de plus grandes catastrophes. Quand le médecin est à l’aise pour intervenir tôt, une prévention moins traumatisante pour tous est alors possible.

Le médecin généraliste est en première ligne pour la prévention des abus et des négligences que subissent les enfants, il est parfaitement dans son rôle de médecin de famille en aidant enfants et parents, avant les mauvais traitements pour les prévenir, après pour aider à éviter les récidives et accompagner avec ses collègues, médecins hospitaliers, médecins scolaires, médecins de PMI et tous ses partenaires, les individus en souffrance.

BIBLIOGRAPHIE

Textes législatifs : hôpital et Mauvais traitements 1981. — Circulaire no 81-5 du 23 janvier, qui souligne le rôle de l’Hôpital et particulièrement des maternités en matière de prévention, de détection, de soins et de liaisons.

1983. — Circulaire interministérielle no 83-13-FE du 18 mars, qui rappelle les missions du corps médical, et circulaire no 83-14 du 21 mars, relative à la coordination des interventions : elle insiste sur les responsabilités du corps médical.

9/7/1985. — Circulaire DGS/407/2B — Accueil et prise en charge par les établissements hospitaliers publics et privés des enfants en danger, victimes de sévices et de délaissement.

16/06/1992. — Circulaire DH 22 relative à l’Enfance Maltraitée.

25/05/1997. — Circulaire DGS/DH 97/380 relative aux dispositifs d’accueil et de prise en charge des personnes victimes de violences sexuelles.

13/07/2000. — Circulaire DGS/DG 2000/399 relative à l’extension aux mineurs victimes de toutes formes de maltraitance des dispositions de la circulaire 97/380.

10/01/2001. — Instruction interministérielle Cabinet / DGAS / 2001 / 52 relative à la protection de l’Enfance.

Références bibliographiques [1] Hochart F., Roussel A. — L’hôpital face à l’enfance maltraitée : une passerelle entre coups et réparation. Karthala, 1997.

[2] Kempe H. — The battered child, 3 rd ed, Chicago, 1980.

[3] Manciaux M., Gabel M. et coll. — Enfance en danger. Fleurus, 1997.

[4] Silverman F.N. — The rentgen manifestation of unrecognized skeletal trauma in infants. Amer

J Roentzen, 1953-1964, 413-426.

[5] Straus P., Manciaux M. — L’enfant maltraité. Fleurus, 1982.

[6] Tardieu A. — Étude médicolégale sur les services et mauvais traitements exercés sur les enfants.

Ann. Hug. Publ. Med. Leg., 1860, 13 , 361.

DISCUSSION et COMMENTAIRES

M. Maurice GOULON

La maltraitance des enfants par l’entourage familial doit être dépistée ; mais à l’inverse, quand un enfant présente des ecchymoses multiples à répétition ou des fractures spontanées multiples, il faut rechercher un état pathologique responsable et libérer les parents d’une fausse imputation de maltraitance.

Ces cas cliniques justifient tout à fait que l’on ne parle jamais de mauvais traitements sans examen médical afin d’éliminer, avec le concours d’examens complémentaires et de consultations spécialisées, des troubles de coagulation ou une fragilité osseuse particulière. Le médecin doit faire le diagnostic positif et différentiel et s’aider de tous les professionnels pour une évaluation pluridisciplinaire amenant au diagnostic étiologique.

M. Bernard HILLEMAND

Ne devrait-on pas insister sur le tabagisme passif comme violence à enfant ?

En effet, le tabagisme passif nuit à la bonne santé de l’enfant. Il s’agit d’une « carence de bons soins » sans intentionnalité de nuire (comme très souvent chez les parents même maltraitants). La prévention a un grand rôle à jouer, en informant des risques, mais on en connaît les difficultés quand on voit encore des médecins fumer.

M. Christian NEZELOF

Je voudrais appuyer vos commentaires sur les « enfants secoués ». L’autopsie systématique des nourrissons décédés de mort subite montre, dans la plupart des statistiques, un pourcentage de 3 à 5 % d’hémorragie méningée, liée généralement après enquête à la « secousse » du bébé ou à des coups d’annuaires, lesquels ne laissent aucune trace extérieure…


* Pôle de référence Régional Hospitalier Nord-Pas-de-Calais — Enfance en Danger — CHRU Lille — Hôpital Jeanne de Flandre, 2 avenue Oscar Lambret — 59037 Lille cedex. Tirés-à-part : Docteur Françoise Hochart, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 6 mai 2002, accepté le 13 mai 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 6, 971-980, séance du 4 juin 2002