La perte d’une fonction sensorielle constitue un handicap qui ne menace certes pas la durée de vie mais en affecte parfois sévèrement la qualité. Au cours des dernières années, des avancées thérapeutiques significatives ont été obtenues notamment dans le domaine de l’audition ou de la vision. Mais ces avancées soulèvent elles-mêmes de nouveaux problèmes à la fois médicaux et socio-économiques que cette séance se propose d’exposer.
C’est ainsi que la prise en charge de la surdité totale ou profonde bilatérale a été totalement transformée par l’implantation cochléaire et je tiens ici à rappeler que c’est Claude-Henri Chouard qui en fut le promoteur au niveau mondial et qui, pour des raisons liées, beaucoup d’entre nous en sont convaincus, à la puissance des lobbys industriels, s’est vu injustement privé l’an passé du prix Lasker.
Quoiqu’il en soit l’implantation cochléaire restaure chez l’adulte devenu sourd une audition pratiquement normale et permet à l’enfant d’accéder à l’oralité, lui évitant ainsi les redoutables conséquences développementales de son isolement sonore. Mais si sa technique en est aujourd’hui parfaitement réglée, l’IC soulève de nouveaux problèmes : i) technologiques avec l’arrivée de nouveaux procédés de stimulation et d’amplification du signal qui permettent d’envisager dans un avenir proche de surmonter les limites actuelles de ce procédé de réhabilitation liées à l’extrême sophistication de la physiologie cochléaire et des mécanismes engagés dans l’appréhension des messages complexes, comme la musique par exemple ; ii) d’indications car ces progrès permettent d’ores et déjà d’étendre les indications à d’autres types de surdité ; iii) de responsabilité médicale compte-tenu de l’implication croissante et très prégnante du monde, j’allais dire du complexe économico-industriel dans la réhabilitation de la surdité, d’où une possible cause de conflit d’intérêt. L’éthique médicale doit donc rester au cœur de la décision thérapeutique et le médecin le chef d’orchestre de l’équipe multidisciplinaire.
J’ai donc demandé à André Chays, membre correspondant de notre institution, qui avait ici même évoqué il y a deux ans les problèmes posés par le dépistage néonatal de la surdité en France, de nous présenter les nouveaux défis posés par cette technique de réhabilitation.
En ce qui concerne la vision, l’une des causes les plus fréquentes sinon la plus naturelle de déficit est le vieillissement, définissant la presbytie aux multiples conséquences parfois redoutables dont un retentissement sur la mobilité du sujet âgé. Les mesures de prévention visant à prévenir l’entrée dans la dépendance et les accidents qui l’accompagnent sont donc ici essentielles.
Mais à ce processus physiologique malheureusement inéluctable, viennent s’ajouter des pathologies comme le glaucome, la rétinopathie ou la Dégénéresence Maculaire Liée à l’Age qui représente une cause majeure de malvoyance. Son traitement longtemps décevant a été transformé par l’apparition des agents anti-angiogéniques qui entraînent la régression de l’hypervascularisation pathologique caractéristique de la maladie. Mais cette technique connait quelques limites : i) d’indications car cette nouvelle arme thérapeutique n’est efficace que dans la forme dite « humide » de la maladie ; ii) d’efficacité à long terme car la répétition des injections induit une fibrose non contrôlable ; iii) de coût et l’on a ici une illustration, comme pour l’IC, de la place prégnante de l’industrie pharmaceutique et de l’innovation thérapeutique dans la prise en charge des déficits sensoriels. C’est donc aborder aussi les implications industrielles, administratives voire politiques.
C’est bien sûr notre collègue Jean-Louis Dufier qui va nous exposer la prise en charge actuelle de ce redoutable déficit sensoriel.
Quant à l’odorat, son importance n’est consciemment perçue des patients que lorsqu’il vient à leur manquer. Ce sens longtemps considéré comme archaïque et vulgaire, vestige de notre animalité et s’étant, dit-on, atrophié en raison inverse de l’intelligence, joue en réalité un rôle essentiel dans quelques-unes de nos activités les plus courantes, telles la régulation de notre alimentation, l’appréhension de notre environnement olfactif ou la détection d’odeurs dangereuses. Sa base neuro-anatomique explique par ailleurs les relations qu’il entretient avec les structures de la mémoire, du plaisir, bref des émotions.
Sa perte retentit donc de façon considérable sur la qualité de vie et impose un bilan rigoureux à la recherche d’une étiologie inflammatoire rhino-sinusienne, tumorale voire…cognitive car l’on sait qu’elle peut constituer un marqueur préclinique précédant de quelques années l’apparition de troubles mnésiques et d’une démence de type Alzheimer. C’est dire l’attention qu’il faut savoir porter à une hypo ou une anosmie inexpliquée au-delà de la cinquantaine avec pour effet collatéral le redoutable problème de l’annonce d’une affection vis-à-vis de laquelle nous sommes encore démunis. C’est assez dire la vive actualité que revêt aujourd’hui ce sujet.
C’est à Pierre Bonfils, chef du service ORL de l’HEGP, qui nous parlera de ce sujet. Il était venu il y a deux ans nous exposer la physiologie de l’olfaction. Il me semblait donc tout particulièrement compétent pour nous parler aujourd’hui de sa pathologie et de sa prise en charge.
Bull. Acad. Natle Méd., 2016, 200, no 7, 1407-1408, séance du 11 octobre 2016