Communication scientifique
Session of 30 mars 2004

La drépanocytose chez l’enfant en 2004

MOTS-CLÉS : anémie cellule falciforme. douleur. génétique. hémoglobines. infections. transfusion sanguine.
Sickle cell disease in childhood in 2004
KEY-WORDS : anemia, sickle cell. blood transfusion.. genetics. hemoglobins. infection. pain

Robert Girot *, Pierre Begue **

Résumé

La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine qui se transmet sur le mode autosomique récessif. La maladie résulte d’une mutation ponctuelle du 6ème codon du gène β globine. La mutation provoque la synthèse d’une hémoglobine anormale, l’hémoglobine S, (HbS). La polymérisation de l’HbS à l’état désoxygéné est à l’origine d’une anémie hémolytique chronique et de phénomènes vaso-occlusifs. La maladie est très fréquente dans les populations d’origine africaine sub-saharienne. En raison des mouvements récents de population qui caractérisent notre époque, elle existe aujourd’hui sur tous les continents. Chez l’enfant, les crises douloureuses intenses, les infections graves à type de septicémie, méningite et ostéomyélite, les épisodes d’anémie aiguë et les accidents vaso-occlusifs graves, notamment neurologiques sont les complications aiguës les plus fréquentes. Les progrès faits dans la prise en charge de la maladie ont transformé son pronostic ; la médiane d’espérance de vie est aujourd’hui de plus de 40 ans. Le traitement conventionnel est essentiel dans la drépanocytose : antibiothérapie et vaccinations, antalgiques, transfusion sanguine. Les indications et les effets de la transfusion sanguine au long cours, de l’hydroxyurée et de la transplantation médullaire sont l’objet d’évaluations thérapeutiques comparatives en cours.

Summary

Sickle cell disease is a genetic autosomal recessive disease of hemoglobin. The disease results from a mutation of the sixth codon of the β -globin gene, which induces the synthesis of an abnormal hemoglobin called hemoglobin S (HbS). The polymerisation of deoxy HbS molecules causes a chronic hemolytic anemia and vaso-occlusive phenomenons. The disease affects mainly people from West Indies and Sub saharian Africa. Due to recent movements of these populations over the past years, sickle cell disease has spread across all continents. Painful crises, severe infections such as septicemia, meningitis, osteomyelytis, acute anemia episodes, and severe vaso-occlusive events, mainly neurological, are the most frequent complications affecting children. Recent progresses in the care of patients have deeply modified the prognosis. The mean life expectancy of patients is now above 40 years. The conventional treatment includes antibiotics and immunizations, analgesics, and blood transfusion. The effects of chronic blood transfusion, hydroxyurea and bone marrow transplantation are the subject of current comparative evaluations.

INTRODUCTION

La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine due à la mutation du 6ème codon de la chaîne β-globine (β6 GLU ⇒ VAL). En France, la drépanocytose est maintenant l’une des premières maladies génétiques par le nombre de malades qui en sont atteints. Il s’agit d’une maladie rhéologique et vasculaire qui associe une anémie chronique à des atteintes viscérales multiples. Au cours de ces trente derniè- res années, de grands progrès ont été réalisés dans le traitement des principales complications de la maladie réduisant de façon importante la mortalité pendant l’enfance et l’adolescence. En raison de sa variété d’expression clinique, la drépanocytose relève de nombreuses spécialités médicales, Pédiatrie, Hématologie, Médecine interne, Génétique, Chirurgie, Obstétrique, etc.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La drépanocytose a une large distribution géographique ; elle est fréquente en Afrique, notamment en Afrique Noire, en Amérique du Nord (États-Unis), en Amérique du Sud et dans les Antilles. Elle existe également dans les pays du Maghreb, en Sicile, en Grèce, dans tout le Moyen-Orient et aux Indes. Enfin, en raison des récents mouvements de populations de ces régions vers l’Europe de l’Ouest, la drépanocytose est maintenant présente en France et en Angleterre notamment [1]. En 2002, environ 250 nouveau-nés drépanocytaires ont été dépistés et pris en charge en France dans le cadre du dépistage néonatal. Faute d’enquête nationale, le nombre exact de malades drépanocytaires vivant en métropole et dans les DOM-TOM n’est pas connu. On sait cependant, par la pratique médicale, que ces malades sont suivis essentiellement en Ile-de-France, au moins 3000, dans les DOM-TOM, environ 2000 et dans d’autres métropoles régionales, surtout Marseille, Lyon et la région lilloise, environ 1000 malades.

GÉNÉTIQUE

La drépanocytose est une maladie génétique transmise selon le mode mendélien récessif autosomique. Les sujets hétérozygotes AS sont dits porteurs sains du trait drépanocytaire. Les homozygotes SS sont atteints par la maladie drépanocytaire.

D’autres anomalies du gène β-globine, en particulier l’hémoglobine C ou la β-thalassémie, peuvent s’associer au gène βS chez un même sujet pour donner une hétérozygotie composite SC ou Sβ-thalassémique. Ces derniers sont également atteints par la maladie drépanocytaire. La drépanocytose homozygote SS et les hétérozygoties composites SC et Sβ-thalassémiques sont regroupées sous le terme global de syndromes drépanocytaires majeurs.

PHYSIOPATHOLOGIE [2]

La physiopathologie comporte des aspects moléculaires, cellulaires et vasculaires.

Aspects moléculaires

Les molécules d’hémoglobine drépanocytaire (HbS) ont la propriété, sous leur forme désoxygénée, de polymériser pour former des fibres. Plusieurs facteurs sont susceptibles de modifier le processus de polymérisation. Le premier est la variation, même faible, de la concentration intra-érythrocytaire des molécules d’HbS, le second est l’interruption de la croissance du polymère par toute molécule autre que l’HbS s’intercalant dans la fibre, notamment l’hémoglobine fœtale (HbF). Tous les facteurs qui ont une influence sur ces paramètres interviennent dans la physiopathologie de la maladie. Il en est ainsi de l’α-thalassémie, fréquente dans les mêmes populations que celles à risque pour la drépanocytose, qui diminue la concentration en hémoglobine de l’hématie. Le rôle protecteur de l’HbF est bien illustré chez les enfants drépanocytaires qui ne deviennent malades dans la première année de vie que lorsque le taux d’HbS est devenu supérieur à celui de l’HbF.

Aspects cellulaires

Les aspects cellulaires concernent les hématies, les cellules endothéliales et les autres cellules du sang.

Les hématies [3]

Les fibres intracellulaires d’HbS déforment l’hématie qui acquiert un aspect en faux, le drépanocyte. Après plusieurs cycles de falciformation-défalciformation, les cellules sont déformées de façon définitive. A l’occasion de ces cycles, la membrane du globule rouge subit trois types de modification. Tout d’abord, la perméabilité
ionique de la membrane est modifiée perturbant le fonctionnement du canal Gardos contrôlant la sortie d’eau et de K+ par le calcium et le cotransport KCl + H2O contrôlé par le Mg++ [4]. Il en résulte une déshydratation de l’hématie. Ensuite, des sites de fixation (CD36, intégrine VLA4, …) de protéines adhésives (Thrombospondine-TSP, VCAM1, …) s’expriment anormalement à la surface des réticulocytes les plus jeunes sortis prématurément de la moelle et contribuent ainsi à l’adhésion des globules rouges à la cellule endothéliale (cf infra). Enfin, le réarrangement des lipides de la membrane du globule rouge constitue une surface procoagulante favorisant la catalyse des réactions du système de la coagulation à l’origine d’un état d’hypercoagulabilité dans la maladie drépanocytaire.

Les cellules endothéliales

L’interaction des cellules endothéliales avec les drépanocytes est à l’origine de plusieurs phénomènes. Tout d’abord, on observe une augmentation des cellules endothéliales circulantes. Surtout, lorsque les cellules endothéliales ont été activées par des cytokines inflammatoires, elles expriment à leur surface des sites de fixation de protéines adhésives à l’origine d’un phénomène essentiel dans la drépanocytose :

l’adhérence des globules rouges à l’endothélium de certains territoires vasculaires [5].

Les autres cellules du sang et les protéines plasmatiques

Les neutrophiles ont un rôle dans la physiopathologie de la maladie. Ils sont stimulés par les drépanocytes et les cellules endothéliales et expriment des protéines pro-adhésives (ICAM-1, P et E sélectines) favorisant à leur tour leur adhésion à l’endothélium. Les plaquettes activées secrètent la TSP impliquée dans le pontage globule rouge-endothélium et participent à l’état d’hypercoagulabilité de la maladie drépanocytaire. Enfin, des modifications de certaines protéines plasmatiques, en particulier, l’augmentation des hauts-poids moléculaires du facteur von Willebrand, ont été rapportées.

En conclusion, plusieurs éléments figurés du sang et certaines protéines plasmatiques sont impliqués à des degrés divers dans la physiopathologie de la maladie.

Aspects vasculaires

Outre l’adhérence des globules rouges à l’endothélium dans certains territoires de la microcirculation, les vaisseaux participent de façon essentielle à la physiopathologie par, au moins, deux aspects. Tout d’abord, par sa vasoactivité sous la dépendance de la température, du stress, de toute substance vasoactive (alcool, médicaments, …) et du monoxyde d’azote (NO). Ce dernier est un gaz soluble ayant un puissant effet dans la relaxation du tonus vasculaire. Son déficit, établi chez les patients drépanocytaires, favoriserait la vasoconstriction de certains territoires vasculaires, en particulier pulmonaires [6]. Ensuite, par le rétrécissement ou l’occlusion des vaisseaux artériels secondaire à une prolifération des cellules musculaires lisses et des fibro-
blastes entraînant une hyperplasie de l’intima. Les artères intracrâniennes sont concernées par ce phénomène chez près de 25 % des malades.

Conséquences rhéologiques

L’ensemble des phénomènes décrits ci-dessus s’intriquent entre eux pour concourir à l’établissement d’un état d’hyperviscosité du sang, un phénomène constant dans la maladie drépanocytaire. L’hyperviscosité entraîne un défaut de perfusion et des infarctus dans les organes mal vascularisés. Le caractère rapide ou progressif du défaut de perfusion est à l’origine de complications aiguës ou chroniques ; en outre, ces complications revêtent des aspects différents selon les vaisseaux intéressés :

artère, veine ou microcirculation.

LES SYNDROMES DRÉPANOCYTAIRES MAJEURS

La drépanocytose homozygote SS est la forme la plus grave. En général, la sévérité clinique est moindre chez les hétérozygotes composites SC et Sβ-thalassémiques.

L’enfant drépanocytaire

Les signes cliniques de la maladie font leur apparition dans les premiers mois ou les premières années de vie. Des révélations tardives, après 4-5 ans ne sont pas exceptionnelles, en particulier chez les hétérozygotes composites.

Clinique

L’anémie est constante. L’ictère conjonctival est variable dans le temps et d’un cas à l’autre. La splénomégalie est constatée dès les premiers mois de vie en même temps que s’installent l’anémie et l’ictère. Cette splénomégalie persiste quelques années pour disparaître spontanément (autosplénectomie) ; cependant 5 à 10 % des enfants drépanocytaires SS ont encore une splénomégalie après 10 ans.

En zone tempérée, la croissance staturo-pondérale est normale, mais les enfants drépanocytaires homozygotes sont volontiers maigres [7]. Cependant leur morphologie est harmonieuse. En zone tropicale, le développement staturo-pondéral peut être normal ; lorsque des parasitoses et des carences nutritionnelles majorent l’ané- mie, il n’est pas rare d’observer des déformations du faciès et du crâne et des retards staturo-pondéraux importants.

Le développement pubertaire se fait de façon satisfaisante, bien qu’avec un certain retard de la maturation osseuse et du début de la puberté par rapport à la population non drépanocytaire du même âge. En zone tropicale, des retards pubertaires sont souvent constatés chez les enfants dont la croissance staturo-pondérale est également médiocre. Le développement intellectuel et cognitif est normal.

TABLEAU I. — Caractéristiques biologiques des syndromes drépanocytaires majeurs et du trait drépanocytaire AS SS

SC

S+

AS

NORMALES

Hémoglobine 7-9 10-12 7-9 9-12 12-17 12-17 (Hb) (g/dl)

VGM 80-100 80-100 70-90 70-90 8-100 80-100 (fl) Réticulocytes 200-600 100-200 200-400 30-300 30-100 30-100 (x103/mm3) Electrophorèse Hb (%) A 0 0 0 1-25 60-65 97-98 A 2-3 2-3 4-6 4-6 2-3 2-3 2

S 77-96 fi 50 80-90 55-90 35-40 0 C 0 fi 50 0 0 0 0 F 2-20 <5 5-15 5-15 <1 <1 Les sujets Sβ-thalassémiques ont une certaine quantité d’HbA ((Sβ+) lorsque le gène thalassémique β globine a une expression diminuée : ils n’ont pas d’HbA (Sβ°) lorsque l’expression de ce gène est nulle.

Biologie (Tableau 1)

La drépanocytose homozygote est caractérisée par un taux d’hémoglobine situé entre 6 et 10 g/dl, une réticulocytose entre 200 et 600 000 par mm3, un volume globulaire moyen normal, la présence constante sur le frottis sanguin de drépanocytes, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles pouvant atteindre 30 000 par mm3 sans infection et une tendance à la thrombocytose. L’électrophorèse de l’hémoglobine met en évidence la présence d’hémoglobines S, F et A ; il n’y a pas 2 d’hémoglobine A. Le test de falciformation (ou le test de solubilité) sont indispensables pour confirmer la nature drépanocytaire de l’hémoglobine anormale mise en évidence par l’électrophorèse. Le tableau 1 indique les données biologiques des principaux syndromes drépanocytaires majeurs.

Les complications aiguës

Les principales complications aiguës sont les crises vaso-occlusives douloureuses drépanocytaires (CVO), les infections, l’aggravation de l’anémie chronique et les accidents vaso-occlusifs graves.

Les crises douloureuses drépanocytaires [8]

La drépanocytose est une maladie douloureuse. En raison de la récurrence de la douleur et de son intensité, de nombreux patients vivent dans l’attente d’une prochaine crise. Quand elle s’associe à d’autres complications de la maladie, cette crainte peut participer à la constitution de désordres psychologiques plus ou moins graves.

Par leur grande fréquence, les CVO dominent la symptomatologie de la maladie drépanocytaire. La douleur est constante ; la fièvre peut l’accompagner. Ces CVO peuvent être spontanées (1 fois sur 2 environ) ou provoquées par l’infection, le froid, la fatigue, la fièvre, la déshydratation et toute situation entraînant une hypoxémie.

Les crises intéressant les membres entraînent une impotence fonctionnelle totale ;

on peut constater des tuméfactions sous-cutanées en regard des zones douloureuses.

Les CVO atteignant les côtes et les régions chondrosternales sont responsables de douleurs pariétales thoraciques. Les crises abdominales peuvent correspondre à des infarctus intéressant la rate et le mésentère : un tableau caractéristique est celui de l’iléus paralytique avec météorisme abdominal et vomissements qui cèdent au traitement médical. La douleur peut également se porter sur les régions vertébrales et dorso-lombaires. On conçoit volontiers les problèmes diagnostiques posés par certains des signes cliniques évoqués ci-dessus. Le diagnostic différentiel entre une crise des membres et une ostéomyélite peut être difficile à faire.

Chez le petit enfant avant 4-5 ans, un équivalent de la crise est réalisé par le syndrome pied-main qui correspond à une tuméfaction bilatérale des pieds et/ou des mains.

Le traitement de la douleur à domicile fait appel à l’association des mesures suivantes, repos au chaud, boissons abondantes, administration de paracétamol.

Chez l’enfant de plus d’un an, si la douleur persiste, on peut y associer des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de la codéine. Quand l’enfant n’est pas soulagé, il doit être hospitalisé. Le traitement médicamenteux comporte soit l’administration de morphine d’emblée soit l’association paracétamol, AINS, Nubain. Plusieurs protocoles existent selon les centres [9]. Quand elle est connue, la cause déclenchante doit être traitée. Le recours à l’échange transfusionnel à visée antalgique est devenu rare.

Les infections

Les infections sont responsables d’une part importante de la mortalité et de la morbidité de la drépanocytose. La plus forte incidence des infections est observée chez les petits enfants dans les premières années de vie. C’est le motif pour lequel le dépistage néonatal de la drépanocytose a été mis en place dans de nombreux pays, notamment en France [11]. Tout enfant atteint de syndrome drépanocytaire majeur est maintenant dépisté dès la naissance pour être soumis à une pénicillothérapie orale et vacciné précocement contre les pneumocoques en particulier (Prévenar® chez le nourrisson et le petit enfant, Pneumo 23® chez l’enfant plus âgé). La
fréquence des accidents infectieux sévères diminue avec l’âge, mais le risque persiste toute la vie. Les méningites et les septicémies sont les infections les plus graves car elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital et laisser des séquelles (complications neuro-sensorielles) [11]. Les pneumopathies infectieuses sont fréquentes ; elles peuvent être la cause d’un syndrome thoracique aigu (cf. infra) [12]. Les foyers pulmonaires multiples ne sont pas exceptionnels. Les ostéomyélites sont des complications infectieuses courantes dans la drépanocytose [13]. Tous les os peuvent être atteints et les localisations plurifocales ne sont pas rares. Toute la gravité des ostéomyélites réside dans leur extension rapide et dans les séquelles importantes secondaires aux destructions osseuses qu’elles peuvent laisser. Mal traitées, elles peuvent passer à la chronicité.

Les pneumocoques sont les germes responsables de la plupart des méningites et des septicémies, et les salmonelles de plus de la moitié des ostéomyélites. L’ Haemophilus influenzae et les méningocoques viennent ensuite par ordre de fréquence, puis le staphylocoque et les germes gram négatifs. On a souligné la gravité des infections pulmonaires à Mycoplasma pneumoniae . En cas de suspicion de méningite et/ou de septicémie, le recours au céfotaxime est raisonnable en attendant les données de l’antibiogramme. L’association céfotaxime-fosfomycine en première intention est conseillée pour traiter une ostéomyélite.

En ce qui concerne le paludisme, il a été montré que la drépanocytose conférait une protection relative mais non absolue à l’égard de cette parasitose. La prophylaxie anti-palustre s’impose quand elle est nécessaire [14].

L’aggravation de l’anémie

Dans la drépanocytose homozygote, le taux moyen d’hémoglobine est aux alentours de 8 g/dl. L’HbS ayant une affinité diminuée pour l’oxygène, il en résulte une bonne oxygénation tissulaire et une adaptation fonctionnelle satisfaisante dans la majorité des cas. Cependant, l’anémie peut s’aggraver dans certaines circonstances, notamment en cas d’inflammation ou d’infection. Les crises de séquestration splénique aiguë sont bien particulières au petit enfant de moins de 4 ans ; il s’agit d’un syndrome associant une anémie profonde se constituant en quelques heures à une splénomégalie considérable, due à une séquestration progressive de la masse globulaire par la rate [15]. Le traitement repose sur la transfusion sanguine immédiate.

Enfin, les crises d’érythroblastopénie peuvent survenir dans la drépanocytose comme au cours de toute anémie hémolytique chronique congénitale ou acquise ;

ces érythroblastopénies sont souvent imputables au Parvovirus B , mais pas exclu19 sivement [16]. Les carences en fer sont dépistées par la pratique de l’hémogramme régulier. La carence en acide folique est prévenue par l’administration préventive systématique de cette vitamine.

Les accidents vaso-occlusifs graves

Les accidents vaso-occlusifs graves regroupent plusieurs types de complications caractérisées par un déficit organique. Les accidents vasculaires cérébraux (AVC)
atteignent 6 à 10 % des malades drépanocytaires [17]. Hémiplégie, hémiparésie, monoplégie, soudaines ou progressives sont les manifestations les plus fréquentes ;

elles correspondent à des occlusions complètes ou incomplètes des vaisseaux céré- braux et provoquent des infarctus cérébraux. Un antécédent de méningite purulente serait un facteur favorisant. Ces AVC sont parmi les complications les plus graves de la maladie. Le traitement de référence des AVC est la transfusion sanguine au long cours pour maintenir en permanence le taux d’HbS inférieur à 20 — 25 % ou bien la transplantation médullaire allogénique avec un donneur intra familial [18]. En raison de leurs conséquences toujours sévères, le dépistage des sténoses artérielles, sources d’AVC, est fait de façon systématique chez l’enfant drépanocytaire par doppler transcrânien. L’objectif est de mettre en évidence ces sténoses avant la constitution de l’accident neurologique. La constatation d’une sténose artérielle asymptomatique fait discuter de la mise en route d’une transfusion sanguine au long cours ou, pour certains auteurs, la réalisation d’une transplantation médullaire allogénique. Ces options thérapeutiques sont l’objet d’une recherche clinique actuelle pour préciser les indications respectives de ces traitements préventifs des AVC [18, 19].

Les syndromes thoraciques aigus (STA) sont définis par l’association douleur, dyspnée, image radiologique pulmonaire récente [20]. Les causes de cette complication sont nombreuses : infectieuses, embolique (migration graisseuse secondaire à un infarctus osseux médullaire ou migration, exceptionnelle, d’un caillot), rhéologiques par ralentissement circulatoire dû à l’hyperviscosité, mécaniques par hypoventilation alvéolaire due à la douleur [12]. Le traitement comporte toujours une kinésithérapie et une oxygénothérapie associées à une antibiothérapie et/ou une héparinothérapie.

Le priapisme, rare dans l’enfance, mais fréquent à partir de l’adolescence, est caractérisé par des douleurs et une congestion vasculaire. Le traitement repose sur l’administration d’étiléfrine associée à un échange transfusionnel si nécessaire voire à un drainage chirurgical non délabrant si les mesures précédentes sont inefficaces [21]. Enfin, on rattache à ce groupe de complications, l’amaurose par occlusion de l’artère centrale de la rétine et les hématuries macroscopiques des nécroses papillaires dont l’évolution spontanée peut persister plusieurs semaines ou plusieurs mois.

Les complications chroniques

Les complications chroniques sont plus volontiers observées chez les adolescents et les adultes que chez l’enfant. Elles sont responsables d’une lourde morbidité et de nombreux handicaps chez l’enfant drépanocytaire.

La lithiase biliaire est fréquente au cours de la drépanocytose ; elle survient chez le tiers des malades avant l’âge de 20 ans [22]. La douleur de l’hypochondre droit est la manifestation clinique qui la suggère. Elle est confirmée par l’échographie abdominale. La cholécystectomie est le traitement de toute lithiase symptomatique ou non symptomatique diagnostiquée.

Les ulcères de jambe sont rares chez l’enfant ; ils peuvent survenir chez les adolescents. Ils siègent dans les régions des chevilles et sont favorisés par les traumatismes.

Leur guérison est difficile à obtenir et leur récidive est la règle.

Les hanches et les épaules sont les principales articulations intéressées par les nécroses osseuses. D’abord asymptomatiques, elles sont responsables de douleurs et de gêne fonctionnelle. Les interventions chirurgicales sur les nécroses de hanche doivent être conservatrices aussi longtemps qu’il est possible avant la prothèse totale.

Les complications oculaires les plus habituelles sont les rétinopathies dont le dépistage préventif par des examens réguliers de l’œil doit être fait à partir de 12-14 ans.

L’insuffisance rénale chronique secondaire ou non à des infections et dont le premier signe peut être une accentuation de l’anémie n’est pas habituelle chez l’enfant. L’aggravation de l’anémie due à l’insuffisance rénale est généralement résistante à la prescription d’érythropoïétine. L’insuffisance rénale terminale est traitée par dialyse chronique. Quelques malades ont été transplantés.

LA DRÉPANOCYTOSE HÉTÉROZYGOTE AS

On dit des sujets drépanocytaires hétérozygotes AS qu’ils sont porteurs sains du trait drépanocytaire.

Clinique [23]

La grande majorité des patients AS se portent bien. Dans certaines situations d’hypoxémie sévère (altitude élevée), on a décrit des infarctus spléniques. Des hématuries macroscopiques peuvent également survenir chez les sujets AS. Ces patients peuvent subir des anesthésies générales sans préparation particulière.

Biologie (tableau 1)

Les caractéristiques biologiques des sujets AS sont indiquées dans le tableau 1.

MORTALITÉ

Grâce aux mesures anti-infectieuses (vaccin, antibiotiques), à la transfusion sanguine et à une meilleure prise en charge globale des malades, la mortalité a été considérablement réduite au cours de ces trente dernières années. Aujourd’hui, plus de 90 % des enfants atteignent l’âge adulte. Une étude multicentrique faite aux États-Unis a montré en 1994 que dans les dix premières années de vie le taux de
mortalité était de 1,1 % personne/année pour les drépanocytaires homozygotes [24].

Un travail fait en Ile-de-France en 1996 a montré que la mortalité des patients drépanocytaires homozygotes de moins de 18 ans était de 0,29 % personne/ année [25]. Dans ces deux études, les principales causes de décès étaient les infections, notamment à pneumocoques, les anémies aiguës et les complications neurologiques.

RECHERCHE DE FACTEURS DE PRONOSTIC

La grande variabilité clinique de la drépanocytose est l’une des caractéristiques de la maladie. La recherche de facteurs de pronostic reste un objectif primordial dans cette maladie afin de reconnaître les patients les plus « à risque » pour leur proposer un traitement préventif adapté à la sévérité de leur maladie. En ce qui concerne la mortalité, il a été montré que l’espérance de vie était favorablement influencée par l’élévation du taux d’HbF, par la présence d’une α-thalassémie et par une leucocytose inférieure à 15 000/mm3 [24]. En ce qui concerne la morbidité, l’α-thalassémie joue des rôles différents selon les complications considérées ; ainsi, elle a un rôle favorisant la nécrose précoce de la hanche, et, en revanche, un rôle protecteur à l’égard des AVC. Un taux d’hémoglobine F élevé a aussi un rôle protecteur contre les crises douloureuses, les syndromes thoraciques aigus et les AVC [26, 27].

La liaison statistique de certaines complications à des facteurs génétiques a été rapportée. Ainsi, un effet protecteur de certains haplotypes du système HLA à l’égard de complications neurologiques ou infectieuses a été décrit [28]. De même, un enrichissement d’un variant d’une lectine fixant le mannose, la MBP (Mannose Binding Protein), impliquée dans l’immunité innée, a été observé chez des enfants n’ayant pas développé d’infection sévère [29]. La mise en évidence de ces facteurs permet de mieux comprendre les événements survenant chez les malades. On peut faire l’hypothèse qu’à terme, la combinatoire de ces facteurs, et d’autres à décrire, permettra l’identification précoce des formes potentiellement graves de la maladie avant la survenue des complications.

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE

La prévention et les mesures symptomatiques

La réduction de la mortalité et de la morbidité dans la maladie drépanocytaire tient essentiellement de l’organisation de la prise en charge dans des Centres de la Drépanocytose ou des consultations spécialisées et des mesures préventives (vaccination anti-pneumococcique, pénicillinothérapie, hydratation et hygiène de vie). Le traitement symptomatique de chaque complication a été indiqué.

Thérapeutiques spécifiques

Les principales thérapeutiques spécifiques actuelles dans la drépanocytose sont l’hydroxyurée, la transfusion sanguine et la transplantation médullaire allogénique.

Ces traitements ont pour objectif essentiel de prévenir la survenue ou la rechute des complications les plus fréquentes ou les plus graves de la maladie.

L’hydroxyurée [30, 31]

L’hydroxyurée est susceptible d’augmenter le taux d’HbF dans le globule rouge drépanocytaire et d’exercer ainsi un rôle protecteur contre les effets pathologiques de l’HbS. Des essais conduits chez les adultes et les enfants ont montré l’efficacité de ce traitement dans la prévention des CVO, des syndromes thoraciques aigus et du priapisme. L’efficacité est moins bien établie pour les autres complications, notamment à l’égard des AVC. Des inconnues demeurent sur les inconvénients à long terme de cette chimiothérapie, en particulier, sur la fertilité ultérieure des garçons et sur les risques inconnus de leucémogenèse ou de cancérogenèse.

La transfusion sanguine au long cours [32]

Cette méthode vise à maintenir le taux d’HbS en permanence au-dessus de 20, 30 ou 40 % selon l’indication clinique. Plusieurs techniques sont utilisées, soit les échanges transfusionnels manuels faisant alterner saignées et transfusions au cours d’un même geste, soit les échanges transfusionnels faits à l’aide d’un séparateur de cellules permettant la mobilisation de volume de sang important. Les résultats cliniques sont excellents avec une bonne protection contre les complications de la maladie. La transfusion sanguine expose cependant aux risques de l’alloimmunisation, de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang et de la surcharge martiale.

La transplantation médullaire allogénique [18]

L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques provenant d’un donneur intrafamilial est le seul traitement curateur de la drépanocytose. Cette technique expose cependant les malades aux risques infectieux et gonadique (stérilité, insuffisance endocrinienne) du conditionnement myélo-ablatif et au risque du greffon contre l’hôte. Dans les séries Européennes et Américaines récemment publiées, la survie sans événement est de l’ordre de 80 à 85 % à cinq ans après la greffe. Actuellement, les résultats de l’allogreffe sont comparés à ceux de la transfusion sanguine au long cours et à ceux de l’hydroxyurée pour tenter de dégager les meilleures indications de chacune de ces méthodes et pour ne proposer l’allogreffe qu’aux patients exposés aux complications les plus graves.

Thérapeutiques géniques

Des progrès considérables ont été faits au cours de ces toutes dernières années dans le domaine de la thérapie génique appliquée à la drépanocytose. Les voies de
recherches expérimentales se font dans les directions suivantes, activation des gènes de l’hémoglobine fœtale, correction du gène muté et addition d’un gène de globine anti drépanocytaire dans les cellules souches érythroblastiques [33]. Le développement rapide qui caractérise ces recherches fait espérer une guérison génétique de la drépanocytose à moyen terme.

INFORMATION GÉNÉTIQUE ET DÉPISTAGE PRÉNATAL [34, 35]

La drépanocytose est une maladie génétique. L’information donnée aux parents d’un enfant malade ou d’un couple à risque comporte la description de la maladie, son traitement, ses modalités évolutives, le mode de transmission génétique, l’existence du dépistage néonatal et la possibilité du diagnostic prénatal. Ce dernier peut se faire vers la 8ème-10ème semaine par biopsie de trophoblastes ou par l’amniocentèse précoce entre les 15ème et 20ème semaines. Cette proposition doit se faire dans le respect du choix des personnes informées. Il est clair que le diagnostic prénatal soulève de nombreux aspects sociologiques, culturels et éthiques à propos d’une maladie dont la médiane d’espérance de vie dépasse aujourd’hui la cinquième décennie. Enfin, la drépanocytose fait partie des maladies qui devraient pouvoir bénéficier du développement du diagnostic pré-implantatoire.

BIBLIOGRAPHIE [1] LENA-RUSSO D., NORTH M.L., GIROT R. — Epidémiologie des maladies génétiques de l’hémoglobine en France métropolitaine. Rev Prat , 1992, 42 , 1867-1872.

[2] ELION J, LABIE D. — Bases physiologiques moléculaires et cellulaires du traitement de la drépanocytose. Hématologie , 1996, 2 , 499-510.

[3] HEBBEL R.P. — Beyond hemoglobin polymerization : the red cell membrane and sickle cell disease pathophysiology. Blood , 1991, 77 , 214-237.

[4] DE FRANCESCHI L., BACHIR D., GALACTÉROS F., TCHERNIA G., CYNOBER T., ALPER S. et al

Oral magnesium supplements reduce erythrocyte dehydratation in patients with sickle cell disease. J. Clin Invest , 1997, 100 , 1847-1852.

[5] HEBBEL R.P. AND MOHANDAS N. — Cell adhesion and microrheology. In Steinberg M.H., Forget B.G., Higgs D.R., Hagel R.L. eds. Disorders of hemoglobin. Cambridge : Cambridge University Press, 2001, 527-549.

[6] GLADWIN M.T., SCHECHTER A.N., SHELHAMER J.H., OGNIBENE F.P. — The acute chest syndrome in sickle cell disease. Possible role of nitric oxide in its pathophysiology and treatment. — Am J Respir Crit Care Med , 1999, 159 , 1368-1376.

[7] PLATT O.S., ROSENSTOCK W., ESPELAND M.A. — Influence of sickle hemoglobinopathies on growth and development. N Engl J Med , 1984, 311, 7-12.

[8] SERJEANT G.R. — The painful crisis. In Serjeant G.R. ed. Sickle cell disease. Oxford : Oxford University Press, 2001, 281-300.

[9] FOURNIER-CHARRIÈRE E. — Traitement de la douleur des crises vaso-occlusives de l’enfant drépanocytaire. In Girot R., Bégué P., Galactéros F. eds. La drépanocytose. Paris. John Libbey Eurotext, 2003, 51-67.

[10] BARDAKJIAN-MICHAU J., GUILLOUD-BATAILLE M., MAIER-REDELSPERGER M., ELION J., GIROT R., FEINGOLD J., et al — Decreased morbidity in homozygous sickle cell disease detected at birth.

Hemoglobin , 2002, 3 , 211-217.

[11] BÉGUÉ P., CASTELLO-HERBRETEAU B. — Infections graves chez l’enfant drépanocytaire : aspects cliniques et prévention. Arch Pediatr , 2001, 8 , 732s-41s.

[12] VICHINSKY E.P., NEUMAYR L.D., EARLES A.N., WILLIAM R., LENNETTE E.T., DEAN D., et al . —

Causes and outcomes of the acute chest syndrome in sickle cell disease.

N Engl J Med , 2000, 342 , 1855-1865.

[13] DOPPELT E., DE LA ROQUE F., MORRIET Y., REINERT P. — L’ostéomyélite chez le drépanocytaire. Arch Fr Pediatr , 1990, 47 , 715-720.

[14] GENDREL D., KOMBILA M., NARDOU M., GENDREL C., DJOUBA F., RICHARD-LENOBLE D. — Protection against plasmodium falciparum infection in children with hemoglobin S. Pediatr Inf Dis J , 1991, 10 , 620-621.

[15] GILL F.M., SLEEPER L.A., WEINER S.J., BROWN A.K., BELLEVUE R., GROVER R., et al . Clinical events in the first decade in a cohort of infants with sickle cell disease.

Blood , 1995, 86 , 776-783.

[16] SERJEANT G.R., SERJEANT B.E., THOMAS P.W., ANDERSON M.J., PATOU J., PATTISON J.R. — Human parvovirus infection in homozygous sickle cell disease. Lancet , 1993, 341 , 1237-1240.

[17] BEAUVAIS P., VERLHAC S., BERNAUDIN F. — Complications neurologiques et vasculopathie cérébrale au cours de la drépanocytose. In Girot R., Bégué P., Galactéros F. eds. La drépanocytose. Paris. John Libbey Eurotext, 2003, 145-160.

[18] WALTERS M.C., STORB R., PATIENCE M., LEISENRING W., TAYLOR T., SANDERS J.E., et al . —

Impact of bone marrow transplantation for symptomatic sickle cell disease : an interim report.

Multicenter investigation of bone marrow transplantation for sickle cell disease. Blood , 2000, 95 , 1918-1924.

[19] ADAMS R.J., MCKIE V.C., HSU L., FILES B., VICHINSKY E., PEGELOW C., et al . — Prevention of first stroke by transfusions in children with sickle anemia and abnormal results on transcranial Doppler ultrasonography. N Engl J Med , 1998, 339 , 5-11.

[20] FAUROUX B., MULLER M.H., QUINET B., BÉGUÉ P. — Le poumon drépanocytaire.

Rev Mal

Respir , 1998, 15 , 159-168.

[21] VIRAG R., BACHIR D., FLORESCO J., GALACTÉROS F., DUFOUR B. — Traitement par medications alpha-agonistes. A propos de 172 cas. Chirurgie , 1997, 121 , 648-652.

[22] WALKER T.M., HAMBLETON J.R., SERJEANT G.R. — Gallstones in the sickle cell disease :

observations from the jamaican cohort study. J Pediatr , 2000, 136 , 80-85.

[23] SEARS D.A. — Sickle cell trait. In Embury S.H., Hebbel R.P. Mohandas N., Steinberg M.H. eds.

Sickle cell disease. Basic principles and clinical practice. New-York : Raven Press, 1994, 381-394.

[24] PLATT O.S., BRAMBILLA D.J., ROSSE W.F., MILNER P.F., CASTRO O., STEINBERG M.H., et al

Mortality in sickle cell disease. Life expectancy and risk factors for early death.

N Engl J Med , 1994, 330 , 1639-1644.

[25] THOMAS C., LEMERLE S., BERNAUDIN F., FEINGOLD J., GUILLOUD-BATAILLE M., REINERT P. — Drépanocytose : Étude de la mortalité pédiatrique en Ile-de-France de 1985 à 1992. Arch Pediatr 1996, 3 , 445-451.

[26] OHENE-FREMPONG K., WEINER S.J., SLEEPER L.A., MILLER S.T., EMBURY S., MOOHR J.W., et al .

— Cerebrovascular accidents in sickle cell disease : rates and risk factors.

Blood , 1998, 91 , 288-294.

[27] PLATT O.S., THORINGTON B.D., BRAMBILLA D.J., MILNER P., ROSSE W.F., VICHINSKY E., et al .

— Pain in sickle cell disease. Rates and risk factors.

N Engl J Med , 1991, 325 , 11-16.

[28] TAMOUZA R., NEONATO M.G., BUSSON M., MARZAIS F., GIROT R., LABIE D., et al . — Infections complications in sickle cell disease are influenced by HLA class II alleles.

Hum Immunol , 2002, 63 , 194-199.

[29] NEONATO M.G., LU C.Y., GUILLOUD-BATAILLE M., LAPOUMEROULIE C., NABEEL-JASSIM H., DABIT D., et al . — Genetic polymorphism of the mannose binding protein gene in children with sickle cell disease : identification of three new variant alleles and relationship to infections.

Eur J Hum Genet , 1999, 7 , 679-686.

[30] CHARACHE S., TERRIN M.L., MOORE R.D., DOVER G.J., MCMAHON R.P., BARTON F.B., and the investigators of the Multicenter Study of Hydroxyurea in sickle cell anemia. Effect of hydroxyurea on the frequency of painful crises in sickle cell anemia. N Engl J Med , 1995, 322 , 1317-1322.

[31] FERSTER A., TAHRIRI P., VERMYLEN C., STURBOIS G., CORAZZA F., FONDU P., et al . — Five years of experience with hydroxyurea in children and young adults with sickle cell disease.

Blood , 2001, 97 , 3628-3632.

[32] DE MONTALEMBERT M. — La transfusion dans la drépanocytose. In Girot R., Bégué P., Galactéros F. eds. La drépanocytose. Paris. John Libbey Eurotext, 2003, 247-253.

[33] BEUZARD Y. Vers de nouvelles thérapeutiques spécifiques de la drépanocytose. In Girot R., Bégué P., Galactéros F. eds. La drépanocytose. Paris. John Libbey Eurotext, 2003, 31-40.

[34] ALEXANDRE L., KECLARD L., ROMANA M., SAINT-MARTIN C., LAVOCAT-BERNARD E., MIDONET N., et al . — Efficiency of prenatal counselling for sickle cell disease in Guadeloupe. Genet Couns 1997, 8 , 25-32.

[35] ANIOWU E.N., PATEL N., KANJI G., RENGES H., BROZOVIC M. — Counselling for prenatal diagnosis of sickle cell disease and beta-thalassemia major : a four year experience. J Med Genet , 1988, 25 , 769-772.

DISCUSSION

M. Jacques-Louis BINET

Par la « drépanocytose », entendons-nous bien la drépanocytose homozygote alors que la drépanocytose hétérozygote ne se traduit par aucune maladie ? Qu’en est-il du diagnostic prénatal ? Est-il encore pratiqué ?

Les sujets porteurs du trait drépanocytaire AS (drépanocytose hétérozygote) sont parfaitement bien portants. Parfois, cependant, lorsque ces patients sont soumis à des conditions d’hypoxémie sévère (altitude, dépressurisation, …), il est possible d’observer chez eux des accidents survenant chez les homozygotes. Les sujets drépanocytaires homozygotes SS sont atteints par la maladie drépanocytaire au même titre que les hétérozygotes composites SC et Sβ-thalassémie. Ces trois formes génétiques de drépanocytose sont volontiers regroupées sous le terme de syndrome drépanocytaire majeur.

Dans la conférence qui a été faite, le terme « drépanocytose » désignait les syndromes drépanocytaires majeurs. Le diagnostic prénatal continue à s’inscrire dans le conseil génétique proposé à tous les couples exposés au risque de donner naissance à un enfant atteint de syndrome drépanocytaire majeur. Le conseil génétique comporte une information sur la maladie drépanocytaire. Cette information doit être faite de telle sorte que le
couple prenne une décision en toute liberté et sans contrainte. Le diagnostic prénatal d’une maladie dont la médiane d’espérance de vie, en France, atteint ou dépasse 50 ans soulève des problèmes éthiques évidents. La décision des couples à risque de recourir ou pas au diagnostic prénatal dépend de nombreux facteurs conjugaux, sociologiques, philosophiques, religieux.

M. André VACHERON

La mort subite est-elle observée dans la drépanocytose homozygote de l’enfant ? Quel est son mécanisme ?

Les causes de mortalité chez l’enfant drépanocytaire sont les infections foudroyantes à pneumocoques, les anémies aiguës et les accidents vasculaires cérébraux. La mort subite du nourrisson n’est pas une cause habituelle de décès dans la maladie drépanocytaire.

M. Patrice QUENEAU

Vous avez souligné, à juste titre, la très grande intensité des douleurs lors de certaines crises vaso-occlusives qui légitiment indiscutablement le recours à la morphine. Quelles sont les posologies de morphine habituellement employées chez l’enfant et chez l’adulte ? Et quelles en sont les modalités habituelles : pompe à morphine ou le bolus ?

Il existe plusieurs protocoles de traitement de la crise vaso-occlusive par morphine intraveineuse chez l’enfant. Par exemple, on peut utiliser une dose de charge de 0,1 mg/kg en 5 minutes sans dépasser 5 mg suivie d’une titration de 0,025 mg/kg toutes les 5 minutes jusqu’à la sédation de la douleur ; ensuite, la morphine par voie intraveineuse est administrée à raison de 1 mg/kg/j en continu en réévaluant régulièrement cette posologie moyenne ou bien à l’aide d’une pompe auto-contrôlée avec des bolus de 0,025 à 0,030 mg/kg toutes les 7 minutes. Chez l’adulte, l’administration de morphine intraveineuse fait appel à 2 ou 3 mg/kg toutes les 5 à 10 minutes jusqu’à la sédation de la douleur. Ensuite, on met en place soit une perfusion continue de 1 ou 2 mg/heure soit des bolus de 1 mg administrés à l’aide d’une pompe auto programmée.

M. Jean-Didier SRAER

Qu’en est-il d’un remplacement des transfusions itératives par, soit l’expansion puis la réinjection de cellules souches, et/ou de la thérapie génique ?

L’expansion in vitro de cellules souches érythroblastiques pour obtenir des hématies visant à remplacer les globules rouges de donneurs est une voie de recherche très active dans le domaine de la thérapie cellulaire. Actuellement, les transfusions sont faites avec le sang provenant de donneurs. Des essais de thérapies géniques sont en cours de réalisation. Le principe consiste à prélever des cellules souches hématopoïétiques des malades pour les transfecter avec le gène β globine normal. L’objectif est de faire fabriquer par les cellules souches érythroblastiques une hémoglobine normale en quantité supérieure à l’hémoglobine pathologique afin d’en neutraliser ses effets délétères.


* Service d’Hématologie, Hôpital Tenon 4, rue de la Chine — 75020 Paris. ** Membre de l’Académie nationale de médecine . Service de Pédiatrie, Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Dr Arnold Netter — 75012 Paris. Tirés à part : Professeur Robert GIROT, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 5 novembre 2003, accepté le 19 janvier 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 3, 491-506, séance du 30 mars 2004