Résumé
Après cinquante ans d’existence, la Direction générale de la santé du Ministère chargé de la santé poursuit son action au service de la santé publique. Faire face dans l’urgence à de nombreuses crises sanitaires, préparer le pays à de grandes menaces sanitaires, renforcer la prévention des maladies et la gestion des risques, assurer la coordination de nombreux acteurs de santé au niveau national et faire valoir les orientations de la politique nationale de santé au niveau européen et international, sont les principaux défis que doit relever la Direction générale de la santé.
Summary
The Direction générale de la santé, created fifty years ago as part of the French Ministry of Health, is devoted to public health. Among the current challenges which the Direction générale de la santé must meet are various types of potential health crisis, preparing the country for major health threats, reinforcing disease prevention and risk management, coordinating health institutions at the national level, and promoting French health policies within Europe and internationally.
INTRODUCTION
Née en juillet 1956 de la fusion de la Direction de l’hygiène publique et de la Direction de l’hygiène sociale, la Direction générale de la santé a cinquante ans cette année. Elle est une des des six directions d’administration centrale du Ministère de la Santé et des Solidarités. Le Directeur général de la santé rend compte au Ministre chargé de la santé. Il est nommé par décret en Conseil des Ministres.
MISSIONS ET ORGANISATION DE LA DIRECTION GENERALE DE LA SANTE
Les missions de la Direction générale de la santé sont décrites dans le décret 2000-685 du 21 juillet 2000. En élaborant et en contribuant à la mise en œuvre de la politique nationale de santé, la DGS poursuit un objectif majeur : analyser les besoins de santé, préserver et améliorer l’état de santé de la population en proposant les buts et priorités de la politique de promotion de la santé et en déterminant et coordonnant les programmes d’intervention.
Une lettre de mission adressée par le Ministre chargé de la santé au Directeur général de la santé fixe à celui-ci des priorités d’action dans le cadre de ces missions.
Une lettre annuelle lui fixe des objectifs quantifiés. Depuis la publication du décret du 12 août 2006, la rémunération du Directeur général comporte une part variable qui tient compte de sa performance dans l’atteinte de ces objectifs.
Comportant environ trois cent soixante-dix agents dont 70 % de cadres A et plus de 70 % de femmes, la Direction générale de la santé est composé de deux services.
Le service « politique de santé et qualité du système de santé » se compose de quatre sous-directions : la première a pour principales missions l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre des politiques et des stratégies de santé publique sous l’angle des méthodes (analyse des besoins et objectifs de santé, mise en œuvre de la loi de santé publique d’août 2004, méthodes de programmation, indicateurs, évaluation, recherche, prospective et système d’information) ; la seconde, dédiée à la qualité du système de santé, fait une large place aux professions de santé (formation, Ordres, déontologie, démographie)), à la qualité des pratiques et aux liens avec l’AssuranceMaladie (relations avec la Direction de la sécurité sociale, les organismes d’assurance maladie, la Haute Autorité de Santé) ; la troisième a compétence sur l’ensemble des produits de santé (médicament, dispositifs médicaux, produits d’origine humaine), ce qui réclame une importante production réglementaire, notamment en relation avec la réglementation européenne ; la quatrième est en charge des questions de ressources humaines, financières, juridiques et transversales, notamment des relations avec les services déconcentrés, les agences sanitaires nationales et la Direction de l’administration générale, du personnel et du budget.
Le service « prévention, programmes de santé et gestion des risques » comporte trois sous-directions : la cinquième, en charge de nombreux programmes de santé publique, touchant principalement les maladies infectieuses, le cancer, les vaccinations, et les maladies chroniques ; la sixième, centrée sur les domaines de la santé et de la précarité, de la santé mentale et des toxicomanies ; la septième, tournée vers les problématiques de santé environnementale et de santé au travail.
Au sein de chacune de ces sous-directions sont prises en compte les relations avec les agences sanitaires, principalement sur les sujets touchant au contenu technique des missions de ces agences : par exemple, les relations avec l’Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé et l’Agence de la biomédecine au niveau de la troisième sous-direction ; les relations avec l’Institut national du cancer au niveau de la cinquième sous-direction ; les relations avec l’Institut national de prévention et d’éducation en santé au niveau de la sixième sous-direction.
Un département des situations d’urgence sanitaire assure les travaux de planification et de préparation face aux grandes menaces sanitaires (pandémie, bioterrorisme) et de gestion des situations d’urgence ou critiques, en lien toujours étroit avec l’Institut national de veille sanitaire.
Une cellule chargée des affaires internationales et européennes, une cellule de communication, une cellule d’appui scientifique et une structure en charge des aspects transversaux relatifs à l’ensemble des agences sanitaires complètent la Direction générale de la santé.
FONCTIONS
Le service de l’action politique
A la disposition du Ministre chargé de la santé, la Direction générale de la santé doit tout à la fois appuyer l’action du Ministre avec la réactivité qu’impose la vie politique, notamment en respectant les brèves échéances qui caractérisent la vie parlementaire et l’activité des médias.
Elle doit aussi effectuer un travail de moyen terme en contribuant à l’élaboration de politiques par des propositions, et à la mise en œuvre des politiques, notamment à travers la mise en application de la loi grâce à la production réglementaire. Accélérer le rythme de la production réglementaire (décrets, arrêtés), afin que les lois, notamment relatives à la bioéthique du 6 août 2004, aux responsabilités locales du 13 août 2004 avec l’important sujet de la recentralisation de la lutte contre diverses pathologies, à l’assurance maladie du 13 août 2004 et à la fin de vie du 22 avril 2005, soient appliquées plus vite, est un des objectifs prioritaires assignés au Directeur général de la santé par le Ministre.
Le défi de l’amélioration qualitative et quantitative de la production réglementaire conduit à affronter des difficultés de plusieurs natures, techniques (par exemple, les textes de la loi de bioéthique), liées à l’exigence d’une très large concertation (par exemple, les textes touchant les professions de santé), nécessitant une concertation interministérielle étendue (par exemple, dans les domaines touchant l’environnement), ou tenant à la complexité de l’articulation avec la réglementation européenne (par exemple, touchant les produits de santé) ou des spécificités du droit de l’OutreMer.
La mise en œuvre de la fonction stratégique de l’Etat
L’orientation générale est que l’Etat central auquel la Direction générale de la santé appartient doit focaliser son action sur des tâches de nature stratégique plutôt centrées sur le faire-faire que sur le faire, sur la coordination, la mise en cohérence, la synchronisation des actions, et la promotion de la performance.
La création de nombreuses agences sanitaires au cours des années passées (la DGS a aujourd’hui une tutelle exclusive ou partagée sur une dizaine d’agences sanitaires) conduit la Direction générale de la santé à orienter son action sur la fonction de tutelle, en particulier sur le développement de la contractualisation avec les agences autour d’objectifs partagés et sur l’évolution de la collection d’agences peu à peu constituée vers un système d’agences.
Dans de nombreux domaines, la DGS doit s’efforcer de jouer un rôle de coordination entre tous les organismes indépendants ayant en charge une part du rôle des acteurs publics. C’est le cas, par exemple, dans le domaine du médicament avec la mise en place du comité de liaison associant l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, la Haute Autorité de Santé, l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie. C’est le cas aussi dans le domaine de la sécurité des patients qui doit rassembler les compétences de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, de l’Institut national de veille sanitaire, de la Haute Autorité de Santé et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
L’animation de nombreuses instances d’expertise et l’interaction avec les services déconcentrés de l’État (DRASS, DDASS) réclament que la Direction générale de la santé joue un rôle constant de mise en cohérence et de synchronisation.
En terme de performance, la mise en œuvre de cette fonction stratégique passe par le recrutement aux postes clés, de personnes aptes à la définition d’objectifs de moyen terme, à l’établissement de la relation entre programmes d’action et moyens, notamment dans la relation avec les agences sanitaires et les services déconcentrés, et à la concertation avec les responsables des directions des autres ministères concernés.
La DGS s’est engagée d’emblée dans la mise en œuvre de la loi portant orientation de la loi de finances (LOLF), c’est-à-dire avec le souci d’intégrer au plus vite dans son mode de travail les notions de programme, d’objectif quantifié, de résultats et de performance. La Direction générale de la santé pilote deux programmes « veille et sécurité sanitaire (VSS) » et « santé publique et prévention (SPP) ». Elle participe à trois autres programmes du ministère : offre de soins et qualité du système de soins, conception et soutien des politiques sanitaires et sociales, et drogue et toxicomanie.
Les relations inter-directions et inter-ministères
L’articulation avec la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) est une priorité pour la Direction générale de la santé. Cette proximité conditionne la lisibilité du rôle de l’Etat central dans plusieurs domaines, qu’il s’agisse du médicament, des professions de santé, de la gestion des alertes, de plusieurs programmes de santé publique tels que les programmes relatifs aux maladies chroniques, aux maladies rares, à la santé mentale, ou à la lutte contre les infections nosocomiales. Cette proximité est si nécessaire que constituer une seule et même Direction générale (une situation qui exista brièvement à la fin des années 70) serait peut-être la meilleure manière d’y parvenir.
Un enjeu stratégique en termes de santé publique tient dans les liens établis avec l’Assurance maladie et avec la Direction de la sécurité sociale : la pérennité du système d’assurance maladie, par son impact sur l’égalité d’accès aux soins et aux actes de prévention, est un objectif prioritaire de santé publique ; la promotion de l’engagement des acteurs du système de soins, en particulier les médecins, dans les actions de santé publique, de prévention, d’information et d’éducation, est également un enjeu majeur.
De façon croissante, la santé réclame une action interministérielle. Celle-ci se concrétise dans la coopération avec les administrations centrales d’autres ministè- res. C’est le cas, dans le domaine de la sécurité alimentaire et pour la tutelle conjointe de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, avec la Direction générale de l’alimentation du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche et avec la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes du Ministère de l’Economie et des Finances. C’est le cas aussi, dans les domaines liant la santé à l’environnement ou au travail et pour la tutelle conjointe de l’Agence française de la sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, avec la Direction de la protection et de la prévention des risques du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable et avec la Direction générale du travail du Ministère de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du Logement.
L’expérience de la coordination interministérielle acquise par le Directeur général de la santé nommé fin août 2005 Délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, constitue un atoût dans d’autres domaines où la coopération avec d’autres Ministères est indispensable en matière de santé, notamment avec le Ministère de la Justice (santé des détenus), le Ministère chargé de l’Education nationale (santé des enfants et des adolescents), le Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire (relations avec les collectivités locales, préparation aux grandes menaces sanitaires), le Ministère de l’Outre-Mer (importance des problèmes de santé publique en Guyane et à Saint-Martin) et le Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (programmes de formation des professionnels de santé).
Le rôle international et européen
Mises à part quelques actions relevant des relations bilatérales, le rôle de la Direction générale de la santé se développe dans deux horizons, celui, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et celui de l’Europe.
Ces actions, menées en lien étroit avec le Département des affaires européennes et internationales du Ministère chargé de la Santé et avec le Ministère des Affaires Etrangères, consistent à exprimer la position du gouvernement français au niveau technique dans le cadre de la préparation des règlements pris au niveau mondial ou européen, et en vue de la préparation des rencontres des Ministres de la santé européens.
Au niveau de l’OMS, le chantier le plus important actuellement est celui de la mise en œuvre du nouveau règlement sanitaire international. Au niveau européen, les compétences limitées de l’Europe en matière de santé restreignent beaucoup le champ des travaux menés en commun. Celui-ci est largement occupé par les problèmes de sécurité sanitaire des produits de santé qui circulent librement d’un pays à l’autre au sein de l’Union européenne.
Régulièrement, au niveau européen, des rencontres rassemblent les Chief Medical Officers dont le rôle et la mission varient d’un pays à l’autre mais qui, dans la plupart des pays, ont un rôle semblable à celui du Directeur général de la santé. Ces rencontres visent à confronter les expériences et les points de vue concernant les problèmes et les politiques de santé publique menées au niveau de chaque pays.
ENJEUX ET PERSPECTIVES
Ce texte sur « la Direction générale de la santé aujourd’hui » souffre d’un manque de recul. Même si, au cours des années passées l’auteur, en temps que directeur général de l’Etablissement français des Greffes, a eu l’occasion d’un contact de plusieurs années avec la DGS, qui était la direction de tutelle, et peut donc être juge de son évolution, ce contact a été trop partiel et intermittent pour qu’il soit possible de parler de l’évolution de la DGS sur une durée de plusieurs années. Cette analyse des enjeux et perspectives s’appuiera donc sur un recul d’environ dix-huit mois d’occupation des fonctions de Directeur général.
Entre réactivité et continuité
Un des principaux défis que doit relever la Direction générale de la santé est de pouvoir d’un côté, faire preuve d’une grande réactivité face à des évènements sanitaires critiques ou qui, sans revêtir un tel caractère, en ont certaines apparences du fait de la dimension médiatique qui les accompagne et, de l’autre côté, accomplir dans la continuité un travail de programmation.
Ce défi a été illustré durant la période 2005-2006 par la nécessité d’assurer la préparation à une épidémie, en l’occurrence à une pandémie grippale dans un contexte marqué par la prégnance de l’épizootie liée au virus d’influenza aviaire IA H5N1, et à diverses menaces bioterroristes et, en même temps, de lutter contre différents phénomènes sanitaires graves (une épidémie de méningite dans la région de Dieppe ; une épidémie survenue à la Réunion et à Mayotte liée au virus Chikungunya et dont le caractère explosif s’était révélé imprévisible ; une forte épidémie de Dengue en Guyane ; deux épisodes caniculaires, fin juin 2005 et surtout en juillet 2006).
Afin de faire face à cette double exigence, la Direction générale de la santé dispose en son sein d’un Département des situations d’urgence sanitaire de création récente et dont la fonction est double : à la fois participer au travail de programmation dans la perspective d’une préparation à une pandémie ou à d’autres menaces notamment bioterroristes (participation au travail de planification, acquisitions de produits destinés à protéger la population et les professionnels, mise en œuvre de capacités logistiques) et contribuer à la gestion des risques sanitaires dans une configuration qui est parfois celle de la gestion de crise (articulation étroite avec le Ministre et son cabinet ; conférences téléphoniques quotidiennes avec l’ensemble des acteurs concernés).
Des expériences récentes ressortent un certain nombre de constats sources d’amé- liorations pour l’avenir : l’importance de l’articulation avec l’Institut national de veille sanitaire, qui est chargé de l’évaluation des risques et avec lequel le travail doit être d’une grande étroitesse en situation critique afin d’apprécier au mieux l’impact sanitaire en cours ou potentiel des évènements observés ; la nécessité de pouvoir mobiliser rapidement l’appareil de recherche, afin de recueillir les éléments de connaissance susceptibles de contribuer à un progrès dans la gestion du phénomène sanitaire ; assurer un lien très étroit avec la DHOS dans la mesure où la capacité de réponse du système de soins conditionne largement la capacité à faire face à la crise ;
le caractère essentiel enfin de la mobilisation de la population et de ses élus locaux en vue d’une réponse efficace à certaines épidémies. De ces constats ont émergé notamment les notions de corps de réserve sanitaire sur le modèle de ce qui se fait dans les domaines de la défense et de la sécurité civile, de mobilisation sociale dans l’esprit des ateliers Combi 1 imaginés au niveau de l’OMS, et de catastrophe naturelle de nature épidémique compte tenu de l’impact sanitaire, mais aussi socioéconomique, de certaines épidémies.
Dans ces contextes critiques, l’enjeu pour la Direction générale de la santé est, tout en réagissant de façon urgente, de constituer aussi un pôle de continuité notamment grâce aux réunions hebdomadaires de sécurité sanitaire qui, en réunissant l’ensemble des organismes concernés, permettent de garder, y compris en période de crise, une vision assez large sur l’ensemble des problèmes susceptibles d’apparaître.
1. Combi pour Community behavior impact . Ces ateliers créés par l’OMS ont pour fonction de préparer la population et ses élus locaux à faire face à certaines formes d’épidémies.
L’enjeu est aussi d’assurer une bonne insertion du Département des situations d’urgence sanitaire dans l’ensemble de la Direction générale de la santé afin que ce département puisse bénéficier et s’appuyer sur l’expertise présente au sein de la Direction générale de la santé ou mobilisable par celle-ci.
La promotion de la santé et le renforcement de la gestion des risques
La DGS a en charge le cadre général de la politique de santé publique. L’application de la loi de santé publique est évaluée tous les cinq ans pour définir les objectifs et les plans de santé publique selon les termes du rapport du gouvernement fondé sur les propositions du Haut Conseil de Santé Publique, instance d’expertise et d’évaluation, en tenant compte de la concertation menée au sein de la Conférence nationale de santé, et en s’appuyant sur la coordination interministérielle conduite au niveau du Comité national de santé publique.
Elle assure un suivi étroit de l’application de la loi de santé publique au niveau régional ou la mise en place des Conférences régionales de santé et des Groupements régionaux de santé publique et où la définition des Programmes régionaux de santé publique traduisent la volonté de concertation, de rassemblement des institutions jouant un rôle stratégique et de prise en compte des spécificités régionales, et préfigurent le renforcement de la coordination de la mise en œuvre au niveau départemental et l’accroissement d’efficacité des divers acteurs de terrain.
Du point de vue de la santé, la situation française est celle d’un pays développé dans lequel l’espérance de vie moyenne est parmi les plus longues et où la performance globale du système de santé est parmi les meilleures mais qui pâtit malgré tout, d’une mortalité prématurée évitable élevée en particulier chez les hommes de moins de 65 ans, et de notables inégalités de santé selon les régions, au sein des régions, et selon les catégories sociales. Ces inégalités reflètent des variations en termes de niveau socio-économique et environnementales. Si le système de soins est globalement jugé efficace, notamment en raison de l’égalité d’accès aux soins que l’Assurance maladie autorise, il est également admis que, si l’accent a été mis de longue date sur la formation, la motivation et l’équipement des professionnels du soin, il n’en a pas été autant dans le domaine des actions de santé publique, de prévention, d’information et d’éducation.
L’enjeu pour la Direction générale de la santé est de contribuer à une baisse de la mortalité prématurée évitable et de la morbidité évitable en renforçant la place de la prévention dans le système de santé, en développant la prévention primaire, principalement vis à vis du tabac et de l’alcool, mais aussi secondaire et tertiaire. Il est en particulier d’accompagner le développement et la mise en cohérence des actions de prévention décidés par le Ministre en 2006, selon les âges de la vie, en tenant compte de l’impact des différents déterminants de la santé, et avec la volonté de réduire les inégalités dans l’accès à la prévention et à l’information. L’enjeu est aussi d’accom-
pagner les mesures visant à préserver l’équilibre économique de l’Assurance maladie dont la pérennité, pas son apport dans la lutte contre les inégalités de santé, est un enjeu essentiel en termes de santé publique.
Au cours des dernières années, un effort important a été fait en vue de renforcer la sécurité sanitaire des produits de santé (médicaments, dispositifs médicaux, produits d’origine humaine). L’enjeu aujourd’hui est d’élargir cette ambition autour de la notion de sécurité des patients vers tout ce qui concerne la sécurité liée aux soins (sécurité des pratiques et des actes, sécurité des organisations, notamment en milieu hospitalier), et face aux grandes menaces sanitaires qui se dessinent (épidémies, pandémies, bioterrorisme). L’enjeu est aussi de mieux se préparer à de telles menaces.
Pour la Direction générale de la santé, ceci passe par un renforcement des dispositifs de veille et de surveillance (recueil des données, rôle de l’Institut national de veille sanitaire, mobilisation de la recherche) et par l’amélioration de la gestion des risques quel que soit le domaine d’intervention environnemental (agent infectieux, eau, aliments, milieux de vie ou de travail), notamment en condition d’urgence. Ce renforcement devra s’accompagner d’une amélioration du circuit des signalements, qui s’est construit au fil des ans en tuyaux d’orgue afin que, de la source à la destination, le circuit soit compréhensible, d’usage aisé, peu redondant et qu’il permette d’optimiser l’analyse des évènements indésirables.
Une manière de contribuer au renforcement de la gestion des risques sera aussi de participer, en relation avec de nombreux acteurs, au développement de la qualité du système de santé dans son ensemble au travers du nombre, de la répartition, de l’évaluation et de la formation, de l’information et du respect des droits des malades et des usagers, du respect des principes éthiques, et de l’évaluation des pratiques, des organisations, et des résultats des actions de prévention, de diagnostic et de soins.
La mise en œuvre des politiques publiques et la réorganisation de la Direction générale de la santé
La mise en œuvre des plans et programmes stratégiques (cancer, environnement, maladies chroniques, violence et santé) de santé publique s’effectue à travers l’interaction avec de nombreux organismes publics nationaux, sur lesquels la Direction générale de la santé exerce une tutelle (agences sanitaires) au sein des instances délibératives desquelles elle est représentée (assurance maladie), ou territoriaux qui constituent des services déconcentrés (DRASS/DDASS) ou des agences régionales (ARH) avec lesquels elle est en relation étroite et qu’elle anime ou coordonne, ainsi qu’avec des organismes privés (associations).
A partir d’un budget global de 753 millions d’euros en 2006, cette mise en œuvre se matérialise par des allocations de crédits ou de subventions, la Direction générale de la santé finançant directement des acquisitions, notamment dans le cadre de la
préparation à certaines menaces sanitaires (pandémie grippale, méningite, terrorisme), ou participant à la gestion de crises nationales ou de crises réclamant la coordination de nombreux acteurs locaux.
Deux enjeux majeurs se dégagent aujourd’hui : au niveau déconcentré, pour la promotion comme pour la protection de la santé, contribuer à la concrétisation de l’échelon stratégique régional en termes de santé publique que représentent l’élaboration des programmes régionaux de santé publique, et la mise en place des groupements régionaux de santé publique et des conférences régionales de santé, puis favoriser l’organisation à l’échelon départemental et au niveau des acteurs de terrain ; au niveau national, contribuer à la mise en cohérence et à la coordination de l’action des agences sanitaires nationales qui contribuent de façon importante au renforcement de la sécurité sanitaire en France, par leur expertise indépendante et transparente et dans certains cas, par leur rôle de police sanitaire.
Dans ce contexte évolutif, la réorganisation de la Direction générale de la santé est un enjeu important des mois à venir, car les importantes évolutions de 2000 (constitution d’un pôle important de santé publique), puis de 2004 (création du Département des situations d’urgence sanitaire), doivent être poursuivies pour accroître la capacité stratégique de la Direction, mettre en œuvre la répartition des compétences récemment décidées par le Ministre entre la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins et la Direction générale de la santé concernant les professions de santé et la gestion de la réponse aux alertes et adopter l’organisation de la Direction aux évolutions récentes.
L’esprit de cette réorganisation est d’améliorer la gouvernance en créant un poste de Directeur général adjoint auquel rendront compte directement un secrétaire général et les sous directeurs. Il vise aussi à distinguer quatre sous directions renforcées centrées sur le cœur de métier de la santé publique de la Direction, l’une d’entre elles affichant clairement la préoccupation liée aux risques infectieux. Il met aussi en avant, d’un côté, un secrétariat général prenant en charge les fonctions support de la Direction, mais aussi toutes les tâches de coordination et d’appui méthodologique, en planification et évaluation, relatives aux programmes de santé publique, de l’autre côté, un département des urgences sanitaires constitué à la fois pour être réactif face aux urgences, être le point focal national au sens du règlement sanitaire international, représenter le point d’entrée ministériel, donc inter directionnel, de la régulation de la gestion des réponses aux alertes, et assumer les tâches de planification nécessaires face aux grandes menaces sanitaires.
L’esprit de cette réorganisation est enfin de s’accompagner d’une amélioration des processus managériaux afin d’atténuer pour les personnels les difficultés liées aux fortes tensions auxquelles est soumise la Direction générale de la santé.
DISCUSSION M. Jacques-Louis BINET
Quelles sont les relations entre la Direction générale de la santé et la Haute Autorité de Santé ? En quoi l’Académie nationale de médecine peut-elle vous aider ?
La Haute Autorité de Santé (HAS) créée par la loi du 13 août 2004 résulte de la fusion entre l’ancienne Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) — dont elle a repris les missions — la Commission de la transparence, la Commission d’évaluation des produits et prestations et le Fonds de promotion de l’information médicale et médico-économique (FOPIM). Il s’agit d’une autorité indépendante à caractère scientifique qui rapporte directement au ministre de la santé. Comme vous pouvez le supposer, la Direction générale de la santé (DGS) suit attentivement les travaux de la HAS et entretient d’excellentes relations de travail avec elle dans un objectif d’amélioration de la qualité des actes et du système de soins. Il est encore trop tôt pour évaluer l’apport de ce nouveau dispositif et l’Académie nationale de médecine peut apporter une aide en appelant l’attention tant de la HAS que de la DGS sur des pratiques à risque qui nécessitent un encadrement particulier par des recommandations de bonne pratique ou des mesures plus contraignantes qui relèvent de la loi ou du règlement.
M. Michel ARSAC
Existe-t-il une structure de coordination avec les organisations équivalentes dans les pays voisins ? L’intérêt de telles liaisons est considérable en face des risques épidé- miques.
La coordination entre la DGS et ses équivalents européens revêt plusieurs formes. Tout d’abord, mes homologues et moi-même nous réunissons deux fois par an pour échanger sur un certain nombre de sujets ; les questions liées aux menaces pour la santé publique et celles liées aux maladies transmissibles sont fréquemment abordées dans ce forum informel. Depuis 1999, un système d’alerte précoce et de réaction (réseau informatique Early Warning Rapid System ou EWRS) permet de notifier des évènements comme des foyers infectieux, d’échanger des informations et de coordonner les mesures mises en œuvre. En outre, des réunions périodiques organisées par les services de la Commission Européenne sur divers sujets permettent des débats approfondis et un rapprochement des points de vue. Dans le cas particulier des risques majeurs (bioterrorisme, pandémie grippale, …) le Comité de sécurité sanitaire, groupe informel réunissant les Etats membres et la Commission Européenne, a pour mission de faciliter et de soutenir les efforts et initiatives de coordination et de coopération au niveau européen. Enfin, la création du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l’évolution récente du Règlement sanitaire international sont de nature à favoriser une meilleure circulation des informations et une réponse coordonnée aux alertes et aux crises. Néanmoins, il est clair que nous avons encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine au sein de l’Union européenne.
M. Claude DREUX
Quels sont les moyens dont nous pouvons disposer pour juger les qualités professionnelles et la formation initiale des professionnels de santé de la Communauté européenne qui demandent à exercer en France ? En tant que président de la commission nationale permanente de biologie médicale, je me pose notamment cette question en ce qui concerne les biologistes.
Le droit européen impose à chaque Etat membre de reconnaître automatiquement les titres de formation donnant accès aux activités professionnelles d’infirmier, de médecin, de pharmacien, de praticien de l’art dentaire, de sage femme et de vétérinaire. La directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles reprend aussi le principe de la reconnaissance automatique pour les spécialisations médicales ou dentaires communes au moins à deux États membres dans le droit existant, mais en limite l’application pour les nouvelles spécialisations médicales à celles communes à au moins deux cinquièmes des États membres. Pour l’équivalence des diplômes, la directive fixe les conditions minimales de formation pour les médecins spécialistes (annexe 5) comme par exemple une durée de quatre ans pour la spécialisation en biologie médicale. Mais, contrairement aux autres professions réglementées, la directive ne laisse pas ouverte pour la formation des médecins la possibilité pour les États membres d’établir des programmes d’étude plus approfondis. Une demande individuelle de reconnaissance, accompagnée des documents et certificats, limitativement énumérés dans la directive, doit être introduite auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’accueil (le conseil départemental de l’ordre des médecins pour la France). Une décision doit être prise dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier complet. Toutefois, ce délai peut être prorogé d’un mois dans le cadre du régime général de reconnaissance. Tout refus doit être dûment motivé et doit, tout comme l’absence de décision dans le délai imparti, pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel de droit national.
M. Denys PELLERIN
Vous avez bien justement évoqué le bénéfice attendu d’une approche régionale de la santé.
Pensez-vous que les éventuelles agences régionales de santé (ARS) seront en mesure de rendre plus effective, et efficace l’approche sanitaire et sociale de nombreuses situations (personnes handicapées, personnes âgées) qui sont si mal prises en compte du fait de la détention du sanitaire qui relève de l’Etat et du social qui, du fait de la décentralisation, relève des collectivités locales ?
Si un mouvement en faveur de la région s’est développé à partir des années 1970, les ARH sont les premières instances à avoir regroupé, sur le territoire de la région administrative, l’ensemble des actions menées en matière de planification et de politique des soins hospitaliers. Leur réussite a contribué à promouvoir l’idée d’une véritable régionalisation de la politique de santé, d’où l’idée de la création d’agences régionales de santé exerçant les fonctions des ARH, élargies au secteur ambulatoire et à la mise en œuvre des politiques de santé publique (y compris la prévention et le secteur médico-social). Ainsi, l’idée d’une ARS couvrant à la fois l’offre de soins et la santé publique figurait déjà en 1993 dans le rapport « Santé 2010 » du Commissariat général au Plan. Par la suite, cette idée a été reprise dans divers projets dont des propositions de loi, mais les ARS restent à créer. Peut-être les Groupements régionaux de santé publique (GRSP), groupements d’intérêt public institués par la loi du 09 août 2004 relative à la politique de santé publique et dont les ARH sont membres, constitueront-ils une étape facilitatrice dans cette voie.
* Directeur général de la santé (DGS) Ministère de la Santé et des Solidarités, 14 Avenue Duquesne, 75007, Paris. Tirés à part : Professeur Didier HOUSSIN, même adresse.
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 7, 1339-1350, séance du 3 octobre 2006