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Rémy COUDERC **, Guillaume LEFEVRE, Jean-Noël FIESSINGER *
Les maladies cardiovasculaires sont l’une des premières causes de mortalité et de handicap dans les pays développés. Ces pathologies résultent du développement de l’athérosclérose, caractérisée par un dépôt de cholestérol dans l’intima artérielle, et considérée aujourd’hui comme un processus inflammatoire de la paroi artérielle, accéléré par des facteurs de risque dont les principaux sont le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète et les dyslipidémies. Si les recommandations émises en 2005 par l’Afssaps sur la prise en charge thérapeutique du patient dyslipidémique [1] et en 2006 sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde [2] restent pertinentes à ce jour, elles méritent d’être précisées à la lumière des travaux les plus récents. En effet des évolutions dans les recommandations peuvent être envisagées concernant :
— l’utilisation de l’Apolipoprotéine B (ApoB), en particulier dans l’estimation du risque et le suivi des patients présentant un syndrome métabolique ou un diabète ;
— l’utilisation de la C-Reactive Protein (CRP) pour mieux évaluer le risque initial et orienter la prise en charge chez les sujets à risque intermédiaire ;
— l’utilisation de la troponine dans la prise en charge initiale du patient suspect de syndrome coronarien aigu ;
— l’utilisation des peptides natriurétiques dans l’insuffisance cardiaque.
Intérêt de la détermination de l’ApoB dans l’estimation du risque cardiovasculaire (RCV) chez les sujets présentant un syndrome métabolique
Le syndrome métabolique est défini comme l’association d’une obésité abdominale, objectivée par l’ augmentation du tour de taille, à deux des modifications suivantes :
concentration de triglycérides élevée, concentration de HDL-cholestérol basse, élévation de la pression artérielle et anomalies de la régulation glycémique incluant une insulino-résistance [3]. Cette situation métabolique se traduit au niveau des lipoprotéines par une augmentation de la proportion de LDL dites petites et denses, pauvres en cholestérol, et hautement athérogènes. Le dosage du LDL cholestérol sous-estime dans ces conditions le risque athérogène des lipides chez ces patients [4].
En revanche comme chaque particule de LDL et de VLDL comprend une molécule d’ApoB quelle que soit sa teneur en lipides, son dosage équivaut à mesurer le nombre de particules potentiellement athérogènes. Sur la base des travaux disponibles, de nombreux experts ont conclu que l’ApoB est un meilleur marqueur du RCV et un meilleur paramètre pour évaluer le suivi du traitement hypoLDLémiant que le LDL cholestérol [5]. Le seuil de normalité a été proposé à 1,2 g/l [6] et l′objectif thérapeutique à 0,8 g/l et à 1 g/l respectivement pour les sujets à risque CV élevé et trés élevé [7, 8]. Nous recommandons donc le dosage de l′ApoB (coût par dosage de 2,7 k) chez les sujets atteints de syndrome métabolique et chez les sujets présentant une hypoHDLémie isolée. Cette recommandation concerne environ 20 % de sujets de 35 à 65 ans, soit cinq millions de français .
Intérêt de la détermination de la CRP dans l’estimation du RCV chez les sujets à risque intermédiaire et comme facteur prédictif de bénéfice du traitement par les statines
Le développement de l’athérosclérose s’accompagne d’une réaction inflammatoire de l’arbre artériel qui peut être objectivée par le dosage dans le plasma de biomarqueurs non spécifiques tels que la C- reactive protein dont le dosage par des techniques ultra-sensibles permet d’apprécier des variations de concentrations sériques entre 0,5 et 10 mg/l [9]. Les résultats de plusieurs grandes études prospectives, confirmés dans une méta-analyse, montrent que la CRP prédit fortement et indé- pendamment des autres facteurs de RCV, la survenue d’accidents cardiovasculaires, incluant l’IDM, les infarctus cérébraux et la mort subite d’origine cardiaque [10].
L’addition de la CRP au dépistage classique par le dosage des lipides améliore la prédiction du RCV indépendamment du LDL cholestérol, en particulier chez les sujets asymptomatiques, quel que soit le niveau de risque selon l’équation de Framingham [11]. De plus, l’étude JUPITER a montré que les sujets ayant un LDL cholestérol < 1,3 g/l et une CRP >2 mg/l bénéficiaient d’une réduction du risque de survenue d’évènements CV par un traitement par la rosuvastatine [12]. Le dosage de la CRP, pour un coût par dosage d’environ 5 k, est donc à recommander chez les hommes de plus de cinquante ans et les femmes de plus de soixante ans, ayant un RCV intermédiaire (10 à 19 % selon l′étude de Framingham soit trois millions de français) et pour lesquels la décision d′initier un traitement par une statine n’est pas évidente. Chez ces patients au delà du seuil de 2mg/l pour la CRP, il semble raisonnable d’initier une prévention primaire avec une statine [13].
Intérêt du dosage de la troponine dans le syndrome coronarien aigu
Le consensus actuel sur l’utilisation des marqueurs biologiques dans le syndrome coronarien aigü (SCA) recommande préférentiellement le dosage de la troponine cardiaque : son augmentation, fait partie intégrante de la définition de l’infarctus du myocarde (IDM) [14]. Cependant, à cause des concentrations faibles retrouvées au début de l’infarctus du myocarde et comme souligné par les recommandations (HAS 2006 sur la prise en charge de l’IDM hors des services de cardiologie et HAS 2010 sur la médecine ambulatoire), la prise en charge initiale du patient suspect de SCA doit être basée principalement sur la clinique [2, 15]. La sensibilité diagnostique de la troponine est supérieure à celle des autres marqueurs classiques de la nécrose cardiaque, notamment les activités enzymatiques (LDH, CK, AST). Les dosages de troponine de haute sensibilité qui se développent actuellement présentent une précision analytique importante (CV < 10 %) au seuil diagnostique (99ème percentile d’une population de référence) [16, 17]. Ce dosage est également pertinent pour diagnostiquer rétrospectivement une atteinte cardiaque.
L’intérêt diagnostique de ce dosage est évident en cas de SCA sans décalage du segment ST. Dans ce contexte, la mise en évidence d’une augmentation de la troponine peut nécessiter le renouvellement de ce dosage dans un délai de quatre à six heures. Dans le cas des dosages hypersensibles, un délai de trois heures a été proposé [18]. Cependant, l’augmentation de la troponine objective une nécrose cardiaque sans préjuger de son mécanisme : la connaissance de l’ensemble des étiologies d’augmentation de la troponine, notamment non ischémiques, doit intervenir dans l’interprétation de ce dosage [19].
Intérêt du dosage des facteurs natriurétiques dans l’insuffisance cardiaque
Les données françaises montrent qu’il y a environ un million d’insuffisants cardiaques (IC) et environ 120000 nouveaux cas par an. Le recours à des examens complémentaires dont le dosage des peptides natriurétiques de type B (BNP ou NT-proBNP) permet de préciser le diagnostic de l’IC chronique.
L’utilisation des peptides natriurétiques est utile dans le diagnostic de l’IC chronique, la décision d’hospitalisation et l’identification des patients à risque [20]. Dans l’IC chronique, il existe une corrélation entre les concentrations en peptides natriurétiques et le pronostic. Cependant, leurs modalités pratiques d’utilisation ne sont pas encore bien précisées. Leur utilisation dans le suivi thérapeutique de l’IC chronique n’est pas à ce jour totalement validée et doit être confirmée par des études complémentaires. Le dépistage, en routine de la dysfonction ventriculaire gauche par le dosage des peptides natriurétiques dans de larges populations asymptomatiques sans facteur de risque d’IC ou à haut risque d’IC, n’est pas indiqué.
Ces dosages possèdent une forte valeur prédictive négative dans l’IC aigue et l’IC chronique [21, 22]. Un résultat élevé constitue une indication à la réalisation d’examens complémentaires, d’une échocardiographie et à la consultation d’un spécialiste. Les principales limites cliniques d’interprétation des résultats des facteurs natriurétiques doivent être connues : l’insuffisance rénale, l’âge et le sepsis (augmentation) et l’obésité (diminution) [22]. L’absence de standardisation de ces dosages rend les comparaisons des valeurs absolues des résultats entre BNP et NT-proBNP impossibles [21]. Ces peptides présentent des variations intraindividuelles importantes de l’ordre de 50 % chez le sujet stable en absence de modification clinique [23].
CONCLUSION
L’utilisation de l’Apolipoprotéine B (ApoB) est recommandée dans l’estimation du risque et dans le suivi des patients présentant un syndrome métabolique ou un diabète de type 2 (syndrome d’insulinorésistance) circonstances dans lesquelles le niveau du LDL-cholestérol n’est pas le meilleur indicateur du risque athérogène.
Le seuil de normalité de l’ApoB a été proposé à 1,2 g/l et l’objectif thérapeutique à 0,8 g/l et à 1 g/l respectivement pour les sujets à risque CV élevé et trés élevé. Cette recommandation est étendue aux sujets présentant une hypoHDLémie isolée, celle-ci pouvant être une manifestation du syndrome d’insulinorésistance.
L’utilisation de la CRP permet de mieux évaluer le risque initial et d’orienter la prise en charge chez les sujets à risque intermédiaire. Le dosage de la CRP est donc recommandé chez les hommes de plus de cinquante ans et les femmes de plus de soixante ans, ayant un risque cardiovasculaire intermédiaire (10 à 19 % selon l’étude de Framingham) et pour lesquels la décision d’initier un traitement par une statine n’est pas évidente. Chez ces patients au delà du seuil de 2mg/l pour la CRP il semble raisonnable d’initier une prévention primaire avec une statine.
Dans le contexte du SCA, le marqueur préférentiel de la nécrose cardiaque est la troponine. Ce dosage doit être préféré aux autres dosages biologiques moins cardiospécifiques, notamment les activités enzymatiques. L’utilisation des dosages de troponine hypersensible doit être développée notamment dans les SCA sans sus-décalage du segment ST. L’utilisation optimale de ce marqueur nécessite de connaître les limites de ces dosages notamment les causes non ischémiques d’augmentation de la troponine.
Dans le contexte de l’insuffisance cardiaque, le dosage des facteurs natriurétiques est utilisé comme aide au diagnostic de l’insuffisance cardiaque en raison de leur forte valeur prédictive négative. Ces dosages sont surtout indiqués dans le diagnostic initial d’une insuffisance cardiaque en l’absence de tableau clinique typique. Ces dosages peuvent également être prescrits dans le cadre des symptômes atypiques pouvant suggérer une décompensation d’une insuffisance cardiaque chronique. Les cliniciens doivent être informés des problèmes d’interprétation liés notamment à la forte variabilité intra-individuelle et à l’absence de comparaison des valeurs du BNP et du NT-proBNP. Dans le suivi d’un patient il est recommandé de toujours prescrire le même type de dosage de peptide natriurétique.
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