Communication scientifique
Séance du 24 mars 2009

Intérêt et limites de l’examen histopathologique des biopsies de villosités choriales

MOTS-CLÉS : biopsie. histologie. villosités choriales
Advantages and limitations of chorionic villous sampling
KEY-WORDS : biopsy. chorionic villi. histology

Dominique Carles, Fanny Pelluard, Raphaëlle Mangione, Alain Liquier, Jacques Horovitz, Robert Saura

Résumé

La ponction-biopsie de villosités choriales (choriocentèse) est une technique développée depuis maintenant plus de vingt ans. Avec l’amniocentèse, elle est venue compléter l’arsenal du cytogénéticien pour déterminer le caryotype fœtal en anténatal (diagnostic prénatal). L’une ou l’autre de ces méthodes est préférentiellement utilisée selon les équipes et selon les indications. Une bonne maîtrise de la technique de la choriocentèse permet aujourd’hui de disposer d’un matériel suffisamment abondant pour envisager de coupler une analyse histopathologique à l’analyse. du caryotype. L’objectif de cette étude est d’évaluer la validité de l’examen histopathologique des biopsies de villosités choriales dans le diagnostic des pathologies de la grossesse, qu’il s’agisse des pathologies ovulaires primitives, des pathologies vasculaires utéro-placentaires (toxémie) et dans certaines pathologies inflammatoires. Quatre-cents biopsies de villosités choriales ont fait l’objet d’une étude morphologique de janvier 1995 à février 2008. Les résultats de ces examens ont été analysés selon les indications de la choriocentèse, selon le caryotype, selon l’examen placentaire et/ou l’issue de la grossesse. En cas d’interruption spontanée ou médicale de grossesse, le compte-rendu de l’examen fœtopathologique, lorsqu’il a été pratiqué, a été également intégré à l’analyse. Les caractéristiques de notre échantillon montrent qu’il est représentatif des patientes ayant nécessité un diagnostic prénatal par trophocentèse pour l’âge maternel, le terme de la grossesse lors du prélèvement et les indications. Pour le dépistage des toxémies gravidiques, la sensibilité et la spécificité de la biopsie placentaire sont respectivement de 56,8 % et de 87,2 % pour une prévalence de 29,6 % dans notre échantillon. Cependant, si l’indication de l’examen est un retard de croissance intra-utérin, la sensibilité de cet examen pour le dépistage d’une toxémie atteint 76,9 %. Pour le dépistage des aberrations chromosomiques, ces valeurs sont de 14,3 % pour la sensibilité et de 93,2 % pour la spécificité avec une prévalence de 7,4 % dans notre échantillon. Pour les autres pathologies et notamment pour les intervillites chroniques, les résultats paraissent peu significatifs en raison de la très faible prévalence de cette pathologie dans notre échantillon. Cette étude montre que l’analyse histopathologique des biopsies de villosités choriales est un examen utile pour le diagnostic de l’origine vasculaire utéro-placentaire des retards de croissance intra-utérins sans autre symptomatologie clinique, biologique ou échographique franche, en complément de l’analyse cytogénétique. Ces résultats associés à la simplicité de sa mise en œuvre et son faible coût permettent d’envisager la pratique systématique de l’analyse histopathologique des biopsies de villosités choriales dans cette indication. Sa place pour d’autres pathologies reste cependant encore à préciser sur des effectifs plus importants et, sans doute, de nouveaux critères diagnostiques encore à définir.

Summary

Chorionic villous sampling (CVS) has been available for more than twenty years. Together with amniocentesis, it helps the cytogenetician to determine the fetal karyotype for prenatal diagnosis. The choice between these two methods depends on the team and the indication. CVS can now provide sufficient material for both histopathologic and cytogenetic analyses. We evaluated the accuracy of microscopic examination of CVS for detecting primary ovular, uteroplacental vascular (preeclampsia) and inflammatory disorders. Four hundred CVS were examined in the pathology laboratory of Pellegrin Hospital, Bordeaux, France, from January 1995 to February 2008. The results were analyzed according to the indication, the karyotype, the results of placental examination, pregnancy outcome and, when available (following spontaneous or medical termination), fetoplacental findings. The sample was representative of patients requiring CVS for prenatal diagnosis, with respect to maternal age, the stage of pregnancy, and the indications. When used to screen for preeclamsia (prevalence 29.6 % in the sample), the sensitivity and specificity of placental biopsy were respectively 56.8 % and 87.2 % (76.9 % in case of intra-uterine growth retardation). When used to screen for chromosomal aberrations (prevalence 7.4 %), the specificity was 14.3 % and the sensitivity 93.2 %. The prevalence of other disorders, and particularly chronic intervillitis, was too low for meaningful analysis. This study shows that histopathologic analysis of chorionic villous samples is useful for detecting the utero-placental vascular origin of intrauterine growth retardation in the absence of other clinical, biological or ultrasound signs, and that it is complementary to cytogenetic analysis. Being a simple and inexpensive examination, histopathologic analysis of CVS could be performed systematically in this indication. Its value and diagnostic signs in other settings need to be determined in larger series.

INTRODUCTION

En pathologie placentaire, le diagnostic anatomopathologique est un diagnostic rétrospectif car habituellement pratiqué après l’arrêt de la grossesse qu’il s’agisse d’une naissance ou d’un avortement. De très nombreux travaux ont porté et portent encore sur l’étude des placentas ou des produits de curetage pour fausse couche. Ces travaux donnent une connaissance assez précise de l’expression morphologique des pathologies de la grossesse sur le placenta.

 

La biopsie de villosités choriales est une technique aujourd’hui éprouvée qui permet d’obtenir rapidement un diagnostic prénatal, quel que soit le terme de la grossesse.

Le volume de matériel prélevé peut autoriser une analyse histopathologique conjointement à l’analyse cytogénétique. Dans ces conditions, l’analyse histopathologique permet de porter un diagnostic qui, dans certaines circonstances, influera sur le pronostic et la prise en charge de la grossesse en cours sans induire de risque maternel ou fœtal supplémentaire car l’indication initiale reste toujours l’analyse cytogénétique. Cette opportunité n’est cependant qu’exceptionnellement utilisée.

Les données concernant la morphologie des villosités choriales ainsi prélevées, la validité de cet examen dans les différentes indications de la trophocentèse et, en retour, les indications de cette analyse histopathologique n’ont été que très rarement et partiellement étudiées et elles sont de ce fait peu connues.

L’objectif de ce travail est d’évaluer la validité de l’examen histopathologique des biopsies de villosités choriales dans le diagnostic des pathologies de la grossesse, qu’il s’agisse des pathologies ovulaires primitives, des pathologies vasculaires utéroplacentaires (toxémie gravidique) et dans certaines pathologies inflammatoires. Ce travail se base sur une série de quatre cents examens histopathologiques de biopsies de villosités choriales étudiées dans le service d’anatomie pathologique du CHU de Bordeaux de janvier 1995 à février 2008. A notre connaissance, l’apport de l’analyse anatomopathologique des biopsies de villosités choriales dans les retards de croissance intra-utérin du deuxième trimestre n’a jamais été étudié et il représente l’intérêt majeur de cette étude.

Matériel et méthodes

Les cas ont été extraits des bases de données des services d’anatomie pathologique et du service de génétique de l’hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux. Les biopsies de villosités choriales sont pratiquées depuis 1984 dans notre institution. Certaines de ces biopsies font l’objet d’une analyse histopathologique depuis 1995. Les biopsies de villosités choriales ont toujours été pratiquées sur indication de diagnostic prénatal : détermination du caryotype fœtal, d’une anomalie génétique ou d’une analyse enzymatique. Les indications ont été classées en :

• Âge maternel, • Retard de croissance intra-utérin, • HT 21 élevées, • Clarté nucale, • Antécédents d’anomalie chromosomique, • Hygroma, • Oligoamnios, • Antécédents d’intervillite, • Autres.

 

Les antécédents d’anomalie chromosomique comprennent les anomalies équilibrées chez l’un ou l’autre des parents, ainsi que l’existence d’une grossesse antérieure avec anomalie chromosomique. La classe Autres comprend les antécédents de maladie génétique dans la fratrie ou les ascendants.

Les biopsies ont été pratiquées par des opérateurs expérimentés dans deux centres différents : le CHU de Bordeaux (JH) et la Polyclinique Bordeaux-Nord Aquitaine (RM). Le taux de perte fœtale imputable au prélèvement a été de 1,64 %. La voie transabdominale a été utilisée, selon une technique préalablement décrite [1]. Une sélection des villosités sous stéréomicroscope a permis de limiter le risque d’une contamination cellulaire maternelle pour la détermination du caryotype. Le caryotype fœtal a été déterminé par analyse directe complété par une culture cellulaire (RS et AL). S’il y avait une indication d’examen antomopathologique, le matériel excédentaire a été fixé au formol tamponné et transmis au service d’anatomie pathologique. Une post-fixation au formol éosiné a été parfois utilisée pour faciliter l’inclusion en paraffine. Ce temps d’inclusion a été suivi d’une coupe à 2,5 microns, résultat obtenu grâce à la nature du tissu étudié et à une utilisation maîtrisée d’un matériel performant (microtomes récents et couteaux jetables). La coloration a toujours été une hématéine-éosine-safran. Toutes ces préparations microscopiques on été étudiées par deux des auteurs (FP et DC). Selon les constations, une étude immunohistochimique utilisant les anticorps CD68 1 et CD31 2 a complété l’examen.

L’analyse histopathologique a porté sur :

• le nombre des villosités, • la taille des villosités, • les contours régulièrement arrondis ou anfractueux des villosités, • l’aspect fibreux ou myxoïde du stroma villositaire, • le nombre et la topographie centrale ou périphérique des vaisseaux villositaires, • la présence de microkystes trophoblastiques intra-villositaires, • la présence d’amas nucléaires périvillositaires et leur densité, • la présence de calcifications, soit en mottes, soit finement granuleuses, soit linéaires sous-trophoblastiques, • la présence de fibrine dans l’espace intervilleux, • la présence de cellules inflammatoires.

Les critères diagnostiques suivants ont été retenus pour une pathologie ovulaire primitive (figure 1) :

• des villosités de taille et de forme irrégulières avec des contours anfractueux, • la présence de microkystes trophoblastiques d’invagination, • la présence de microcalcifications, • une morphologie atypique des vaisseaux villositaires.

Ces éléments ont été interprétés en fonction du terme de la grossesse.

1. Clone JC70A, Dako France SAS, BP 149, 78196 Trappes.

2. Clone PG-M1, Dako France SAS, BP 149, 78196 Trappes.

Fig 1. — Biopsie de villosités choriale. Pathologie ovulaire primitive (triploïdie). Aspect irrégulier de la taille et de la forme des villosités choriales avec présence de microkystes d’invagination.

Coloration hématéine éosine safran.

Les critères diagnostiques suivants ont été retenus pour une pathologie vasculaire utéro-placentaire (figure 2) :

• des villosités de taille réduite, • des adhérences entre des villosités, • un excès d’amas nucléaires périvillositaires, • des dépôts de fibrine dans l’espace intervilleux, • des calcifications.

Les critères diagnostiques suivants ont été retenus pour une intervillite chronique (figure 3) :

• la présence d’éléments macrophagiques KP1 (CD68) positifs dans l’espace intervilleux, • des dépôts de fibrine dans l’espace intervilleux, • des érosions focales du trophoblaste périvillositaire.

Il convient de noter que la méthodologie de l’analyse histopathologique et les critères diagnostiques ont évolué dans le temps car nous avons constaté que les caractères morphologiques des prélèvements biopsiques diffèrent sensiblement des

Fig. 2a. — Biopsie de villosités choriales. Pré-éclampsie. Villosités choriales de taille réduite avec excès d’amas nucléaires périvillositaires. Coloration hématéine éosine safran.

Fig. 2b. — Placenta correspondant. Remaniements lésionnels similaires avec un aspect collabé de la chambre intervilleuse. Coloration hématéine éosine safran.

Fig. 3a. — Biopsie de villosités choriales. Intervillite chronique. Présence de cellules macrophagiques dans l’espace intervilleux. Coloration hématéine éosine safran.

Fig. 3b. — Placenta correspondant. Infiltrat macrophagique dense dans l’espace intervilleux Immunohistochimie CD68.

aspects morphologiques des placentas en post partum ou en post abortum nécessitant ainsi une période d’acquisition de la maîtrise de cette analyse.

Les informations relatives à l’issue de la grossesse ont été recueillies par un questionnaire systématiquement adressé au praticien avec le résultat du caryotype.

Lorsqu’à l’issue de la grossesse, le placenta nous a été adressé, son examen a été pratiqué selon un protocole standardisé [2]. Toutes ces données ont été incluses et analysées dans une feuille de calcul d’un classeur Excel. Les dossiers pour lesquels le matériel biopsique était insuffisant pour une interprétation histopathologique ont été exclus de l’étude, ainsi que les dossiers pour lesquels l’issue de grossesse n’a pas été connue. Cette issue de grossesse a été considérée comme non connue lorsqu’on ne disposait pas de l’examen du placenta ni d’une information concernant les conditions de la naissance de l’enfant ou lorsque la grossesse était encore en cours.

Il a été pratiqué une analyse statistique descriptive de notre population et une évaluation de la validité de cette analyse histopathologique des biopsies de villosités choriales par la corrélation entre ses résultats et — l’analyse histopathologique du placenta, — l’issue de la grossesse et — le caryotype.

Pour cette analyse, les résultats des biopsies de villosités choriales ont été répartis dans les classes suivantes:

• Aspect normal pour le terme, • Aspect en faveur d’une pathologie toxémique, • Aspect en faveur d’une pathologie ovulaire primitive, • Aspect en faveur d’une intervillite chronique, • Autre.

Dans la classe pathologie toxémique, nous avons placé toutes les pathologies n’appartenant pas aux autres catégories et ayant en commun une insuffisance de la circulation utéro-placentaire.

Parallèlement, après l’accouchement ou l’interruption spontanée ou médicale, chaque grossesse a été classée en :

• Grossesse d’évolution normale, • Pathologie toxémique, • Pathologie ovulaire primitive, • Intervillite chronique, • Autre.

Résultats

Quatre cents biopsies de villosités choriales ont fait l’objet d’un examen histopathologique dans le service d’anatomie pathologique de l’hôpital Pellegrin de janvier 1995 à février 2008. Les informations sur l’issue de la grossesse ont pu être obtenues pour 321 cas (80,25 %). Le placenta a fait l’objet d’un examen anatomopathologique pour 123 cas (30,75 %). Le caryotype est connu pour 397 cas (99,25 %).

 

Fig. 4. — Distribution de l’âge maternel.

Fig. 5. — Distribution de l’âge gestationnel (en semaines d’aménorrhée) au moment du prélèvement.

 

Tableau I. — Indication des biopsies de villosités choriales Indication

Nombre

Pourcentage

Âge maternel 156 39,0 % Retard de croissance intra-utérin 122 30,5 % HT21 élevées 68 17,0 % Clarté nucale 20 5,0 % Antécédents d’anomalie chromosomique 17 4,3 % Hygroma 5 1,3 % Antécédents d’intervillite 1 0,3 % Oligoamnios 2 0,5 % Autres 9 2,3 % Total 400 100,0 %

Tableau II. — Aberration chromosomique : corrélation biopsie placentaire et caryotype Aberration chromosomique

Biopsie

Oui Non Total

Positive 4 24 28

Négative 24 328 352

Total 28 352 380

Prévalence 7,4 % Sensibilité 14,3 % Spécificité 93,2 % VPP 14,3 % VPN 93,2 % Tableau III. — Toxémie gravidique : corrélation biopsie placentaire et examen placentaire Toxémie gravidique (placenta)

Biopsie

Oui Non Total

Positive 30 9 39

Négative 33 51 84

Total 63 60 123

Prévalence 51,2 % Sensibilité 47,6 % Spécificité 85,0 % VPP 76,9 % VPN 60,7 %

Description de la population

L’âge maternel moyen était de 34 ans avec des valeurs extrêmes de 17 et de 45 ans (figure 4). Le terme moyen de la grossesse au moment du prélèvement (figure 5) était de 18,73 semaines d’aménorrhée avec des valeurs extrêmes de 12 semaines d’amé- norrhée et de 37 semaines d’aménorrhée. Il existait deux pics, l’un très marqué, à 13-14 semaines d’aménorrhée, l’autre, plus étalé, autour de 26 semaines d’aménorrhée. Les trois principales indications de l’examen cytogénétique (tableau I) étaient, par ordre de fréquence, l’âge maternel (39 %) le retard de croissance intra-utérin (30,5 %) et un test de dépistage HT213 élevé (17 %). La gestité est connue dans 395 cas. La gestité moyenne était de 2. 30 % des femmes étaient primigestes, 29 % étaient 2e gestes.

Le résultat du caryotype a pu être obtenu dans 397 cas. Il était normal dans 369 cas (92,9 %) : 46, XX : 215 cas et 46, XY : 154 cas.

Corrélations

Pathologie ovulaire primitive : biopsie placentaire et caryotype

On entend par pathologie ovulaire primitive des aspects morphologiques évocateurs essentiellement d’une aberration chromosomique. On constate qu’il existe une corrélation médiocre entre le résultat de la biopsie placentaire et le caryotype (tableau II). La sensibilité et la valeur prédictive positive ne sont en effet que de 14,3 % avec cependant une spécificité et une valeur prédictive négative de 93,2 %.

Toxémie

La toxémie, ou pré-éclampsie est une pathologie spécifique de l’espèce humaine [3], qui complique 10 % des grossesses. Il existe, dans la pré-éclampsie, une anomalie de la placentation caractérisée par un défaut d’infiltration de la paroi des vaisseaux utéro-placentaires par les cellules trophoblastiques. Il en résulte une augmentation des résistances vasculaires, des phénomènes d’agrégation plaquettaire, une activation des facteurs procoagulants et une dysfonction des cellules endothéliales. Ces phénomènes concourent à une hypoxie placentaire, elle même responsable d’un retard de croissance intra-utérin. Un certain nombre de facteurs de risque ont été identifiés, parmi lesquels on peut citer la primipaternité, l’hypertension artérielle, les thrombophilies [4]. Quelle que soit l’expression clinique, les aspects histologiques sont stéréotypés : villosités choriales de taille réduite, excès d’amas nucléaires périvillositaires, synéchies villositaires, abondants dépôts de fibrine, nécrose isché- mique villositaire, foyers de villite chronique [5].

3. Le dépistage se fait en associant l’un des deux paramètres suivants : α-fœtoproteine (AFP), Estriol (E3), au dosage de l’HCG ou de l’HCG libre. Les différents risques (AFP, E3, HCG) sont exprimés en Multiple de la Médiane (MdM, ou MoM en anglais). La valeur du seuil (risque cumulé) est de 1/250. Il a été établi par l’arrêté du 26 mai 1997. Ce seuil conduit à un taux de faux positif de 5 % chez les patientes de moins de 35 ans, et un taux de 6,5 % chez les patientes de moins de 38 ans.

 

Tableau IV. — Toxémie gravidique : corrélation biopsie placentaire et issue de grossesse Toxémie gravidique

Biopsie

Oui Non Total

Positive 54 29 83

Négative 41 197 238

Total 95 226 321

Prévalence 29,6 % Sensibilité 56,8 % Spécificité 87,2 % VPP 65,1 % VPN 82,8 % Tableau V. — Toxémie gravidique : corrélation biopsie placentaire sur indication de retard de croissance intra-utérin et issue de grossesse Toxémie gravidique (placenta)

Biopsie

Oui Non Total

Positive 50 19 69

Négative 15 14 29

Total 65 33 98

Prévalence 66,3 % Sensibilité 76,9 % Spécificité 42,4 % VPP 72,5 % VPN 48,3 % Biopsie placentaire et examen du placenta

Lorsque la biopsie placentaire et le placenta après l’accouchement ont fait l’objet d’un examen anatomopathologique (tableau III), on retrouve une sensibilité moyenne (47,6 %), mais une bonne valeur prédictive positive (76,9 %), une spécificité de 85 % et une valeur prédictive négative de 60,7 %.

Biopsie placentaire et issue de grossesse

La prévalence de la toxémie gravidique dans la population étudiée est élevée (29,6 %) en raison du nombre important de biopsies de villosités choriales pratiquées pour un retard de croissance intra-utérin. Cependant, dans cette indication et alors que les signes cliniques et échographiques sont encore peu ou pas déterminants pour porter un diagnostic de toxémie gravidique, l’analyse histopathologique joue un rôle majeur dans le diagnostic et, consécutivement, la prise en charge du retard de croissance. On note en effet (tableau IV) de bonnes caractéristiques avec une sensibilité de 56,8 %, une spécificité supérieure à 87,2 %, une valeur prédictive positive de 65,1 % et une valeur prédictive négative de 82,8 %. Si dans notre population, on ne sélectionne que les dossiers pour lesquels l’indication de la biopsie était un retard de croissance intra-utérin (122 cas), et pour lesquels les données sont complètes (98 cas), la sensibilité est de 76,9 %, avec toutefois une prévalence élevée, de 66,3 %.

Intervillite : biopsie placentaire et examen du placenta

L’intervillite chronique est une lésion caractérisée par un infiltrat dense et diffus de l’espace intervilleux par des éléments mononucléés de la lignée monocytesmacrophages. Cette lésion s’accompagne constamment d’une évolution péjorative du développement fœtal : fausse couche précoce, mort fœtale in utero dans un contexte de retard de croissance intra-utérin majeur. La récidive est de règle lors des grossesses ultérieures. La physiopathologie de l’intervillite chronique reste mal connue, cependant, l’hypothèse d’une altération des mécanismes de la tolérance immunitaire de l’allogreffe fœtale par l’organisme maternel est la plus fréquemment évoquée [6-8].

Trois cas d’intervillite chronique reconnus sur les biopsies placentaires ont été validés par l’examen anatomopathologique du placenta après l’accouchement. Il y a eu un cas de faux diagnostic positif, mais pas de faux diagnostic négatif.

DISCUSSION

Les études morphologiques des villosités choriales en cours de grossesse sont peu nombreuses dans la littérature [9, 10]. Ces travaux n’ont porté que sur des biopsies précoces (premier trimestre) et l’analyse n’a porté que sur la recherche d’une corrélation entre la morphologie des villosités choriales et une anomalie du caryotype. Les autres études sur la morphologie des villosités choriales et le caractère prédictif de cette morphologie sur une aberration chromosomique ont été pratiquées sur des produits de curetage après fausse couche spontanée ou provoquée [11-13]. Cependant, un nombre important de travaux portant sur des placentas après accouchement ont corrélé les caractères morphologiques macroscopiques et microscopiques du placenta avec les différentes pathologies observées au cours de la grossesse et notamment les pathologies toxémiques [14-16].

En accord avec les données de la littérature [10], notre étude montre que la morphologie des villosités choriales sur biopsie est peu corrélée avec un caryotype pathologique. Seules les triploïdies sont accompagnées d’altérations villositaires évocatrices quelque soit le mode de prélèvement. Les villosités sont en effet irrégulières en taille et en forme, il existe des microkystes d’invagination et des microcalcifications.

Toutefois, il convient de noter que l’intérêt d’un diagnostic d’aberration chromosomique sur une biopsie de villosités choriale est limité, dès lors qu’un caryotype est systématiquement pratiqué par des techniques conventionnelles.

 

Il n’en est pas de même pour les pathologies toxémiques pour lesquelles notre étude démontre qu’il existe, sur les biopsies de villosités choriales, des altérations morphologiques évocatrices, alors même que n’est présente aucune autre symptomatologie clinique et échographique que le retard de croissance intra-utérin. Un caryotype normal et une étude anatomopathologique des villosités qui conclut à une anomalie de type vasculaire utéro-placentaire permettent une prise en charge adaptée de cette grossesse pathologique. Ainsi, en l’état actuel des connaissances, l’étude histopathologique des biopsies de villosités choriales n’a d’intérêt que lorsqu’un prélèvement est pratiqué au deuxième ou au troisième trimestre de la grossesse pour un retard de croissance intra-utérin isolé.

Les intervillites chroniques se manifestent par une perte fœtale précoce ou un retard de croissance intra-utérin majeur. Elles présentent des caractères morphologiques spécifiques, tant sur les biopsies qu’à l’examen microscopique du placenta [6-8,15,17]. La faible prévalence de cette pathologie dans notre population (0,75 %) n’autorise pas d’étude statistique satisfaisante.

CONCLUSION

En accord avec les études antérieures, notre étude montre que l’analyse histopathologique des biopsies de villosités choriales présente un intérêt limité pour le diagnostic des anomalies du caryotype. Cependant, dans d’autres indications et notamment en cas de retard de croissance intra-utérin isolé, c’est un examen qui permet d’orienter le diagnostic vers une origine vasculaire utéro-placentaire même en l’absence de toute autre symptomatologie clinique, biologique ou échographique franche, en complément de l’analyse cytogénétique. L’amélioration des performances diagnostiques de cette analyse est dépendante de l’expérience acquise et, sans doute, de la détermination de nouveaux critères histopathologiques. Mais ces résultats associés à la simplicité de sa mise en œuvre et son faible coût permettent d’envisager la pratique systématique de l’analyse histopathologique des biopsies de villosités choriales dans cette indication.

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DISCUSSION

M. Jean-Jacques HAUW

Les techniques que vous avez utilisées se sont modifiées au fil des années. L’immunohistochimie par exemple s’est développée. Entrevoyez-vous de nouvelles améliorations de la qualité diagnostique avec l’utilisation de nouveaux marqueurs ?

Les techniques mises en œuvres ont en effet évolué, de même que nous avons dû faire initialement un apprentissage de la lecture et de l’interprétation de ces prélèvements.

Dans le domaine des développements, nous travaillons actuellement sur l’expression des marqueurs de l’angiogenèse et sur leur caractère prédictif d’une ischémie placentaire devant un taux maternel de βHCG élevé au cours du premier trimestre.

 

M. Christian NEZELOF

Vous nous offrez un matériel peu connu et vous apparaissez comme un pionnier dans cette matière… Pouvez-vous faire un commentaire sur la mosaïque placentaire ?

Un point important est que ces mosaïques limitées au placenta doivent être de type II ou III, (retrouvées en culture). Les mosaïques limitées au placenta de type I c’est-à-dire qui ne sont observées que sur l’analyse chromosomique en direct du cytotrophoblaste, n’ont aucune valeur dans le travail en cours, contrairement à ce qui est dit dans certaines publications. Ces mosaïques limitées au placenta peuvent être homogènes ou en mosaï- que ; les mosaïques limitées au placenta de type III homogènes sont les plus risquées pour le fœtus. En effet : elles ne sont retrouvées que si on les cherche ; une amniocentèse ne peut jamais les détecter ; — elles devraient être recherchées dans certaines conditions soit dans les cas ou la fraction HCG du dépistage de la trisomie est supérieure à quatre ou cinq fois la MOM soit devant la découverte d’un retard de croissance intra-utérin inexpliqué ; — parfois il s’agit d’une découverte au cours d’un diagnostic prénatal fait pour une autre raison ; — ces mosaïques limitées au placenta peuvent modifier la prise en charge de la grossesse : certains chromosomes comme le 16 et le 22 sont responsables d’un retard de croissance intra-utérin (dans tous les cas) ou d’une mort fœtale in utero (surtout le chromosome 22). D’autres chromosomes peuvent être impliqués, mais là aussi seules les mosaïques limitées au placenta de type II ou III sont à considérer. Dans les mosaïques limitées au placenta de type II ou III il est donc impératif de suivre plus régulièrement le déroulement de la grossesse ; — certaines mosaïques limitées au placenta peuvent être le témoin d’une réparation d’un embryon qui était trisomique au départ, par perte d’un chromosome supplémentaire au cours des premières divisions mitotiques après la conception. Si les deux chromosomes restants pour la paire (qui était trisomique au départ) appartiennent à un même parent on évoquera une isodisomie ou une hétérodisomie, dont la conséquence est de générer des pathologies géniques quand le chromosome est soumis à empreinte parentale : les isodisomies (les deux chromosomes de la même paire sont issus du même chromosome d’un même parent) peuvent être responsable d’une maladie récessive autosomique. Ces anomalies ne sont pas très fréquentes mais il faut les chercher pour les trouver.

 

<p>* Unité de Pathologie Fœtoplacentaire, Service d’Anatomie Pathologique, Hôpital Pellegrin, 33076 Bordeaux cedex Tirés à part : Docteur Dominique Carles, même adresse Article reçu le 2 avril 2008, accepté le 30 juin 2008</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 3, 675-690, séance du 24 mars 2009