Communiqué
Session of 6 avril 2004

Avenir de l’Assurance Maladie

MOTS-CLÉS : cout médicament.. industrie pharmaceutique. médecine préventive. médecine sociale. remboursement assurance maladie. sécurité sociale
KEY-WORDS : drug costs.. drug industry. health reimbursement. insurance. preventive medecine. social medecine. social security

Gérard Milhaud **, au nom d’un groupe de travail

Résumé

L’institution d’une loi de finances de la Sécurité Sociale permettrait la clarté, la transparence et le contrôle des comptes. Dans les établissements de soins, l’équipe soignante devrait retrouver sa vocation au service des malades et les chefs de service une autorité sur cette équipe. La surconsommation médicamenteuse en France pose la question d’un ticket modérateur d’ordre public. Un service médical national unique de l’assurance maladie pourrait jouer son triple rôle de conseil, de médiation et de contrôle. Une organisation efficace de l’Assurance Maladie est proposée.

Introduction

La IVe division de l’Académie nationale de médecine exerçant son rôle d’observation et de vigilance dans le domaine de la médecine sociale a informé le conseil d’administration d’un sujet d’actualité dont il conviendrait que l’Académie se saisisse conformément à l’article 24-II § 4 et 5. Il s’agissait de l’avenir de l’assurance maladie, qui connaît la plus grave crise de son histoire tant pour son organisation que son financement.

La tâche est immense puisque le budget de l’assurance maladie s’élève à 43 % du budget de l’Etat. La caisse nationale de l’assurance maladie compte 100 000 employés, un peu moins que un employé par médecin du secteur libéral. A titre de comparaison, le budget du plus grand employeur de France, le ministère de l’Education Nationale ne représente que moins de la moitié de celui de l’assurance maladie.

 

Dans sa séance du 26 mai 2003, le conseil d’administration a décidé la création du groupe de travail sur l’avenir de l’assurance maladie, qui se mit immédiatement à l’œuvre.

Il est composé de 16 personnalités qui avaient en commun un intérêt sans faille pour sauver l’assurance maladie à laquelle la médecine française est étroitement liée. Cette institution qui avait surmonté tant de crises financières par le passé en recourant à des mesures transitoirement efficaces, se trouve en cessation de paiement. Tous les membres du groupe ont été impliqués dans l’assurance maladie à des degrés divers au cours de leur carrière — Directeur de la sécurité sociale au ministère du travail, conseiller social de deux premiers ministres, membres de cabinet ministériel, collaborateurs du père de la réforme hospitalo-universitaire de 1958, fondateurs des centres hospitalo-universitaires, Président d’université, créateur de l’Ecole nationale de la santé publique, membres de commissions ministérielles, de commissions de l’INSERM et du CNRS, président du Conseil National de l’Ordre des médecins, biologistes, chirurgiens et médecins des hôpitaux, professeurs de santé publique, spécialistes du droit et de l’expertise médicale, médecins conseil national d’un grand régime de l’assurance maladie (annexe I).

Les membres du groupe de travail réunissent ainsi les compétences indispensables pour aborder la réforme de l’assurance maladie avec un regard neuf, à condition de fédérer leurs énergies pour sauver cette institution garante de la cohésion nationale.

Le groupe de travail a tenu 32 séances. Les premières ont été consacrées à la confrontation des expériences et des points de vue des membres du groupe de travail et à présenter leurs propositions. Elles ont permis de réaliser un accord portant sur l’essentiel débouchant sur l’audition de 21 personnalités du monde administratif, médical, politique, hauts fonctionnaires, assureurs impliqués dans l’assurance maladie (Annexe II). Les auditions ont permis de proposer des mesures propres à établir une nouvelle architecture du système d’assurance maladie.

Les idées retenues sont les suivantes :

Cette crise financière doit comporter des remèdes financiers, mais en préservant les principes fondateurs de l’institution.

La transparence des comptes s’impose à tous les niveaux, à commencer par celle des recettes et des dépenses.

Les soins ont un coût dont la connaissance modifiera les mentalités et les comportements des prestataires de soins et des assurés sociaux.

Toute réforme préconisée ne devra pas entraîner de dépenses supérieures aux montants des économies envisagées.

Par ailleurs, aucune réforme durable ne pourra se faire sans l’accord des personnels de santé et des assurés sociaux.

 

Au cours des travaux, l’idée générale qui s’est dégagée est qu’une réforme de l’assurance maladie peut être réalisée en conservant les grands principes de notre système actuel : humanisme, liberté, responsabilité et solidarité. Ainsi on aura préservé le caractère humain de la médecine française sur lequel l’Académie nationale de médecine a insisté à plusieurs reprises. Mais ceci n’est possible que si le comportement des assurés sociaux se modifie et s’ils prennent vraiment en charge la responsabilité financière de leurs soins, s’ils se montrent économes dans leurs dépenses d’assurance maladie comme s’il s’agissait de leurs propres deniers.

L’Académie nationale de médecine a proposé des axes de réflexion sur ces différents problèmes, au cours de la séance thématique du 10 février 2004 (Annexe III), divers thèmes ont été traités exposant les principes d’une réforme de l’assurance maladie assurant durablement son avenir (Annexe IV).

Après la séance thématique, le groupe de travail a continué ses activités et quatre thèmes nouveaux ont été abordés :

Droits et responsabilités de l’assuré social par Gabriel Blancher Devoirs et responsabilités du médecin dans le cadre de l’assurance maladie par Bernard Glorion L’organisation de l’assurance maladie par Michel Lagrave Assurance maladie et enseignement de la médecine par Michel Huguier L’ensemble des propositions a été synthétisé dans le communiqué suivant :

Communiqué de l’Académie nationale de médecine sur l’avenir de l’Assurance maladie

L’Académie Nationale de Médecine :

— constate que le déficit de l’assurance maladie ne cesse de se creuser imposant d’urgence une réforme — considère aussi que tout doit être fait pour maintenir notre système d’assurance maladie qui a le mérite d’allier la liberté à la solidarité — estime que l’équilibre financier de l’assurance maladie peut être rétabli et maintenu, sans mettre en cause la qualité des soins, grâce à des mesures concernant le comportement des assurés sociaux, des personnels de santé et du personnel administratif, l’organisation et le fonctionnement des établissements de soins qui génèrent plus de la moitié des dépenses, la politique du médicament, le contrôle médical et la transparence des comptes L’Académie nationale de médecine, publie le communiqué suivant :

L’avenir de la médecine française dépend pour une large part de celui de l’assurance maladie dont les principes fondateurs : humanisme, liberté, responsabilité et solidarité, peuvent et doivent être conservés.

 

Pour éviter toute dérive du système , l’assuré social doit se sentir pleinement responsable, participer personnellement, même de façon réduite, au financement de ses propres soins, la gratuité totale ne devant s’appliquer qu’aux plus défavorisés dans le cadre d’une assistance rénovée. La prévention, pouvant entraîner des économies substantielles pour l’assurance maladie, est un devoir national pour chacun.

Le renforcement de l’autorité médicale avec pour corollaire une responsabilité financière s’impose dans les établissements de soins.

L’interdépendance entre une médecine de pointe et l’innovation thérapeutique impose la définition d’une politique du médicament. En effet, la réglementation actuelle du prix des médicaments et la promotion des génériques peuvent diminuer à court terme les prises en charge par l’assurance maladie. Mais, à moyen et long termes, leurs effets pourraient s’avérer néfastes pour l’avenir de l’industrie nationale du médicament.

Des charges indues grèvent le budget de l’assurance maladie et creusent le déficit. Aussi la transparence des comptes devrait être assurée par une loi organique de finances sociales concernant notamment, l’assurance maladie. Les recettes et les dépenses devraient faire l’objet d’une évaluation précise, que l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) ne permet pas.

La création d’un service médical national de l’assurance maladie est indispensable . Il formerait un corps unique de praticiens efficaces, (médecins, chirurgiens, biologistes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens) inscrits sur liste d’aptitude, établie par recrutement à la suite d’un concours national. Il s’agirait d’un corps autonome sous hiérarchie médicale et indépendant des caisses, incluant de droit les praticiens conseils en exercice, sauf opposition de leur part.

Il aurait un quatruple rôle :

— conseil de la politique de santé et études épidémiologiques — contrôle des prescriptions et prestations dans le respect du code de déontologie — médiation entre les praticiens, les assurés sociaux et les caisses — relations avec l’agence régionale de santé L’équilibre des comptes une fois rétabli ne dispensera pas d’identifier et d’éliminer les abus et les gaspillages pour dégager des marges financières permettant de faire face à l’augmentation inévitable des dépenses de soins consécutives au vieillissement de la population et au coût croissant du progrès médical. Une augmentation des recettes par la contribution sociale généralisée (CGS) ne saurait précéder la remise en ordre de l’assurance maladie. La prolongation de la période déjà longue de remboursement de la dette sociale (RDS) paraît inévitable pour apurer le déficit actuel.

 

Conformément à sa mission, l’Académie nationale de médecine est à la disposition du gouvernement pour répondre aux questions que pose la réforme sur l’avenir de l’assurance maladie et participer aux réunions qu’il organisera sur ce sujet.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 6 avril 2004, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.

 

Le texte de ce communiqué, dans son intégralité, peut être consulté sur le site www.academie-medecine.fr

 

* Constitué de MM. AMBROISE-THOMAS, AUQUIER, BLANCHER, BOUDÈNE, DUBOIS G., GLORION, GUÉNIOT, HOLLENDER, HUGUIER, LAGRAVE, LOISANCE, MILHAUD Président, ROSSIGNOL, SÉNÉCAL, TILLEMENT, VAYRE. ** Membre Académie nationale de Médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 4, 695-699, séance du 6 avril 2004