Communication scientifique
Séance du 12 mai 2009

La différenciation du trophoblaste humain

MOTS-CLÉS : complications de la grossesse.. oxygène. placenta. retroviridae
Human trophoblast differentiation
KEY-WORDS : oxygen. placenta. pregnancy complications. retroviridae. trophoblasts

Danièle Evain-Brion, Jean Guibourdenche, Vassili Tsatsaris, Thierry Fournier *.

Résumé

Le rôle du placenta au cours de la grossesse normale et pathologique reste encore trop mal connu. Cependant au cours de ces dernières années de nouveaux aspects de la biologie du trophoblaste ont été révélés. D’une part l’environnement en oxygène et des protéines d’enveloppe rétrovirale, spécifiquement exprimées dans le trophoblaste, semblent jouer un rôle fondamental dans sa différenciation morphologique et fonctionnelle. D’autre part, les fonctions hormonales trophoblastiques évoluent qualitativement et quantitativement, d’un rôle paracrine au premier trimestre de la grossesse vers plus tardivement un rôle endocrine impliqués dans la placentation et la quiescence utérine. Ces éléments ouvrent de nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques des pathologies de la grossesse d’origine placentaire.

Summary

The role of the placenta in normal and pathological pregnancy is poorly understood, but important new insights into trophoblast biology have been obtained in recent years. The oxygen environment and retroviral envelope proteins are now known to play a role in morphological and functional differentiation of the human trophoblast. The qualitative and quantitative development of trophoblast hormonal functions during pregnancy, from a paracrine role during the first trimester to an endocrine role in placentation and uterine quiescence, is becoming increasingly clear. These findings are offering new perspectives in the diagnosis and treatment of disorders of placental origin. Une semaine après la fécondation, le blastocyste a épuisé ses réserves nutritives, sa vie libre ne peut donc être que de courte durée. Il se différencie en bouton embryonnaire et en trophoblaste. Ce dernier définit alors avec l’organisme maternel par un processus d’implantation, une structure qui lui permettra de se développer au cours de la gestation : le placenta. Le placenta humain est caractérisé par l’invasion majeure du trophoblaste le conduisant au contact du sang maternel (placentation hémochoriale) et par l’intensité et la spécificité de ses fonctions hormonales. Ces hormones jouent un rôle essentiel dans l’établissement et le maintien de la grossesse, l’adaptation de l’organisme maternel à la grossesse, la croissance et le développement du fœtus et dans le mécanisme de la parturition.

DIFFÉRENCIATION MORPHOLOGIQUE DU TROPHOBLASTE HUMAIN

Développement des villosités choriales

Le placenta humain est un placenta de type villeux. Dès trois semaines après la fécondation, l’unité structurale et fonctionnelle du placenta humain, la villosité choriale, est en place dans sa structure définitive. Cette villosité est formée par un axe mésenchymateux où se développent par une angiogénèse et une vasculogénèse intenses les vaisseaux fœtaux et est bordée par le trophoblaste. Elle est soit ancrée dans l’utérus maternel, soit flottante dans la chambre intervilleuse. Au sein de cette villosité, le trophoblaste se différencie suivant deux voies : le trophoblaste extravilleux au contact de la muqueuse utérine qui assure l’ancrage du placenta et le trophoblaste villeux recouvrant l’arbre villositaire, siège des échanges fœtomaternels et des fonctions endocrines placentaires.

Le trophoblaste extra-villeux est invasif et pénètre profondément dans la muqueuse utérine jusqu’au tiers supérieur du myomètre. Ainsi à la base des villosités crampons, les cytotrophoblastes extravilleux sont tout d’abord prolifératifs, groupés, en colonne. Puis ils perdent leur caractère prolifératif et vont migrer et envahir l’endomètre maternel en interagissant avec les cellules déciduales et les cellules immunocompétentes intra-déciduales, tels, les macrophages et les cellules NK (Natural Killer). Le non-rejet des cytotrophoblastes par ces cellules de l’organisme maternel est lié à l’existence à leur surface d’antigènes de classe 1 particuliers (HLA-G) et à la sécrétion de nombreuses cytokines et facteurs immunomodulateurs. Les cytotrophoblastes extravilleux invasifs poursuivent leur migration dans la décidue, et le premier tiers du myomètre, réalisant l’invasion interstitielle. Ils terminent leur migration interstitielle en se différenciant en cellules géantes bi-trinucléées. Mais surtout les cytotrophoblastes extravilleux envahissent par voie endo et périvasculaire les artères spiralées utérines dans leur tiers supérieur. Ainsi, se forment des bouchons trophoblastiques obturant ces artères spiralées utérines et jouant un rôle fondamental. En effet ils ne laissent passer dans la chambre intervilleuse pendant le premier trimestre de la grossesse qu’un infiltrat sanguin dépourvu d’éléments figurés et de fait protègent l’embryon de taux trop élevés d’oxygène à ces étapes critiques du développement. Cette invasion trophoblastique artérielle est essentielle car elle permet de plus la transformation de la tunique élastique artérielle en une paroi fibreuse atone n’offrant que peu de résistance au flux sanguin maternel. Ainsi après disparition progressive des bouchons trophoblastiques, l’arrivée du sang maternel dans la chambre intervilleuse se fait sans résistance. Cet afflux sanguin atteint 800ml/min à la fin de la grossesse.

Les cellules trophoblastiques villeuses forment une couche de cellules mononucléées prolifératives qui se différencient par fusion cellulaire en un syncytiotrophoblaste qui recouvre l’ensemble des villosités. Ce dernier se régénère tout au long de la grossesse par fusion et différenciation des cellules cytotrophoblastiques sousjacentes. La progression apoptotique du syncytiotrophoblaste conduit à l’accumulation de noyaux condensés dans des fragments syncytiaux qui sont libérés dans la circulation maternelle. Ces fragments sont à l’origine de 20 % de la présence d’ADN dit fœtal (mais en réalité trophoblastique) et de la totalité de l’ARN dit fœtal circulant. Cette apoptose associée ou non à une nécrose est augmentée dans les pathologies de la grossesse d’origine placentaire telle la prééclampsie ou le retard de croissance intra-utérin. La présence de cet ADN et ARN d’origine trophoblastique dans la circulation maternelle ouvre des perspectives prometteuses pour le diagnostic prénatal [1].

Ce syncytiotrophoblaste présente à sa surface de nombreuses microvillosités qui favorisent sa fonction d’échange. Le syncytiotrophoblaste est un tissu endocrine qui possède de nombreuses particularités. En effet, son activité endocrine est fortement polarisée. Il sécrète plus de 99 % de ses hormones polypeptidiques dans la circulation maternelle [2].

Enfin le syncytiotrophoblaste qui possède le même caryotype que le fœtus est un tissu endocrine sexué. La masse du syncytiotrophoblaste semble plus importante dans les placentas avec un caryotype féminin, expliquant les taux légèrement plus élevés, mais de façon significative sur de larges séries, des hormones d’origine syncytiotrophoblastique en cas de fœtus féminin. Il faut cependant noter que les différences des taux sériques maternels d’hCG en fonction du sexe fœtal ne sont pas suffisantes pour interférer dans le dépistage de la trisomie 21 fœtale par les marqueurs sériques maternels.

La différenciation du trophoblaste humain reflet de l’évolution

Rétrovirus et trophoblaste

Au cours de l’évolution, le génome humain a inséré de nombreuses séquences rétrovirales qui représentent environ 8 à 10 % de celui-ci. De façon tout à fait particulière un grand nombre de ces séquences sont exprimées préférentiellement au niveau placentaire. Elles sont insérées en amont de certains gènes et impliquées dans la régulation de leur expression. Il en est ainsi pour l’expression dans le placenta humain du gène de la leptine ou d’un facteur de croissance de la famille des IGFs. Mais de façon encore plus singulière, certaines séquences rétrovirales sont capables de coder pour la protéine d’enveloppe du rétrovirus. Ainsi le retrovirus FRD (codant pour sa glycoprotéine d’enveloppe, syncytine 2) a intégré le génome des primates il y a plus de quarante millions d’années (avant la séparation des singes du nouveau monde et de l’ancien monde) tandis que le rétrovirus HERV-W (codant pour la syncytine 2) a été inséré il y a environ vingt-cinq millions d’années. Ces gênes restent actifs dans toutes les branches correspondantes de primates, suggérant une sélection pour un rôle physiologique essentiel [3-5].

Ces protèines d’enveloppe rétrovirale semblent impliquées dans la morphogénèse placentaire. Elles jouent un rôle direct dans la fusion cellulaire, étape limitante de la formation et de la régénération du syncytiotrophoblaste [6]. Ces protéines d’enveloppe rétrovirales fusogènes (syncytine 1, et syncytine 2) sont au niveau placentaire exprimées uniquement dans le trophoblaste avec une expression spécifique pour chacune d’entre elles. La syncytine 1 est exprimée dans tout le trophoblaste quel que soit sa voie de différenciation, la syncytine 2 uniquement dans quelques cytotrophoblastes villeux [7]. Leur action fusogène est liée à leur interaction avec des récepteurs membranaires distincts pour chacune d’entre elles (respectivement transporteur d’amino acides et de carbohydrates) [8]. Enfin la syncytine 2 semble posséder une action immunomodulatrice. La régulation de leur expression est encore mal connue.

L’hypoxie au centre de nombreuses pathologies placentaires diminue l’expression de la syncytine 1 et des mécanismes épigénétiques tel un processus de méthylation pourrait réguler son expression.

Influence de l’oxygène dans la régulation du développement et des fonctions du trophoblaste.

L’accumulation d’oxygène dans l’atmosphère de la terre est une étape essentielle dans l’évolution. Indispensable à la vie aérobie, sa forte réactivité conduisant à la production de radicaux libres hautement toxiques, souligne l’importance d’une régulation fine au niveau cellulaire.

La pression partielle d’oxygène dans l’utérus au moment de l’implantation est faible dans de nombreuses espèces animales, aux alentours de 15 à 18 mm de mercure dans l’espèce humaine. De telles conditions favorisent le développement embryonnaire préimplantatoire et minimisent la production de radicaux libres dérivés de l’oxygène hautement tératogènes. En raison de la présence des bouchons trophoblastiques, la pression d’oxygène dans l’espace intervilleux au premier trimestre de la grossesse est d’environ 20 mm de mercure alors qu’au niveau de la décidue il avoisine 60 mm de mercure. Le trophoblaste utilise à ce stade des voies métaboliques phylogénétiquement anciennes notamment des hydrates de carbone produisant de grandes quantités de polyols tel le sorbitol, le ribitol et l’erythritol. Ces sucres non phosphorylés permettent la production de NAD+ à partir de NADH à l’origine d’une glycolyse sans accumulation de lactate. Au cours du premier trimestre de la grossesse, cet environnement faible en oxygène favorise le développement placentaire par la stimulation de l’angiogenèse et la prolifération des cytotrophoblastes. La disparition progressive des bouchons trophoblastiques augmente significativement les pressions intraplacentaires d’oxygène. C’est à ce stade qu’apparaissent au sein du trophoblaste les enzymes antioxydantes telles les superoxydes dismutases à Cuivre Zinc ou à Manganèse. Des pressions d’oxygène de 60mm de mercure sont ainsi observées au deuxième trimestre de la grossesse pour répondre à la demande métabolique du fœtus en croissance rapide avant de diminuer à 40 mm de mercure en fin de grossesse en raison de la forte consommation fœtoplacentaire [9].

Un défaut d’adaptation du trophoblaste à cette augmentation de la concentration en oxygène ou des fluctuations de cette concentration secondaire à un défaut de remaniement des artères spiralées utérines sont à l’origine d’un stress du reticulum endoplasmique inhibant la synthèse protéique et/ou un stress oxydatif délétère pour la croissance et différenciation du trophoblaste [10].

Il faut remarquer que les pathologies placentaires qui caractérisent le retard de croissance intra-utérin et la prééclampsie sont liées aux fluctuations de l’oxygénation en rapport avec les constrictions spontanées des artères spiralées non remaniées ayant conservé une couche musculaire lisse plus qu’à une hypoxie seule. En effet, le développement placentaire est normal au cours de la grossesse se déroulant en altitude. Ces fluctuations en oxygène inhibent la formation du syncytiotrophoblaste en bloquant via les protéines d’enveloppes rétrovirales la fusion trophoblastique et accélèrent son apoptose. Les fragments syncytiaux libérés en grand nombre dans la circulation maternelle induisent alors une inflammation globale de l’arbre vasculaire maternel à l’origine des signes systémiques de la prééclampsie (hypertension et protéinurie). Le défaut de formation du syncytiotrophoblaste retentit sur les fonctions d’échanges et les fonctions hormonales du placenta conduisant ainsi à un défaut de croissance fœtale.

DIFFÉRENCIATION TROPHOBLASTIQUE ET FONCTIONS HORMONALES

Le trophoblaste humain est caractérisé par l’intensité de ses fonctions hormonales.

Les hormones stéroïdiennes (progestérone hormone indispensable à la grossesse maintenant la quiescence utérine, oestrogènes) et polypeptidiques sont sécrétées en quantité beaucoup plus importante que chez les autres mammifères. Le placenta humain organe endocrine extrêmement actif est cependant incomplet dans les mécanismes de la stéroïdogenèse. En effet, il est dépourvu du complexe enzymatique 17α¯ hydroxylase/17-20 lyase nécessaire à la conversion de la prégnenolone en androgènes, substrat de la synthèse des oestrogènes. Cette étape est réalisée par les surrénale fœtales et maternelles. Il existe donc pour la synthèse des oestrogènes une parfaite coopérativité avec le fœtus, d’où le concept classique d’unité fœtoplacentaire. Une autre particularité du trophoblaste est la possibilité d’inactiver le cortisol maternel ou fœtal en cortisone, ce qui permet un contrôle précis de la quantité de glucocorticoïdes actifs arrivant au fœtus.

Le placenta sécrète de nombreuses hormones polypeptidiques Ce sont essentiellement hCG (human chorionic gonadotropin), hPL (hormone lactogène placentaire) ou hCS (hormone chorionique somatomammotropine) et en quantité moindre l’hormone de croissance placentaire.

Au premier trimestre de la grossesse, ces hormones peptidiques sont sécrétées en grande quantité par le trophoblaste invasif et assurent par des mécanismes autocrines et paracrines la qualité de la placentation. Ainsi à titre d’exemple, le trophoblaste invasif sécrète une forme particulière d’hCG, hyperglycosylée, impliquée dans l’invasion trophoblastique et possiblement dans le remaniement vasculaire. Cette forme d’hCG hyperglycosylée n’est pas produite par le trophoblaste endocrine (syncytiotrophoblaste) et disparaît de la circulation maternelle à la fin du premier trimestre de la grossesse [11].

De même l’hormone de croissance placentaire, produit du gène GH-V exprimé spécifiquement dans le trophoblaste et qui diffère de l’hormone de croissance hypophysaire par 13 acides aminés, illustre l’évolution des fonctions hormonales placentaires au cours de la grossesse. Au premier trimestre de la grossesse, la GH placentaire est produite essentiellement par le trophoblaste invasif et stimule par un mécanisme autocrine l’invasion trophoblastique et assure la qualité de la placentation (invasion trophoblastique majeure et remaniement artériel) [12]. Au deuxième trimestre de la grossesse, sa production par le trophoblaste villeux endocrine devient prédominante et prend en charge le métabolisme maternel. L’hormone de croissance placentaire devient un acteur majeur de l’état de résistance à l’insuline qui caractérise la grossesse en modulant la captation du glucose au niveau musculaire [13].

DIFFERENCIATION TROPHOBLASIQUE ET PATHOLOGIES DE LA GROSSESSE

Prééclampsie

La prééclampsie est une entité clinique définie par l’association d’une hypertension artérielle (J 14/9) et d’une protéinurie significative (J 0,30g/24h) à partir de la 20e semaine d’aménorrhée (SA). C’est une complication majeure et fréquente (environ 2 %) qui touche seize mille grossesses par an en France met en jeu le pronostic maternel et fœtal. La physiopathologie de la pré-éclampsie reste encore mal connue.

Cependant les données expérimentales récentes confrontées aux études anatomopathologiques plus anciennes, orientent vers un schéma physiopathologique incluant plusieurs étapes successives : — un défaut initial de placentation, caracté- risé par un défaut d’invasion trophoblastique et de remodelage des artères spiralées utérines induisant une diminution de l’afflux sanguin maternel vers le placenta ; — un terrain maternel prédisposé incluant des facteurs génétiques et environnementaux modulés par les adaptations métaboliques à la grossesse ; — un stress oxydant secondaire aux fluctuations des concentrations en oxygène induisant un dysfonctionnement généralisé du syncytiotrophoblaste placentaire et la libération de fragments syncytiaux apoptotiques dans la circulation maternelle. Ceux-ci induisent une inflammation généralisée de l’endothélium maternel conduisant au second trimestre aux signes cliniques de cette maladie. L’approche expérimentale de cette pathologie d’origine placentaire est difficile puisqu’elle est diagnostiquée tardivement sur des signes cliniques à un stade ou il est difficile de définir si les lésions placentaires observées sont la cause ou la conséquence du processus pathologique.

De façon intéressante plusieurs études suggèrent une diminution significative de l’expression des syncytines dans les placentas de prééclampsie sans qu’il soit possible de définir si celle-ci est à l’origine des anomalies de différenciation trophoblastique dans cette maladie ou un simple reflet de l’hypoxie placentaire.

Trisomie 21

La trisomie 21 (T21) est l’anomalie génétique viable la plus fréquente et la cause majeure de retard mental. Bien qu’en pratique clinique quotidienne le dépistage de la T21 fœtale repose en partie sur des marqueurs sériques maternels d’origine placentaire, telle l’hCG (human chorionic gonadotropin) élevée, peu d’études ont été menées sur le développement placentaire dans cette aneuploïdie. Nous avons révélé révélé en utilisant un modèle in vitro de différenciation des cytotrophoblastes villeux en syncytiotrophoblaste un défaut de formation du syncytiotrophoblaste en cas de T21 [14]. Ce défaut de différenciation et de fusion du trophoblaste, lié à la surexpression d’origine génétique de la superoxide dismutase à cuivre zinc [15] mais aussi à la production d’une hCG anormalement glycosylée à faible activité biologique [16].

Une anomalie de la cinétique d’expression des syncytines lors de la formation du syncytiotrophoblaste est observée dans cette aneuploïdie. Il faut noter que ce défaut de formation du syncytiotrophoblaste observée dans la trisomie 21 est réversible in vitro , notamment en présence d’hCG biosynthétique [17].

 

Infection à cytomégalovirus

Parmi les nombreux facteurs de transcription impliqués dans la regulation de la différenciation du trophoblaste humain, le PPAR (peroxysome proliferators activator receptor) gamma joue un role fondamental en modulant la différenciation du trophoblaste [18]. Ce récepteur nucléaire activé par des ligands lipidiques est exprimé dans le placenta uniquement dans le trophoblaste. Son activation inhibe l’invasion trophoblastique. Le cytomegalovirus de la famille des virus de l’herpes utilise la machinerie cellulaire de son hôte pour échaper à la réponse immunitaire et faciliter sa replication. Ainsi dans le trophoblaste il active PPARγ pour sa replication mais perturbe ainsi l’invasion trophoblastique pouvant expliquer les avortements précoces lors de cette infection [19].

Retard de croissance intra utérin

La croissance fœtale est régulée essentiellement par l’apport nutritionnel au fœtus et est donc tributaire de la qualité du développement placentaire au centre des interactions entre la mère et le fœtus. La fonction d’échange est donc la fonction fondamentale du placenta. Elle implique divers mécanismes de transferts passifs, actifs ou facilités. La qualité de ces échanges entre la mère et le fœtus dépend surtout de la circulation du sang maternel dans la chambre intervilleuse et de l’intégrité de la surface du syncytiotrophoblaste. En contact direct avec le sang maternel, le syncytiotrophoblaste assure outre ses fonctions endocrines et métaboliques, des fonctions immuno-suppressives et d’hémostase comparables à celles d’un endothélium. De fait, il est facile d’imaginer que les altérations d’origine génétique ou environnementale (tabac, alcool, drogue…) du développement et/ou des fonctions du syncytiotrophoblaste vont interférer sur ses fonctions indispensables à la croissance fœtale.

CONCLUSION

Ce bref résumé des connaissances acquises les plus récentes sur les facteurs impliqués dans la différenciation du trophoblaste souligne combien son étude peut fasciner le biologiste mais aussi les perspectives d’une meilleure approche diagnostique et thérapeutique des pathologies de la grossesse d’origine placentaire.

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[19] Rauwel B., Mariame B., Martin H., Nielsin R., Allart S., Pipy B — Activation of PPAR-gamma for de novo replication of HCMV impairs trophoblast differentiation. Sous presse DISCUSSION

M. Jean-Daniel SRAER

Quel est le rôle du système fibrinolythique (UK, tPA, Pai1) dans la formation des bouchons muqueux ? Quelles sont les principales enzymes impliquées dans la digestion du collagène lors du développement des vaisseaux ?

 

Les artères spiralées utérines sont obstruées pendant le premier trimestre de la grossesse par des amas de cellules trophoblastiques, appelés « bouchons trophoblastiques ». La disparition progressive de ceux-ci de la périphérie du placenta vers le centre au début du deuxième trimestre de la grossesse fait certainement intervenir un grand nombre d’enzymes protéolytiques notamment des métalloprotéases détruisant les molécules d’adhé- rence des cellules entre elles et des cellules à la matrice extracellulaire.

M. André-Laurent PARODI

Votre conclusion fait apparaître le placenta hémochorial des primates comme l’aboutissement de l’évolution des placentaires. Pouvez-vous nous dire rapidement en quoi ce placenta présente des progrès au regard d’autres placentas, peut-être plus occlusifs comme des placentas épithélio ou syndesmo-choriaux ?

Le placenta hémochorial des primates est caractérisé par l’invasion importante du trophoblaste dans la cavité utérine le conduisant au contact du sang maternel. Cette caractéristique est possiblement liée à l’apparition de la station debout. Cependant comme l’ont montré les travaux de R. Leiser, la fonction essentielle du placenta, qui est la capacité d’assurer les échanges fœtomaternels est plus « efficace » dans d’autres types de placentation.

M. Jean-Jacques HAUW

Que sait-on des mécanismes de régulation de l’invasion trophoblastique de la paroi utérine ?

L’invasion trophoblastique implique les mêmes mécanismes complexes que ceux pré- sents dans l’invasion tumorale mais elle est caractérisée par le fait qu’elle est contrôlée par l’environnement utérin. Cet environnement utérin implique la décidue, composée notamment de cellules déciduales, de cellules immunocompétentes maternelles et de vaisseaux utérins. La décidue produit un certain nombre de facteurs solubles qui inhibent l’invasion cellulaire (à titre d’exemple inhibiteurs de protéses, TGFbeta…) et/ou guide celle-ci tel l’IGFBP1. Il en est de même des cellules immunocompétentes maternels (natural killers, lymphocytes B, macrophages…). Par ailleurs il apparaît clairement que la teneur élevé en oxygène des vaisseaux artériels joue un rôle essentiel dans la différenciation du trophoblaste vers un phénotype invasif via des facteurs de transcription trophoblastique tel HIF1. Les mécanismes de régulation de cette invasion trophoblastique ne sont pas tous élucidés mais au cœur des pathologies de la grossesse d’origine placentaire, tel le retard de croissance intrautérin ou la prééclampsie.

M. Georges DAVID

Le passage d’éléments trophoblastiques est habituel en cours de grossesse. On sait qu’il y a possibilité de persistance bien au-delà de l’accouchement. Quel est le mécanisme de leur tolérance ?

Il est bien établi qu’on peut retrouver dans les capillaires des poumons maternels mais non dans la circulation périphérique des fragments de syncytiotrophoblaste avec de nombreux noyaux. Cependant comme il sera illustré dans l’exposé de Philippe Lebouteiller le trophoblaste, notamment le trophoblaste invasif dit « extravilleux », peut également être retrouvé dans la circulation maternelle. Ce dernier exprime à sa surface des antigènes d’histocompatibilité spécifique (HLAG notamment) qui l’empêche d’être reconnu par les cellules immunocompétentes maternelles.

M . Jacques MILLIEZ

Le dosage différentiel, qualitatif, des différentes molécules d’hCG permettra-t-il un jour le diagnostic de trisomie 21 fœtale ?

L’étude de l’hormone chorionique gonadotrope (hCG) à sa source de production trophoblastique, révèle que les trophoblastes isolés de placenta avec une trisomie 21 produisent des formes d’hCG anormalement glycosylées. La détection de ces formes d’hCG dans le sang maternel, pourra améliorer le dépistage de la trisomie 21 fœtale, la certitude diagnostique reposant sur la preuve de l’anomalie génétique.

M. Jean-Yves LE GALL

Le génome humain contient donc environ 8 % de séquences rétrovirales. La plupart sont tronquées et donc inactives. Connaît-on le nombre de ces séquences complètes et actives, leur localisation et les facteurs de transcription qui contrôlent leur activité ?

Les travaux de De Parseval et coll. (2003) ont révélé que parmi les séquences non tronquées, 16 gènes sont capables de coder pour la protéine d’enveloppe des rétrovirus.

Trois de ces séquences sont fortement exprimées au niveau placentaire. Les facteurs de transcription contrôlant leur activité sont encore très mal connus.

 

<p>* Inserm UMR 767 Paris Descartes, Fondation de coopération scientifique PremUP. Faculté des Sciences Pharmaceutiques, 4 Avenue de l’Observatoire, 75006 Paris et e-mail : daniele.evain-brion@parisdescartes.fr Tirés à part : Professeur Danièle Evain-Brion, même adresse Article reçu et accepté le 27 avril 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 5, 1017-1027, séance du 12 mai 2009