Communication scientifique
Séance du 6 octobre 2009

Intérêt d’un indicateur synthétique pour décrire la santé en France

MOTS-CLÉS : évaluation de l’incapacité. incidence. mortalité
A population health metric for France
KEY-WORDS : disability evaluation. incidence. mortality

Alfred Spira, Annabelle Lapostolle

Résumé

Les indicateurs synthétiques de santé ont été développés au cours des dernières décennies pour répondre au besoin grandissant d’outils permettant d’estimer le poids relatif des différents problèmes de santé, les hiérarchiser et contribuer à établir des priorités en matière de politiques de santé. L’indicateur des années de vie ajustées sur l’incapacité (AVAI) correspond à un nombre d’années de vie ‘‘ en bonne santé ’’ perdues du fait de chaque problème de santé en prenant en compte à la fois la mortalité, la durée et le retentissement de la maladie sur chaque personne vivante qui en est atteinte. Le calcul des AVAI en France permet de rendre compte de manière synthétique de la santé dans notre pays. Pour les deux sexes, les pathologies arrivant en tête du classement sont non mortelles : les affections neuropsychiatriques pour les hommes (7,8 %) et la dépression pour les femmes (11,8 %). Les AVAI donnent ainsi une vision globale et facilement compréhensible de la santé en France. En conclusion, les AVAI représentent un indicateur d’importance pour décrire la santé de la population et permettre son suivi au cours du temps.

Summary

Summary population health metrics have been developed to help to determine public health priorities. Disability-Adjusted Life Years (DALYs) is an index used to express the number of years of good health lost due to a given disorder, based not only on mortality but also on the duration and sequelae. Based on the DALYs index, the leading health disorders in France, regardless of gender, are neuropsychiatric disorders (7.8 %) and depression (11.8 %).

INTRODUCTION

La baisse importante de la mortalité et l’allongement de la durée de vie observés dans les pays occidentaux, en particulier en France, amènent à s’intéresser à la qualité des années vécues aux âges avancés de la vie. Certains auteurs avancent l’hypothèse d’un impact important de la morbidité avec l’augmentation de l’avancée en âge et en consé- quence d’une augmentation du poids des pathologies, appelé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le « Fardeau Global de la Maladie » (FGM) [1].

Jusqu’à présent, les données disponibles pour décrire l’état sanitaire d’une population s’appuyaient principalement sur des données de mortalité, notamment la mortalité infantile, l’espérance de vie à différents âges, la mortalité prématurée avant 65 ans. Prendre en compte ces seules données de mortalité ne permet pas de décrire le poids d’un certain nombre de pathologies dont l’issue n’est pas fatale et dont l’incidence a augmenté dans les pays développés [2]. C’est notamment le cas d’un certain nombre de pathologies chroniques ou de pathologies mentales (dépression).

Parallèlement à cette évolution de la mortalité dans les pays développés, les pouvoirs publics ont manifesté un besoin grandissant d’outils permettant de décrire l’état de santé des populations, d’estimer le poids relatif des différents problèmes de santé afin de les hiérarchiser, de rendre compte des priorités en matière d’actions et enfin d’évaluer les actions mises en œuvre [3-6]. En France, la loi de Santé Publique de 2004 recommande l’utilisation d’indicateurs transversaux : « La publication régulière d’un ensemble d’indicateurs transversaux est un instrument de pilotage et d’amélioration de la politique de santé publique qui complète les indicateurs proposés pour les principaux problèmes de santé. Elle participe à la connaissance de la performance du système de santé. Cet ensemble d’indicateurs permet de fournir des informations synthétiques, pertinentes et compréhensibles par des publics variés :

décideurs, professionnels, usagers. » [7].

C’est dans ce contexte que des indicateurs synthétiques de santé ont été développés au cours des dernières décennies.

Les mesures du FGM produites par l’OMS [8] ont été utilisées en France dans le cadre de la préparation de la loi de Santé Publique de 2004 afin d’évaluer le retentissement des problèmes de santé. La terminologie française « Années de vie ajustées sur l’incapacité » (AVAI) 1 est proposé ici pour désigner cet indicateur, appelé en anglais « Disability adjusted life years (DALYs) ».

1. Dans les résumés en français des bulletins de l’OMS, l’indicateur considéré ici est traduit par Années de vies corrigées de l’incapacité. Le terme d’Années de vie ajustées sur l’incapacité, qui est la traduction littérale de Disability adjusted life years (DALYs), a été préféré dans la première étude française par Granados et al. à la dénomination choisie par l’OMS[3]. En effet le calcul de cet indicateur implique plus un ajustement à l’incapacité qu’une correction. De plus le terme Années de vie corrigées de l’incapacité implique une perception positive, laissant à penser qu’il s’agit d’un indicateur de bonne santé puisque corrigé de l’incapacité.

 

Il correspond au nombre d’années qui auraient été vécues ‘‘ en bonne santé ’’ et qui sont totalement ou partiellement « perdues » du fait de la survenue de problèmes de santé, qu’il s’agisse d’un décès prématuré ou de la survenue d’une maladie incapacitante affectant la qualité de vie. La mesure répétée dans le temps des AVAI en France permettrait de contribuer au suivi et à l’évaluation des politiques de santé publique.

LES ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ

Un indicateur synthétique de santé peut être défini comme une mesure qui combine des informations de mortalité et de morbidité, permettant d’évaluer rapidement et facilement la santé d’une population à un moment donné [9].

Les AVAI permettent de quantifier la différence existant entre la santé d’une population effectivement mesurée et une norme considérée comme le niveau de santé à atteindre, qui sert de référence « idéale » [8, 10].

Les AVAI combinent les données de mortalité et de morbidité. Pour chaque pathologie, les Années de vie ajustées sur l’incapacité ( AVAI) sont constituées de la somme, au niveau de la population considérée :

• des Années espérées de vie perdues ( AEVP ) du fait de la survenue du décès prématuré par une personne par rapport à son espérance de vie, et • des Années vécues avec incapacité ( AVI) pour chaque pathologie i .

 

Exemples

Considérons le cas d’un homme de 36 ans qui décède accidentellement : l’âge moyen de survenue du décès des hommes de cet âge est estimé aujourd’hui à 80 ans d’après les données de mortalité de référence. Le nombre d’années de vie perdues par cette personne du fait de son décès prématuré (AEVP) est égal à son espérance de vie « perdue », soit 44 ans.

Si on prend maintenant le cas d’une personne de 52 ans atteinte d’un cancer du sein qui sera considérée comme guérie au bout de six ans sans récidive ni métastase, après avoir subi une incapacité moyenne estimée à 60 % pendant la durée de sa maladie :

le nombre d’années vécues avec incapacité (et qui auraient été vécues sans incapacité si la personne n’avait pas été malade) sera égal à la durée moyenne de la maladie avant rémission sans séquelle ou décès (six ans) multipliée par le poids d’incapacité associé à cette pathologie pour sa classe d’âge (0,60) AVI = 6 × 0,60 = 3,6 ans

Tout se passe comme si cette personne avait, du fait de sa maladie, « perdu » 3,6 ans de vie en bonne santé ou comme si, durant les six années qu’a duré sa maladie, elle n’avait vécu que l’équivalent de 2,4 ans en bonne santé.

Le calcul sera bien entendu très différent en cas de survenue de séquelles qui affectent la qualité de vie, en tenant compte de leur durée, de leur gravité et de leur âge de survenue. Par exemple, les affections congénitales non mortelles et entraînant des incapacités importantes auront un poids considérable sur cet indicateur.

Le nombre d’AVAI pour la population dans sa totalité est égal à la somme des AVI et des AVP de chacun des individus la constituant.

Valeur des paramètres

Le choix des paramètres utiles au calcul des AVAI a été fait par l’OMS dans le but de respecter quatre principes de base :

— un indicateur synthétique de santé doit prendre en compte l’ensemble des événements qui représentent une diminution de qualité de vie (décès ou pathologie) ;

— les caractéristiques individuelles qui interviennent dans le calcul sont le sexe et l’âge ;

— deux événements de santé équivalents doivent être traités de façon équivalente quelle que soit la population considérée (la « valeur » de la vie est considérée comme égale pour tous) ;

— le temps, mesuré en années, est l’unité de mesure la plus adaptée aux événements de santé combinant mortalité et morbidité.

Pour les données de morbidité, l’OMS a fait le choix de calculer les AVAI à partir de données d’incidence de survenue des maladies.

Mortalité, durées et incidences

Dans une première phase, l’OMS a estimé les taux de mortalité par sexe et âge pour l’année 2000 au niveau national et supranational (région EURO A 2) par compilation des données disponibles dans la littérature pour chacun des états membres. La dernière année disponible était utilisée afin d’effectuer les projections pour l’année 2002[11].

Afin d’obtenir des données d’incidence au niveau national, l’OMS a dans un premier temps, estimé l’incidence des pathologies à un niveau supranational. Cette estimation a été réalisée par des groupes d’experts en se basant sur les études 2. Région d’Europe avec une espérance de vie élevée et une mortalité infantile faible qui comprend :

Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Israel, Italie, Luxembourg, Malte, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni, San Marino, Slovenie, Suède et Suisse.

épidémiologiques disponibles pour la région. Enfin, les données ont été estimées à un niveau national, par une péréquation avec les données nationales de mortalité [8, 11].

Mesure de l’incapacité

Le choix d’introduire une mesure de l’incapacité dans le calcul des AVAI nécessite de pouvoir estimer de façon simple les niveaux d’incapacité associés à chaque pathologie, exprimés en pourcentage d’incapacité par rapport à une situation optimale.

Les experts réunis par l’OMS ont choisi arbitrairement et par consensus de définir six classes d’incapacité, représentant un gradient progressif entre les deux états de santé extrêmes : la santé « optimale » et le décès.

Au total, vint-deux conditions de santé à estimer (maladie aiguë ou chronique, séquelle, symptôme permanent ou transitoire, etc.) ont été choisies de manière à couvrir un large spectre d’états de santé susceptibles d’induire des problèmes physiques (diminution motrice fonctionnelle, amputation, fracture, etc.), mentaux (psychose, retard mental léger, démence, etc.), sociaux (vitiligo, infécondité, surdité, etc.) mais également douleur (migraine, maux de gorge, etc.).

Le tableau I indique la définition de chacune des six classes d’incapacité définies et le poids correspondant à chacune d’entre elles. A une classe d’incapacité donnée correspondent plusieurs séquelles incapacitantes, considérées comme équivalentes.

TABLEAU 1. — Classes d’incapacité et poids correspondants Catégorie

Description

Poids

I Au moins une activité fonctionnelle limitée parmi les champs 0,096 suivants : loisir, éducation, procréation et activité professionnelle II Plusieurs activités limitées dans un des champs d’action sus-cités 0,220 III Limitation dans au moins deux champs d’action 0,400 IV Limitation dans tous les champs d’action 0,600 V Besoin d’aide dans la vie quotidienne pour se préparer à manger, 0,810 faire ses courses et le ménage VI Besoin d’aide dans la vie quotidienne pour manger, pour la 0,920 toilette Utilité des AVAI dans un cadre de santé publique

La pertinence de l’utilisation des indicateurs synthétiques et notamment des AVAI dans un cadre de santé publique a été soulignée à de nombreuses reprises [6]. Les principaux avantages de ces indicateurs sont de permettre de comparer la santé entre populations, suivre la santé d’une population dans le temps, prendre en compte l’effet des pathologies non mortelles sur la santé d’une population, informer les populations et les décideurs afin de prioriser les besoins en termes de prévention, de soins et de recherche et enfin de fournir un indicateur pouvant être utilisé dans des études de type coût-efficacité.

Depuis le rapport sur la santé dans le monde 1999 [12], les AVAI sont utilisés en routine chaque année dans le rapport de l’OMS afin de rendre compte de la santé mondiale. Dans cette dynamique l’OMS a basé le rapport sur la santé dans le monde de 2002 sur l’analyse du FGM et plusieurs pays ont mis en place des études du « National burden of disease ».

Choix des pathologies prises en compte

La sélection des pathologies prises en compte dans notre étude pour la France s’est appuyée sur plusieurs critères : la volonté politique d’action (objectifs de la loi de santé publique de 2004), la disponibilité a priori des données nécessaires au calcul, la possibilité d’action et enfin la part des pathologies dans la morbidité globale estimée pour la France en 2000-2001 [13].

Le choix des pathologies a été effectué afin de couvrir les catégories de la classification OMS : Maladies infectieuses et parasitaires (groupe I), maladies chroniques (groupe II) et traumatismes (groupe III).

Une attention particulière a également été portée à ce que les problèmes de santé choisis représentent une large gamme d’âges de survenue.

Cette sélection, composée de neuf pathologies ou groupes de pathologies, repré- sente près de 55 % du total des décès pour les années 2000 et 2001, années de l’étude.

La liste des pathologies sélectionnées est la suivante : VIH Sida, Cancers par localisation, Cardiopathies ischémiques, Diabète, Malformations congénitales, Asthme, Dépression unipolaire et suicide, Affections neuropsychiatriques liées à l’alcool, Accidents de la circulation.

Sources de données utilisées

Plusieurs sources de données ont été identifiées afin de recueillir les données nécessaires à l’étude des maladies sélectionnées. Il s’agit de la déclaration obligatoire des maladies pour le VIH et le Sida (InVS), des registres pour les cancers (Francim) et les accidents de la circulation (Inrets), de l’enquête ENTRED réalisée par l’InVS auprès d’un échantillon de diabétiques pour le diabète et enfin des enquêtes en population générale pour les autres pathologies, en particulier l’Enquête santé et protection sociale (Irdes) et les Baromètres santé (Inpes).

Dans la mesure du possible, les sources de données de type « registre » et déclaration obligatoire des maladies ont été privilégiées afin d’éviter les biais induits par le recueil de données déclaratives auprès des individus dans les enquêtes épidémiologiques.

FIG. 1. — Taux d’Années espérées de vie perdues (p. mille) selon le sexe et l’âge, France métropolitaine, 2000-2002.

Les données nationales de mortalité ont été transmises par le CépiDc de l’INSERM.

Elles concernent les décès domiciliés pour la France métropolitaine pour les années 2000 à 2002. Il s’agissait des données les plus récentes disponibles en France à la date du début de cette étude 3.

LES AVAI EN FRANCE

Les Années espérées de vie perdues

En France en 2000 et 2001, on comptabilise, pour les pathologies considérées, près de 6 750 000 années espérées de vie perdues (AEVP) par an. Les taux d’années de vie perdues sont supérieurs chez les hommes pour tous les groupes d’âges, avec un accroissement de l’écart entre sexes avec l’âge (Figure 1).

En ce qui concerne la répartition par âge, quel que soit le sexe, le minimum est observé pour le groupe d’âge 5-14 ans (12 p.1000 chez les hommes et 8 p.1000 chez femmes), et les taux augmentent avec l’âge jusqu’à 85 ans et plus pour atteindre leur maximum avec 444 p.1000 chez les hommes et 344 p.1000 chez les femmes. Comme pour la mortalité, le groupe d’âge 0-4 ans présente un taux d’AEVP plus élevé que 3. La généralisation en cours de la certification électronique des causes médicales de décès et leur transmission par internet permettra très rapidement de raccourcir considérablement les délais.

les groupes d’âge plus élevé (85 p.1000 pour les hommes et 70 p.1000 pour les femmes).

Chez les enfants de moins de 15 ans, les différences de répartition des AEVP entre les trois grands groupes de causes sont peu prononcées selon le sexe. Les affections transmissibles, périnatales, maternelles et nutritionnelles représentent environ 40 % de la mortalité précoce à ces âges (dont 35 % attribuables aux seules affections de la période périnatale).

Parmi les jeunes adultes (15-29 ans), les hommes se distinguent par une très forte proportion d’AEVP attribuable aux traumatismes : 69,4 %, contre 53,0 % pour les femmes.

Chez les adultes de 30 ans et plus, les différences selon le sexe sont peu marquées :

une grande majorité d’AEVP pour les maladies non transmissibles (83,4 % pour les hommes et 86,5 % pour les femmes), moins de 5 % d’AEVP pour les affections transmissibles, périnatales, maternelles et nutritionnelles et 8 à 12 % pour les traumatismes.

Quel que soit le sexe, le classement des causes fait ressortir trois grands groupes de pathologies qui se distinguent fortement des autres : les maladies de l’appareil circulatoire, les tumeurs et les traumatismes. Les cancers représentent une part importante de la mortalité prématurée (33,3 % des AEVP).

Chez les hommes, les tumeurs malignes du larynx, de la trachée, des bronches et du poumon représentent 9,2 % du total des AEVP. Chez les femmes, ces tumeurs n’arrivent que loin derrière les cancers du sein. Parmi les causes principales de mortalité prématurée, les tumeurs de la lèvre, de la cavité buccale et du pharynx apparaissent dans les dix premières places du classement chez les hommes alors que ces localisations sont absentes des dix premières causes de mortalité chez les femmes (26e rang des AEVP).

Les causes externes (traumatismes) sont également importantes. Dans le classement des AEVP les causes externes (suicides, accidents, intoxications) totalisent 14 % du total.

Le groupe des maladies de l’appareil circulatoire représente 20,8 % des AEVP.

Le classement des principales causes de mortalité prématurée diffère sensiblement selon le sexe. Quel que soit l’indicateur, trois causes se distinguent dans le classement chez les femmes : les tumeurs malignes du sein, les maladies cérébrovasculaires et les cardiopathies ischémiques qui représentent une part importante du total en comparaison des autres causes. Chez les hommes, ce sont par contre les tumeurs malignes du larynx, de la trachée, des bronches et du poumon, les accidents de transport, les suicides ainsi que les maladies chroniques du foie qui ont un impact plus important.

 

TABLEAU II. — Part des principales pathologies dans le total des AVAI pour la France, selon les estimations françaises et de l’OMS (Hommes) Estimations des auteurs pour la France % Estimations OMS % Affections neuro-psychiatriques liées à l’alcool 7,8 % Cancer de la trachée, des bronches et 5,7 % des poumons Cardiopathies ischémiques 6,3 % Cardiopathies ischémiques 5,2 % Cancer de la trachée, des bronches et 6,0 % Accidents de la circulation 4,7 % des poumons Dépression 4,4 % Affections neuro psychiatriques liées à 4,6 % l’alcool Accidents de la circulation 4,2 %

Maladies cérébrovasculaires 4,1 % Suicides 4,0 % Perte d’auditions liée à l’âge 3,5 % Maladies cérébrovasculaires 3,7 % Dépression 3,4 % Cirrhose du foie 2,5 % Suicides 3,4 % Alzheimer 2,1 % Alzheimer 2,9 % Perte d’auditions liée à l’âge 2,0 %

Broncho-pneumopathie chronique 2,8 % obstructive

Cancer du colon et du rectum 2,0 % Cirrhose du foie 2,6 % Malformations congénitales 1,9 % Cancer du colon et du rectum 2,1 % Cancer de la prostate 1,9 % Chutes 1,9 % Diabète 1,8 % Ostéoarthrite 1,8 % Broncho-pneumopathie chronique obstructive 1,7 % Diabète 1,6 % Cancer de la bouche, des lèvres et du pharynx 1,4 % Cancer de la prostate 1,6 % Chutes 1,4 %

Affections de la période périnatale 1,5 % Affections de la période périnatale 1,4 % Malformations congénitales 1,5 % Cancer du foie 1,3 % Cancer de la bouche, des lèvres et 1,5 % du pharynx VIH / Sida 1,2 % Cancer du foie 1,3 % Les pathologies en italiques sont celles pour lesquelles nous avons utilisé les taux d’incidences par sexe et âge estimés par l’OMS pour la France

Synthèse

La part des pathologies exprimée en AVAI dans le fardeau global de la maladie en France est illustrée dans les Tableaux II et III où sont présentées les vingt premières causes d’AVAI. Pour les pathologies pour lesquelles les estimations d’incidence pour la France n’ont pas été réalisées, nous avons gardé les premières estimations réalisées avec les données de mortalité française et les taux d’incidences estimés par l’OMS pour la France.

Pour les deux sexes, la pathologie arrivant en tête du classement est une pathologie non mortelle : les affections neuropsychiatriques pour les hommes (7,8 %) et la dépression pour les femmes (11,8 %). Les AVAI donnent ainsi une vision globale et facilement compréhensible de la santé en France, les AVAI correspondant à un nombre d’années de vie « en bonne santé » perdues pour chaque problème de santé.

 

TABLEAU III. — Part des principales pathologies dans le total des AVAI pour la France, selon les estimations françaises et de l’OMS (Femmes) Estimations des auteurs pour la France % Estimations OMS % Dépression 11,8 % Alzheimer 7,3 % Cancer du sein 5,0 % Dépression 7,1 % Alzheimer 4,9 % Cancer du sein 4,8 % Maladies cérébrovasculaires 4,3 %

Perte d’auditions liée à l’âge 4,4 % Cardiopathies ischémiques 3,8 % Maladies cérébrovasculaires 4,2 % Perte d’auditions liée à l’âge 2,5 %

Osteoarthrite 3,5 % Malformations congénitales 2,2 % BPCO 3,3 % Cancer du colon et du rectum 2,1 % Cardiopathies ischémiques 2,8 % BPCO 2,0 %

Migraine 2,4 % Affections neuro-psychiatriques liées à l’alcool 2,0 % Accidents de la circulation 2,0 % Osteoarthrite 1,9 % Cancer du colon et du rectum 2,0 % Accidents de la circulation 1,9 % Diabète 1,9 % Suicides 1,9 % Chutes 1,8 % Diabète 1,7 % Affections de la période périnatale 1,7 % Cancer de la trachée, des bronches et 1,7 % Cancer de la trachée, des bronches et 1,7 % des poumons des poumons Migraine 1,6 % Suicides 1,6 % Cirrhose du foie 1,5 % Malformations congénitales 1,5 % Affections de la période périnatale 1,4 %

Cirrhose du foie 1,4 % Cancer des ovaires 1,2 % Affections neuro-psychiatriques liées 1,2 % à l’alcool Chutes 1,2 %

Infections des voies respiratoires 1,2 % supérieures

Les pathologies en italiques sont celles pour lesquelles nous avons utilisé les taux d’incidences par sexe et âge estimés par l’OMS pour la France

Les résultats présentés ici diffèrent sensiblement des estimations faites par l’OMS dans le cadre du GBD 2002 pour la France, du fait de l’utilisation de données épidémiologiques réellement observées pour la France et d’estimations par l’OMS.

Chez les hommes, les affections neuropsychiatriques liées à l’alcool arrivent en première position des estimations françaises avec 7,8 % du total des AVAI chez les hommes alors que les estimations OMS ne classent cette pathologie qu’en 4e place avec 4,6 %. De la même manière l’impact de la dépression est plus fort dans les estimations françaises que pour les données de l’OMS (de la 7e à la 4e place). En revanche, pour les pathologies présentant une forte mortalité, le classement varie peu.

Pour les femmes, les trois premières pathologies responsables d’AVAI sont la dépression, le cancer du sein et la maladie d’Alzheimer, quelles que soient les données considérées. Les estimations françaises donnent un poids plus important à la dépression (11,8 %) en comparaison aux estimations OMS (7,3 %). De fortes diffé- rences sont observées dans le classement des malformations congénitales, des affections neuropsychiatriques liées à l’alcool, des migraines et des chutes.

 

DISCUSSION

La mesure des AVAI a été initialement proposée par Murray dans un but d’allocation optimale des ressources en santé, dans une perspective comparative mondiale [5]. L’utilisation qui en est proposée ici concerne le suivi longitudinal de l’état de santé de la population d’un seul pays. La perspective est donc toujours comparative, mais de façon temporelle. Elle n’est pas économique, mais, selon les termes de la loi de Santé Publique de 2004, le but est d’apporter un élément supplémentaire « pour contribuer au pilotage et à l’amélioration de la politique de santé publique ».

L’utilisation de cet indicateur réducteur à l’extrême, n’aurait bien entendu de sens que conjointement à l’utilisation d’autres indicateurs plus spécifiques de certains états de santé, aussi bien quantitatifs que qualitatifs.

Ainsi en Australie et en Nouvelle Zélande ces indicateurs sont utilisés depuis plusieurs années afin de suivre l’évolution de la santé. Et malgré l’absence d’évaluation formelle de leur utilité pour les décideurs, les auteurs de ces études notent un intérêt croissant de leur part [14].

Nos résultats diffèrent sensiblement de ce qui a pu être observé dans d’autres études nationales. Ainsi aux Pays-Bas en 1994, les cardiopathies ischémiques constituaient la première cause d’AVAI, suivies par l’anxiété avec 8,5 % du total des AVAI.

Apparaissaient également dans le classement hollandais les difficultés de vision (en 4e position) [15]. En Australie en 1996, la première cause d’AVAI étaient les cardiopathies ischémiques (12,3 % pour les hommes et 10 % pour les femmes), la dépression arrivait en 5e position pour les femmes avec seulement 1,7 % du total des AVAI et les affections neuropsychiatriques attribuables à l’alcool n’apparaissaient pas dans le classement des dix principales causes d’AVAI chez les hommes [16].

En revanche des résultats similaires à notre étude ont été observés dans le canton de Genève [17] : les cardiopathies ischémiques représentaient la première cause d’AVAI suivies par les affections neuropsychiatriques pour les hommes. Pour les femmes, la dépression arrivait en première place avec 10 % du total des AVAI (calcul avec actualisation et pondération des âges). En Serbie pour l’année 2000, les principales causes d’AVAI étaient les cardiopathies ischémiques, les maladies cérébrovasculaires, les cancers de la trachée des bronches et du poumon et en 4e position la dépression [18].

Les différences observées entre les estimations nationales et celles produites par l’OMS (tableaux II et III) montrent bien la nécessité de disposer de sources de mortalité et de morbidité pour chaque pays, celles utilisées par l’OMS provenant en grande partie d’estimations indirectes et de projections chronologiques, réalisées à partir de données anciennes.

Le calcul des AVAI nécessite des données précises pour chaque pathologie, par sexe et groupe d’âges. La qualité des sources de données épidémiologiques utilisées pour le calcul des AVAI est une composante essentielle de la qualité du résultat.

 

Pour les pathologies dont les données d’incidence sont issues de registres, elles sont fiables. Néanmoins les registres existants sont restreints géographiquement (environ 15 % de la population en France). Ainsi malgré la présence locale d’un registre des maladies cérébrovasculaires (Dijon), les seules données de ce registre ne peuvent être utilisées directement pour une extrapolation au niveau national en raison de la spécificité de la zone géographique couverte [19]. Pour cette raison l’utilisation de ratios mortalité / incidence pour une extrapolation nationale ne semble pas pertinente.

De la même manière, la présence dans le Rhône d’un registre des victimes d’accidents de la circulation permet de calculer les AVAI en disposant de données d’incidence pour plus des 40 séquelles. Mais les résultats obtenus pour le département du Rhône ne peuvent être extrapolés à la France entière.

Pour le VIH-Sida, nous avons utilisé les incidences issues de la déclaration obligatoire, qui est de création récente (2003), et donc encore sous estimée. L’exhaustivité de la notification de sida a été estimée entre 80 et 90 % [20].

Le recours aux méthodes de calcul du risque de survenue de maladie attribuable à chaque facteur de risque permettrait, au-delà du classement des pathologies, d’ordonner les différents facteurs selon le poids des maladies dont ils sont directement ou indirectement responsables. Il est ainsi clair, d’après les résultats des tableaux II et III, que l’alcool et le tabac demeurent les deux facteurs d’exposition qui sont à l’origine de la plus grande proportion du fardeau global de la maladie en France, suivis de l’ensemble des comportements à risque. La méthode proposée ici permettrait, si elle était appliquée de façon répétée au cours des années, de suivre cette évolution et ainsi de contribuer à évaluer les politiques et programmes de santé publique.

CONCLUSION

Cette étude s’inscrit dans le cadre du suivi de la nouvelle loi de Santé Publique d’août 2004. La politique nationale de santé publique a inscrit neuf principes de référence pour la définition des objectifs à atteindre et pour l’élaboration des plans stratégiques de santé publique. La mesure répétée dans le temps des AVAI en France permettrait de contribuer à l’évaluation des politiques de santé publique, en sus des indicateurs de suivi de l’atteinte des cent objectifs de santé publique, même si l’on considère à juste titre que les indicateurs synthétiques de santé, par leur globalité même, sont des instruments très réducteurs et d’interprétation difficile..

Dans un souci de fiabilité, l’utilisation des AVAI comme indicateur de suivi nécessite au préalable la mise en place de recueils de données adaptés (registres, système de surveillance fondé sur la déclaration, enquêtes transversales), ou dans certains cas, l’adaptation de systèmes de recueil préexistants (bases de données médicoadministratives type PMSI ou Sniir-AM). Ceci est particulièrement nécessaire pour certaines pathologies pour lesquelles les données sont absentes (bronchopneumopathie chronique obstructive par exemple), partielles (accidents de la circulation) ou manquant de représentativité (accidents vasculaires cérébraux).

D’autre part il semble nécessaire d’approfondir certains points méthodologiques afin de pouvoir calculer des AVAI de manière fiable en France et de permettre de rendre compte des évolutions dans le temps. En particulier, l’accent doit être mis sur une méthode efficace permettant de mettre à jour les poids d’incapacité utilisés dans le calcul pour la France et la réattribution des maladies dans les classes d’incapacité.

En conclusion, le calcul des AVAI représente un indicateur d’importance afin de décrire la santé de la population et de permettre un suivi de celle-ci au cours du temps, encore perfectible, par exemple par la disponibilité des données d’incidences au niveau régional ou départemental.

Cependant, une analyse des AVAI ne doit pas être réalisée seule. Pour décrire la santé de la population l’ensemble des données épidémiologiques doit être considéré :

indicateurs synthétiques mais également indicateurs de mortalité, d’incidence, de prévalence, etc.

REMERCIEMENTS

Au CépiDc pour la transmission des données de mortalité, ainsi qu’à la Direction générale de la santé et à la région Ile-de-France pour leur soutien financier.

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DISCUSSION

M. Roger HENRION

Serait-il possible d’envisager de faire figurer dans les indicateurs synthétiques que vous avez décrits, des situations plus complexes car impliquant éventuellement plusieurs pathologies, comme les violences conjugales par exemple ?

Ceci est théoriquement tout à fait possible en ayant recours à la méthode de calcul du « risque attribuable ». On pourrait ainsi chiffrer le poids de chaque facteur de risque ou « cause » pour chaque pathologie dont il est responsable (en cas de causalité), puis additionner ces poids respectifs. Ceci nécessite cependant de connaître, pour chacun des facteurs, la prévalence d’exposition dans la population et l’augmentation du risque relatif de survenue de la pathologie qui lui est associée, ce que l’on ne connaît pas précisément pour les violences conjugales.

 

M. Claude DREUX

Il est important de prendre en compte la qualité de vie (AVI) en plus de l’évaluation des années de vie perdues (AEVP). Les épidémiologistes l’oublient souvent. L’exemple du dépistage du cancer de la prostate est typique : la réduction de la qualité de vie (métastases osseuses…) est à prendre en considération en plus du gain de durée de vie. Cela justifie-t-il une généralisation du dépistage de ce cancer, comme celui du cancer colo-rectal ou du sein ?

La justification d’un test de dépistage réside essentiellement dans sa sensibilité et sa spécificité. En ce qui concerne le cancer de la prostate, le débat porte aujourd’hui d’abord sur sa faible spécificité, c’est-à-dire le nombre (trop) important de faux positifs pour justifier une généralisation. Ceci pourra vraisemblablement être amélioré dans les années qui viennent du fait du développement attendu de marqueurs plus spécifiques. En attendant, il est certain que la prise en compte du coût (financier, mais aussi social et psychologique) des conséquences du dépistage est un élément primordial à prendre en compte pour une stratégie de dépistage, ce que permet d’inclure le calcul des AVAI.

M. Pierre GODEAU

L’évaluation de la qualité de vie est relativement facile chez les personnes âgées en opposant les états d’autonomie et de dépendance fonctionnelle mais beaucoup plus délicate lorsqu’il faut apprécier un taux d’invalidité. Rien de commun, par exemple, entre le handicap lié à une arthrose du genou et celui lié à une insuffisance respiratoire chronique nécessitant une oxygénothérapie à domicile. Même en utilisant des facteurs de correction n’y-a-t-il pas là une difficulté majeure ? Comment éviter cet écueil ?

L’évaluation de la qualité de vie repose sur des appréciations subjectives, aussi bien de la part des patients que des praticiens. Des échelles de qualité de vie « standardisées » ont été développées pour différentes pathologies (échelle de Nottingham, SF 36, etc.). Leur utilisation est possible dans une perspective comparative, dans un suivi longitudinal de populations de patients par exemple. Si les mêmes échelles sont utilisées au cours du temps, leur faible précision affectera la puissance des analyses comparatives effectuées, mais elles ne comporteront pas de biais provenant de l’utilisation d’échelles peu sensibles mais « stables ».

M. Roger NORDMANN

Je suis surpris que les tableaux présentés individualisent « complications alcooliques » ou dépendance alcoolique » dans une liste d’états pathologiques tels que dépression, cancers ou cardiopathies. Il est cependant bien établi que l’alcool joue un rôle important dans le déterminisme de ces pathologies. Pourquoi individualiser l’alcool plutôt que le tabac, grand pourvoyeur de mortalité et de morbidité ? Ne pensez-vous pas qu’une liste de prévalence des causes de mortalité et de morbidité contribuerait mieux que celle des pathologies à la définition des priorités, notamment en matière de prévention ?

La méthodologie que nous avons utilisée est, volontairement, strictement identique à celle de l’OMS (de façon à pouvoir effectuer des comparaisons des résultats français à ceux d’autres pays). Malheureusement, la classification de l’OMS en groupes de patho- logies mélange parfois des facteurs de risque (comme la consommation d’alcool par exemple) et la survenue de pathologies qui sont la conséquence de l’exposition à ces facteurs. Ceci pourrait être corrigé en listant les pathologies étudiées, puis en calculant le poids respectif de chacun des facteurs de risque, comme indiqué plus haut. Ceci permettrait de contribuer à une meilleure définition de stratégies de prévention.

M. Jean-Jacques HAUW

Vous n’avez pas évoqué une pathologie importante : les accidents vasculaires cérébraux, pourquoi ?

Les accidents vasculaires cérébraux ont effectivement un poids très important dans la

Fardeau Global de la Maladie (FGM) dans les pays développés. Le suivi du poids de cette pathologie et de ses conséquences pourra être en partie possible par le suivi des AVAI qui leur incombent. Ceci est particulièrement important à une époque où des méthodes de traitement et de prise en charge innovantes (et efficaces) de cette pathologie sont développées, à un coût très élevé. Ce type de suivi permettra, si il est effectué, d’apporter des éléments dans un calcul de type « coût-efficacité » et donc de contribuer à des choix de santé publique.

M. Gérard MILHAUD

La multiplicité des paramètres entrant dans la composition de votre indicateur global conduit à m’interroger sur la sensibilité dudit indicateur. Pourrait-il être utilisé pour décider du choix dans la rationalisation des choix budgétaires ?

La sensibilité de cet indicateur s’est révélée être suffisante pour permettre à l’OMS de réaliser son rapport sur la santé dans le monde en 2002 et à certains pays (Nouvelle Zélande, Pays Bas) de l’utiliser dans leurs choix de politiques de santé publique. Ce type d’indicateur peut certainement, contribuer à une certaine rationalisation des choix budgétaires, en association avec d’autres indicateurs ayant une autre pertinence.

M. André VACHERON

Un indicateur de santé classique en démographie est l’espérance de vie en bonne santé (ou pour certains sans handicap). L’indicateur AVAI apparaît beaucoup plus précis mais doit être difficile à établir pour certaines pathologies. Son suivi est évidemment indispensable.

 

Avec quelle fréquence devrait-on en recueillir les éléments ?

L’espérance de vie en bonne santé est un indicateur très facile à mesurer (il l’est maintenant en routine dans les statistiques européennes Eurostat), mais très subjectif (la bonne santé ne s’apprécie pas de la même façon dans des contextes différents). En France, la loi dite de Santé Publique de 2004 doit être évaluée et éventuellement révisée tous les cinq ans. Ceci nous semble être une très bonne périodicité pour effectuer un suivi pertinent.

M. Georges DAVID

La nécessité des indicateurs de santé « objectifs » était implicitement écrite dans la loi de

Santé publique qui fixait des objectifs quantifiés aux actions de prévention et de prise en charge des pathologies. Votre indicateur a-t-il fait l’objet à cette occasion d’applications concrètes ?

Lors de l’élaboration de la loi dite de Santé Publique en 2004, le temps a manqué pour intégrer le calcul du Fardeau Global de la Maladie à l’échelle nationale. Le travail méthodologique que nous avons réalisé depuis a été réalisé en lien étroit avec le Haut Conseil de la Santé Publique, organisme en charge de l’évaluation de cette loi et de propositions pour éventuellement la modifier. L’inclusion, dans ses réflexions, du calcul de FGM, sera l’un des éléments qui pourra contribuer à fixer de nouveaux objectifs de Santé Publique.

 

<p>* Santé Publique, Hopital du Kremlin Bicêtre, 82 rue du Général Leclerc, 94276 Le Kremlin Bicêtre cedex, e-mail : alfred.spira@iresp.net **Inserm UMRS 707, 27 rue de Chaligny, 75571 Paris cedex 12 Tirés à part : Professeur Alfred SPIRA, même adresse Article reçu le 27 avril 2009, accepté le 12 octobre 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 7, 1601-1617, séance du 6 octobre 2009