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La dialyse péritonéale : un traitement à développer pour la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique terminale
Communiqué de l’Académie nationale de médecine
14 mars 2022 (*)
L’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) se définit par la perte de 85 à 90% de la fonction rénale. Elle concerne le plus souvent des patients porteurs de polypathologies (diabète, hypertension artérielle, maladies cardio-vasculaires aboutissant à la néphro-angiosclérose). Sa prévalence, très élevée en France, est d’environ 92000 cas avec une incidence annuelle en augmentation régulière (11400 cas en 2020). Les traitements de suppléance indispensables à la survie sont la greffe rénale (45% des patients) et la dialyse rénale (55%). La dialyse peut être réalisée dans des centres hospitaliers publics ou privés, dits lourds et plus ou moins éloignés du domicile des patients, ou dans des centres allégés dédiés, ou encore à domicile. L’hémodialyse chronique nécessite la création d’une fistule artério-veineuse et elle comporte, le plus souvent, trois séances par semaine en centre, de quatre heures chacune, ou six séances par semaine à domicile, de deux heures chacune. En France, l’hémodialyse en centres concerne plus de 90% des patients dialysés.
La dialyse péritonéale (DP) est réalisable quotidiennement à domicile. Elle fait appel à la capacité de filtration de la membrane péritonéale et nécessite la mise en place d’un cathéter intrapéritonéal, dont l’extrémité externe permet l’introduction du liquide nécessaire à l’épuration sanguine (dialysat). Elle peut être réalisée par le patient lui-même ou par une infirmière formée, et est effectuée, soit manuellement dans la journée (DP cyclique ambulatoire), soit au cours de la nuit sur un cycleur (DP automatisée). En France, elle ne concerne que 6% des 50500 dialysés, un taux deux fois moins élevé que dans la moyenne des pays de l’OCDE.
Pour les indications en urgence (15 à 30% des cas), en l’absence habituelle d’une fistule artério-veineuse ou d’un cathéter péritonéal, la dialyse est réalisée temporairement à partir d’une voie veineuse centrale. Si c’est le choix éclairé du patient, le relais par la DP est envisageable après environ deux semaines, délai de cicatrisation nécessaire avant l’utilisation du cathéter péritonéal.
Le risque de complications septiques ou mécaniques, les antécédents de chirurgie abdominale, les conditions socio-économiques ou les capacités physiques défavorables des patients sont avancés pour expliquer le faible recours à la DP, qui a pourtant prouvé son efficacité et a connu une nette réduction des complications grâce à une éducation thérapeutique professionnalisée.
À une survie identique à celle observée avec l’hémodialyse chronique en centre, la DP ajoute des bénéfices médicaux, sociaux et économiques1 :
– stabilité hémodynamique pendant l’épuration réduisant le risque de complications cardiaques per-dialytiques ;
– préservation de la fonction rénale résiduelle ;
– absence de recours à une fistule artério-veineuse qui peut, à terme, favoriser le développement d’une insuffisance cardiaque à débit élevé ;
– traitement de choix des patients en attente de transplantation rénale ;
– amélioration reconnue de la qualité de vie, la prise en charge à domicile et l’autonomie après une phase d’éducation thérapeutique permettant le maintien des activités antérieures et réduisant la fatigue des déplacements répétés vers le centre d’hémodialyse ;
– réponse efficace à la demande croissante de prise en charge de l’IRCT liée au vieillissement de la population, en alternative à la création de centres d’hémodialyse.
En accord avec le récent rapport de la Cour des Comptes2 et le Livre blanc de la Société Francophone de Néphrologie, Dialyse et Transplantation3, l’Académie nationale de médecine recommande de :
– informer les patients sur les possibilités de traitement à domicile, en particulier par DP dans ses différentes modalités (manuelle ou automatisée), dans le parcours clinique de l’IRC avant le stade terminal, à partir du document standardisé élaboré par les sociétés savantes spécialisées dans le cadre de la Haute Autorité de Santé (HAS) ;
– améliorer la formation initiale et continue des soignants prenant en charge l’IRCT pour leur apprendre les différents aspects de la dialyse à domicile ;
– renforcer l’éducation thérapeutique et le suivi par la constitution de réseaux dédiés intégrant des infirmières coordinatrices, des infirmières de pratiques avancées et des associations de dialysés à domicile, et par le recours à la télémédecine et à la télésurveillance ;
– reconsidérer les modalités économiques de prise en charge de l’IRCT avec de nouvelles tarifications permettant de valoriser la dialyse à domicile, l’hémodialyse à domicile et la dialyse péritonéale, y compris la pose chirurgicale du cathéter intra-péritonéal, et cela au regard d’une réduction prévisible des coûts de transport (qui représentent 20% du total du coût de la prise en charge de l’IRCT) ;
– proposer la délivrance d’un label « dialyse à domicile », avec sanctuarisation des moyens humains et financiers pour les centres remplissant les conditions et répondant aux objectifs fixés par le Conseil Professionnel de Spécialité de Néphrologie et les Administrations concernées.
Références :
- Beaudreuil S., Pourquoi défendre et promouvoir le développement de la dialyse péritonéale en France ? Bull. Acad. Nat. Med. 2022 ; 206 : 179-180.
- Cour des comptes, Rapport public annuel 2020; https://www.ccomptes.fr/system/fles/2020-02/20200225-03-Tome-I-insuffisance-renale-chronique terminale.pdf.
- SFNDT, Ma Maladie Rénale Chronique 2022 : 10 propositions pour développer la dialyse à domicile. 2019 ; https://www.sfndt.org/sites/www.sfndt.org//fles/medias/documents/Livre-blancDialyse-a-domicile-190528.pdf.
(*) Communiqué de la Plateforme de Communication Rapide de l’Académie validé par les membres du Conseil d’administration le 14 mars 2022.