Communication scientifique
Session of 6 avril 2004

La démographie médicale de 2003 à 2025. Difficultés présentes et à venir

Medical demography from 2003 to 2025. Present and future difficulties
KEY-WORDS : demography. physicians.. students, medical

Jean Langlois *

Résumé

La démographie médicale présente et future est entièrement réglementée par les autorités de l’Etat qui fixent le nombre des étudiants en médecine et celui des internes de spécialité. Les insuffisances importantes autant en effectifs que dans leur répartition sur l’ensemble du territoire et dans les différentes disciplines, seront majorées de façon considérable d’ici 2020 si le recrutement en jeunes médecins n’est pas assuré pour combler les départs à la retraite à 65 ans actuellement connus. L’altération de la réponse à la demande de soins des patients en sera forcément la conséquence . MOTS-CLÉS : DÉMOGRAPHIE. ÉTUDIANT MÉDECINE. MÉDECIN.

Summary

The present and future medical demography is determined by the French government, which decides the number of students in medicine and residents in medical specialties. There are too few students to replace retiring (65-year-old) practitioners. Medical needs may not be met in the coming 20 years. There is an urgent need to increase the number of medical students.

INTRODUCTION

Le nombre de médecins en activité commande pour une part importante la réponse à la demande de soins des patients. Cette étude a pour objectif d’exposer les graves difficultés que les insuffisances démographiques actuelles et prévisibles font ainsi apparaître.

Diverses sources permettent d’étudier la démographie médicale et de prévoir ce qu’elle pourra être dans les vingt années à venir. Les plus importantes sont celles :

— de la DREES ** reposant sur les données du fichier Adeli [3, 4] qui collige également les chiffres de l’Ordre et fait un redressement statistique, — de la CNAMTS *** qui explore la médecine libérale conventionnée [11], — du fichier de l’ORDRE NATIONAL des MEDECINS [1, 2] qui est le plus complet et sans cesse actualisé à partir des déclarations faites par les médecins.

La statistique est établie tous les ans depuis 30 ans.

La présente étude est réalisée à partir des données de l’année 2002, comptes arrêtés le 1er janvier 2003 (tableau 1).

Lorsque l’on compare les données produites par les différentes sources, apparaissent des différences notables dans les catégories de présentation qui peuvent induire un doute sur la véracité des analyses. Certaines d’entre elles sont liées aux modalités particulières de classement qui ne sont pas conformes à la Réglementation relative aux disciplines et que l’Ordre respecte scrupuleusement. Toutefois, les chiffres globaux enregistrés sont très voisins.

LA SITUATION PRESENTE

Les effectifs actuels

Les effectifs nationaux globaux recensés par l’Ordre [2] et reproduits sur le tableau 1, font état de 205.391 médecins en activité, dont 107.651 généralistes et 97.740 spécialistes. L’ensemble des départements métropolitains est de 201.354 médecins.

Celui des quatre départements d’Outre-mer est de 4.037.

A ces effectifs l’Ordre peut ajouter ceux des territoires d’Outre-mer, ce qui conduit à dénombrer 206.466 médecins en activité. Il comptabilise aussi 34.772 inscrits comme retraités.

La densité de médecins pour 100.000 habitants (D.M.) en métropole est ainsi de 327.

La DREES [3] fait état d’un indice de D.M. à 338 pour la métropole et 335 pour l’ensemble métropole et départements d’Outre-Mer. La différence est liée à la prise en compte par l’Ordre de la nouvelle évaluation de la population française fournie par l’Institut National de la Statistique et de l’Evaluation.

TABLEAU 1. — Effectifs nationaux des médecins en 2002 , toutes disciplines confondues.

Métropole

D.O.M.

Total

O

D

O

D

O

D

Spécialistes 95.962 1.778 97.740 1.860 104.755 102.895

Omnipraticiens 105.392 2.259 107.651 98.505 2.177 100.682

Total 201.354*

4.037 205.391 201.400 4.037 205.437

O : inscrits à l’Ordre National des médecins.

D : selon la DREES.

* Dont 76.325 femmes et 125.029 hommes.

Avec cet indice, seul critère actuel d’évaluation connu, la France se place en bonne position par comparaison avec les autres pays développés (tableau 2) :

Parmi les 201.354 médecins en activité en métropole, — 91.254 ont un exercice libéral en fonction exclusive , — 54.212 sont des salariés hospitaliers complets, — 12.637 sont des médecins salariés exerçant en prévention , — 17.540 ont un exercice mixte , à la fois libéral et salarié, — 8.924 ont déclaré avoir des activités salariées autres que médicales de soins , — 1.673 remplissent des fonctions diverses salariées ou non,(industrie, assurance…) — Pour 15.114 médecins (8 %) la nature de l’exercice n’est pas déclarée. Le fait est surprenant S’agit-il de médecins en fonction provisoire, de médecins remplaçants dont l’activité serait ainsi instable, de praticiens qui ont fourni des informations incomplètes ?

Cette situation d’ensemble serait satisfaisante si ne s’étaient développées au cours des ans des anomalies graves portant sur la répartition de ces effectifs au plan géographique et entre les différentes disciplines :

Les disparités géographiques .

Les disparités géographiques intéressent autant les spécialistes que les généralistes et apparaissent à tous les niveaux :

Les régions d’Ile de France, de Provence Alpe côte-d’azur, de LanguedocRoussillon, de Midi Pyrénées sont, entre autres, celles où la D.M. est la plus élevée.

Les régions de Champagne Ardennes, de Normandie, de Picardie, d’Auvergne, du centre, du Nord Pas-de-Calais sont parmi celles où les médecins sont en effectifs très insuffisants.

TABLEAU 2. — Densité médicale(nombre de médecins pour 100.000 habitants) dans les pays de l’O.C.D.E.

D .M D.M Grèce 440 Suède*

300 Italie 430 Norvège Belgique 390 U.S.A**

270 République Slovaque 360 Luxembourg 250 Islande Australie Suisse 350 Canada 210 Espagne*

Royaume Uni 200 Allemagne 340 Japon*

190 Danemark Mexique 150 France 330 Corée 140 Pays-Bas Autriche Nouvelle Zélande*

320 Portugal*

* Données pour l’année 2000.

** Données pour l’année 1999.

En 2002, la D.M. française est de 327 pour l’ORDRE et de 335 pour la DREES.

Cette opposition, déjà connue depuis de nombreuses années, se schématise entre le Nord et le Sud, exception faite de l’Ile de France.

La D.M.des omnipraticiens (moyenne nationale à 180) est une fois et demi supé- rieure dans les régions les mieux favorisées. Celle des spécialistes (moyenne nationale à 164) est deux fois supérieure dans ces régions.

Entre les départements, l’inégalité apparaît parfois plus criante : La D.M. varie de 1 à 4 entre un département faiblement doté comme l’Eure ou la Mayenne et Paris ou les Alpes maritimes apparemment très avantagés.

Mais surtout, à l’intérieur de nombre de départements se sont crées des zones dites de désertification médicale . Elles se situent dans les cantons ruraux, souvent les plus éloignés des grandes villes où la vie est devenue moins attractive pour les jeunes médecins, habitués à la vie citadine et dans certains quartiers urbains où règnent l’insécurité et la violence. La médecine de proximité exercée par les médecins généralistes est à ces endroits principalement touchée : leur D.M. variant ainsi de 74,2 à 121, 9 selon les départements concernés !

L’insuffisance des effectifs ne touche pas seulement la médecine libérale. La crise hospitalière déjà signalée depuis plusieurs années, est maintenant d’une actualité inquiétante.

Les services hospitaliers ont d’abord gravement souffert de la baisse importante du nombre des internes, dans les services de soins, suite à la réforme des études médicales.

A cette insuffisance, s’ajoute maintenant un grand nombre de postes de Praticiens Hospitaliers non pourvus par des titulaires ni issus des facultés françaises ou européennes et des dispositions réglementaires de repos compensateur non corrigées par des effectifs complémentaires.

Les disparités entre les Disciplines.

Des disparités importantes entre les disciplines sont également constatées entre le nombre des généralistes et celui des spécialistes d’une part, entre certaines spécialités d’autre part.

Celles-ci, dites en crise parce qu’elles sont dès maintenant en effectifs insuffisants ont été étudiées dans différents rapports [9, 10]. C’est le cas notamment de la Gynécologie-Obstétrique , de l’Anesthésie-réanimation , de l’ Ophtalmologie , de la chirurgie générale, viscérale et digestive , de la psychiatrie hospitalière alors que la psychiatrie libérale semble assez bien pourvue, de la

Pédiatrie …Nombre de ces disciplines déjà en insuffisance numérique verront leurs effectifs s’effondrer dans les dix années qui viennent en raison de l’âge avancé des praticiens.

Omnipraticiens et médecine générale.

Un regard particulier doit être porté sur la médecine générale car elle est également une discipline en difficulté. Elle représente en théorie 52 % des 201.354 médecins en activité en métropole [tableau 1] soit 105.392 praticiens.

Mais les omnipraticiens ainsi dénombrés n’exercent pas tous en médecine générale . La

DREES [3] a comptabilisé 17 % d’entre eux qui ont une activité autre que celle de leur formation initiale, dans un exercice exclusif ou non et difficile à préciser (tableau 3).

Ainsi, nombre de ces médecins (ce sont souvent les plus âgés) se déclarent encore comme généralistes (plus de 2.300) alors qu’ils sont en réalité d’authentiques spécialistes : c’est le cas du plus grand nombre de ceux qui disent exercer dans les spécialités médicales ou chirurgicales réglementairement reconnues…

Mais il faut retenir que 12.551 médecins généralistes ont une orientation professionnelle particulière parfois obtenue par des diplômes universitaires légers tels que certains D.U (diplôme universitaire) ou par simple pratique personnelle spontané- ment orientée et non officiellement reconnue. Enfin, près de 9.755 omnipraticiens exercent dans l’acuponcture et dans l’homéopathie, ce que l’Assurance Maladie appelle les MEP (médecins à exercice particulier).

L’Ordre a repéré des effectifs un peu supérieurs : Parmi les 105.392 omnipraticiens, 84.165 exerceraient réellement la médecine générale et 21.227 auraient une activité d’exercice particulier sans que l’on sache si celle-ci est exclusive ou non.

TABLEAU 3. — Selon la Drees, 17.358 omnipraticiens en métropole sur un ensemble de 98.505 n’exercent que partiellement ou pas du tout la médecine générale.

Spécialités médicales 1531 dont

Pédiatrie 223 Réanimation médicale 144 Gynécologie médicale 136 Hématologie 133 Cardiologie 129 Oncologie médicale 115 Spécialités chirurgicales 436 dont

Orthopédie et traumatologie 218 Gynécologie-Obstétrique 123 C.P.R.E.

24 Anesthésie-Réanimation 179

Psychiatrie 162

Biologie médicale 22

Médecine du travail 2.438

Divers 12.571 dont Médecine du sport 6.044 Angéiologie 1.760 Gériatrie 1.364 Aide médicale urgente 779 Tout cela concourt à réduire d’autant les effectifs de la médecine générale et la réponse à la demande de soins des patients en ce domaine. C’est peut-être là, l’une des causes des disparités géographiques dans cette discipline et de l’insuffisance de réponse à la demande de soins dits de premier recours.

A ces difficultés vient se joindre un comportement nouveau de nombre de jeunes médecins : l’ Ordre a rencontré leurs représentants. En majorité, Ils ne souhaitent pas travailler autant que leurs aînés, désirent disposer de temps libre et ne veulent plus quitter la vie urbaine pour des motifs de vie personnelle, familiale, de qualité de vie et d’exercice professionnel. Ils redoutent en effet l’isolement dans certaines zones rurales ainsi que le manque de moyens collectifs que l’Aménagement du territoire n’a pas protégés.

Premières mesures

Les autorités de l’Etat et la Profession, l’Ordre notamment, font des propositions pour remédier à cette répartition très imparfaite des médecins en activité libérale. La préférence actuelle est de donner la priorité aux mesures correctrices incitatives , dites libérales et non à des décisions contraignantes qui pourraient être ressenties comme autoritaires et, de ce fait, mal acceptées : les mesures proposées ou déjà en place sont :

Pour l’exercice professionnel :

— faciliter le regroupement des cabinets sous forme diversifiée d’association ou de société d’exercice que peuvent aussi rejoindre d’autres professionnels de soins, voire des maisons médicales, — Autoriser la création de médecins collaborateurs, assistants libéraux ou salariés, — permettre plus facilement l’exercice en sites multiples…et permettre à un médecin de ne plus forcément résider au lieu de son cabinet.

Le but est de vaincre l’isolement, de faciliter les remplacements et les congés de toute nature et peut-être de rendre plus facile la venue d’un successeur lors de la cessation de l’activité.

Dans le domaine économique :

— l’aide à l’installation est en route. Certains maires ou certaines collectivités locales ont déjà proposé de financer le cabinet de consultation voire le domicile du médecin, — des réductions de taxes, d’impôts, la création d’équivalent de zones franches sont aussi des moyens proposés ou à l’étude de même que la possibilité d’honoraires plus élevés là où le manque de médecins et leur isolement sont flagrants.

Peut-on espérer que ces mesures incitatives professionnelles et économiques seront suffisantes pour que les jeunes omnipraticiens cessent de ne plus aller dans ces secteurs défavorisés et que leurs aînés ne les abandonnent ? Les pouvoirs publics pourront-ils toujours laisser en vigueur la liberté d’installation ? Cette interrogation inquiétante reste pour l’instant sans réponse d’autant que les marges très étroites en effectifs globaux sont déjà présentes.

Le vieillissement et la féminisation du Corps Médical.

Parmi les nombreuses remarques qui ont pu être faites à propos de la démographie médicale présente, il en est deux qui méritent d’être signalées : le vieillissement inquiétant du corps médical ; la féminisation croissante de celui-ci.

Le vieillissement important

L’âge moyen des médecins en activité en 2002 est de 47 ans (44,9 pour les femmes et 48,3 pour les hommes) .

Le rétrécissement à la base très marqué de la pyramide des âges traduit le vieillissement considérable de cette population [2]. Ainsi, l’effectif des moins de 40 ans est inférieur à celui des plus de 50 ans..

Ce vieillissement accru du corps médical pourra poser de graves problèmes dans certaines spécialités dont les caractéristiques de pénibilité et de disponibilité (gardes, urgences, permanence des soins…) sont importantes mais aussi dans le dynamisme
et le renouvellement des compétences qui sont largement corrélées à la proximité des études médicales.

Chacun sait que le progrès médical va vite et que de ce fait, le maintien et le renouvellement des connaissances sont devenus indispensables. La Formation Médicale Continue (F.M.C.) est destinée à parfaire les compétences et à assurer la qualité de la médecine au fil des 30 ou 35 années d’exercice du praticien. Nombre de médecins s’y soumettent régulièrement depuis longtemps. Tous ne le font pas, par inconscience, négligence ou en raison des difficultés qu’ils rencontrent pour se faire remplacer lors de leurs absences. Cette F.M.C. est néanmoins devenue obligatoire.

Le vieillissement important du corps médical est très préoccupant : La situation ne pourra être redressée rapidement, même au prix d’un recrutement important. Il en découlera forcément des conséquences pour l’offre médicale de soins aux patients, mais aussi pour la profession elle-même (couverture sociale, retraite…) la féminisation croissante

En 2001, les femmes représentaient 37 % des actifs, proportion à peu près identique chez les généralistes et les spécialistes [1]. En 2002 elle est de 37,9 % [2]. Deux particularités sont à noter :

La proportion de femmes est d’autant plus forte que les classes d’âge sont jeunes.

Les femmes sont majoritaires (56,4 %) chez les moins de 35 ans et il y a parité pour les moins de 40 ans [1].

Alors que les femmes dans le passé avaient tendance à se tourner vers la médecine spécialisée (dont l’accès était moins contraignant par les certificats de spécialité que par l’internat), les chiffres faisaient apparaître en 2001 une tendance vers la médecine générale apparue depuis une dizaine d’années. Cette tendance est peut-être en voie de modification au vu des chiffres de 2002.

Ce processus de féminisation a une incidence sur le niveau global de l’activité des médecins, du moins en pratique libérale. Les femmes semblent travailler moins que les hommes parce que plus souvent qu’eux, elles ont recours au temps partiel et qu’elles cessent leur activité de façon temporaire , voire définitive et pour cette dernière situation, plus précocement. Une enquête récente faite par le CREDES***

pour l’Ordre [2] a montré que pour la cessation temporaire d’activité , le fait concerne surtout les omnipraticiens (73 %) et les femmes (63,5 %) à un âge moyen de 48 ans.

La féminisation ne peut que s’accentuer dans le futur : l’étude de la DREES et celle de la DEP (Direction de l’évaluation et de la prospective du ministère de l’éducation nationale) constatent en effet qu’en 2002, 64 % des étudiants inscrits en 1ère année sont des femmes [8]. Il convient aussi de se rappeler qu’en 2001, les résultats du concours de PCEM1 avaient vu pour la première fois le nombre des femmes admises **** CREDES : Centre de recherche d’étude et de documentation en économie de la santé.

supérieur à celui des hommes. En 2002, 60 % des reçus sont des femmes [8]. Si cette orientation se confirme dans l’avenir, il est probable qu’à partir de 2020, le corps médical français sera féminisé en majorité.

Dans les vingt prochaines années, l’impact de ces tendances comporte le risque d’aggravation de l’insuffisance des effectifs.

LA SITUATION PREVISIBLE EN 2015-2020

Les études médicales. Le numerus clausus

L’équilibre entre les sorties par la retraite et l’entrée des jeunes à la fin des études médicales n’est plus laissé à l’aléa du choix des étudiants depuis la création en 1972 du numerus clausus. Par celui-ci et par la réforme des études médicales de 1982, la profession est devenue strictement encadrée. Les effectifs médicaux sont entièrement entre les mains des Pouvoirs Publics. Ils fixent chaque année le nombre des étudiants admis en médecine (numerus clausus) et celui des postes d’internes dits qualifiants.

Ils disposent par consultation de l’avis de différents organismes, mais l’Histoire de ces vingt dernières années démontre que les recommandations n’ont pas été toujours suivies de décisions opportunes.

Dans les années 60-70, l’afflux important d’étudiants avait généré secondairement la pléthore médicale que les syndicats médicaux et l’Assurance Maladie avaient largement combattue pour des motifs économiques. Initialement, le numerus clausus a eu le mérite de redresser la situation inflationniste.

Dès les années 90 différents responsables (Doyens des facultés de médecine, Ordre national des médecins) ont vivement recommandé aux pouvoirs publics d’augmenter le recrutement des étudiants conformément aux études prévisionnelles effectuées. Les décisions n’ont pas suivi et le redressement n’a été initié que trop tard, peu avant le troisième millénaire, et de façon très insuffisante.

Quant à la Commission des études médicales, structure consultative officielle régulièrement sollicitée, ses recommandations et ses votes n’ont pas été suivis ces dernières années.

Ainsi organisé, le système est figé et rigide et ne permet pas d’améliorer une discipline sans en altérer une autre . On verra plus loin que les prévisions sont alarmantes. Dans la situation où les effectifs étroits en étudiants sont fixés plusieurs années plus tôt, l’amélioration rapide devient impossible.

Toute décision relative au recrutement des étudiants a un effet différé sur les effectifs des futurs médecins : le nombre d’internes de spécialité détermine celui des spécialistes qui sortiront au mieux cinq ans plus tard et davantage s’ils ont ensuite une activité temporaire d’Assistant Chef de clinique ; le numerus clausus agira beau-
coup plus tard sur la sortie des jeunes médecins car les études médicales sont très longues.

La formation initiale des médecins dure environ dix ans pour les omnipraticiens et quatorze ans pour les spécialistes . Les délais peuvent apparaître plus longs si l’on tient compte de l’âge moyen d’installation des nouveaux médecins — 34,1 ans — [2].

Même si cela semble arbitraire, le chiffre moyen de 12 ans a été retenu dans ce travail pour prévoir leur début d’ activité après leur entrée en études médicales. Il est ici proposé de retenir qu’un retraité (à l’âge de 65 ans) sera ainsi remplacé par un jeune ayant débuté sa formation par le concours de PCEM1, 12 ans plus tôt.

La situation dans les vingt années à venir .

Le tableau 4 résume les données démographiques et les perspectives d’effectifs :

La période 2003-2005

La situation des années 2003, 2004 et 2005 se présente sous de bons augures puisque le bilan entre les retraités (4.341 pour ces trois années) et les jeunes recrues (10.800) fait apparaître un excédent global de 6.459 et annuel moyen de 2.153.

Cette situation est pourtant artificielle. Elle est liée à la conjonction favorable de deux facteurs :

Les sorties définitives sont moins importantes qu’initialement prévues et peuvent être imputées en grande partie aux mesures d’incitation anticipée d’arrêt d’activité (MICA) qui ont « dopé » les départs à partir de 1997 et par contrecoup atténué ceux des années suivantes.

Entre 1988 et 2003, 10.494 médecins ont ainsi pris une pré-retraite avec des pics annuels d’effectifs très élevés (entre 1200 et 1500 en 1997, 1998 et 2003) [12].

Les effectifs des nouveaux inscrits sont gonflés par l’intégration légale des médecins français ou étrangers diplômés hors Union Européenne qui sont ainsi venus s’ajouter depuis quelques années au nombre des étudiants entrés en médecine 12 ans plus tôt par la voie de nos facultés : Plus de 5600 Praticiens Adjoints Contractuels (PAC) dont 50 % environ inscrits à l’Ordre et plus de 7200 médecins autorisés au plein exercice en France en application notamment de l’article 60 de la loi 99-641 du 27 juillet 1999 (Tableaux 5, 6).

La période 2006-2010

Dans la période de ces cinq années, 15.930 médecins prendront leur retraite à 65 ans, et pourront être remplacés par 17.998 jeunes médecins issus du numerus clausus de 1994 à 1998. En moyenne, chaque année, 3.186 départs pour 3.599 nouveaux venus, soit un excédent total de 2.068 médecins et annuel de 413. Cette situation encore

TABLEAU 4. — Prévision des effectifs tenant compte des départs en retraite des médecins à l’âge de 65 ans ( trois colonnes de Gauche) et des arrivées des nouveaux médecins (4ème, 5ème et 6ème colonnes) chaque année. Résultats d’un numerus clausus insuffisant à partir de 2009 (dernière colonne de droite).

Médecins retraités à 65 ans

Nouveaux diplômés différence

Année de nombre

Nb. moyen

Année

Numerus

Nb. Annuel départ à annuel sur d’entrée en clausus moyen en 65 ans.

5 ans études de activité

Médecine 2003 1.257 1991 3.750 2004 1.506 1.447 1992 3.500.

3.600 + 2.153 2005 1.579 1993 3.750 Total 4.341 10.800 + 6.659 2006 1.815 1994 3.570 2007 2.695 1995 3.576 2008 3.461 3.186 1996 3.576 3.601 + 415 2009 3.865 1997 3.583 2010 4.094 1998 3.700 Total 15.930 18.005 + 2.075 2011 6.053 1999 3.850 2012 7.516 2000 4.100 2013 8.288 7.930 2001 4.700 4.490 -3.440 2014 8.861 2002 4.700 2015 8.932 2003 5.100 Total 39.650 22.450 – 17.200 2016 8.872 2004 5.550 2017 8.853 2005 ?

2018 8.764 8.782 2006 ?

?

2019 8.681 2007 ?

2020 8.739 2008 ?

Total 43.909 2021 8.373 2009 ?

2022 8.569 2010 ?

2023 8.259 8.067 2011 ?

?

2024 7.971 2012 ?

2025 7.163 2013 ?

Total 40.335 faste est la conséquence du recrutement des étudiants en médecine relativement moins abondant au tout début des années 1960 limitant d’autant le nombre ultérieur des retraités. L’ analyse plus fine fait toutefois apparaître un début de déclin des effectifs dès 2009, lié à un numerus clausus déjà insuffisant vers 1994-1995.

TABLEAU 5. — Les Praticiens Adjoints Contractuels (PAC), effectifs recrutés en application de la loi de 1995.

Inscrits à l’Ordre au Reçus aux épreuves nationales d’aptitude 31 décembre de au titre de l’année indiquée l’année indiquée Année Effectif Cumul 1996 1 036 1 036 1997 915 1 951 1998 1 219 3 170 1999 965 4 135 1 571 2000 465 4 600 1 985 2001 502 5 102 ?

2002 634 5 736*

?

* Effectifs cumulés fin 2002.

TABLEAU 6. — Diplômés hors Union Européenne et autorisés à exercer la profession de médecin en France (en plein exercice) au titre de la loi de 1972 et par la filière du Certificat de Synthèse Clinique et Thérapeutique. (Sources : Arrêtés publiés au J.O.) Au titre de l’année QUOTA fixé Autorisations par le Ministère accordées 1991 40 40 1992 100 100 1993 80 80 1994 80 80 1995 70 70 1996 75 75 1997 400 417 1998 300 906 1999 100 1 138*

2000 ?

2 797*

2001 ?

868*

2002 ?

1 556*

* Autorisations incluant les régularisations hors quota au titre de la loi CMU de 1999.

De 1998 à 2002, 7265 praticiens ont été ainsi autorisés La période 2011-2015

La situation deviendra plus inquiétante dans l’ensemble de ces cinq années, puisque les chiffres forment un déficit global de 17.000 médecins et de 3.400 en moyenne annuelle. Ce fait est le corollaire d’un numerus clausus trop insuffisant dès les années 1998-1999 que le petit excédent des années précédentes ne peut corriger.

La période 2016-2020

Dans les cinq années 2016-2020, l’évolution de la démographie médicale sera encore plus grave ! 43.909 médecins âgés de 65 ans prendront leur retraite ce qui correspond à un chiffre moyen annuel de 8.782. Les effectifs des jeunes médecins assurant leur remplacement sont encore inconnus : les recrutements ne se feront que dans la période immédiate 2004-2008.

Pour l’année 2004, le numerus clausus annoncé est de 5.600, dont 50 places réservées à des étudiants issus des études non médicales et dont on ne peut être sûr qu’elles seront toutes comblées.

Il est ainsi bien éloigné du chiffre des départs en retraite et donc très insuffisant.

C’est en effet plus de 8.500 jeunes qu’il faudrait recruter chaque année, pendant plusieurs années pour équilibrer les mouvements de cette période et même davantage pour combler les retards amorcés dans les années antérieures.

La période 2021-2025

Pour les cinq années suivantes 2021 à 2025, les départs en retraite sont connus (en moyenne 8.067 par an) et le recrutement des étudiants en médecine n’est pas encore déterminé. Toute prévision est donc impossible mais les chiffres imposent d’eux —mêmes qu’un recrutement important soit assuré. Le seul constat un peu optimiste est le début d’une diminution des départs (à l’âge 65 ans) en 2024 et 2025 (respectivement 7.971 et 7163).

Commentaires

Les études prospectives de la DREES [4] vont dans le même sens. Selon le chiffre du numerus clausus retenu, la diminution des effectifs à partir de 2020 pourrait être de 20 % et même davantage.

Si actuellement, la répartition des médecins sur l’ensemble du territoire national et dans les différentes disciplines était harmonieuse, nos effectifs en 2003 devraient répondre facilement à la demande de soins. Il a été dit plus haut que cela donne une densité médicale autour de 330.

Peut-on vraiment penser qu’une densité nettement moindre, inférieure à 300 voire plus basse pourra satisfaire la demande en soins médicaux vers 2020 ? De tels indices correspondraient à ceux des régions actuellement jugées les plus défavorisées.

Peut-on espérer que l’on pourra réaliser une meilleure répartition des praticiens dans les différentes disciplines et éviter davantage la désertification médicale avec des effectifs nettement plus réduits que ceux dont nous disposons actuellement ?

Des critiques peuvent être apportées à cette réflexion : notamment celle d’avoir retenu comme postulat que les circonstances en 2020 pourraient être semblables à
celles de 2003. Cette analyse prévisionnelle, bien que forcément erronée, devait avoir une base de comparaison ! Nul n’ignore que les progrès de la médecine, les médecins, leur exercice, la société, les besoins des patients, la protection sanitaire et sociale auront évidemment évolué. L’expérience prouve aussi que l’évolution ne se fait jamais vers la diminution des besoins ni des moyens. Le constat fait plus haut n’en est donc que plus alarmant !

Les palliatifs en réflexion

Un courant de pensée fait évoquer la possibilité de trouver des palliatifs à cette situation de crise prévisible et pourrait permettre de ne pas reprendre maintenant un recrutement plus important de médecins :

Le transfert de compétences médicales à d’autres professionnels de la santé [6, 7] pourrait soulager le corps médical de certaines disciplines aux effectifs déjà insuffisants. Cette possibilité n’est pas à rejeter à condition que la qualité des soins soit maintenue, mais la démographie des personnels de remplacement concernés, leur formation complémentaire nécessaire, les incidences professionnelles en termes d’exercice et de responsabilité sont encore à l’état de réflexion, de début d’expérimentation et à peine de projet structuré, ce qui n’apporte pas dans l’immédiat les solutions espérées !

Une incertitude existe sur un éventuel afflux de médecins formés dans les pays de l’est de l’Europe , lorsque leur nation intègrera la Communauté Européenne. C’est ainsi à la fois l’espoir d’un remède à nos difficultés démographiques prévisibles et la crainte d’une augmentation importante et peut-être brutale des effectifs.

Ces moyens restent encore du domaine des hypothèses et ne devraient pas permettre de freiner des décisions qui sont à prendre rapidement, d’autant que l’observatoire de la démographie , nouvellement créé, pourra assurer une surveillance rigoureuse des flux, faire des prévisions, année après année, et conseiller la rectification rapide du numerus clausus.

QUELLES MESURES PROPOSER ?

Il ne semble pas possible de trouver les solutions immédiates permettant de résoudre la crise actuelle, faute de pouvoir disposer des moyens appropriés. Cette crise ne peut être que très progressivement tempérée :

— Augmenter les effectifs des disciplines « sinistrées » ne peut se faire qu’au détriment des autres puisque le cadre est inextensible, et son effet est différé de plusieurs années…

— Espérer que dans le secteur libéral le développement rapide des mesures incitatives fera que les jeunes médecins acceptent de s’installer dans les territoires où la présence en omnipraticiens est insuffisante.

— En cas d’échec, les pouvoirs publics probablement soumis à la pression des citoyens pourront-ils laisser certaines zones dépourvues de médecins et sans permanence des soins ? C’est sans doute alors que la liberté d’installation pourra être compromise.

Si la Démographie médicale s’évalue dans le présent, elle a cependant pour but de prévoir les effectifs jugés nécessaires pour les décades suivantes. On a vu que le recrutement actuel des étudiants en médecine ne peut combler les départs à la retraite des médecins tels que prévus. La crise des effectifs s’amorcera globalement à partir de 2009 et sera gravissime en 2015-2020. Il est urgent que pendant au moins quelques années, le numerus clausus soit fortement relevé (plus de 8.500 ) et qu’ensuite des aménagements relatifs au traitement des différentes disparités signalées ci-dessus soient entrepris. Ces mesures devront tenir compte de nombreux facteurs dont les principaux nous semblent être les suivants :

— La très longue durée des études médicales qui crée une inertie entre le moment du recrutement de l’étudiant en médecine et son entrée dans la vie professionnelle active, — L’adaptation réelle de ce numerus clausus aux chiffres connus des départs annuels à la retraite des médecins, les autres sorties des effectifs restant en effet aléatoires et donc imprévisibles, — la notion qu’un étudiant recruté pourra n’avoir qu’un exercice à temps limité , tout au moins à certaines périodes de sa carrière, — Le fait que l’étudiant en médecine ne fera pas forcément un praticien dont l’exercice sera celui des soins aux malades . Peut-être faudra-t-il prévoir des contingents et exiger de ceux qui s’engagent dans une discipline d’y demeurer fidèles, sauf circonstances particulières.

— Le constat également qu’à partir d’un certain âge, l’exercice de certaines discipli- nes est pénible . La garde, la permanence des soins, le traitement des malades urgents sont difficiles à assurer en fin de carrière et aussi quand la maladie ou l’impotence survient. La reconversion professionnelle dans une discipline moins pressante est souhaitable. Elle doit être rendue possible (passerelles réclamées depuis longtemps) à condition que, par une nouvelle formation, soit garantie la compétence requise. Une telle disposition influe sur la démographie des disciplines concernées et ce point doit être pris en compte.

— La nécessaire harmonie dans la répartition des effectifs entre les généralistes et les spécialistes d’une part et entre les différents spécialistes d’autre part conformé- ment aux besoins de soins des patients dans les disciplines considérées et à la qualité requise des soins médicaux. L’ensemble n’est réellement possible que si les effectifs médicaux globaux sont suffisants.

— La nécessaire qualité de la médecine délivrée par les praticiens conformément aux données de la Science qui dépend principalement des formations initiale et ultérieure , en évitant d’avoir recours à des médecins dont la formation initiale n’a
pas été garantie par l’enseignement et les diplômes délivrés dans les

Universités Européennes , — La nécessité de donner la priorité à la qualité des soins délivrés par rapport aux autres préoccupations si des mesures palliatives sont décidées visant à combler les insuffisances numériques dans les effectifs de certaines disciplines, — Tenir compte de l’évolution de la société française et du nouveau comportement des médecins autant que cela soit possible, en ne négligeant pas le fait que la tendance s’oriente vers le travail en temps limité et la recherche de davantage de temps libre à consacrer aux activités privées, cette évolution nécessitant forcément une compensation démographique.

— Les effectifs de la Médecine Hospitalière devront également être rétablis d’autant que ses charges sont croissantes. Les mesures qui devraient être prises pourraient être les suivantes :

Rendre à nouveau attractive la fonction de Médecin des Hôpitaux , notamment en réactivant les moyens, en privilégiant la fonction de soins, et en limitant les charges administratives jugées par beaucoup comme maintenant intolérables et de peu d’intérêt, Ne recruter les nouveaux médecins qu’avec le seul objectif prioritaire de la

Compétence et de la Qualité des soins et non celui du comblement d’un poste vacant !

Chaque fois que la Géographie permet les déplacements faciles de la population, rassembler les effectifs en regroupant les petites structures jusqu’alors pérennisées pour le seul besoin de la proximité et qui ont fait souvent l’impasse sur la qualité et la sécurité des soins délivrés.

— Enfin de ne pas oublier l’accentuation progressive de la féminisation du corps médica l qui, si cette orientation persiste, aboutira à sa proportion majoritaire à partir de 2020. La qualité des soins prodigués n’est pas ici en cause, mais le temps accordé à l’activité professionnelle diminuera alors la production des actifs et retentira sur les besoins en effectifs.

CONCLUSION

Les données démographiques font prévoir une crise très grave des effectifs médicaux et par là du potentiel de soins pour un avenir qui n’est pas tellement éloigné. C’est ce qui doit inciter à demander aux pouvoirs publics de ne pas faire perdurer le retard déjà pris et de décider dès maintenant des mesures appropriées pour rétablir une démographie suffisante. Le rétablissement ne pourra malheureusement pas être immédiat et demandera plusieurs années pour se réaliser.

Ces données et le comportement nouveau des médecins — spécialement des plus jeunes — vont probablement perdurer et peut-être même s’amplifier. Si la situation reste inchangée et si le comportement nouveau des médecins et de notre société se
confirment, les insuffisances constatées et prévisibles n’en seront que plus importantes.

REMERCIEMENTS

L’auteur adresse ses remerciements au Conseil national de l’Ordre des médecins, à ses services et au Credes qui ont recueilli et fourni les données de cette étude.

BIBLIOGRAPHIE [1] Ordre national des médecins. Cahier de Démographie no 35, Situation au 1er Janvier 2002.

Décembre 2002.

[2] Ordre National des médecins. Cahier de Démographie no 36, Situation au 1er janvier 2003.

Décembre 2003.

[3] DREES — Cahier no 57, Septembre 2003. Les médecins. Estimations au 1er Janvier 2003.

[4] DREES — Cahier no 30, Février 2002. Projections médecins 2002-2020. Hypothèses numerus clausus 4700 et 1343 internes.

[5] DREES — Cahier no 52, mai 2003. Les professions de santé au 1er Janvier 2003.

[6] BERLAND Yvon — Rapport no 2002135, Novembre 2002. Mission démographie des professions de santé. (Rapport au Ministre de la Santé).

[7] Direction générale de la Santé. La démographie médicale, Juin 2001.(Rapport au Ministre de la Santé).

[8] LABARTHE Géraldine et HERAULT Dominique. — Les étudiants inscrits en médecine en Janvier 2002, DREES, études et résultats, no 244, juin 2003.

[9] Les Spécialités en crise. Quelles solutions pour l’avenir ? Ordre national des médecins, Jeudis de l’Ordre, 18 juin 2001.

[10] Guy NICOLAS et Michel MURET. — Propositions sur les options à prendre en matière de démographie médicale. Juin 2001. Rapport au Ministre de la Santé.

[11] Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Le secteur libéral des professions de santé. Carnets statistiques no 109.2003.

[12] Informations de la CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins français), no 50 décembre 2003, p. 30.

DISCUSSION

M. Pierre LEFEBVRE

Les médecins des armées sont-ils intégrés dans vos statistiques ?

Les dispositions réglementaires interdisent aux médecins militaires l’Inscription à l’Ordre des médecins comme du reste à la DDASS. Ils ne sont donc pas comptés dans les
effectifs qui viennent d’être présentés. Par contre, ceux qui à la fin de leurs activités dans le corps de Santé des armées décident d’exercer dans la médecine civile, doivent se faire enregistrer à l’Ordre et à la DDASS. Ils sont alors comptés dans les effectifs du corps médical français. Cette situation aura vraisemblablement un temps limité, car la population civile peut être prise en charge dans les hôpitaux militaires et les difficultés en effectifs rencontrées par le corps de santé des armées conduira vraisemblablement celui-ci à recruter à titre temporaire des médecins civils pour certaines fonctions.

M. André VACHERON

Deux structures ont permis jusqu’à maintenant de pallier, dans une certaine mesure, l’insuffisance du numerus clausus et l’insuffisance du nombre des internes DES dans certains spécialités : les commissions nationales de qualification de l’Ordre des Médecins et les praticiens hospitaliers contractuels associés qui dans bien des disciplines ont permis le fonctionnement des hôpitaux généraux régionaux. On a annoncé leur extinction, qu’en est-il réellement au début de cette année 2004 ?

Les PAC sont effectivement un corps en voie d’extinction parce qu’initialement ils étaient recrutés pour exercer des fonctions hospitalières pour une durée limitée. Tout laisse à penser que, même si le recrutement est arrêté, ceux qui sont en place le resteront. En outre, les dispositions réglementaires permettent sous certaines conditions à certains de concourir pour devenir praticien hospitalier. Quant aux commissions de qualifications, elles sont dorénavant pérennisées par le décret 2004-252 du 19 mars 2004 et seront ouvertes également aux médecins issus du nouveau régime des études médicales. L’arrêté d’application est à l’étude et à la signature du ministre. Ces dispositions permettront aux spécialistes et généralistes qui le souhaiteront de changer d’activité médicale en embrassant une autre spécialité à condition d’avoir acquis les connaissances nécessaires et d’en apporter la preuve. Ces dispositions étaient demandées depuis bien des années par l’Ordre et la Profession. Elles sont enfin arrivées.

M. Yves CHAPUIS

Dans l’évaluation du déficit prévu à l’horizon 2020, a-t-on ou peut-on tenir compte, au-delà des chiffres, du fait qu’à cette époque, dans 15 à 20 ans, le temps de travail accepté sera inférieur à celui que l’on connaît aujourd’hui ?

L’étude qui a été présentée est une projection conceptuelle et comparative du futur à partir des données présentes. Lorsqu’un médecin s’inscrit à l’Ordre et à la DDASS, sa date de naissance est déclarée et l’année à laquelle il aura 65 ans est parfaitement connue.

Le nombre des départs à la retraite des médecins chaque année est donc annoncé et donc prévisible, exception faite du très petit nombre des départs prématurés…Les pouvoirs publics ont ainsi la faculté d’assurer le remplacement de ces départs par un nombre adapté de nouvelles recrues. L’étude ici présentée repose sur l’hypothèse que la situation de la médecine, des médecins, du corps social et du comportement de ces derniers seront les mêmes dans 25 ans qu’actuellement. Cette réflexion est forcément en partie erronée.

Nul ne sait ce que sera le temps de travail, le degré de féminisation et les différents facteurs qui peuvent aggraver la démographie… et si les tendances actuelles se pérenniseront. Mais le remplacement nombre pour nombre des futurs départs n’est pour l’instant pas assuré.

Le maintien des effectifs à un chiffre adéquat conditionne en partie la réponse à la
demande de soins des patients et entre réellement dans un véritable projet de politique de Santé.

M. Paul MALVY

Je voudrais demander à M. Langlois ce que pourraient être les « mesures contraignantes » auxquelles il a fait allusion

Dans le système présent dirigiste et très rigide qui attribue aux seuls pouvoirs publics le droit de fixer le nombre des futurs médecins en décidant des effectifs des étudiants en médecine par le Numerus Clausus et de ceux des futurs spécialistes et généralistes par le nombre de ceux admis dans l’Internat dit qualifiant, la possibilité accordée aux médecins de choisir leur futur lieu d’exercice est la seule liberté encore offerte. Les travaux démographiques démontrent qu’il y a malheureusement de graves déviances portant notamment sur la répartition géographique. Les mesures contraignantes pourraient être la décision prise par les pouvoirs publics d’imposer l’installation des nouveaux diplômés et des praticiens qui voudraient changer de lieu d’exercice, dans les zones dites désertifiées et d’interdire l’accès à celles où les effectifs sont les plus nombreux, au moins pour une période limitée…Si les mesures libérales actuelles qui se mettent en place se révèlent insuffisantes, pourra-t-on échapper à ces mesures autoritaires ?

M. Roger HENRION

Comment peut-on inciter des étudiants à choisir des disciplines telle que la chirurgie ou la gynécologie obstétrique, étant donné les contraintes liées à leur exercice ?

Dans l’organisation actuelle, les étudiants qui terminent leur second cycle et qui sont reçus au concours de l’Internat choisissent leur spécialité en fonction de leur classement, du nombre de places offertes dans une spécialité déterminée, de leur aspirations personnelles, et pour nombre d’entre eux des contraintes que l’exercice futur laisse deviner. La chirurgie, l’obstétrique, la réanimation et quelques autres spécialités comportent des gardes nombreuses, une obligation plus forte qu’ailleurs dans la permanence et la continuité des soins, des charges financières plus élevées et chose nouvelle peut-être un risque accru de poursuites et de judiciarisation…Cela ne semble pas inciter les plus jeunes à entrer dans ces voies qui leur font peur ! L’organisation va changer : Tous les étudiants seront obligatoirement internes et leur classement déterminera leur choix. Les pouvoirs publics auront ainsi la possibilité de fixer les futurs effectifs de ces spécialités auxquels les étudiants ne pourront échapper, sauf à quitter l’exercice de la profession. Il sera intéressant de regarder comment se fera le choix des postes et des carrières en fonction du classement. Les difficultés et charges croissantes que rencontre le corps médical et le vent de pessimisme qui l’animent ne sont pas des facteurs susceptibles d’encourager les plus jeunes à venir le rejoindre.


* Président d’Honneur du Conseil National de l’Ordre des Médecins, Professeur et chirurgien honoraire des Hôpitaux de Paris. ** DREES : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (ministère de la Santé). *** CNAMTS : Caisse nationale d’Assurance Maladie des travailleurs salariés. Tirés à part : Professeur Jean LANGLOIS, 79 avenue Mozart 75016 PARIS. Article reçu le 17 novembre 2003, accepté le 19 janvier 2004.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 4, 675-693, séance du 6 avril 2004